• Aucun résultat trouvé

RAPPORT DE SYNTHESE

3. RAPPORT NATIONAL 1. Droit matériel

3.2. Droit international privé

3.2.1. L'application jurisprudentielle du règlement Bruxelles II bis

Il existe, à ce jour, peu d’illustrations de l’application du Règlement Bruxelles II bis dans la jurisprudence française, en ce qui concerne la compétence en matière d’autorité parentale et de garde d’enfant.

La Cour de cassation en a récemment fait application183 dans un cas de non retour illicite d’enfant pour refuser aux juges français la compétence de statuer au fond sur la garde. En l’espèce, les parents dont le mariage avait été dissous étaient pour le père de nationalité marocaine et néerlandaise et pour la mère de nationalité marocaine. L’enfant était né aux Pays-Bas. Après leur séparation d’après le droit marocain, le père a continué à vivre aux Pays-Bas, et la mère est restée chez ses parents, en France, avec l’enfant. Par la suite, l’autorité centrale hollandaise a saisi le ministère de la justice français d’une demande de retour de l’enfant en application de la Convention de la Haye du 25 octobre 1980 sur les aspects civils de l’enlèvement international d’enfants et du règlement CE n°

2201/2003 du conseil du 27 novembre 2003. La Cour d’appel de Reims a jugé que l’enfant avait fait l’objet d’un déplacement ou d’un non retour illicites et ordonné son retour immédiat au domicile de son père. La Cour de cassation a considéré que l’arrêt retenait exactement qu’il n’appartenait pas au juge de l’Etat requis, saisi d’une demande de retour immédiat, de statuer au fond sur la garde de l’enfant. Elle précise également que l’enfant étant né aux Pays-Bas d’un père néerlandais et y ayant résidé principalement, avant son déplacement en France, la cour d’appel a décidé à bon droit que l’autorité parentale commune, au sens de l’article 251 du Code civil néerlandais, survivait au divorce de sorte que la résidence de l’enfant ne pouvait être modifiée unilatéralement par la mère avant qu’il ne soit statué au fond. Enfin, elle relève que la décision de répudiation invoquée par la mère ne comportant aucune disposition spécifique relative à la garde exclusive confiée à la mère, la cour d’appel en a justement déduit que le

181 HC/E/USf 585 [04/01/2001; United States Court of Appeals for the Second Circuit (Etats-Unis);Deuxième instance], Blondin v. Dubois, 238 F.3d 153 (2d Cir. 2001).

182 HC/E/UKs 341 [27/04/2000; Outer House of the Court of Session (Ecosse);Première instance]

Q., Petitioner, 2001 SLT 243.

183 Cass. civ. 1ère, 17 déc. 2007, pourvoi n° 07-15393 : Bull. civ. I, n° 285.

déplacement était illicite au sens de l’article 2-11 du règlement n° 2201-2003 du 27 novembre 2003.

Dans un autre arrêt de 2008, elle a également considéré, en application du règlement Bruxelles II bis, qu’aucune disposition de droit français n’imposait au juge français de statuer en matière d’autorité parentale et que dans la mesure où la Cour d’appel avait constaté que les enfants résidaient en Belgique avec leur père, elle pouvait décider que le juge belge était mieux placé pour statuer184. Toujours en matière de compétence, la Cour d’appel d’Aix en Provence s’est prononcée, dans un arrêt du 28 juin 2007, sur la compétence des tribunaux français en matière de déplacement illicite d’enfants185. En l’espèce, le père, de nationalité française, résidait au Gabon avec l’enfant. Quant à la mère, de nationalité biélorusse, elle résidait en France. La cour d’appel a décidé qu’il convenait de déclarer compétente la juridiction saisie, en l'occurrence le TGI de Grasse, dans la mesure où en application du Règlement Bruxelles II bis, les juridictions d'un État membre sont compétentes en matière de responsabilité parentale à l'égard d'un enfant qui réside habituellement dans cet État au moment où la juridiction est saisie. Or, il apparaît que l'enfant résidait bien à Grasse jusqu'à ce que le père décide unilatéralement de le déplacer au Gabon, alors même qu'aucun emploi ou logement ne l'y attendait.

