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2 État de l’art, méthodes d’analyses fréquentielles des signaux en régimes permanent et

2.1 État de l’art

2.1.2 Dynamique de l’écoulement durant l’emballement

Divers phénomènes hydrauliques ont lieu dans une turbine. Par exemple, pour la turbine d’AxialT, des décollements peuvent se produire, notamment dans l’aspirateur, des tourbillons sont présents dans la roue [14], une interaction rotor-stator est détectable et, selon le point d’opération étudié, un éclatement tourbillonnaire (vortex breakdown) peut apparaître. Dans cette section sont abordés l’interaction rotor-stator, l’évolution de la pression dans la roue et l’éclatement tourbillonnaire vu leur récurrence dans la littérature liée à l’emballement.

L’interaction rotor-stator (IRS) est présente dans toutes les turbines hydrauliques pour tous les régimes avec une importance plus ou moins grande. Seules les turbines de moyenne à haute chute présentent des fluctuations de pression significativement élevées associées à cette interaction à cause de la vitesse de l'écoulement élevée en sortie des directrices et à la proximité entre les directrices et les aubes [22]. Ce phénomène est dû à des interactions potentielles et visqueuses entre le distributeur et la roue. L’interaction potentielle se produit à l’entrefer. La distribution non uniforme de l’écoulement sur la circonférence à la sortie des directrices est modifiée par la présence des aubes de la roue en aval. Cette distribution non uniforme signifie que la pression statique ainsi que la vitesse et l’angle d’incidence de l’écoulement varient en fonction de la position circonférentielle de la roue. L’interaction visqueuse se caractérise par la rencontre entre le sillage des directrices et une aube de la roue. La somme de ces deux interactions entraine un chargement périodique sur chaque aube de la roue auquel des fréquences prévisibles sont associées [23]. L’interaction rotor-stator se manifeste sur le champ de pression d’une aube par une fréquence égale à la vitesse de rotation de la roue multipliée par le nombre de directrices [24].

Trivedi et al. [25] ont mesuré les fluctuations de pression à l’entrefer d’une turbine modèle Francis de haute chute durant un état stabilisé d’emballement. Ils découvrirent que l’amplitude des fluctuations de pression liées à l’IRS durant l’emballement initié au BEP et à pleine charge devient de 1,8 et 2,2 fois plus élevée. L’IRS tend donc à s’amplifier durant l’emballement pour cette turbine. Il faut cependant faire attention à la représentativité de ces résultats, car les acquisitions de pression ont été réalisées à une seule position circonférentielle dans l’entrefer. De plus, aucune étude expérimentale ou numérique ne discute de l’IRS durant l’emballement

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d’une turbine de basse chute, où l’entrefer est plus grand que pour les turbines de plus haute chute, comme c’est le cas pour la turbine d’AxialT. Les essais de Trivedi et al. [25] ont aussi identifiés la présence d’une onde stationnaire dans la canalisation du banc d’essai en amont du distributeur durant les deux essais d’emballement.

Trivedi et al. [25] ont également acquis des mesures de pression sur des aubes de la roue. Il remarque que, pour un état stable d’emballement initié de la pleine charge, la pression au centre de l’intrados d’une aube diminue de 24%. Étant donné qu’à l’emballement le couple devient quasi nul, la pression à l’intrados doit, en effet, diminuer et celle à l’extrados augmenter afin de réduire le gradient de pression entre les deux faces des aubes. Ce phénomène est effectivement observé numériquement par Liu et al. [17] sur une turbine modèle Kaplan. Pour la turbine Francis de haute chute étudiée par Trivedi et al. [25], les amplitudes des fluctuations de pressions sur l’intrados d’une aube sont 2,6 fois plus élevées en régime permanent d’emballement initié de la pleine charge qu’en régime permanent au BEP. Toujours selon Trivedi et al. [25], les amplitudes de pression maximales sont atteintes dans la roue et représentent 1,4 fois celles observées dans l’entrefer et 16 fois celles dans l’aspirateur. Cette étude comporte cependant trop peu de capteurs dans la roue (trois capteurs) pour permettre de déterminer de manière approfondie l’évolution de l’amplitude de la pression sur les aubes.

Le phénomène d’éclatement tourbillonnaire peut apparaître dans l’aspirateur pour des points d’opérations différents du BEP [26]. Le type d’éclatement tourbillonnaire est qualifié selon le rapport Q11/Q11 BEP [4], où Q11 est le débit unitaire (équation 2.2) représentant le débit Q (en

m³/s) ramené pour une turbine de 1m de diamètre D (en m) fonctionnant sous une chute H (en m) de 1m.

Q11= Q

D2√H 2.2

À charge partielle, où Q11<Q11 BEP, l’écoulement absolu en sortie de roue (C en m/s) garde une

composante circonférentielle (Cθ) plus importante qu’au BEP et dans la direction de rotation

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a) Charge partielle b) BEP c) Pleine charge

Figure 2.4 Triangles de vitesses en sortie de roue lors d’opération a) à charge partielle, b) au BEP, c) à pleine charge où U, en m/s, représente la vitesse de rotation de la roue pour un rayon constant, W, en m/s, représente la vitesse relative de l’écoulement par rapport à l’aube de la roue et C, en m/s, représente la vitesse absolue de l’écoulement. Les composantes en θ et en Z représentent respectivement les composantes circonférentielle et axiale de la vitesse absolue C [4].

