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Chapitre 4/ La construction des segments professionnels

4.2. Du concept à son application aux architectes

Andrew Abbott, dans The System of Professions384 (SP), analyse sur quels fondements s’exercent les

pouvoirs professionnels, et décrit comment les groupes professionnels cherchent à les étendre ou à les stabiliser dans un espace social compétitif. Il examine les professions dans un système, dont il mesure les éléments constitutifs. Les concepts d’« arène » dans lesquelles les professions évoluent (système juridique, opinion publique, environnement de travail), « d’aires de juridictions » qu’elles défendent, et de « frontières » qu’elles tentent de contrôler, placent au cœur de l’analyse des professions la compétition.

Andrew Abbott explore la notion de profession au prisme du travail : « pour certains, la relation entre

profession et travail est simple. Il y a une liste de tâches qui doivent être réalisées, et une répartition analogue de personnes qui les réalisent. Le poste concorde avec la structure professionnelle. Mais la réalité est plus complexe ; les tâches, les professions, et les liens intermédiaires changent continuellement. Dans une certaine mesure, ces changements proviennent du monde professionnel. Les technologies, les politiques, et d’autres formes sociales divisent et regroupent les tâches. Elles inondent une profession de recrues alors qu’elles déracinent les fondements institutionnels d’une autre385 ». Par l’intermédiaire des pratiques professionnelles, les relations s’établiraient entre le

travail accompli et les professions : les pratiques se matérialisent par des problèmes que les professionnels résolvent, par la formulation de diagnostics, la suggestion de préconisations, l’apport de conclusions, la détention de savoirs académiques.

L’auteur prend en exemple les architectes pour montrer l’imbrication entre le « diagnostic », la « préconisation » et le « savoir professionnel » : « La demande d’un client porte sur l’usage d’un

bâtiment, et peut-être sur la qualité du « design ». Une telle formalité n’a que peu de poids parmi les théories de l’architecture, où les bâtiments sont classés par courants esthétiques, fonctions sociales, matériaux, par leur capacité à être réhabilités, par le flux spatial généré, et par d’autres attributs. La préconisation, par contraste, est souvent dictée par le prix, le site, les réglementations locales, les compromis entre les variables, en particulier entre les différents coûts. L’architecte ne peut pas passer du besoin du client d’un « joli entrepôt » à un projet qui résulterait d’un diagnostic générique et d’une préconisation « sur-mesure », extraite d’une grille de lecture. L’architecte praticien jongle avec de nombreuses dimensions de savoirs architecturaux, de propositions de préconisations limitées, et souvent avec la nature des demandes du client386 ». Le processus interne de conception

architecturale et la segmentation des tâches dépendent de « chaînes d’interférences » : « Dans

n’importe quel problème architectural, les chaînes d’interférences entre un diagnostic et ce qu’un client souhaite voir prescrire comme éléments de conception sont longues et complexes. Bien que des éléments de la chaîne soient logiquement subordonnés à la tâche de conception, les chaînes traversent en fait de nombreuses juridictions d’autres groupes – ingénieurs de différents types, avocats, comptables, et bien sûr constructeurs. Chacune de ces activités prend son droit de passage

384

Abbott Andrew, op. cit. 385

Ibidem. p. 35, traduction personnelle. 386

170 sur l’autonomie de l’architecture, et en fait, l’architecte devient souvent un intermédiaire, négociant avec la conception générale dans un labyrinthe gouverné par les autres387 ».

Comme dans les recherches sur les professions la fin du XXème siècle, la diversification des activités et ses effets sont mis en évidence. Représentatif d’un état des professions des années 1990, les analyses de SP méritent d’être actualisées, et trente ans plus tard, en 2016, Andrew Abbott lui-même revient sur ses anciens travaux, assurant qu’un nouveau monde des professions est apparu : « Dans

une large mesure, le monde décrit dans SP a disparu. Si je devais écrire une grande monographie sur les professions aujourd’hui, elle porterait principalement sur des organisations multiprofessionnelles, le capitalisme, le gouvernement, etc. Car tel est actuellement le monde des professions388 ». Le

sociologue témoigne d’un changement d’ère opéré en seulement vingt ans : celui du passage des professionnels dans « une ère du néolibéralisme et du capitalisme global triomphant.» Le ton d’auto dérision qu’il emploie pour le décrire accentue l’idée de la transformation rapide de la période contemporaine traversée : « En 1988, j’aurais ri à l’idée que, vingt ans après la publication de mon

livre, des radiographies de routine faites aux États-Unis seraient décryptées par des radiologues low-cost situés en Inde, grâce à Internet. Pourtant c’est bien le cas aujourd’hui389 ».

