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Conclusion : sur les co‐bénéfices d’une fiscalité carbone

Dans le document The DART-Europe E-theses Portal (Page 195-200)

Efficacité macroéconomique de la substitution d’une taxe carbone à des prélèvements obligatoires sur le travail

Encart 7  :  Comparaison des simulations IMACLIM et MESANGE

4 Conclusion : sur les co‐bénéfices d’une fiscalité carbone

Dans l’ensemble, l’analyse de ce chapitre n’exclut pas qu’une hausse progressive de la fiscalité  énergétique mise en œuvre simultanément à une baisse des prélèvements sur le travail aurait pu  apporter  des  co‐bénéfices  du  point  de  vue  de  l’efficacité  productive  et  même  un  gain  macroéconomique net. Si notre analyse tempère les résultats pessimistes des études théoriques  néoclassiques des années 9061, elle montre néanmoins que l’occurrence d’un double dividende est  loin d’être mécanique. 

Au total, en dépit des nombreuses incertitudes sur le fonctionnement du monde, un résultat  qualitatif solide se dégage de nombreux tests de sensibilité. La réforme n’est pas un jeu à somme  nulle, ses vertus potentielles pour l’activité et l’emploi tiennent à sa capacité d’induire un mécanisme  de synergie économique que l’on jugera d’autant plus vertueux qu’il combine les trois effets suivants  (Figure 43) : (i) un changement structurel favorable aux activités riches en emploi et économes en  énergie, (ii) une baisse des importations d’énergie et l’amenuisement de la ponction qu’elles opèrent  sur la richesse nationale et (iii) un allègement des coûts de production qui résulte d’un déplacement  de l’incidence des prélèvements obligatoires favorable à la compétitivité des productions nationales. 

Nous avons vu que les caractéristiques actuelles de l’économie française et le contexte de  mondialisation des échanges qui accroît l’exposition des producteurs nationaux à la concurrence  internationale forment une conjoncture plutôt favorable à ce mécanisme de synergie. 

      

61 Cf. Bovenberg (1999) pour une courte synthèse de ces études.

   

Figure 43 Un mécanisme de synergie économique vertueuse sous contraintes

L’existence d’un transfert de charge fiscale favorable et suffisant est l’effet le plus débattu, que  ce soit dans la littérature spécialisée du double dividende ou, plus généralement, dans les discussions  économiques sur la réforme globale des systèmes fiscaux62. Les analyses d’incidence fiscale sont en  effet très sensibles aux conceptions du fonctionnement d’ensemble de l’économie et en particulier  aux croyances sur l’importance et la nature des sous‐optimalités initiales du système fiscal. A cet  égard, nous avons mis l’accent sur la contribution de trois éléments majeurs de désaccord : les  potentiels techniques qui déterminent l’évolution des consommations d’énergies, les possibilités  d’ajustement des salaires et le rôle des prix pour la compétitivité et les échanges extérieurs. Nous  avons en revanche laissé de côté l’analyse d’autres mécanismes possibles de transfert, certains allant  plutôt dans un sens favorable à l’efficacité macroéconomique de la réforme, tandis que d’autres  joueraient à l’inverse, plutôt en sa défaveur. 

Nous avons ainsi négligé d’éventuels effets d’éviction des investissements, pouvant induire  une baisse de la productivité générale le temps de la mutation des systèmes techniques, et avec elle  une diminution possible de la rentabilité du capital associée à une baisse de l’investissement. Cet  effet peut accroître le coût de la transition (Sassi, 2008), mais semble de second ordre pour la  question du double dividende (Ghersi et Hourcade, 2000)63. En revanche, plusieurs conséquences  possibles du transfert de charge fiscale aux revenus non‐salariaux doivent encore être étudiées. 

      

62 Nous reviendrons à plusieurs reprises sur ces discussions ; en particulier, au chapitre 6, lorsque nous comparerons les effets d’un recyclage en baisse de la TVA, et surtout au chapitre 8, lorsque nous comparerons différents dispositifs de réforme globale pour contrôler les déficits.

63A plus long terme, l’effet de l’induction du changement technique sur la productivité générale est incertain (Schneider et Goulder, 1997) : il peut être favorable en accélérant l’innovation et la mise en œuvre de technologies de production et consommation d’énergie plus efficaces, ou encore, en induisant l’émergence de nouvelles activités avec de plus forts potentiels de progrès technique que dans les secteurs industriels historiques. Mais d’un autre côté, la réforme peut ralentir les progrès techniques en restreignant les capitaux disponibles pour l’investissement dans les secteurs non énergétiques.

