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1 Traitement de support « standard of care » (SOC)

1.6 Corticoïdes en unités de médecine

Des études précédemment menées dans le cadre d’infection par le SARS-CoV ou le virus grippal A/H1N1 [26] ont objectivé une augmentation de la charge virale des patients traités précocement par corticoïdes avec notamment un sur risque de mortalité, de pneumopathie acquise sous ventilation et une plus longue durée de ventilation mécanique.

La cohorte observationnelle rétrospective chinoise multicentrique de Wu et al. [27] a évalué l’effet des corticoïdes chez des patients atteints de formes graves et critiques de Covid -19, nécessitant ventilation, réanimation, ou en état de choc ; la mortalité était supérieure sous corticoïdes chez les patients avec formes graves (HR ajusté 2,83 ; IC 95 % 1,72 à 4,64) et critiques (HR à 3,02 ; IC 95 % 1,59-5,73). Cette étude de cohorte rétrospective de niveau de preuve faible suggère une surmortalité sous corticoïdes, mais avec des limites méthodologiques importantes.

Dans une étude nord-américaine multicentrique quasi-expérimentale avant après réalisée au Michigan chez 213 adultes infectés SARS-CoV-2 présentant une maladie Covid-19 modérée à sévère, un traitement court par methylprednisolone 0,5 à 1 mg/kg/jour en IV pendant 3 jours a été évalué. Le traitement par corticostéroïdes était associé à une réduction significative de la durée médiane d’hospitalisation (8j vs 5j, p < 0.001). L’analyse multivariée en régression logistique montrait une réduction des évènements composites du critère de jugement principal à J14 (réanimation ou intubation ou mort) : (ORa 0,41 [0,22 – 0,77]) [28].

Plusieurs études sont en cours en Chine, États-Unis et en France dont 4 études randomisées (ChiCTR2000029656; NCT04244591; NCT04273321 ; ChiCTR2000029386), une étude prospective non randomisé (ChiCTR2000030481) et une étude rétrospective (ChiCTR2000030812).

L’adjonction de corticoïdes au cours du traitement de la pneumonie aiguë communautaire a montré dans les deux essais cliniques randomisés les plus récents une diminution de la durée de séjour à l’hôpital de 1 à 1,5 jour sans avoir d’impact significatif en termes de mortalité ni d’effets indésirables graves exceptés les épisodes d’hyperglycémie [29, 30].

5 C14 : Macrolides à 14 atomes de carbone

6 C15 : Macrolides à 15 atomes de carbone

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Les résultats préliminaires de l’étude RECOVERY [31], (essai randomisé, contrôlé, ouvert, adaptatif, comparant une gamme de traitements possibles vs les soins de support chez les patients hospitalisés pour Covid-19), de niveau de preuve élevé, a montré que l’utilisation de la dexaméthasone à la posologie de 6 mg par jour, pour une durée maximale de 10 jours, permettait de réduire la mortalité à J28 (critère principal d’évaluation) d’un cinquième chez les patients hospitalisés pour Covid-19 avec pneumonie oxygéno-requérante, sans ventilation mécanique invasive (23,3 % vs 26,2 %, RR 0,82 [IC à 95 % 0,72 à 0,94]).

1.6.1 Corticoïdes et aggravation

Les corticoïdes sont discutés à la phase inflammatoire de la maladie Covid-19, afin de réguler « l’orage cytokinique ». Ceci correspondrait cliniquement à une situation où les symptômes généraux persistent, les patients étant oxygéno-requérants avec un syndrome inflammatoire biologique.

Données sur le SDRA hors Covid-19 :

Une étude randomisée récente (139 patients dans le groupe dexaméthasone, 138 patients dans le groupe contrôle, avec un effectif d’inclusion de 88 % de l’objectif initial), pour des pathologies non liées au Covid-19, a suggéré un effet favorable des corticoïdes dans le SDRA [32]. Une dose de 20 milligrammes de dexaméthasone une fois par jour pendant 5 jours puis 10 milligrammes une fois par jour les 5 jours suivants permettaient de réduire significativement le nombre de jours passés sans ventilation mécanique (différence de 4,8 jours sur 4 semaines d’évaluation) et la mortalité (21 % vs 36 %) à 60 jours sans augmenter significativement la proportion d’effets indésirables. Toutefois, cette étude a été stoppée prématurément du fait d’un rythme d’inclusion insuffisant, présentant ainsi d es biais méthodologiques.

Dans une méta-analyse de 2015 regroupant 12 essais et cumulant 1974 patients, la corticothérapie était associée à une réduction significative de la mortalité, du recours à l’intubation/ventilation mécanique et à l’apparition d’un SDRA [33].

Dans la grippe, la dernière méta-analyse regroupant 10 essais et cumulant 6548 patients montrait que les corticoïdes étaient associés à une surmortalité, une augmentation du séjour en réanimation et à une augmentation des infections secondaires [34]. La dernière revue COCHRANE confirmait cette surmortalité des corticoïdes dans la grippe même en essayant d’analyser plus finement les questions de timing et de doses de corticoïdes [35].

Données sur le SDRA lié aux coronavirus

Dans les pneumonies à Coronavirus analysées dans une méta-analyse récente regroupant 15 études cumulant 5 270 patients, les corticoïdes étaient associés à une surmortalité, une augmentation du séjour en réanimation et à une augmentation des infections secondaires [36]. Il faut noter que les patients traités par corticoïdes étaient plus sévères.

