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Dynamiques spatiales et temporelles de la maladie de Swollen Shoot du cacaoyer à l’échelle parcellaire

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1. INTRODUCTION

La répartition spatiale de la maladie du Swollen Shoot de cacaoyer a été peu étudiée. En effet, contrairement aux cultures annuelles, les cultures pérennes nécessitent des expérimentations longues pour un suivi satisfaisant (Thresh, 1974). De plus le virus est semi-persistant et se répand très lentement dans les parcelles. Ces insuffisances sur la connaissance du mode de propagation ont été un des facteurs des échecs de l‟éradication effectuée depuis l‟apparition de la maladie (Thresh et al., 1988b).

Selon leur mode de propagation, les épidémies des viroses peuvent être classées en deux groupes : les viroses à propagation simple et les viroses à propagation composée (Thresh, 1974). Les viroses à propagation simple admettent une seule source d‟inoculum et il n‟y a pas de contamination de plante à plante. Ce type de virose a une dispersion généralement aléatoire. Contrairement à cela, les viroses à propagation composée ont deux sources d‟inoculum: une source primaire en dehors des cultures et une source secondaire dans les cultures avec une contamination de plante à plante. Connaître le mode de dispersion de la maladie du Swollen Shoot du cacaoyer à l‟échelle de la parcelle peut contribuer à mettre au point des méthodes de lutte adaptées et efficaces. C‟est ce à quoi nous nous attelons dans ce chapitre en étudiant les dynamiques spatiales et temporelles de la maladie à l‟échelle des parcelles.

L‟objectif recherché dans ce chapitre est de montrer dans un premier temps qu‟il y a des autocorrélations entre les cacaoyers malades et aussi des agrégations entre les différents états sanitaires (sain, malade, mort);ensuite dans un deuxième temps de proposer une méthode de suivi de l‟évolution de la maladie sur deux années d‟observation de terrain. Pour cela, nous avons utilisé deux approches : Celles qui s‟appuient les méthodes statistiques et celles qui utilisent les outils des systèmes d‟information géographiques.

Dans le cadre des approches statistiques, nous avons d‟abord utilisé la fonction de Ripley pour décrire le mode de dispersion de la maladie du Swollen Shoot du cacaoyer. La fonction de Ripley a été développée à l‟origine pour caractériser la structure spatiale des couverts forestiers (Ripley, 1976; Ripley, 1977). Cette fonction permet de caractériser la structure spatiale d'un ensemble de points à différentes échelles et aussi de comparer cette structure d‟ensemble de points à une distribution complètement aléatoire (Cressie, 1993), permettant de tester si les points qui définissent la structure sont repartis de manières aléatoire, agrégée ou régulière.

Si nous considérons un ensemble de points comprenant en moyenne λ points par unité de surface. La fonction de Ripley K(r) associée à cet ensemble est par définition λ-1E(nombre de points situés à distance inférieure ou égale à r d'un point arbitraire de l'ensemble), où E(r) désigne l'espérance mathématique. Si le processus spatial est complètement aléatoire, le nombre de points moyen situé sur un disque de rayon r est λπr2, de sorte que K(r) = πr2. L‟égalité K(r) r vérifiée dans le cas d‟un processus aléatoire conduit alors à définir la

fonction transformée de Besag L(r) K(r) r plus simple d‟interprétation (Goreau, 2000) puisque L(r)=0 pour l‟hypothèse nulle. Dans le cas d‟un processus agrégé, chaque point a en moyenne plus de voisins que dans le cas du processus aléatoire, donc K(r)>πr2 et L(r)>0.

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Dans le cas d‟un processus régulier, chaque point a en moyenne moins de voisins, donc K(r)< πr2

et L(r)<0 (Ripley, 1977; Diggle, 1983; Cressie, 1993).

Nous avons utilisé, d'autre part, un test basé sur le nombre de liens entre arbres malades (Cliff & Ord, 1981). Un lien établit une connexion entre deux arbres séparés par X lignes et Y arbres le long de la ligne. Le couple (X, Y) définit alors un ensemble de liens caractérisés par une distance et une orientation entre deux arbres. Les liens relatifs au couple (X, Y) peuvent être classés dans une des trois catégories sain-sain, sain-malade ou malade-malade. Nous avons utilisé le nombre de liens malade-malade relatifs à chaque couple (X, Y) pour caractériser l'agrégation entre arbres malades. Pour chaque couple (X, Y), les liens malade sont comptés et leur nombre est comparé à la distribution du nombre de liens malade-malade sous l'hypothèse de répartition spatiale complètement aléatoire. La distribution asymptotique du nombre de liens est connue (Cliff & Ord, 1981), mais nous avons utilisé des distributions simulées en raison du faible nombre d'arbres dans les parcelles étudiées. Le niveau critique du test relatif à chaque couple (X, Y) peut être représenté sur un corrélogramme à deux dimensions. Cette méthode est analogue dans son principe à celle des classes de distance à deux dimensions (Gray et al., 1986).

