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RAPPORT DE SYNTHESE

2. DROITS PARENTAUX

2.3. Droit de visite

Les systèmes juridiques étudiés posent tous le principe du maintien des liens de l’enfant avec ses deux parents, y compris dans des cas de séparation. On considère en effet que c’est en ce sens que, du moins en général, plaide l’intérêt de l’enfant, ce que les sources suédoises par exemple soulignent avec insistance. Ces liens prennent la forme de « relations personnelles » entre

l’enfant et chacun de ses parents ou, selon les cas et les législations, d’autres personnes. Puisque ces contacts sont surtout importants pour la personne, notamment le parent, autre que celui avec qui l’enfant réside habituellement et qui, du fait de cette communauté de vie, entretient nécessairement des relations personnelles suivies avec celui-ci, c’est du « droit » ou des « droits de visite » qu’il est en général question. C’est bien cette appellation, qui figure par ailleurs dans l’intitulé du mandat et qui est encore récurrente dans la plupart des systèmes nationaux, qu’on utilisera dans ce qui suit, et ce bien que les sources internationales et un nombre toujours croissant de sources internes tendent à lui préférer l’expression, plus exacte parce que plus générale, du « droit d’entretenir des relations personnelles ».

On s’intéressera successivement à la définition du droit de visite qui se dégage des systèmes juridiques analysés (2.3.1.), aux personnes susceptibles d’en être les bénéficiaires (2.3.2.), et enfin à l’aménagement qu’il peut assumer (2.3.3).

2.3.1. Notion

La notion du droit de visite varie en général peu d’une législation à l’autre. En France, la loi évoque le « droit de visite et d’hébergement » ; puisque, ainsi qu’on le verra, le parent autre que celui qui a l’exercice de l’autorité parentale et donc la garde, peut revendiquer un tel droit, celui-ci se pose en tant que

« corollaire du droit de garde ». Il s’agit d’ailleurs, en France, d’un droit et non vraiment d’une obligation du parent, si bien que le parent peut refuser de l’exercer. Il en va différemment en Allemagne, où le Umgangsrecht, l’« entretien des relations personnelles », est un droit mais également un devoir, et, en tant que tel, ne peut être limité que dans des hypothèses bien définies. En Suède, le umgängesrätt est d’abord un droit de l’enfant, c’est-à-dire un droit de celui-ci d’avoir une relation personnelle avec ses parents; c’est donc l’intérêt et le besoin de l’enfant qui sont décisifs. Le droit de visite peut parfois s’exercer autrement que par des rencontres avec l’enfant, c’est-à-dire par téléphone ou par courrier. En Pologne en revanche, le droit de visite est un droit du parent compris comme un droit d’entretenir des « contacts personnels » avec l’enfant », osobista stycznosc ; il s’agit de toute forme de contacts physiques impliquant une communication directe et de contacts à distance possibles grâce aux moyens modernes de télécommunication. En Angleterre, le concept même du

« right to visit a child » a été abandonné par le Children Act 1989 et remplacé par l’idée des « contacts », qui sont le plus souvent organisés dans des

« contacts orders » adressés à la personne avec qui l’enfant réside. En Espagne, la disposition pertinente en la matière, l’art. 94 CCE, évoque aussi le droit de communiquer avec l’enfant et de profiter de leur « compagnie » : derecho de visitarlos, comunicar con ellos y tenerlos en su compañía. La jurisprudence précise ici de nouveau que la communication peut se faire par tout moyen et que l’autre parent est tenu d’en respecter la confidentialité.

2.3.2. Bénéficiaires

Quant aux bénéficiaires du droit de visite, il s’agit d’abord, on l’a dit, dans tous les ordres juridiques concernés, du parent autre que celui avec lequel l’enfant réside. Le droit de visite ne peut en général lui être refusé que très exceptionnellement – c’est le cas en Pologne – et notamment pour des motifs graves, énumérés exhaustivement dans la loi, encore que les formules utilisées à

cet égard soient parfois assez vagues, comme la « menace immédiate » d’après le langage jurisprudentiel polonais ou bien les « inexécutions graves ou réitérées » des devoirs qui lui incombent selon le droit espagnol ou encore la

« mise en danger du bien-être de l’enfant » en droit allemand. On notera qu’en Pologne, ce n’est que si le parent a été judiciairement déchu de ses droits parentaux qu’il peut être privé du droit d’entretenir des contacts avec son enfant, sans par ailleurs que cette conséquence s’impose automatiquement. On notera aussi qu’en Allemagne, la loi prévoit expressément le droit de visite en présence d’une tierce personne, notamment le représentant d’une association ou du Jugendamt.

