• Aucun résultat trouvé

4 Physiopathologie

4.1 Données immunologiques

La réponse physiologique à une infection virale est générée initialement au niveau cellulaire, le virus étant à même de déclencher plusieurs signaux via l’activation des PRR cellulaires (Pattern Recognition Receptor). La présence d’ARN viral au sein de la cellule représente notamment un signal fort de danger qui va déclencher les voies interférons et ses molécules cibles (IRF Interferon Regulator factors) ainsi que la voie NFkB. Ainsi les premières lignes de défense sont l’induction des interférons (IFN) de type I et III (IFNet) et la production de facteurs chimiotactiques à l’origine du recrutement localement de cellules inflammatoires, conduisant ensuite à la production de cytokines proinflammatoires.

La réponse innée à l’infection par le SARS-CoV-2 présente des caractéristiques particulières.

En effet des données récentes semblent indiquer que la réponse IFN est déficiente après infection par le SARS-CoV-2 [1] alors même que la production de chimiokines (CCL2, CCL8) et de cytokines proinflammatoires (IL6, IL1RA) reste normale voire exagérée (cf plus loin). De manière intéressante il a également été montré que le récepteur cellulaire du SARS-CoV2, l’ACE2, étant lui-même une protéine de la famille des ISG (interferon-stimulated genes) et donc inductible par l’IFN, permettant au virus de détourner la réponse cellulaire et favoriser sa propre réplication [2].

Les formes les plus sévères du Covid-19 et notamment les formes pulmonaires semblent associées à une « tempête cytokinique » telles qu’on les observe dans les réactions systémiques après utilisation de CAR T cells3 ou dans le syndrome hémophagocytaire [3].

Ainsi chez les patients atteints de Covid-19, des différences significatives dans les niveaux plasmatiques d'IL6 et de CRP qui lui est directement liée - mais également d’autres cytokines comme l’IL1 (et l’IL1RA) ont été observées à différents stades de la maladie avec une expression plus élevée dans les cas graves que dans les cas bénins [4-8]. L’augmentation du taux sanguin de polynucléaires neutrophiles, en lien avec l’inflammation, est également chez les patients atteints de Covid-19 un facteur de mauvais pronostic [9].

De plus, dans les échantillons de biopsie à l'autopsie d'un patient ayant présenté un Covid-19 sévère, l'examen histologique a montré des dommages alvéolaires diffus avec des exsudats fibromyxoïdes cellulaires et des infiltrats inflammatoires mononucléaires interstitiels suggérant une lésion immunitaire sévère [10].

L’ensemble de ces données laissent entrevoir le Covid-19 comme une maladie avec une composante immunopathologique importante (cf. figure 1) posant un rationnel à l’utilisation de traitement immunomodulateur soit à visée anti virale (IFN de type 1) soit à visée anti inflammatoire (anti IL6, IL1RA, corticoïdes) dans les formes modérées à sévères. L’existence d’une composante immunopathologique semble d’ailleurs être une des caractéristiques des infections à coronavirus responsables de formes graves que ce soit chez l’Homme ou chez l’animal. L’implication des différentes cytokines dans la physiopathologie de cette maladie et l’impact des différents traitements immunomodulateurs sont synthétisés dans la figure 2

3 Les CAR-T cells (pour cellules T porteuses d’un récepteur chimérique) sont des thérapies géniques. Ces nouveaux traitements – utilisés pour le moment en onco-hématologie – sont fabriqués à partir des lymphocytes T du patient qui, une fois modifiés génétiquement et réinjectés, sont capables de reconnaitre et de détruire spécifiquement les cellules cancéreuses. Ils sont administrés en une injection unique.(référence CP HAS : https://www.has-sante.fr/jcms/c_2970845/fr/car-t-cells-des-medicaments-prometteurs-que-la-has-reevaluera-pour-en-confirmer-le-potentiel )

Haut Conseil de la santé publique 38 /291 Cytokines utilisées dans les maladies inflammatoires et leur rôle dans l’infection COVID-19.

a | cytokines impliquées dans la pathogénèse des maladies inflammatoires à composante immunologique montrant leur impact en terme de risque infectieux secondaire (le rouge est égal au risque et vert est égal à aucun risque). b | Rôle des cytokines au cours du COVID 19. AC, cellule alvéolaire; ACE2, angiotensin converting enzyme 2; AD, dermatite atopique; CD, maladie de Crohn; JAK, Janus kinase; NK, tueur naturel; PMN, polynucléaires neutrophiles ; PsO, psoriasis; PR, polyarthrite rhumatoïde; SARS - CoV-2, coronavirus 2 du syndrome respiratoire aigu sévère; SpA, spondyloarthrite; Cellule TEFF, cellule effectrice T; Cellule Treg, cellule T régulatrice; UC, maladie de Crohn (Scheitt G et al, Nature Rev Immunol, 2020 doi : &0.1038/s41577-020-0312-7)

Schéma adapté de Schett, G., Sticherling, M. & Neurath, M.F. COVID-19: risk for cytokine targeting in chronic inflammatory diseases?. Nat Rev Immunol 20, 271–272 (2020). https://doi.org/10.1038/s41577-020-0312-7

On dispose de moins de données sur la mise en place de la réponse adaptative anti SARS-CoV-2. L’étude de cette dernière dans les autres infections à coronavirus chez l’Homme peut toutefois apporter des résultats intéressants pour mettre en perspective les premiers résultats obtenus dans le cadre du Covid-19.