Allègement de la  Taxe carbone - baisse des cotisations

Condition

Certes, le modèle prend en compte l’existence de revenus de transferts (chômeurs et retraités), dont  la taxation contribue à réduire les coûts de production, mais qui, nous le verrons, pose un problème  de justice64. Un effet bénéfique proviendrait plutôt de ce que la taxation de l’énergie touche aussi  indirectement les revenus de rente (immobilière et financière) et réduit l’attractivité du travail « au  noir ». Les conséquences macroéconomiques pourraient être sensibles si l’on prend en compte  l’hétérogénéité des  comportements d’épargne et  d’investissement et  que  l’on considère, par  exemple, que les revenus de rente, concentrés en haut de la distribution des revenus, ont tendance à 

« nourrir plus encore les rentes », défavorisant de ce fait l’activité. Enfin, substituer une taxe carbone  aux cotisations actuelles revient à remplacer une taxe implicite sur les sureffectifs par une taxe qui  s’adapte au niveau des ventes (la consommation d’énergie étant corrélée au cycle des affaires) ; la  réforme  peut  déclencher  un  effet  dynamique  bénéfique  à  l’emploi  en  réduisant  le  risque  d’embauche pour les entreprises, qui est accentué par le climat d’incertitude sur les effets futurs de  la mondialisation65. Ces deux derniers mécanismes, absents de cette étude, ont fait l’objet d’une  autre  thèse (Thubin, 2012)66 et tendent à favoriser  l’allègement des  coûts de production  et  l’incitation aux créations d’emploi. 

En conclusion, il nous semble nécessaire d’éviter de nourrir de nouvelles crispations sur un  sujet  qui  a  suscité  et  qui  suscite  toujours  beaucoup  de  scepticisme67.  L’enjeu  des  analyses  macroéconomiques qui cherchent à identifier des sources de double dividende est parfois perçu  comme « la recherche à tout prix d’une justification »68. L’action climatique dans son principe  d’assurance contre un risque futur n’est aujourd’hui plus contestée que par une fraction politique  marginale. Par contre, ce sont les modalités de sa mise en œuvre qui sont particulièrement  controversées car, comme le montre l’ensemble de cette thèse, une politique climatique peut être  bien menée comme très mal conçue et dans tous les cas le choix du dispositif suppose des arbitrages  politiques. Tout l’enjeu devient alors la recherche de co‐bénéfices, en particulier avec les recettes de  la taxe dont il faut bien trouver le meilleur usage au regard des autres enjeux et défis futurs. De ce  point de vue, notre dernier chapitre soulignera certaines spécificités qui font que la fiscalité  énergétique peut se révéler spécialement adaptée étant donné les anticipations de la conjoncture  pour les années à venir. En définitive, un dispositif de fiscalité carbone ne peut être accepté  indépendamment de la volonté des citoyens de s’assurer contre le risque climatique, mais ceci ne va  pas sans la décision d’en assumer le coût de « souscription ». Bien sûr, pour faire ce choix, il faut être  en mesure de prendre conscience de l’intérêt que l’on peut en tirer à long terme et de ce que l’on  s’expose à sacrifier. Il reste donc extrêmement utile de progresser dans l’analyse, non plus dans  l’espérance d’un argument d’autorité, mais pour améliorer l’information sur le meilleur moyen        

64 L’effet macroéconomique de l’indexation des transferts est étudié au chapitre 6 (paragraphe 3.2, page 218).

65 Toute embauche représente un risque pour les entreprises car elles ne sont jamais sûres que les ventes seront suffisantes pour la rémunérer. L’argument économique est semblable à celui formalisé par Cremer et Gahvari (1995) qui compare l’effet des prélèvements obligatoires sur le travail à la fiscalité indirecte sur les produits en situation d’incertitude dynamique.

66 Le transfert de charge aux revenus de rente est étudié dans la section 4 du chapitre 1, pages 54-61 ; le risque d’embauche au chapitre 4, pages 219-265 (Thubin, 2012).

67 Nous avions situé les désaccords à propos de la question du double dividende en bonne place dans le « jeu des a priori » qui a contribué à freiner le dialogue social et la recherche d’un compromis lors de la récente tentative française (cf. chapitre 1, paragraphe 2.3, page 25). Les raisons du scepticisme théorique au sujet de la possibilité d’un double dividende fort sont éclairées par Guesnerie (2010) : « pour qu’il puisse en être ainsi, il faudrait cependant que la fiscalité ait été initialement suffisamment mal conçue et que la fiscalité carbone se révèle in fine suffisamment bien adaptée à la situation. […] L’argument de double dividende n’est pas pleinement convaincant, sauf à mettre en évidence, outre les graves inefficacités de la situation initiale, les spécificités de la taxe carbone qui en feraient le substitut idéal des impôts initialement inadéquats. » (pages 35-37)

68 C’est ce que suggère Lars Bovenberg lorsqu’il conclut son introduction in de Mooij (2000) en écrivant : « double dividende is dead, long life to environmental taxation! »

  d’alléger les tensions entre les objectifs publics concurrents. C’est avec l’objectif d’identifier les  meilleures pistes de compromis que nous poursuivons l’analyse dans les trois chapitre suivants. 