Le concept des « écologies liées » qu’Andrew Abbott développe dans « Things of boundaries390 » élargit l’argument principal de SP « en transformant un concept spécifique, valable pour les arènes de

travail des experts, en un concept général, permettant d’analyser toutes les composantes d’un processus social et leurs interactions391 ». Au-delà de l’analyse systémique des professions, il invite à

imaginer le monde social tout entier sous forme « d’écologies liées », notion qu’il emprunte à la recherche urbaine : « Lorsqu’il s’agit (…) de comprendre le fonctionnement du marché immobilier

d’une ville ou d’une région, un moyen de le faire est d’étudier l’écologie concurrentielle des entreprises agissant sur ce marché. Telle est la théorie initiée par von Thunen et développée par Burgess et Hawley entre autres392 ». La conception d’un monde social comme un ensemble

d’écologies multiples et liées entre elles se substitue à l’idée de Système des professions. Andrew Abbott accentue la dimension processuelle des transformations des structures professionnelles, il propose une élaboration plus complexe de leurs environnements.

Claude Dubar et Pierre Tripier dans Sociologie des professions mettent en lumière des continuités et des changements entre des modèles, des théories et des recherches empiriques sur le concept de « profession ». Des trois principaux modèles professionnels celui qui s’applique le mieux aux architectes est retenu : « La profession corps. Le modèle « catholique » des corps d’état393 ». En

387

Ibidem. p. 50 traduction personnelle. 388

Abbott Andrew, « Postface : Les yeux dans les yeux », in Andrew Abbott et l’héritage de l’école de Chicago, Editions de l’Ecole des hautes études en sciences sociales, Paris, 2016, (« En temps & lieux », 59) p. 446-447

389 Ibidem. 390

Abbott Andrew, « Things of boundaries », Social Research, vol. 62 / 4, 1995 391

Abbott Andrew, op. cit., p. 447 392

Abbott Andrew, Écologies liées, à propos du système des professions 393

Dubar Claude, Tripier Pierre, Sociologie des professions, Paris, A. Colin, 2011. Les trois premiers chapitres traitent des modèles. Le deuxième modèle présenté est : « La profession confrérie : le modèle collégial dans le droit germanique de

171

France, la profession s’inscrit dans ce « type idéal » du modèle catholique de la profession-corps, qui correspond à la doctrine de l’Église-Corps du Christ. Transposé à l’État, ce principe est à l’origine de la logique corporative-étatique : « l’extension de la notion de corps de l’Église à l’État, la reconnaissance

des « groupements, corps et confréries » de métiers (ministeria) à l’intérieur de l’État, l’unification du modèle corporatif, la distinction entre arts mécaniques et arts libéraux, correspondent à des conceptions et débats proprement théologiques sur la valeur du travail, la relation entre travail manuel et intellectuel, la hiérarchie des fonctions et le contrôle de leur exercice. (…) Le modèle du corps et les débats qu’il suscite deviendront inséparables de questions politiques, largement issues des controverses théologiques antérieures394 ». La valorisation du travail s’opère au XIIe siècle, les services intellectuels rendus deviennent alors rémunérés, et les corps hiérarchisés délimitent leurs territoires de compétences. Les architectes semblent exemplaires dans l’exercice de démarcation vis-à-vis des autres corps : « Dès l’origine, la hiérarchie des corps professionnels implique de multiples

stratégies de distinction comme celle de ces architectes « fiers d’eux-mêmes, signant leur œuvre de leur nom, respectés, se disant « docteurs ès pierres » et se situant sur le même rang que les moines395 », ou celles de ces corporations des métiers soucieuses de défiler le plus loin possible des moins prestigieuses396 ». La nouvelle élite professionnelle émerge, fonde sa position dans la

hiérarchie de corps et doit nécessairement être reconnue par l’État. Les auteurs font l’hypothèse que les modèles existent en nombre limité, et qu’ils donnent racine aux définitions des professions et des enjeux qui les traversent.