Le droit de visite concerne de plus en plus d’autres personnes, membres de la famille –surtout les grands-parents– ou tiers. Ainsi, en France et en Espagne, la loi énonce que l’enfant a également le droit d’entretenir des relations personnelles avec ses ascendants mais aussi des tiers, si tel est son intérêt. Le droit allemand est plus précis sur ce point, puisque le BGB a été modifié pour introduire le droit de l’enfant d’entretenir des relations avec des personnes proches, non seulement les grand-parents, frères et sœurs, expressément mentionnées par la loi, mais également d’autres personnes avec lesquelles l’enfant entretient des relations socio-familiales très étroites. Il en va de même en Suède, où le droit de l’enfant de maintenir des relations personnelles avec d’autres personnes proches que les parents prend une certaine importance, notamment le droit de visite en faveur des grand-parents ou des parents de la famille d’accueil. Les développements du droit polonais à cet égard sont particulièrement intéressants. La loi n’évoque que le droit des parents ; d’après la jurisprudence bien établie de la Cour suprême cependant, c’est précisément de l’obligation d’assurer le développement harmonieux de l’enfant incombant aux parents que découle l’obligation pour eux de permettre des relations entre l’enfant et les autres membres de la famille susceptibles d’influencer positivement sa personnalité, au premier rang desquels se trouvent les grand-parents, la création d’une « famille multi-générationnelle » étant ainsi favorisée. En Angleterre, toute personne qui le souhaite et qui démontre qu’il est dans l’intérêt de l’enfant que l’« ordre » soit accordé, peut solliciter un contact order des juridictions anglaises, le droit anglais étant à cet égard, du moins en théorie, des plus ouverts et « généreux ».

2.3.3. Modalités d’exercice

Dans tous les ordres juridiques concernés, les parents peuvent fixer d’un commun accord l’étendue et les modalités du droit de visite du parent chez qui l’enfant ne réside pas. Le régime de ce droit doit cependant en règle générale être entériné par une autorité publique qui vérifie qu’il correspond bien à l’intérêt de l’enfant. Ainsi en Suède par exemple, l’accord des parents doit revêtir une forme particulière puisqu’il doit être écrit et signé par les parents et approuvé par le socialnämnden, conseil social de la commune, qui ne l’homologuera que s’il estime que cela est dans l’intérêt de l’enfant. En Espagne, le convenio regulador de la séparation doit impérativement contenir les modalités d’exercice des « visites et de la communication » avec l’autre parent ; avant de l’entériner, l’autorité judiciaire vérifie qu’il ne porte pas préjudice aux enfants et qu’il n’est nuisible à aucun des parents. Les droits français et polonais prévoient en substance le même type de contrôle, encore qu’une ingérence judiciaire en cas de volonté commune des parents ait, semble-t-il, assez

rarement lieu en Pologne. En Angleterre, les arrangements des parents concernant l’organisation de la vie de l’enfant fonctionnent en pratique plutôt bien et d’ailleurs, dans une large majorité des cas, le First Hearing Dispute Resolution Appointment se solde par un accord à l’amiable, faute de quoi, comme l’a dit le Président du Département de la Famille de la High Court, the « English family law courts would be overwhelmed and effectively unable to function ».

En cas de désaccord, c’est le juge qui fixe les modalités du droit de visite par une décision en général prise rebus sic stantibus qui, en tant que telle, peut être modifiée en cas de changement de circonstances encore que parfois, comme en Espagne, on prenne le soin de préciser que ces circonstances doivent être

« essentielles » et « graves ». Dans certains pays, le règlement fixé par le juge doit avoir un contenu très précis et ce afin d’éviter les conflits. En Allemagne, en France, en Suède et en Angleterre, ces décisions fixent en général minutieusement la durée, la fréquence, les modalités de rencontre, les types de contacts et, le cas échéant, les modalités de surveillance de la visite par une tierce personne, etc. Il convient également d’évoquer, notamment en Angleterre, les « prohibited step orders », soit l’interdiction faîte à une personne d’avoir des contacts avec un enfant. Quant aux frais de l’exercice du droit de visite, le principe est, notamment en Suède, que les deux parents y contribuent. Le partage des coûts est établi en fonction de la situation financière des parents.