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Drainage des films savonneux verticaux

6.4 Etude exp´ ´ erimentale

7.1.1 Drainage des films savonneux verticaux

Nous avons vu au paragraphe 2.2.4 le mod`ele de Mysels, Frankel et Shinoda [72] pour le drainage gravitaire de films libres verticaux sous l’hypoth`ese d’interfaces li-quide/air rigides. Nous introduisons `a pr´esent des mod`eles de drainage faisant appel `a une description plus fine de la condition aux limites aux interfaces, incluant par exemple la pr´esence de gradients de tension de surface ou de viscosit´e interfaciale. Notons que tous les mod`eles et donn´ees exp´erimentales d´ecrits dans ce paragraphe concernent des films verticaux statiques : le film est d´ej`a form´e `a l’instant initial et l’on observe son ´epaisseur diminuer au cours du temps. Il s’agit d’une situation beaucoup plus ´etudi´ee dans la litt´erature mais un peu diff´erente de celle qui nous int´eresse, `a savoir le drainage d’une film savonneux vertical au cours de sa g´en´eration.

Contrainte de Marangoni due `a l’´evaporation

En mesurant le temps de vie de films de verre fondu verticaux en fonction de la temp´erature, Pigeonneau et al. [81] ont constat´e une stabilit´e accrue de ces films aux temp´eratures T > 1150 C, bien que la viscosit´e d´ecroisse avec la temp´erature. Afin

d’expliquer cette observation, ils proposent l’existence de gradients de tension de sur-face dˆus `a l’´evaporation, `a haute temp´erature, d’un oxyde de sodium contenu dans le verre et poss´edant des propri´et´es tensioactives.

Pigeonneau et al. d´ecrivent le drainage de ces films par un mod`ele d’´ecoulement exten-sionnel, que nous avons d´ej`a ´evoqu´e dans le paragraphe 6.1.2 dans le cas o`u le gradient de tension de surface est nul. La variation de tension de surface associ´ee `a l’´evaporation de l’oxyde de sodium est introduite sous la forme d’une fonction de l’´epaisseur h(x, t) du film

γ = γ0+ ∆γ

1 + h/2δ, (7.1)

o`u ∆γ est une quantit´e positive ne d´ependant que de la nature du verre utilis´e et δ est l’´epaisseur de la couche de d´epl´etion en oxyde de sodium, sous l’interface. Pour des valeurs de δ suffisamment grandes, les r´esultats du mod`ele montrent que l’´epaisseur du film se stabilise, apr`es une phase transitoire de drainage, `a une valeur d’´equilibre stationnaire, en accord quantitatif avec les donn´ees exp´erimentales.

Visco´elasticit´e interfaciale en pr´esence de tensioactifs

Plusieurs mod`eles ont ´et´e propos´es pour d´ecrire le drainage des films verticaux statiques, stabilis´es par des tensioactifs insolubles. Deux configurations sont principa-lement ´etudi´ees : celle d’un film entour´e de toutes parts par un cadre solide (Schwartz & Roy, voir figure 6.1a) et celle d’un film statique tenu en haut par une fibre et reli´ee, en bas, au bain de liquide par un m´enisque (Naire et al., voir figure 6.2a).

D´ej`a ´evoqu´ee au paragraphe 6.1.2, l’approche de Schwartz & Roy [94] consiste `a s´ epa-rer le champ de vitesse verticale u(x, y, t) en une contribution « bouchon » u0(x, t) et une contribution cisaill´ee u1(x, y, t) v´erifiant une condition de non-glissement aux inter-faces. Leur mod`ele permet ainsi de passer continˆument d’un ´ecoulement extensionnel `

a un ´ecoulement cisaill´e.

Apr`es avoir examin´e le cas des films de liquide pur (voir paragraphe 6.1.2), Schwartz & Roy [94] incluent dans leur mod`ele des tensioactifs insolubles, dont le transport convec-tif aux interfaces liquide/air du film est `a l’origine de gradients de tension de surface, par l’interm´ediaire de l’´equation d’´etat linaire (2.13). Ils ajoutent ´egalement `a la pres-sion de disjonction une contribution r´epulsive, en plus de la composante attractive de van der Waals.