Ces modèles anciens et généraux, s’ils aident à comprendre la construction des édifices théoriques, ne s’y transposent pas. « La sociologie interactionniste des groupes professionnels397 » entre

particulièrement en résonnance avec l’enjeu de déceler des processus d’internationalisation professionnelle. La posture interactionniste engage les sociologues à étudier les professions comme un processus biographique et identitaire, donc à associer les analyses de trajectoires individuelles à la compréhension des groupes professionnels et de leurs logiques d’action : « Contrairement au

fonctionnalisme qui privilégie l’enjeu de l’organisation sociale, la posture interactionniste valorise les professions (métiers, emplois) comme des formes d’accomplissement de soi. L’activité professionnelle de n’importe qui doit être étudiée comme un processus biographique et même identitaire. (…) ce point de vue est insuffisant et doit être articulé avec un autre qui considère toute activité comme relationnelle et interactive, c’est-à-dire produite par un groupe de pairs, orientée vers la création d’un « ordre interne », certes provisoire mais nécessaire398 ». Le décryptage de dispositifs d’actions

internationales met en lumière des articulations entre des trajectoires individuelles, des témoignages de formes d’accomplissement au travail, des éléments relatifs aux activités, aux pratiques et aux segments professionnels. Michel Foucault dans un entretien en 1977 expliquait la notion de dispositif : « Ce que j’essaie de repérer sous ce nom c’est (…) un ensemble résolument hétérogène

394

Ibidem. p. 22 395

Duby G. « Les structures médiévales », in La France et les Français, 1980, Paris, Gallimard, Pléiade cité par Ibidem. 396

Ibidem. p. 27 397

Ibidem. Les trois chapitres de la deuxième partie sont consacrés aux théories. La première : « De Durkheim à la théorie

fonctionnaliste des professions » ; La troisième : « De Weber aux « nouvelles » théories des professions ».

398

172 comportant des discours, des institutions, des aménagements architecturaux, des décisions réglementaires, des lois, des mesures administratives, des énoncés scientifiques, des propositions philosophiques, morales, philanthropiques ; bref, du dit et aussi bien que du non dit, voilà les éléments du dispositif. Le dispositif lui-même c’est le réseau que l’on établit entre ces éléments (…)399.

Les dispositifs construisent un point de vue sur des situations existantes et sans liens nécessairement apparents ; Ils s’inscrivent dans un long processus : être, se former, devenir un professionnel, exercer dans des contextes mondialisés, inscrire une pratique et des activités dans un secteur de marché et d’activités à un moment donné, changer de secteur en cours de carrière.

Les principes d’Everett Hughes400, synthétisés par Claude Dubar et Pierre Tripier, explicitent le point de vue interactionniste sur les professions, qui ne se résume ni aux comportements des personnes qui composent un groupe, ni aux relations entre leurs activités. C’est dans la tension entre les deux que le processus d’interaction permet de comprendre « la vie des groupes et celle des individualités

qui le composent401 ».

Tableau 21 - Le point de vue interactionniste sur les professions

1. Les groupes professionnels (occupational groups) sont des processus d’interactions qui conduisent les membres d’une même activité de travail à s’auto-organiser, à défendre leur autonomie et leur territoire et à se protéger de la concurrence ;

2. La vie professionnelle est un processus biographique qui construit les identités tout au long du déroulement du cycle de vie, depuis l’entrée dans l’activité jusqu’à la retraite, en passant par tous les tournants de la vie (turning points) ;

3. Les processus biographiques et les mécanismes d’interaction sont dans une relation d’interdépendance : la dynamique d’un groupe professionnel dépend des trajectoires biographiques (careers) de ses membres, elles-mêmes influencées par les interactions existant entre eux et avec l’environnement ;

4. Les groupes professionnels cherchent à se faire reconnaître par leurs partenaires en développant des rhétoriques professionnelles et en recherchant des protections légales. Certains y parviennent mieux que d’autres, grâce à leur position dans la division morale du travail et à leur capacité de se coaliser. Mais tous aspirent à obtenir un statut protecteur.

