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du document numérique : nouvelles caractéristiques

et différenciation(s)

3.1 - Repères 61

3.2 - Le processus d’hypertextualisation 64 3.3 - Sur les pratiques d’écriture-lecture. 67 3.3.1 - Les activités de lecture-écriture dans les œuvres

littéaires ou artistiques 70

Le processus de numérisation du signe engagé depuis ces dernières décennies, a atteint aujourd’hui un niveau de développement tel, que l’ensemble des activités, des productions humaines s’en trouve grandement affecté, du moins dans le monde “ technologiquement développé ”. Parmi ces productions subissant les effets de ce processus, ce que l’on appelle un document et en amont, les notions de trace(s), d’écriture(s) et de mémoire(s).

Ce que l’on rassemble sous le terme “ document ” est non seulement devenu plus vaste, mais nous avons à faire à présent à une population de plus en plus dynamique, ouverte, qui ne cesse de se différencier et de participer à d’autres différenciations à l’œuvre, à des niveaux d’échelles variés, par exemple, au cœur des pratiques socio-cognitives les plus diverses.

3.1 - Repères

Déjà P. Otlet avait en son temps étendu très loin, ce qui sous ce terme de document devait être subsumé : hyperdocument. “ L’évolution de la documentation se développe en six étapes. (...) Au sixième stade, un stade de plus et tous les sens ayant donné lieu à un développement propre, une instrumentation enregistreuse ayant été établie pour chacun, de nouveaux sens étant sortis de l’homogénéité primitive et s’étant spécifiés, tandis que l’esprit perfectionne sa conception, s’entrevoit dans ces conditions, l’Hyper- intelligence. “Sens-Perception-Document” sont choses, notions soudées.

Les documents visuels et les documents sonores se complètent d’autres documents, les tactiles, les gustatifs, les odorants et d’autres encore. À ce stade aussi l’“insensible”, l’imperceptible, deviendront sensible et perceptible par l’intermédiaire concret de l’instrument-document. L’irrationnel à son tour, tout ce qui est intransmissible et fût négligé, et qui à cause de cela se révolte et se soulève comme il advient en ces jours, l’irrationnel trouvera son “ expression ” par des voies encore insoupçonnées. Et ce sera vraiment alors le stade de l’Hyper-documentation. ” 1.

L’émergence des normes numériques nous rappelle, donc, l’importance des “ humbles pratiques d’écritures et d’enregistrements ” et de ce qui les affecte mais aussi des “ résistances que certains ont à “ reconnaître le rôle des inscriptions, à s’intéresser au rôle de la pratique instrumentale ” et à ce qui les affecte 2.

En ce sens, ce qui se passe aujourd’hui est aussi ancien que l’histoire de l’écriture et donc pour partie essentielle, de l’histoire de l’homme. L’émergence de l’écriture est émergence d’une stabilisation créatrice, (supposant donc divers

1

P. Otlet (1989), Traité de documentation, le livre sur le livre, Liège, Édition C.L.P.C.F.

2

B Latour (1985), “ Les vues de l’esprit ”, Culture Technique.

procès de standardisation), de modes de production de traces répétables et combinables, transportables, quels que soient les milieux associés où ces traces sont répétées, dupliquées, combinées, transformées, déplacées, où quelqu’un répète, duplique, transforme... “ Ainsi l’histoire de l’écriture revient à dire une double décontextualisation: des pictogrammes sumériens à l’alphabet consonantique sémitique, de là à l’alphabet grec, autrement dit à partir de l’union première entre le signe, le langage et le monde que réalise l’univers cunéiforme, via l’énigme du mot dans les alphabets sémitiques, pour aboutir à l’illusion sonore de l’alphabet grec, l’écriture s’est détachée du contexte; dans cette distanciation, diversement réalisée par les différentes cultures graphiques, elle a fini par rendre visible, en l’homme, les choses du langage et les choses du monde ” 3.

Premier et lent processus de normalisation autour et à partir de Sumer, autour et à partir de Sarde, qui conduit respectivement à l’émergence de l’Écriture, de la Monnaie 4.

Plus près de nous, entre l’an mille jusqu’à nos jours, langages, systèmes d’écritures, dispositifs de réplication-dissémination, n’ont cessé d’évoluer, de se différencier selon des processus complexes, impliquant des chaînes d’actants (au sens latourien) très variés. Ces processus, fruit du vaste creusement du couplage originaire “ cortex-silex ”, sont pour une large part de type associationniste et autopoïétique. Nous renvoyons, pour un exposé brillant de ces problèmes, à la deuxième partie (intitulée “ Memes and Norms”) de l’ouvrage de Manuel de Landa ; A Thousand Years of Non-linear History 5.