Pour le suivi des épidémies végétales avec les outils de systèmes d‟information géomatiques, très peu d‟études ont été jusque là réalisées car leur utilisation dans ce domaine de recherche est très récente. Mais la gestion des épidémies végétales peut être améliorée en couplant l‟information épidémiologique aux autres informations à partir des systèmes d‟information géographiques (Merritt et al., 1999). Le SIG permet d'assembler, de stocker, de manipuler, et d‟afficher des données référencées par coordonnées géographiques (Star and Estes, 1990). L‟avantage de ces outils, c‟est qu‟ils s‟adaptent à toutes les échelles d‟étude depuis la parcelle jusqu‟à l‟échelle de la région agricole. Quelques applications ont été réalisées sur le virus de la tomate et le champignon parasite des céréales (Aspergillus flavus) en combinant la position des plantes malades avec le GPS et les approches géostatistiques pour caractériser les autocorrélations spatiales. Ces autocorrélations spatiales ont été obtenues à partir des variogrammes et les modèles épidémiologiques. Les résultats obtenus avec ces méthodes sont bien plus souvent des cartes simples, des cartes de densités et les cartes de risques de la maladie qui intègrent les conditions environnementales de l‟agent pathogène et aussi de la plante l‟hôte (Nelson et al., 1994).

Dans notre cas d‟étude, il s‟agit de décrire spatialement la répartition des différents états sanitaires de cacaoyers (sain, malade, mort) dans les parcelles à partir des cartes simples, des cartes de densité et de suivre la dynamique d‟évolution sur les deux années d‟observation en combinant les différentes informations issues des cartes de densités.

2. PARCELLES

Dans cette partie, nous avons utilisé trois parcelles expérimentales de cacaoyers (Heheti 1, Heheti 2, Heheti 3) qui avaient été mises en place par l‟Institut de Recherches sur le Café et le Cacao (IRCC) en 1989 (Dufour, 1989) dans le but d‟expérimenter l‟efficacité des plantes barrière dans le processus de retardement de la progression de la maladie de parcelle à parcelle.

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Figure 15 : Situation géographique des parcelles expérimentales de Heheti 1, Heheti 2, Heheti 3 au Togo. (a): Disposition des trois parcelles. (b): Localisation des trois parcelles sur la carte du Kloto.

Ces trois parcelles sont situées à Agou-Apegame, au lieu dit de Heheti (Figure 15b). Heheti est proche du Mont Agou et est situé géographiquement à -3,15°degrés de longitude Est et à 68,3052°degrés de latitude Nord. Heheti 1, Heheti 2, Heheti 3 sont contiguës (Figure 15a) et mesurent respectivement 0,8 hectare, 0,8 hectare, et 0,5 hectare.

Photo 9: Vues de l'état des parcelles expérimentales en 2008. (a) : Heheti 1avec un état moins dégradé. (b) : Heheti 2 avec une dégradation très avançée. (c) : Heheti 3 avec un état de dégradation très avançée.

Les jeunes plants de cacaoyers qui ont été plantés sur les parcelles de Heheti en 1989 sont des hybrides issus de pollinisation manuelle. Cette pollinisation a été effectuée à partir d‟un parent commun qui est le clone IMC67. La sensibilité de ce clone à la maladie de Swollen Shoot s‟est avérée relativement faible après un test précoce de résistance. Trois hybrides ont été utilisés dans la cadre de cette replantation : IFC X IMC67, T12/5 X IMC67, et T20/21 X IMC67. Ces hybrides ont été plantés en lignes pures et toujours dans le même ordre de la première ligne à la dernière ligne de la parcelle.

La zone de replantation était préalablement occupée par une vieille cacaoyère virosée avec la variété Amelonado qui est sensible aux virus. Ces vieux pieds d‟Amelonado ont été arrachés et brûlés, ainsi que tous les arbres probables réservoirs du virus dont Adansonia digitata,

Bombax buonopozense, Ceiba pentandra, Cola chlamydantha, Cola gigantea et Spondia mombin, susceptibles d‟héberger le virus. Le piquetage et la trouaison ont été conduits de la

même manière qu‟une replantation totale et standard avec 3m entre lignes et 2,5 m entre cacaoyers. Autour de chaque parcelle, trois rangées de caféiers dont l‟innocuité a été préalablement testée, distantes de 2,5 m, ont été plantées comme arbres de haie. Ces caféiers jouent un rôle de barrière neutre ceinturant chaque parcelle cacaoyère. Cela permet de

(a) Heheti 1 Heheti 2 Heheti 3 (a) (b) (c) (b)

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supprimer tout contact direct entre les frondaisons des cacaoyers situés de part et d‟autre de la limite commune des parcelles attenantes. Du point de vue épidémiologique, ce mode de replantation permet de d‟isoler chaque plantation et donc de diminuer les risques de contamination d‟une parcelle à une autre.

L‟état initial d‟entretien des parcelles observé en 2008 montre que les trois parcelles subissent une dégradation progressive à des degrés différents (Photo 9). La parcelle 1 est la moins dégradée (Photo 9a) et moyennement entretenue avec un traitement insecticide et le désherbage une fois l‟année, tandis que les parcelles 2 (Photo 9b) et 3 (Photo 9c) sont dans un état de dégradation très avancé et ne subissent ni désherbage ni traitement insecticide au cours de toute l‟année. La parcelle 2 était même abandonnée par le propriétaire en 2008.

3. DONNEES

Les données utilisées sont les symptômes observés au cours des deux années de campagnes 2008 et 2009 sur les trois parcelles. Chaque arbre a été inspecté une fois par campagne et noté „sain‟, „malade‟ ou „mort‟. Les arbres malades portent des symptômes sur les feuilles ou sur les tiges contrairement aux arbres sains qui n‟ont aucun signe de la maladie. Les arbres morts sont ceux qui manquent dans la ligne de plantation.

4. ANALYSE SPATIALE ET TEMPORELLE

Spatio-temporal pattern analysis of Cacao Swollen Shoot Virus in