Source : Dubar Claude, Tripier Pierre, Sociologie des professions, Paris, A. Colin, 2011, p.96

Dans la lignée interactionniste, des élèves sociologues d’Everett Hughes, encouragés à s’intéresser à des groupes professionnels de tout type, ont forgé des concepts de « segments » (Anselm Strauss) et

399

Agamben Giorgio, Rueff Martin, op. cit., p.8-9 400

Sociologue de la seconde École de Chicago, et l’un des fondateurs du courant interactionniste. 401

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de « mondes » (Howard S. Becker402). Dans « La dynamique des professions », Anselm Strauss propose un programme alternatif au courant fonctionnaliste de son époque, afin de saisir les professions en termes de processus. Alors que « Pour le fonctionnalisme, une profession est pour

l’essentiel une communauté relativement homogène dont les membres partagent identité, valeurs, définition des rôles et intérêts403 », son approche met l’accent sur la multiplicité des identités, des

valeurs, et des intérêts internes. Selon lui, « l’hypothèse de l’homogénéité relative à l’intérieur d’une

profession n’est pas absolument utile : les identités, ainsi que les valeurs et les intérêts, sont multiples, et ne se réduisent pas à une simple différenciation ou variation. Ils tendent à être structurés et partagés ; des coalitions se développent et prospèrent en s’opposant à d’autres404. Il invoque la

notion de « segment » pour montrer la multiplicité des caractéristiques internes du groupe : « Nous

utiliserons le terme de « segment » pour désigner ces groupements qui émergent à l’intérieur d’une profession. (…) Nous développerons une conception des professions comme agrégations de segments poursuivant des objectifs divers, plus ou moins subtilement maintenus sous une appellation commune à une période particulière de l’histoire405 ».

Pour repérer les limites des segments, l’auteur insiste sur les conflits d’intérêts et les changements qui les animent. Il choisit la discipline médicale pour sa démonstration. En suivant son programme, son raisonnement est transposé aux architectes406.

« Le sens d’une mission », façon dont chaque composante d'une profession conçoit son action, est rarement homogène. « La revendication d’une mission tend à prendre une forme rhétorique,

probablement parce qu’elle prend place dans le contexte d’une lutte pour la reconnaissance et l’obtention d’un statut institutionnel. » Quand des spécialités telles que le patrimoine, le design,

l’urbanisme, luttèrent et luttent encore pour obtenir des identités indépendantes de l’architecture générale, elles argumentent que leur objet d’étude exige une attention particulière et que seuls les architectes disposant d’une formation spécialisée sont compétents. La gestion humanitaire en architecture développe une argumentation similaire. Ce type de revendication sépare un domaine donné du reste de l’architecture, lui donne une importance particulière et une dignité nouvelle, et distingue un groupe de spécialistes d’autres architectes. Les spécialités s’organisent autour d’une mission centrale, et qui au fil du temps, s’élargit. Dans le patrimoine, des architectes se centrent sur la préservation et la restauration de Monuments Historiques (Architectes en chef des Monuments Historiques, ACMH). Mais d’autres se dédient à toutes formes d’intervention sur le cadre bâti existant à toutes les échelles, de l’édifice aux ensembles urbains et paysagers (Architectes des

402

On ne développera pas le concept de « mondes » car l’analyse par les « segments » est privilégiée. Pour les mondes, se référer à : Strauss Anselm-L., Bucher Rue, Baszanger Isabelle, « Une perspective en termes de monde social », in La trame

de la négociation. Sociologie quantitative et interactionnisme., L’Harmattan, Paris, 1992. Becker Howard-S., Menger

Pierre-Michel, Bouniort Jeanne, Les mondes de l’art, Paris, Flammarion, 2010 403

Strauss Anselm-L., op. cit., p. 68 404

Ibidem. p. 68 405

Ibidem. p. 68 406

Les arguments qu’Anselm Strauss avance sur les médecins sont aisément transposables aux architectes. L’énumération des éléments qui suit reprend parfois mot à mot le texte de l’auteur, avec des compléments et des suppressions, et une adaptation du contexte médical au contexte architectural.

