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5.1 Appareil respiratoire

La description des lésions s’est attachée aux lésions pulmonaires. Les données histo-pathologiques disponibles, se résumant à quelques observations obtenues à des temps variables, rapportent, à des degrés divers :

 des dommages alvéolaires (diffus en cas de SDRA), à type d’œdème exsudatif et cellulaire, d’épaississement des parois alvéolaires avec hyperplasie des pneumocytes de type 2 et infiltrat fibroblastique, de membranes hyalines, d’infiltrat inflammatoire volontiers monocytaire, parfois multi-nucléé, et lymphocytaire ;

 des inclusions virales peu fréquentes ;

 des lésions de pneumonie organisée plus ou moins fibrineuse aiguë ;

 de la congestion vasculaire ;

 des lésions endothéliales d’intensité variable [1-3].

5.2 Autres localisations (rein, cœur, peau, etc.)

L’atteinte rénale associée au Covid-19 apparait fréquente et probablement multifactorielle.

En termes de présentation, elle peut associer à la fois l’insuffisance rénale aiguë (IRA) et une protéinurie abondante, voire un syndrome néphrotique. Ainsi dans l’étude prospective de Cheng et al, parmi 701 patients d’un âge médian de 63 ans, 43,9 % avaient une protéinurie significative, 26,7 % une hématurie et 5,1 % une IRA au cours de l’évolution. L’atteinte rénale était associée à un pronostic vital péjoratif [4]. Ces données ont été confirmées dans une autre série chinoise retrouvant 75,4 % d’anomalies du sédiment urinaire ou d’IRA parmi 333 patients [5]. De façon intéressante, une réversibilité de la protéinurie et de l’IRA était observée dans une majorité de cas (respectivement 68,5% et 47,5 %), alors que la mortalité était de 11,2 % dans le groupe avec atteinte rénale et de 1,2 % dans le groupe sans atteinte rénale [5].

Malgré ces données concernant la prévalence de l’atteinte rénale et son rôle pronostique délétère, peu d’études anatomopathologiques ont précisé les lésions rénales sous-jacentes.

Soulignons que l'enzyme de conversion de l'angiotensine 2 (ACE2), récepteur du SARS-CoV-2, est exprimé de façon large, notamment dans le tubule rénal, et les podocytes (cellules épithéliales spécialisées du glomérule responsable de la filtration glomérulaire) [6]. Parmi les rares analyses histologiques rapportées (essentiellement post-mortem), prédominent les lésions de nécrose tubulaire aiguë [6], et de glomérulopathie de type hyalinose segmentaire et focale (dans des formes classiques ou collapsantes) [7]. Cette dernière semble plus fréquente dans la population occidentale qu’asiatiques, suggérant une susceptibilité génétique potentielle chez les patients atteints (polymorphismes de l’apolipoprotéine L1), susceptibilité retrouvée dans d’autres atteintes glomérulaires similaires [7-10]. Les lésions rénales pourraient être en rapport avec une atteinte directe du virus, des inclusions virales pouvant être retrouvées dans les cellules tubulaires et les podocytes, même si ces données sont discutées (en absence de positivité des marquages en hybridation in situ) [7-10]. Une atteinte rénale indirecte liée aux troubles de perfusion ou au syndrome inflammatoire systémique associé [9] pourrait également expliquer les lésions tubulaires et glomérulaires.

Enfin, les lésions endothéliales microvasculaires sont fréquemment décrites comme associées au tableau de nécrose tubulaire ou de podocytopathie [7, 11]. Ces lésions peuvent correspondre à une endothélite inflammatoire ou à des lésions de microangiopathie thrombotique [7, 11]. Ces lésions endothéliales sont également retrouvées dans d’autres organes (notamment le poumon), et pourraient être favorisées par l’hypercoagulabilité systémique ou la réponse inflammatoire exacerbée, impliquant notamment le système du

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complément, dont l’inhibition est en cours d’évaluation de façon prospective (NCT04346797, 8).

La prise en charge immédiate des anomalies rénales reste essentiellement symptomatique et peu spécifique du Covid-19. Elle associe l’arrêt des néphrotoxiques et le maintien d’une hémodynamique correcte. L’interaction entre le virus et l’ACE2 a rapidement fait poser la question d’un effet délétère ou bénéfique des bloqueurs du système rénine angiotensine aldostérone (inhibiteurs de l’enzyme de conversion et bloqueurs d e récepteur à l’angiotensine). A ce jour, les études observationnelles publiées suggèrent plutôt l’absence d’effet délétère [12] voire un effet protecteur de ces traitements sur l’évolution du Covid-19 [13]. Des essais randomisés contrôlés portant sur l’utilisation du losartan (antihypertenseur de la famille des antagonistes des récepteurs de l’angiotensine II) notamment sont en cours (NCT04312009). Ainsi, les sociétés savantes européennes et nord-américaines recommandent de ne pas arrêter systématiquement ces traitements chez les patients à risque de Covid-19 ou atteints de Covid-19. La biopsie rénale se discute en cas d’anomalies rénales persistantes, et d’incertitude diagnostique, notamment en présence de protéinurie significative. Toutefois, ce geste peut être complexe dans le contexte d’atteinte respiratoire et d’anticoagulation. Le syndrome néphrotique pourra justifier une anticoagulation efficace selon le taux d’albumine plasmatique, et un traitement par diurétiques, selon la symptomatologie associée. Malgré le pronostic potentiellement favorable, avec récupération ad integrum et disparition de la protéinurie [5], un suivi spécifique à distance est nécessaire pour documenter formellement l’évolution de l’atteinte rénale liée au Covid-19.

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