Dans une étude rétrospective réalisée spécifiquement chez les patients infectés par le MERS coronavirus, les patients recevant les corticoïdes étaient aussi les plus sévères et la corticothérapie, après ajustement par modèle structurel marginal, était associée à une augmentation de la clairance du virus sans être significativement associée à une surmortalité [37].

Données sur le SDRA dans le Covid-19

Dans les pneumonies à SARS-CoV-2, il n’existe que des données rétrospectives. Dans une première série de 46 patients chinois, 26 d’entre eux avaient reçu une corticothérapie (1 à 2 mg/kg/j de méthylprednisolone) qui était associée à une amélioration de la saturation en oxygène et un moindre recours à la ventilation mécanique [38]. Dans une cohorte rétrospective de 201 patients chinois, parmi les 84 patients ayant développé un SDRA, ceux ayant reçu une corticothérapie avaient un risque de décéder moins important alors qu’ils étaient initialement plus sévères sur le plan respiratoire [27].

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Les recommandations de la « Surviving Sepsis Campaign » concernant la prise en charge des patients sévères infectés par Covid-19 avec SDRA intubés et ventilés suggèrent la possibilité d’administrer des corticostéroïdes systémiques avec un niveau de preuves faible (recommandation 42 dite « faible, avec un niveau de preuves de faible qualité ») [1].

Les recommandations de l’OMS sur les traitements adjuvants dans l’infection Covid-19 sont de ne pas administrer systématiquement des corticostéroïdes pour le traitement de la pneumonie virale en dehors des essais cliniques [39].

Chez les patients hospitalisés pour Covid-19 non oxygéno-requérants, l’IDSA se prononce contre l’utilisation des glucocorticoïdes (recommandation conditionnelle, faible niveau de preuve) [40].

1.6.2 Corticoïdes et fibrose

L’infection pulmonaire induite par le SARS-CoV-2 induit des lésions épithéliales et endothéliales responsables d’altérations pulmonaires majeures responsables d’un œdème inflammatoire, avec desquamation épithéliale plus ou moins étendue. La réparation de ces lésions passe par une phase d’organisation de l’exsudat, puis par une phase de résorption.

En cas de réparation inefficace, une évolution vers la fibrose est possible. On ne sait pas si certains patients ayant une infection à SARS-CoV-2 développent une fibrose à distance de l’infection aigüe. On peut cependant en faire l’hypothèse en fonction des connaissances acquises lors des épidémies de SARS-CoV de 2003 et de MERS-CoV.

À la suite de l'épidémie de SARS de 2003, il a été rapporté que de nombreux patients survivants ont développé une fibrose pulmonaire résiduelle [41, 42]. Des changements à long terme ont également été décrits chez les patients survivant à l'infection par MERS-CoV avec des altérations de la fonction pulmonaire et des séquelles radiologiques, plus fréquemment observées et marquées chez les patients les plus sévères [43].

Dans l'ensemble, ces données suggèrent qu'une proportion importante de patients atteints du SARS et du MERS ont développé des séquelles pulmonaires fibrosantes, associées à une capacité d'exercice et une qualité de vie altérées.

Les corticoïdes et les immunosuppresseurs ont été testés dans la fibrose pulmonaire idiopathique [44]. Le consensus actuel est en défaveur de ces traitements qui sont considérés délétères [45, 46]. En revanche, les corticoïdes et les immunosuppresseurs sont utilisés de façon routinière dans le traitement des fibroses pulmonaires associées aux connectivites ou dans la pneumopathie d’hypersensibilité chronique. Il s’agit de maladies caractérisées par une inflammation pulmonaire chronique, qui joue probablement un rôle dans le développement de la fibrose. Le bien-fondé de ces traitements repose sur des avis d’expert, sauf dans la fibrose pulmonaire associée à la sclérodermie, dans laquelle un essai thérapeutique randomisé contre placebo a démontré l’effet bénéfique du cyclophosphamide administré par voie orale pendant 12 mois [47], tandis qu’un second essai montrait une efficacité similaire et une moindre toxicité pour le mycophénolate mofétil [48].

En revanche, les traitements anti-fibrosants ont démontré leur capacité à ralentir l’évolution de la fibrose au cours de pathologies diverses. Il s’agit du nintédanib dans la fibrose pulmonaire de la sclérodermie et dans les fibroses progressives non idiopathiques [49, 50], et de la pirfenidone dans les fibroses pulmonaires inclassables [51].

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L’ensemble de ces données ne sont pas en faveur de l’administration systématique de corticoïdes chez les patients ayant des signes de fibrose pulmonaire sur les tomodensitométries thoraciques. L’indication de la corticothérapie est posée au terme d’une discussion multidisciplinaire comportant des experts en pathologie interstitielle pulmonaire après une démarche diagnostique systématique telle qu’elle est recommandée chez un patient suspect de fibrose pulmonaire idiopathique [46]. Il est notamment indispensable de s’assurer d’un éventuel diagnostic différentiel, l’infection révélant une maladie pré-existante méconnue, ou déclenchant une maladie autoimmune. La réalisation d’une endoscopie bronchique avec lavage broncho-alvéolaire est indispensable.

Au cours de la même discussion multidisciplinaire, l’indication d’un traitement fibrosant sera discutée, et l’inclusion dans un essai thérapeutique évaluant les anti-fibrosants pourra être proposée.