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Bâtiments de France, ABF407). D’autres fonctionnaires dans des services déconcentrés de l’État, contribuent à la mise en œuvre des politiques publiques visant à la promotion de la qualité du cadre de vie (Architectes Urbanistes d’État). Une diversité qui repose sur des programmes de formation de spécialité au sein du Centre des hautes études de Chaillot (CEDHEC) : la mention « Architecture et patrimoine » pour les futurs ABF, et la formation post-concours des Architectes Urbanistes d’État (AUE).

La séparation entre les missions de recherche et la pratique architecturale traverse toute l’architecture et ses spécialités. Le nouveau métier de médiateur en architecture a attiré de jeunes architectes spécifiquement intéressés par la recherche et la pédagogie. Ces praticiens ne se considèrent pas comme des architectes libéraux installés en cabinet. Ils ont choisi cette voie pour les possibilités offertes en matière de recherche, de marchés, de contact direct avec des publics.

« Les activités de travail » décrivent des unités professionnelles aux modes de faire singuliers. « Une grande variété de tâches sont accomplies au nom d’une profession. Les divers segments peuvent adopter des définitions différentes des types de travail, de l’organisation du travail et des tâches prioritaires408 ». Si l’on prend pour modèle de référence l’architecte qui voit des clients, conçoit des

projets, et supervise des constructions, on constate qu’une grande variété d’architectes ne s’y conforment pas. On trouve de nombreuses formes d’exercices depuis « l’architecte libéral » jusqu’à l’architecte-expert au service d’institutions. « Ces différences dans l’importance accordée aux divers

éléments de la pratique ne prennent pas encore en compte la diversité supplémentaire qu’introduit l’importance inégale attribuée par les (architectes) à des activités comme la recherche, l’enseignement et le service public409 ». À l’intérieur des spécialités du patrimoine, des architectes

partagent à peu près également leur temps entre enseignement et recherche, d’autres divisent (en principe) leur temps entre recherche, enseignement et réalisation de diagnostics pour des maîtres d’ouvrage ; des architectes administrent un établissement de formation, effectuent des diagnostics, expertisent des dossiers institutionnels, et participent à des activités de formation. Elles s’adressent non seulement aux étudiants en architecture mais aussi à d’autres praticiens.

Considérons de nouveau les humanitaires. Il y a une grande variété dans l’étendue et les types d’exercice qui relèvent de l’action humanitaire en architecture. L’associatif tend à agir localement, sur des thématiques générales d’espace public, d’habitat, d’éducation et de santé, et aux côtés de la population destinataire. Dans les grands organismes internationaux, l’architecte humanitaire assure des missions qui couvrent aussi l’ingénierie, il se spécialise dans la construction parasismique, la gestion des risques et la logistique. Des architectes humanitaires indépendants affirment clairement une expertise économique et sociale sur les phénomènes de post-reconstruction, et travaillent pour l’élaboration de diagnostics et d’observatoires de recherche : « Ces exemples suggèrent que les

membres d’une profession n’accordent pas seulement une importance variable aux activités auxiliaires mais qu’ils ont aussi des conceptions différentes de ce qui constitue le centre de leur vie

407

Ministère de la Culture et de la communication, « Les études supérieures en France », Paris, 2009, p. 58 408

Strauss Anselm-L., op. cit. p. 72 409

175 professionnelle – l’acte professionnel qui en est le plus caractéristique410 ». Pour certains

humanitaires, l’objectif est de permettre l’accès à un toit pour tous ; pour d’autres, le montage d’opérations en zones de risques. Pour de nombreux architectes du patrimoine, il s’agit de la compréhension du bâti existant ; pour d’autres de recherche expérimentale. Les segments n’ont pas tous une activité caractéristique, un « noyau central », mais tous développent des activités associées et annexes.

Les « méthodologies et techniques » deviennent fréquemment l'enjeu de scissions ayant des effets sur le sens de la mission. Les méthodologies traduisent des divergences sur le rôle de l’architecture, de l’esthétique, ou encore de l’éthique professionnelle. Pour certains, le rôle de l’architecture est de loger les populations ; pour d’autres, de participer au développement durable de la planète. Pour