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Domaines d’occurrence d’un double dividende

Dans le document The DART-Europe E-theses Portal (Page 175-179)

Efficacité macroéconomique de la substitution d’une taxe carbone à des prélèvements obligatoires sur le travail

2 L’hypothèse du double dividende revisitée

2.3 Domaines d’occurrence d’un double dividende

La réforme marginale peut‐elle induire une baisse du chômage, ou bien, ce qui est équivalent  dans ce modèle, une hausse de la production ? En partant d’une situation initiale donnée, l’analyse  du signe de l’équation 1530 montre que la réponse dépend des hypothèses sur la sensibilité des  salaires à l’évolution de l’activité et sur la sensibilité des échanges extérieurs à l’évolution des prix. 

On trouve alors un double dividende pour certains domaines du plan (εX, εw) (Figure 40)31

 

Figure 40 Effet d’une réforme marginale sur l’activité selon les hypothèses sur les sensibilités des salaires et des échanges extérieurs

Si εX>1, c’est‐à‐dire si une variation de 1% des prix fait varier de plus de 1% les volumes  d’exportation, un double dividende est obtenu quelles que soient les hypothèses  formulées sur la réponse des salaires. 

Si 0<εX<1, la sensibilité des volumes d’exportation au prix est moindre. L’effet de la  réforme sur l’activité et l’emploi dépend alors de la sensibilité des salaires. Cette  sensibilité doit être suffisante pour obtenir un second dividende. Dans ce domaine, le  niveau requis de sensibilité augmente avec le niveau de sensibilité des exports aux prix. 

Le mécanisme se précise lorsqu’on étudie le signe des dérivées des variables du système  complet. Cette étude se limite en fait à l’analyse du signe de la variation des prix. Les signes de  l’évolution du salaire net w et du volume de production Y sont par hypothèse les opposés de celui du        

30 Cf. annexe mathématique, page 192.

31 Dans cette analyse nous nous limitons au cas où le pays finance ses importations d’énergie par ses exportations (X>0) et où εX et εw sont positives. Avec nos définitions (cf. équations 8 et 9 page 165) ceci correspond à l’hypothèse que la corrélation entre les salaires et le chômage est négative, de même que la corrélation entre les exportations nettes et les prix. L’analyse peut facilement être étendue aux domaines où ces corrélations sont inversées ou à une situation où le pays serait importateur net et financerait sa facture énergétique par de l’endettement ou une richesse non produite (patrimoine, ressources naturelles, etc.).

ε

X

ε

w

ε

w

1

0

ε

X

h(ε

w

)

< 0 z d

< 0

z

d

  d z > 0

  taux de chômage z, tandis que le signe de la variation des exportations est l’opposé de celui du prix. 

De manière moins triviale, le signe de l’évolution de la consommation se déduit aussi du signe de  l’évolution du prix ; nous y reviendrons donc juste après l’analyse de ce dernier. 

Si εX>1, le signe de l’évolution des prix de production est identique à celui du l’évolution  du taux de chômage : lorsque les prix baissent, l’activité augmente, et inversement. 

Si 0<εX<1, les évolutions des deux variables sont de signe contraire : lorsque les prix  baissent, l’activité et l’emploi baissent, et inversement. 

Comme nous l’avons anoncé, l’évolution de la consommation C se déduit assez facilement de  l’analyse de l’évolution du prix p. En combinant l’équation de la balance des paiements (équation 11,  page 165) avec l’équilibre emplois‐ressources de la production en volume (équation 1, page 163),  puis en différentiant l’expression obtenues, on parvient au résultat suivant33 : 

Si εX>1, le signe de l’évolution de la consommation est l’opposé de celui de l’évolution  du prix de production. 

Si 0<εX<1, le signe de l’évolution de la consommation est identique à celui du l’évolution  du prix de production. 

g p g   où sE désigne la part de l’énergie hors taxe dans les coûts. 

      

32 Cf. annexe mathématique, page 192.

33 Cf. annexe mathématique, page 195.

Nous considérons que cette condition est vérifiée au plan empirique, en particulier dans le cas  qui nous occupe, et même, en général. En effet, pour que le ratio précédent soit supérieur à 1, il  faudrait (i) que la part de l’énergie hors taxe dans les coûts soit particulièrement élevée (sE grand) et  (ii) que les volumes d’achats publics soient très importants relativement à la somme des achats  privés et des débouchés extérieurs (g grand). Pour donner une idée de l’ordre de grandeur : dans le  cas de le France de 2004, l’énergie hors taxe pesait moyenne seulement 0,4% en dans les coûts34,  tandis que les volumes d’achats publics (consommation courante et investissement) comptaient pour  15% de la production. Par conséquent, prenant la valeur de 0,005, le ratio précédent était bien loin  de la valeur limite de l’unité. Il en va toujours de même aujourd’hui. 

Nous sommes maintenant en mesure de résumer les signes des dérivées des variables du  modèle dans les trois domaines définis par les hypothèses sur les sensibilités des échanges extérieurs  et des salaires (Tableau 16). Les mécanismes économiques apparaissent alors plus clairement : 

 Pour une situation initiale donnée, la réforme est favorable sur tous les indicateurs  (production, emploi, salaire, consommation des ménages et exportation) dans une  économie où les échanges extérieurs sont fortement sensibles à l’évolution des coûts de  production. Intuitivement, l’effet favorable du transfert de charge fiscale sur l’évolution  des prix et des échanges extérieurs l’emporte sur son effet défavorable sur la facture  énergétique des ménages : au total, le pouvoir d’achat des ménages progresse. 