Pour un ratio Q11/Q11 BEP entre 0,5 et 0,85, une structure hélicoïdale (figure 2.5) apparaît dans

l’aspirateur. Cette structure est détectable par des capteurs de pression à la paroi du cône de l’aspirateur. La présence de cavitation la rend visible. Cette structure engendre deux types de fluctuations:

- les fluctuations pulsantes provoquées par le mouvement de la colonne d’eau;

- les fluctuations tournantes de même fréquence que la rotation (précession) de la structure hélicoïdale.

Ces deux fluctuations présentent la même fréquence dans un repère fixe.

Figure 2.5 Tourbillon en précession de forme hélicoïdale associé à l’opération à charge partielle de la turbine bulbe, LAMH (Crédit photo: Pierre Duquesne). CZ U W C Cθ U W C= CZ Cθ=0 CZ U W C Cθ

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La fréquence de précession se situe entre 0,2 et 0,4 fois la fréquence de rotation de la roue (froue

en Hz). Pour les charges partielles avec Q11/Q11 BEP entre 0,7 et 0,8, la structure hélicoïdale est

souvent accompagnée de phénomènes additionnels de fréquences beaucoup plus élevées. Pour un fonctionnement à très faible charge, où Q11/Q11 BEP varie entre 0,4 et 0,5, Cθ en entrée

d’aspirateur ne génère généralement pas de structure périodique aussi nette. À ces très faibles charges, l’énergie des structures est répartie sur plusieurs fréquences [4]. Durant les opérations à charge partielle, un écoulement de retour sous la roue est observé [27][4].

Durant un emballement, étant donné qu’aucune énergie n’est extraite de la roue, un important Cθ résiduel existe dans la direction de la vitesse de rotation de la roue U. Cette situation

s’apparente donc à celle à charge partielle. Il est alors possible de retrouver le même type d’instabilité en régime d’emballement que lors d’opérations à charge partielle. En effet, tout au long de l’emballement, l’aspirateur est sujet à une instabilité ayant un impact majeur sur les composantes de la turbine. Cherny et al. [19] montrent l’importance de l’aspirateur et de la structure instationnaire s’y développant grâce à des simulations numériques sur un prototype de turbine Francis. Ils comparent ses résultats avec le comportement d’un modèle de turbine Francis sur lequel des mesures ont été réalisées. Leurs simulations comportent trois différents domaines contenant: 1) un distributeur et une roue, 2) un distributeur, une roue et un aspirateur, 3) un canal d’amenée, un distributeur, une roue et un aspirateur. Les simulations reproduisent un emballement initié au BEP. Celles incluant l’aspirateur donnent des résultats plus réalistes par rapport au comportement donné par les mesures expérimentales sur modèle. En effet, une oscillation du débit Q n’est observée que pour les simulations avec aspirateur. La source de cette oscillation serait donc due à une instabilité au niveau de l’aspirateur. Cette instabilité s’apparenterait à un tourbillon de charge partielle qui se forme et se brise tout au long du processus d’emballement. La présence d’un tourbillon en précession a aussi été observée par Li et al. [28] et Liu et al. [17]. Ainsi, à l’aide de simulations d’emballement d’une turbine modèle Kaplan pour deux différents points d’opération, Liu et al. [17] remarquent la formation d’un tourbillon en précession dû à l’augmentation rapide de l’écoulement tourbillonnaire entrant dans l’aspirateur. Ce tourbillon est en rotation autour d’un axe qui, lui, est en précession par rapport à la roue. Ils détectent aussi un écoulement de retour sous le moyeu de la roue qui grandit rapidement dans l’aspirateur. De plus, des fluctuations de pression prélevées dans l’aspirateur semblent causées par la rotation du tourbillon en précession. Les simulations en emballement de Li et al. [28], effectuées sur une turbine Francis modèle pour neuf différents points d’opération, illustrent aussi un tourbillon en précession ainsi qu’un écoulement de retour

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sous la roue. Relativement aux fluctuations liées à l’instabilité dans l’aspirateur, Trivedi et al. [25] mesurent expérimentalement, à l’aide de deux capteurs de pression décalés de 180° sur la circonférence de l’entrée de l’aspirateur, des pulsations de pression à fréquence constante (0,35froue) et en phase seulement lors de l’emballement stabilisé initié à pleine charge. Ces

pulsations de pression ne se font pas sentir sur le capteur de pression au bord de fuite de l’intrados d’une aube, ce qui semble indiquer qu’elles ne se propagent pas de l’aspirateur vers l’amont dans la turbine. La véracité de cette observation peut être mise en doute, car elle repose sur la mesure d’un seul capteur au bord de fuite.

Conséquemment, la présence d’un tourbillon en précession dans l’aspirateur est attendue lors de l’analyse numérique de l’écoulement. Cette présence se fera aussi sentir lors de l’analyse fréquentielle des signaux de pression expérimentaux et numériques par l’apparition d’une fréquence représentant entre 0,2froue et 0,4froue dans un repère fixe.