3.2.2. L’application jurisprudentielle des Conventions internationales

3.2.2.1. A. Convention de la Haye du 25 octobre 1980 sur les aspects civils de l’enlèvement international d’enfants

En ce qui concerne le droit de garde et conformément à l’article 3 de la Convention de la Haye du 25 octobre 1980, les tribunaux français font référence à l’attribution de l’autorité parentale par les décisions étrangères afin de reconnaître ou non le caractère illicite du déplacement de l’enfant par un de ses parents. Dans la plupart des décisions rendues par les juridictions françaises à ce sujet, le caractère illicite du déplacement vers la France est relevé. Tel est notamment le cas dans l’arrêt de la Cour de cassation du 10 juillet 2007186. En l’espèce, les parents avaient divorcé au Canada et la mère n’avait pas, à la suite d’un déplacement en France avec l’enfant, regagné sa résidence habituelle. La Cour d’appel avait conclu que l’accord parental prévoyait que l’autorité parentale

184 Cass. civ. 1ère, 3 déc. 2008, pourvoi n° 07-19657 : Bull. civ. I, n° 277.

185 CA Aix en Provence Ch. 6 Section B, 28 juin 2007, Juris-Data n° 2007-343323.

186 Cass. civ. 1ère, 10 juil. 2007, pourvoi n° 07-10190 ; pour d’autres exemples de décisions dans lesquelles le caractère illicite du déplacement a été retenu, voir : CA Paris, 22 mai 2008, n°

08/05966 : la cour constata que le tribunal des mineurs de Milan avait confié au père la garde exclusive de l’enfant avec obligation de le scolariser à l’école française et à charge pour les services sociaux de règlementer les rapports entre la mère et l’enfant ; CA Rouen, 30 oct.

2008, Juris-Data n° 2008-003071 : la cour constata que la famille était établie au Mexique depuis 2004. Appliquant le droit mexicain, elle décida que les parents avaient l’autorité parentale conjointe et qu’ils exerçaient conjointement le droit de garde au sens de l’article 5 ; CA Aix en Provence, 3 avr. 2008, n° RG 07121432 : la cour releva que selon l’accord des parents et la décision canadienne, les parents avaient la garde conjointe mais que la mère tentait de remettre en cause ce point. La cour rejeta cet argument au motif que la mère pouvait, à défaut d’accord du père, saisie le tribunal compétent afin de trancher ce différend.

serait conjointe, la mère ne disposant pas de la garde exclusive, en sorte que celle-ci ne pouvait pas modifier unilatéralement la résidence de l’enfant en l’absence d’autorisation du père. Elle observa, en outre, que l’accord parental n’avait pour but que de résoudre provisoirement la question de la garde en attendant une décision au fond. La Cour de cassation a donc considéré que c’était à bon droit que la Cour d’appel avait décidé que le déplacement était illicite et conclu qu’il était de l’intérêt de l’enfant de regagner l’Etat de sa résidence habituelle.

La Cour de cassation a également eu l’occasion de préciser les conditions dans lesquelles les juridictions nationales doivent surseoir à statuer sur les demandes concernant la garde. Dans un arrêt du 9 juillet 2008187, la Cour de cassation a précisé que les articles 3 et 16 de la Convention de La Haye du 25 octobre 1980 sur les aspects civils de l'enlèvement international d'enfants disposent que dès lors qu'elles ont été informées du déplacement illicite d'un enfant, les autorités judiciaires ou administratives de l'Etat contractant où l'enfant a été déplacé ou retenu ne pourront statuer sur le fond du droit de garde jusqu'à ce qu'il soit établi que les conditions pour un retour de l'enfant ne sont pas réunies ou jusqu'à ce qu'une période raisonnable ne se soit écoulée sans qu'une demande en application de la Convention n'ait été faite. Par conséquent, la cour d'appel du lieu de résidence habituelle de l'enfant (en l’espèce, la France) qui retient qu'en application de ces dispositions, il convient de surseoir à statuer sur la garde de l'enfant, alors que cette obligation ne vise que l'Etat où l'enfant a été déplacé ou retenu (en l’espèce, le Canada), viole les textes de la Convention de la Haye. La solution n’est pas différente lorsque l’Etat dans lequel l’enfant est déplacé est la France. En effet dans un arrêt du 25 janvier 2005188, la Cour de cassation a relevé que la Cour d’appel avait violé les textes par refus d’application puisqu’après avoir constaté que la décision du retour immédiat de l’enfant au domicile de son père (rendue par le Tribunal de grande instance de Tarascon) n’avait pas été exécutée, elle ne pouvait décider du fond du droit de garde et devait, à tout le moins, surseoir à statuer sur la demande de la mère (auteur du déplacement) en l’attente de la remise de l’enfant.