`

A l’aide de cette description, Schwartz & Roy montrent qu’en pr´esence de tensioactifs insolubles, l’´ecoulement dans le film est extensionnel au tout d´ebut du drainage, avant de devenir cisaill´e lorsqu’un gradient de tension de surface s’installe. Ils observent ´ ega-lement que les contributions relatives des composantes extensionnelle u0 et cisaill´ee u1

au d´ebit dans le film d´ependent de la concentration initiale en tensioactifs. `A faible concentration, ces deux contributions sont du mˆeme ordre de grandeur, tandis qu’`a forte concentration la composante extensionnelle devient n´egligeable et les interfaces se comportent essentiellement de mani`ere rigide.

Une g´eom´etrie plus proche de la nˆotre est celle d’un film statique tenu en haut par une fibre et reli´ee, en bas, au bain de liquide par un m´enisque (voir figure 6.2a). Le drainage de tels films, stabilis´es par des tensioactifs insolubles, a ´et´e ´etudi´e de mani`ere extensive par Naire, Braun & Snow en pr´esence d’effet Marangoni, ´eventuellement pi-lot´e par des ´equations d’´etat non-linaires [12] et de viscosit´e interfaciale constante [73] ou d´ependante de la concentration [74].

(a)L’´epaisseur h du film est mesur´ee par Berg et al. en fonction du temps (symboles) durant la phase de drainage libre (la ligne verticale en trait plein mat´erialise la fin de la g´en´eration), `a une position fix´ee dans le film. Cette courbe de drainage est ajust´ee par l’´equation (7.2) (ligne en trait plein). L’insert en ´echelle logarithmique montre que le drainage suit une loi de puissance d’exposant β proche de−1 `a temps longs.

(b) L’exposant de drainage β tir´e de l’ajustement de l’´equation (7.2) sur les courbes de drainage est repr´esent´e en fonction de la vitesse d’entraˆınement initiale U , qui d´etermine l’´epaisseur initiale du film. Deux comportements distincts sont observ´es, selon que la concentration en SDS est sup´erieure (2 % SDS, symboles vides) ou inf´erieure (0.1 % SDS, symboles pleins) `a la concentration micellaire critique.

Figure 7.1 – (a) Ajustement des courbes de drainage exp´erimentales et (b) extraction de l’exposant de drainage β en fonction de la vitesse d’entraˆınement initiale U du film. Figures adapt´ees de Berg et al. [7].

Approche effective : longueur de glissement aux interfaces

Berg et al. [7] ont ´etudi´e exp´erimentalement le drainage de films verticaux de SDS `a diff´erentes concentrations au-dessus et en-dessous de la cmc, ´eventuellement en pr´esence de glyc´erol. Les films sont entraˆın´es `a une vitesse U comprise entre 0.003 et 10 mm/s, jusqu’`a atteindre une longueur de 10 mm environ, o`u la g´en´eration est stopp´ee et le film draine librement.

Les courbes d’´epaisseur h en fonction du temps, dont un exemple est pr´esent´e sur la figure 7.1a (symboles), sont ajust´ees `a l’aide d’une fonction de la forme

h(t) = h0[1 + α(t − t0)]β (7.2) (courbe en trait plein sur la figure 7.1a). L’exposant de drainage β se r´ev`ele ind´ependant de la position verticale dans le film. Sa valeur ne d´epend pas non plus de la vitesse d’entraˆınement initiale U pour les concentrations sup´erieures `a la cmc et vaut β = −1.15 ± 0.1. Pour les concentrations inf´erieures `a la cmc, Berg et al. observent que β diminue lorsque la vitesse d’entraˆınement initiale d´ecroˆıt, jusqu’`a atteindre environ −1.7 (figure 7.1b).

Ces valeurs d’exposants de drainage sont en d´esaccord avec la pr´ediction β = −1/2 du mod`ele de drainage capillaire avec interfaces rigides [3]. Ceci conduit Berg et al. `a proposer un mod`ele de drainage capillaire avec une vitesse de glissement aux interfaces, donn´ee par la condition de Navier (4.3) introduite au paragraphe 3.1.1. Les variations de l’´epaisseur adimensionn´ee Y = h/h0en fonction du temps T = t/tc(o`u tc = 3η`4

c/(γh3 0)) et de la position verticale X = x/` (o`u ` = h0/(3Ca)1/3) sont alors r´egies par l’´equation

TY + ∂X∂XXXY (Y3+ BY2) = 0 avec B ≡ 3b h0

. (7.3)

La r´esolution du mod`ele pour B = 10, c’est-`a-dire une longueur de glissement b ≈ 3h0, leur permet d’obtenir un exposant de drainage β ≈ −1.1, relativement ind´ependant du profil d’´epaisseur initial utilis´e, et en bon accord avec les donn´ees exp´erimentales.