Peu d’études ont été effectuées sur la réponse contre les coronavirus responsables d’infections non graves chez l’Homme, souches NL63, 229E (groupe I, alphacoronavirus) et HKU1, OC43 (groupe II, betacoronavirus). On retient que l’immunité mise en place est de courte durée en tout cas lorsqu’elle est appréciée par la mesure du taux d’anticorps s’échelonnant entre 5 mois [11] et 1 an [12] expliquant les cycles d’infection tous les 2 à 3 ans chez l’adulte [13].

Les résultats concernant l’infection par le SARS-CoV sont plus nombreux et sans doute plus pertinents eu égard à la plus grande proximité phylogénique des deux virus, et à la similarité des tableaux cliniques qu’ils induisent. On retrouve dans le cadre du SARS la mise en place d’une réponse anticorps dès J7 [14, 15], atteignant un pic au 4ème mois après le début de la symptomatologie pour redescendre ensuite progressivement. Le pourcentage de sujets encore séropositifs à 6 ans est de moins de 10% [14, 15] ; des anticorps délétères favorisant les lésions pulmonaires typiques de cette infection ont pu être retrouvés dans les modèles vaccinaux chez le macaque [16]. De manière troublante, l’effet délétère observée in vitro avec ces anticorps sur des macrophages en culture (conduisant à leur faire acquérir un profil pro-inflammatoire) a également été observé avec l’utilisation de sérums provenant de patients décédés du SARS mais pas avec du sérum de patients ayant guéri de l’infection [16]. Enfin, le rôle de la réponse T a clairement été démontré dans le modèle d’infection SARS chez la souris, celle-ci étant nécessaire et suffisante pour contrôler la réplication du virus [17]. Chez l’Homme, une réponse T anti SARS-CoV a également été retrouvée et semble persister plus longtemps que la réponse humorale, plus de 10 ans chez certains patients [18]. La présence d’anticorps neutralisants au cours de l’infection par le SARS-CoV a conduit à étudier l’intérêt thérapeutique de l’utilisation de sérums de convalescents. Les études effectuées, si elles n’ont pas mis en évidence d’effet bénéfique majeur, ont permis de s’assurer de la tolérance clinique de l’approche [19].

Une étude vient d’être publiée concernant la réponse T anti SARS-CoV-2 [20] et est résumée dans la figure ci-dessous.

Haut Conseil de la santé publique 39 /291

Il s’agit d’une étude ne concernant que 20 patients. Cependant, elle montre des résultats intéressants avec des implications en termes de design de vaccins et d’évolution de la pandémie dans les années à venir. Tous les patients ont eu une infection Covid-19 confirmée par PCR, et les études ont été réalisées à distance de la phase aiguë (J20-J35), Les auteurs ont retrouvé des réponses T CD4+ chez 100% des patients. Ces réponses couvraient la protéine S mais de manière plus fréquente qu’au cours des autres infections à coronavirus, et également d’autres protéines comme M, N et nsps (cf. figure). Les réponses T CD8+

semblaient un peu moins fréquentes mais présentes toutefois chez 70% des patients. Les réponses T CD8+ étaient également dirigées vers plusieurs protéines, les réponses anti S ne représentant que 26 % de l’ensemble. Ceci conduit à réfléchir à la diversité des antigènes à inclure dans un vaccin, antigènes qui ne devraient pas à se limiter à ceux présents uniquement dans la protéine S. D’autre part, et contrairement à ce qui est observé pour les anticorps, les auteurs retrouvent une réactivité croisée notable de la réponse spécifique T CD4+ anti SARS-CoV-2, et de manière moins importante T CD8+, avec des réponses contre des coronavirus saisonniers (HCoV-OC43 et NL63). On ne connaît pas l’impact de cette réactivité croisée mais, s’il s’avérait qu’elle soit efficace et confère un certain degré de protection contre l’infection ou contre la sévérité de la maladie, alors ceci aurait un impact notable sur le risque de résurgence de nouvelles flambées épidémiques [21]. Une étude

Schéma adapté de Grifoni et al., 2020,Targets of T Cell Responses to SARS-CoV-2 Coronavirus in Humans with COVID-19 Disease and Unexposed IndividualsCell 181, 1489–1501 https://doi.org/10.1016/j.cell.2020.05.015

Haut Conseil de la santé publique 40 /291

récente, publiée dans la revue Science, démontre, au moins dans le modèle macaque et à tout le moins à court terme, que l’infection induite par le SARS-CoV-2 semble protectrice.

Dans cette étude, qui a inclus 9 animaux, ceux-ci ont tous présenté, après infection par le SARS-CoV-2, une pathologie, avec cependant des signes cliniques modérés. La charge virale a été retrouvée élevée dans le tractus respiratoire et une réponse adaptative B et T a été mise en évidence. A noter que chez 4 animaux supplémentaires une étude anatomopathologique a mis en évidence des images de pneumopathie interstitielle inflammatoire. De manière intéressante les 9 animaux initiaux ont été réinfectés à J35. Cette réinfection s’est accompagnée chez tous les animaux d’une augmentation très rapide de la réponse anamnestique et d’un contrôle très rapide de la réplication virale avec très peu de signes cliniques, permettant de conclure à l’effet protecteur de la réponse induite après infection [22].