Toutefois, la Cour de cassation avait, à partir du milieu à la fin des années 1990, tendance à se prononcer contre le retour de l’enfant dans son pays de résidence habituelle grâce à une interprétation permissive de l’article 13 al. 1 (b) de la Convention189. Tel fut par exemple le cas dans un arrêt de la Cour de cassation

187 Cass. civ. 1ère, 9 juil. 2008, pourvoi n° 06-22090 et 06-22091 : Bull. Civ. I, n° 195.

188 Cass. civ. 1ère, 25 janv. 2005, pourvoi n° 02-17411.

189 Article 13 de la Convention du 25 octobre 1980 :« Nonobstant les dispositions de l'article précédent, l'autorité judiciaire ou administrative de l'Etat requis n'est pas tenue d'ordonner le retour de l'enfant, lorsque la personne, l'institution ou l'organisme qui s'oppose à son retour établit :

a) que la personne, l'institution ou l'organisme qui avait le soin de la personne de l'enfant n'exerçait pas effectivement le droit de garde à l'époque du déplacement ou du non-retour, ou avait consenti ou a) acquiescé postérieurement à ce déplacement ou à ce non-retour ; ou b) qu'il existe un risque grave que le retour de l'enfant ne l'expose à un danger physique ou psychique, ou de toute autre manière ne le place dans une situation intolérable.

L'autorité judiciaire ou administrative peut aussi refuser d'ordonner le retour de l'enfant si elle constate que celui-ci s'oppose à son retour et qu'il a atteint un âge et une maturité où il se révèle approprié de tenir compte de cette opinion.

Dans l'appréciation des circonstances visées dans cet article, les autorités judiciaires ou administratives doivent tenir compte des informations fournies par l'Autorité centrale ou toute

du 22 juin 1999190. Le père reprochait en l’espèce aux juges d’appel de ne pas avoir relevé de circonstances caractérisant le risque grave, qui avait été, selon lui, confondu avec l’appréciation de l’intérêt des enfants concernant la mesure de garde. Il estimait également que le retour des enfants auprès de leur père légitime et dans leur résidence habituelle ne saurait être constitutif d’une situation intolérable. La Cour de cassation a considéré que la cour d’appel avait à bon droit, pu considérer que le risque grave pouvait résulter d'un nouveau changement dans les conditions de vie des enfants, que la séparation de sa mère d'un enfant de trois ans, ainsi que la rupture de la fratrie, comportaient un danger psychologique immédiat et enfin que le retour brutal des enfants en Allemagne les placerait, compte tenu de leur jeune âge, dans une situation intolérable.

Depuis quelques années, l’interprétation de cette disposition par les juridictions françaises est beaucoup moins permissive. Dans un arrêt du 25 janvier 2005191, la Cour de cassation a considéré que « après avoir décidé que, le déplacement de l’enfant étant illicite au sens de l’article 3 de la Convention, les conditions pour ordonner son retour étaient réunies, les juges du fond, appréciant souverainement les témoignages faisant état de la violence [du mari] à l’égard de [la femme], ont estimé que l’existence d’un risque grave que le retour de l’enfant l’expose à un danger physique ou psychique ou, de toute manière, la place dans une situation intolérable n’était pas établie ». Dans une autre décision du 14 juin 2006192, la Cour de cassation a considéré que la cour d'appel avait souverainement relevé, après l'évocation des conditions de vie de l'enfant auprès de sa mère, qu'aucune attestation ne mettait en évidence une attitude dangereuse du père à l'égard de sa fille, que la preuve était établie qu'il n'était ni alcoolique, ni drogué, que l'état psychologique de l'enfant était satisfaisant, et que son père lui offrait, aux Etats-Unis, des conditions de vie favorables, avec l'assistance d'une personne diplômée d'une école d'infirmière. Par conséquent, il résultait de ces énonciations que l'intérêt supérieur de l'enfant avait été pris en considération par la cour d'appel, qui en avait déduit qu'il convenait d'ordonner le retour immédiat de l'enfant.

Cependant, certaines décisions récentes peuvent rappeler l’interprétation permissive précédemment évoquée. Tel est par exemple le cas d’une décision rendue le 9 mars 2006 par la Cour d’appel de Rouen193. En l'espèce, les parents étaient toujours mariés et aucune décision n'était intervenue pour réglementer les droits des parents sur leur enfant. La cour d’appel relevait que le père avait consenti au départ de son épouse avec l'enfant "pour quelque motif que ce soit"

et s'engageait à les suivre dans les meilleurs délais, qu’il était d'accord pour que l'enfant quitte le territoire mexicain puisqu'un passeport mexicain avait été établi pour l'enfant. Selon les juges, il résultait, en outre, des courriers électroniques échangés par les époux, que le mari exprimait son souhait de divorcer et "de ne plus vouloir rien savoir de son épouse et de son fils" et enfin, aucun élément ne

autre autorité compétente de l'Etat de la résidence habituelle de l'enfant sur sa situation sociale. »

190 Cass. civ. 1ère, 22 juin 1999, pourvoi n° 98-17902 ; et antérieurement, voir : Cass. civ. 1ère, 12 juil. 1994, Rev. crit. 84 (1995), p. 96 note MUIR WATT.