 Lorsque cette sensibilité est moindre, la performance de la réforme pour l’activité et  l’emploi  est  équivoque : elle  est  déterminée  par  son  effet sur  la  consommation  domestique. On rencontre alors deux configurations : 

- Celle‐ci progresse dans le cas où la sensibilité des salaires est suffisamment  forte pour compenser la perte de pouvoir d’achat des agents domestiques due à  la hausse de leur facture énergétique et si l’effet de cette hausse de salaires sur  la  compétitivité des  échanges  extérieurs reste modérée (la sensibilité des  exports à l’évolution des prix de production étant limitée). 

- À l’inverse, lorsque la sensibilité des salaires est moindre, la consommation des  ménages  est  défavorablement  touchée  et  l’amélioration  des  échanges  extérieurs qui permet la baisse du prix de production est insuffisante pour  maintenir la demande adressée à l’appareil de production national. 

 

      

34 L’ordre de grandeur est le même, que l’on calcul la part de l’énergie hors taxe dans les coûts ou dans le prix à la consommation toutes taxes comprises.

 

Domaines  dz  dY  dw  dp  dC  dX 

εX>1 

‐  + + ‐ +  + 

1>εX>0 et ε> h(εw

‐  + + + +  ‐ 

1>εX>0 et ε< h(εw) 

+  ‐ ‐ ‐ ‐  + 

Tableau 16 Signes des évolutions des variables dans les trois domaines définis par les hypothèses sur les sensibilités des salaires et des échanges extérieurs.

Par conséquent, les caractéristiques de la situation initiale sont particulièrement importantes  dans le domaine où la sensibilité des échanges aux prix est modérée (0<εX<1), mais ne comptent pas  pour juger du sens des effets dans le domaine où cette sensibilité est plus forte (en effet, l’asymptote  horizontale εX=1 est indépendante de tout paramètre de la situation initiale)35 ; ceci en tout cas  lorsque  les  consommations  d’énergie  et  les  coefficients  techniques  dans  la  production  sont  constants. Le domaine d’existence d’un double dividende est étendu lorsque les conditions initiales  accroissent la courbure de la courbe h (cf. Figure 40, page 168). 

Quelles sont les conditions initiales favorables ? L’intuition vient rapidement en étudiant les  conditions pour lesquelles l’asymptote verticale se décale vers la gauche (w   ) et la courbe h  coupe l’axe des ordonnées pour une valeur qui se rapproche de l’asymptote horizontale (X 1). 

Ces conditions sont données par les expressions suivantes : 

Le  domaine d’existence  d’un double dividende  s’accroît de  manière  univoque avec les  grandeurs μ1 et  μ2. Ces dernières mesurent l’ampleur du transfert de charge potentiel que peut  induire la réforme. Plus μ1 et μsont grands, plus la charge du système fiscal est déplacée des coûts  de production vers les revenus des ménages. Par conséquent, les chances de double dividende  augmentent avec les conditions initiales suivantes : 

      

35 Des simulations numériques montrent néanmoins que les conditions initiales jouent sur l’ampleur des effets dans chacun des trois domaines.

 un niveau initial de chômage élevé (z0 grand) ; 

 des salaires initialement bas (w0 petit) ; 

 une consommation d’énergie des ménages élevée (E grand) et grande par rapport aux  consommations intermédiaires des systèmes productifs  (

0

E

e.Y  grand) ; 

Dans  tous  les cas,  le domaine  du double  dividende  s’étend  lorsque  la  consommation  énergétique des ménages est forte (E initialement haut). La réforme induit alors un transfert de  charge effectif36 qui déplace l’incidence du système des prélèvements obligatoires des systèmes  productifs vers les ménages. Il faut alors se rappeler que l’analyse précédente suppose que les  consommations d’énergies sont fixes, tout comme les coefficients techniques de la production. Les  ménages ne cherchent donc pas à échapper à l’impôt par la baisse de leur consommation. Cet effet  explique d’ailleurs pourquoi le domaine d’existence d’un double dividende est limité dans les  analyses  conduites  avec  des  modèles  de  second  rang  d’inspiration  néoclassique  où  ces  consommations sont flexibles37. Mis à part ce point, sur lequel nous reviendrons plus tard, les  considérations empiriques sur l’état de l’économie française et les considérations sur son évolution  probable dans un avenir proche, vont plutôt dans un sens favorable à la réforme. 

Dans l’ensemble, néanmoins, cette première analyse ne donne pas un résultat tranché sur la  possibilité d’un double dividende. On retrouve le résultat principal de la littérature théorique, à  savoir que cette possibilité dépend des caractéristiques de la situation initiale, mais aussi des  hypothèses de second rang sur le fonctionnement de l’économie. Les effets induits déclenchés par la  réforme et qui transitent par l’ajustement des salaires et l’évolution des échanges extérieurs ne sont  pas de second ordre pour juger des conséquences de la réforme pour l’activité et l’emploi. Les  croyances relatives aux effets du processus de mondialisation sur ces paramètres ont donc un rôle à  jouer dans l’anticipation des conséquences de la réforme. 

Bien sûr, si le modèle stylisé précédent permet de simplifier l’analyse du rôle d’éléments de  fonctionnement du monde particulièrement débattus, il laisse de côté beaucoup de complications  qu’il est important de pouvoir prendre en compte dès lors que l’on souhaite étudier une réforme  fiscale non marginale, à la hauteur de l’objectif d’un facteur 4. La méthode analytique devient alors  impossible et ne permet pas d’incorporer toute l’information disponible sur la situation initiale. 

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