Parmi ces systèmes d’écritures, les plus importants, les plus connus, sont à la suite du procès de numérisation lui-même, le code ASCII, les normes et standards de réseau et de protocoles de télécommunications (Ethernet, ATM, TCP-IP, Http...), les normes de balisage des textes et documents, (Sgml, Html, Xml, TEI, HyTime...), les normes d’échanges industriels, institutionnels et commerciaux, (EDI), les normes MPEG, les normes et standards spécifiant les supports et formats logiques et matériels de l’information (disquettes, CD- Rom, DVD, ZIP...), les standards de traitement de textes, etc. 6.

3

C. Herrenschmidt (1990), “ Le tout, l’énigme et l’illusion ”, Le Débat, 62.

4

C. Herrenschmidt (1999), “ Écriture, monnaie, réseaux ”, Le Débat. 5

M. de Landa (1997), A Thousand Years of Non-linear History, Ed. Swerve.

6

Y. Marcoux, et M. Sévigny (1987), “ Why SGML, Why now ? ” Jasis, July.

In the world of electronic document formats, the following levels of standardization can be identified :

a) Secret proprietary format : A format defined by a specific hardware or software producer, and whose specifications are unpublished. The original software or hardware must be used to access the documents. Under users’ pressure, this kind of format is starting to disappear. b) Public proprietary format : A format defined by a specific producer, by whose specifications are publicly available. Others parties can develop import/export converters for the format, if they want, e.g., RTF (Microsoft’s Rich Text Format), Wordperfect.

Ces documents donc, qui viennent à l’existence aujourd’hui, présentent un certain nombre de caractéristiques générales, caractéristiques qui sont comme autant de problèmes à explorer, comme autant de questions à questionner. Examinons rapidement ces principales caractéristiques.

La première qui a été très rapidement exploitée, renvoie au problème du stockage du document numérique. Dès lors que l’on dispose de moyens de stockage adéquats, complexes, il est en effet possible de collecter et de rassembler de vastes quantités de documents dans des espaces relativement réduits. Les bases de données émergeant à la fin des années 50 et au début des années 60 ont les premières, incarnées cette possibilité.

La seconde caractéristique du document numérique c’est sa grande “ plasticité ”, c’est-à-dire les possibilités étendues que ce dernier offre, de traitements automatiques (qu’il s’agisse de textes, d’images de sons), de types de manipulations, de transformations. La troisième caractéristique, très vite perçue par exemple par Ted Nelson, ce sont les possibilités d’association(s) des documents entre eux, de parties de documents entre elles et ce quelle que soit la nature des documents associés, liés. On a évoqué à ce propos, selon nous de manière parfaitement justifiée, une “ nouvelle alliance ” images/textes/sons. Cette caractéristique est au cœur de la problématique des écritures et des mémoires “ hypertextuelles ”, “ hypermédias ”.

D’autres caractères expriment cette plasticité.

Pour aller à l’essentiel, très rapidement, l’extrême transformabilité des formats de stockage, par exemple, mais aussi l’étendue des modes de recherche, d’analyse, d’interprétation des documents ainsi qu’une grande capacité de duplication, de circulation via des réseaux électroniques, dans un espace-temps pour partie déterritorialisé, et impliquant entre autres choses, des nouvelles temporalités, des nouveaux rapports de vitesse et de lenteur concernant les pratiques d’écriture(s)/lectures

Ces caractères affectent l’histoire des traces, de l’écriture, de la pensée, les modes de répétition et de combinaison de ces traces, des signes, les modes de production et de dissémination des documents et des effets de ces modes de c) De facto standard : A public proprietary format that has become very popular and is recognized by a large number of producers, e.g., GIF (Graphic Interchange Format, introduced by Compuserve), Wordperfect.

d) Official standard : A standard defined and adopted by an official standardization body. Standardization bodies include a number of non-profit organizations or consortia, various national or international associations, as well as organizations entirely devoted to standardization on a national or international level, e.g., SGML, ODA. The International Organization for Standardization (ISO), which has its headquarters in Geneva, Switzerland, is possibly the most important standardization body in the world. In parTICular, the General Agreement on Tariffs and Trade (GATT) recognizes the precedence of ISO standards over others. SGML is an ISO standards, ISO 8879, adapoted in 1986. It is, therefore, a first-rate international standard.

dissémination (ce qui, au passage, hantait déjà Platon) 7. Sont donc

transformées les conditions nouvelles de la cognition.