191 Cass. civ. 1ère, 25 janv. 2005, pourvoi n° 02-17411.

192 Cass. civ. 1ère, 14 juin 2005, pourvoi n° 04-16942.

193 CA Rouen, 9 mars 2006, Juris-Data n° 2006-299594.

permettait de déduire que l'épouse avait l'intention de divorcer lorsqu'elle est partie en France. Le déplacement, s'étant fait avec l'accord exprès du père, ne peut être considéré comme un déplacement illicite.

3.2.2.2. B. Convention de la Haye du 5 octobre 1961 concernant la compétence des autorités et la loi applicable en matière de protection des mineurs

En ce qui concerne la compétence juridictionnelle sur le fondement de la Convention de la Haye de 1961, la Cour de cassation a dans un arrêt du 20 février 2008194, déterminé la résidence des enfants en France afin de reconnaître la compétence du juge français. Elle a relevé qu’en l’espèce, malgré l’installation professionnelle de l’épouse en Suisse et la scolarisation des enfants dans ce pays, la mère et les enfants se rendaient en France en fin de semaine et que la volonté des époux était de maintenir le domicile familial en ce lieu. Elle a considéré qu’il en résultait que la résidence des enfants au sens de l’article 1 de la Convention de la Haye de 1961 était fixée en France et que la cour avait pu dire la juridiction française compétente.

Les décisions de la juridiction suprême française ne sont pas très nombreuses.

Dans les décisions des juridictions inférieures, les juges n’hésitent pas à soulever que plusieurs juridictions peuvent être compétentes, écartant l’application des articles 14 et 15 du Code civil195, chefs exorbitants de compétence. Ainsi, dans un arrêt du 21 juin 2004 rendu par la Cour d’appel de Rouen196, celle-ci avait relevé que dans la mesure où l’enfant mineur pour lequel les parents se disputaient la fixation de la résidence principale ayant la nationalité française et résidant licitement en Allemagne, les autorités des deux pays en cause pouvaient aux termes de la Convention de la Haye du 5 octobre 1961 et dans l’attente de l’entrée en application du règlement communautaire n° 2201/2003 du 27 novembre 2003, prendre des mesures tendant à la protection de sa personne ou de ses biens, si elles estimaient que l’intérêt du mineur l’exigeait. Après avoir retenu que le juge français était bien compétent, la Cour d’appel précisa que l’application de la Convention de la Haye rendant cette compétence non exclusive, le juge allemand pouvait lui aussi se déclarer compétent197. Par conséquent, les articles 14 et 15 du Code civil ne s’appliquaient pas, sans qu’il soit nécessaire d’examiner la renonciation du demandeur au bénéfice du privilège édicté par ces articles.

194 Cass. civ. 1ère, 20 février 2008, pourvoi n° 07-12581.

195 Art. 14 du Code civil : « L’étranger, même non résidant en France, pourra être cité devant les tribunaux français, pour l’exécution des obligations par lui contractées en France avec un français ; il pourra être traduit devant les tribunaux de France, pour les obligations par lui contractées en pays étranger envers des français. »

Art. 15 du Code civil : « Un Français pourra être traduit devant un tribunal de France, pour des obligations par lui contractées en pays étranger, même avec un étranger. »

196 CA Rouen, 1 juin 2004, Juris-Data n° 2004-263373.

197 Si les deux juges se déclarent compétents, on aboutira à une situation de litispendance, sur le règlement d’une telle situation, v. E. GALLANT, Responsabilité parentale et protection des enfants en droit international privé, Defrénois, 2004, n° 269 et s.

La Cour d’appel de Paris a, quant à elle, exclu la compétence du juge français dans un arrêt du 14 mars 2002198. Elle a retenu que le système de compétence prévu par les articles 1,3 et 4 de la Convention de la Haye du 5 octobre 1961 exclut l’application des articles 14 et 15 du Code civil. En l’espèce, le père d’un enfant de nationalité française résidant en Suisse auprès de sa mère a saisi la juridiction française sur le fondement de la nationalité française de l’enfant. La Cour d’appel a retenu que l’installation en Suisse de la mère n’étant pas frauduleuse, celle-ci ayant obtenu un contrat de travail avantageux en Suisse, que le système suisse de protection était comparable à celui de la loi française et que la juridiction suisse était la mieux placée par sa proximité pour apprécier l’intérêt de l’enfant. Il en résulte que la juridiction française était incompétente pour organiser le droit de visite du père.

3.2.3. Le droit international privé national

Les informations relatives au droit international privé national sont présentées dans l’Annexe.

198 CA Paris, 14 mars 2002, Juris-Data n° 2002-213156.

ALLEMAGNE