Comptabilité intégrée et relations entre macroéconomie, environnement et distribution
SYSTÈME INTEGRE INTERMEDIAIRE
4 Conclusion : perspectives et développements
Temps 3 : la décomposition du compte institutionnel des ménages en groupes représentatifs peut être effectuée de plusieurs façons, selon l’information qu’on choisit de tirer de l’enquête et selon la manière dont on l’utilise pour décomposer le compte institutionnel des ménages. Pour IMACLIM‐S.2.4, la décomposition est obtenue uniquement en désagrégeant les agrégats du compte institutionnel (Figure 39) ; autrement dit, les données d’enquête n’apportent que l’information sur le partage (les clefs de répartition des grandeurs agrégées entre les catégories42). Le « bouclage des comptes » se fait au niveau de l’épargne des ménages, qui n’est pas renseignée dans l’enquête et qu’on identifie au solde des revenus une fois soustraites les dépenses. Le calcul de la répartition de l’épargne totale des ménages entre les catégories sert donc à rééquilibrer les comptes et permet au final de respecter l’ensemble des identités de cohérence comptable (cf. Encart 5, page 127).
Institution des
ménages*
Clefs de
répartition*
(Enquête)
Groupes représentatifs*
50% plus pauvres 50% plus riches
Partage de la
valeur ajoutée 769
20,7 %
159 610
Affectation des revenus 111 13,0 % 14 97
Redistribution 202 60,0 % 121 81
Total Revenus 1 082 → → 294 788
Consommation finale 919 29,8 % 274 645
FBCF 98 18,0 % 18 80
Total Dépenses 1 017 292 725
Solde courant 65 2 63
Endettement ‐2 016 12,7 % ‐256 ‐1 760
Remarque : pour l’illustration, les variables d’articulation (lignes du compte) sont agrégées et seuls deux groupes de ménages sont représentés. Les clefs de répartition et les comptes détaillés sont donnés en annexes (cf. section II, page 329) pour vingt classes de niveau de vie et pour six classes distinguées selon leur localisation.
* Proportion de chaque grandeur agrégée attribuée à la classe de ménages (dans cet exemple, les 50% des ménages les plus pauvres).
Figure 39 Désagrégation du compte institutionnel des ménages en groupes représentatifs
4 Conclusion : perspectives et développements
Au long de ce chapitre, nous avons présenté deux procédures de synthèse statistique qui permettent de réconcilier les données macroéconomiques de la comptabilité nationale avec les statistiques en unités physiques d’une part, qui décrivent les flux de matières dans l’économie, et les données d’enquête auprès des ménages d’autre part, qui donnent l’information sur la répartition des grandeurs économiques au sein de la population.
Nous avons pris comme exemple les manipulations qui furent réalisées à partir des statistiques françaises de 2004 (les dernières données alors publiées) et qui ont permis, dans le cadre du
42 Les clefs de répartition obtenues sont données en annexe (cf. Table K, page 343, pour les classes de niveau de vie ; Table L, page 344, pour les classes distinguées selon le degré d’urbanisme de leur lieu de résidence).
développement d’IMACLIM‐S.2.4, de décrire des paramètres cruciaux des discussions sur les modalités d’une fiscalité carbone en France. Mais le principe général de la méthode ouvre sur de nouvelles perspectives. Au‐delà de ce contexte et de cette problématique, le développement de ces techniques est un moyen opérationnel de faire le pont entre des analyses menées dans des domaines variés et à des échelles différentes. Par conséquent, elles nous semblent essentielles à la construction de nouveaux outils de modélisation appliqués à l’évaluation de politiques de développement durable. Etendre la description à d’autres composantes de l’environnement matériel et décrire la distribution de variables économiques et non économiques dans la population nous semble essentiel, étant donné que les politiques que l’on souhaite étudier ont pour objectif d’induire une mutation profonde de la structure physique et institutionnelle de l’économie, mutation que les experts jugent nécessaire pour atteindre les objectifs d’un développement plus juste et plus durable.
Dans cette direction de recherche, deux voies nous semblent particulièrement fécondes. La première doit permettre de décrire les interactions entre macroéconomie, distribution et spatialité43 ; elle repose sur la construction d’une comptabilité étendue aux unités de surfaces (m2) et de mobilités (passager‐km et tonnes‐km parcourues). Ces variables physiques offrent une interface utile à l’organisation du dialogue entre la modélisation macroéconomique d’un côté, et la modélisation des dynamiques d’organisation du territoire de l’autre (l’évolution des choix d’usage des terres et des formes urbaines). Ces extensions du cadre comptable serviront de base pour inclure, au sein de modèles d’équilibre général, l’information empirique disponible sur les potentiels et les contraintes au changement technique dans les secteurs des transports, du bâtiment et de l’agriculture. Ces développements permettront aussi de représenter les déterminants techniques et spatiaux des besoins essentiels en énergie et de simuler leur évolution à long terme. Ils seront utiles pour aller plus loin dans l’analyse de la vulnérabilité des ménages et des effets distributifs, économique et non économique, à court et plus long terme, de politiques de développement durable.
Une seconde voie d’extension est particulièrement importante pour le développement de modèles IMACLIM pour des pays émergents et en développement44. Dans ces contextes techniques, institutionnels et économiques singuliers, la description empirique au moyen de grandeurs physiques est d’autant plus importante que les marchés structurés sont incomplets et les statistiques monétaires disponibles insuffisantes pour appréhender le fonctionnement réel de l’économie. Le rôle de l’ « économie informelle », qui exploite une fraction des ressources et qui interagit avec les marchés est encore peu pris en compte dans les évaluations des politiques de développement durable, alors que cette dimension peut jouer sur l’efficacité de ces politiques ou produire des effets indésirables. Le recours à des sources de données non monétaires pour estimer la nature et la taille de cette sphère informelle est un travail important ; il peut améliorer le diagnostic sur ces contextes, permettre la production d’analyses plus réalistes et plus proches des problématiques de mise en œuvre locales.
43 Cette première thématique a fait l’objet du suivi de deux étudiants de l’Ecole des Ponts et de l’amorce du développement d’une nouvelle version d’IMACLIM-S qui intègre la description en d’un secteur de l’immobilier et d’un secteur des transports : O Froment, « Modelling Energy Efficiency in Residential Buildings with Closed Housing Markets: A Static CGE Approach » (2010) ; H. Simonnet : « L’inertie des choix de localisation dans l’évaluation des politiques climatiques : modélisation en équilibre général statique » (2011).
44 Cette seconde thématique fait d’ores et déjà l’objet du développement de nouveaux modèles pour le Brésil, l’Afrique du Sud et la Réunion.