Il reste pour finir les questions profondes qui fondent le scepticisme des théoriciens : qu’est‐ce  qui explique la persistance de la sous‐optimalité des systèmes fiscaux ? Pourquoi, si ces optimalités  existent, n’a‐t‐on pas augmenté la fiscalité énergétique plus tôt, indépendamment de l’affaire  climatique ? Nous rejoignons ici la discussion plus générale que nous avons initiée au second chapitre  et qui nous a amené à conclure qu’il faut accepter de s’éloigner de façon significative du paradigme  d’un modèle d’économie parfaite en l’absence même d’un consensus sur une théorie générale du  second rang69. En outre, nous avons apporté des faits empiriques  ‐ les nombreuses difficultés  politiques  ‐  qui  peuvent  expliquer  l’inertie  des  systèmes  fiscaux  et  la  persistance  de  leurs  inefficiences, surtout si les conditions qui prévalent au moment de leur conception sont en rapide  mutation et si les effets de ces évolutions profondes sont insuffisamment anticipés (ce que nous  verrons au dernier chapitre). 

Pour conclure sur cette discussion, il ressort de ce qui précède qu’il existe probablement un  potentiel de double dividende qui peut correspondre à un espace de stratégies « sans regret »,  positives socialement et indépendamment de l’affaire climatique, mais que cet espace n’est pas le  résultat automatique d’une taxe carbone et qu’il demande un réel effort de réforme qui touche les  intérêts les plus divers. En d’autres termes, dans ce cas de figure le « sans regret » n’est pas  synonyme de « gratuit », ou d’« automatique ». La pleine réalisation des potentiels économiques ne  saurait se faire sans un contexte politique favorable, un effort de communication et une négociation  collective d’ampleur. La  question  centrale est alors de  savoir si les chances de  co‐bénéfices  macroéconomiques ne seront pas annihilées par le choix de modalités de mise en œuvre sous‐

optimales, ou encore, par des effets distributifs indésirables. Nous examinerons donc successivement  ces questions dans les deux chapitres suivants. 

      

69 Rappelons que c’est cette discussion sur le lien entre jugement normatif et jugement positif qui nous a amené à la nécessité d’incorporer différentes croyances dans le cadre de modélisation (cf. chapitre 2, section 1, pages 42-53).

Annexe mathématique : une petite économie ouverte importatrice d’énergie

Equilibre de la balance des paiements 

L’identité comptable de la balance des paiements (équation 11, page 165) est obtenue à partir  des autres identités comptables : l’équation de prix (équation 2, page 164), le budget des ménages et  des administrations (équations 3 et 4) et l’équilibre emplois‐ressources de la production en volume  (équation 1) : 

.  . .lτL. .lτE. .ep .eE pY w Y w Y Y

 

. E. E.

.l.  p Eτ E w Y pC

 

 

0 p G.  τL. .lw Y. τE. .eYτE.E

 

. . . .

p C p G p X p Y

 

En sommant ces équations et en simplifiant, on obtient l’identité de la balance des paiements : 

 

. p eE. . E

p X Y

Courbe de prix et courbe de demande 

La courbe de prix est obtenue en multipliant l’équation de prix (2) par les volumes produits Y,  en remplaçant par g.Y dans l’équation du budget des administrations (4) et en soustrayant la  première par la seconde. On obtient l’équation 12, page 166, après simplification et réarrangement. 

La courbe de demande est obtenue en multipliant l’équation emplois‐ressources en volume (1)  par le prix de production p, puis en remplaçant par g.Y et p.C par l’expression du budget des  ménages (3). On obtient l’équation 13, page 166, après réarrangement. 

Différentielle totale du système au voisinage d’un équilibre 

L’équation matricielle 14, page 167, est obtenue en différentiant totalement la courbe de prix  et la courbe de demande (équation 12 et 13) par rapport au taux de taxe sur l’énergie (τE). Le  changement de variables Y → z est effectué en préalable : 

1 g .

  

 

. 1

* E

E

τ .E.l

w .l p .e

    L

p z

z  

1 g . . . 1

L

 

.

  

1

*E E

.

 

L w . p τ .E X

l pzzz    p p

 

 

désignent les dérivées partielles des variables et respectivement sur les  courbes de prix et de demande. 

L’équation matricielle 14 est obtenue en insérant, dans ces différentielles, les définitions des  élasticités du niveau des salaires au chômage et des exportations nettes aux prix : 

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