• Aucun résultat trouvé

Diversité des bactéries AsIII-oxydantes dans le sol T12R

VI. Coexistence des communautés bactériennes AsIII-oxydantes et

VI.3. Diversité des bactéries AsIII-oxydantes dans le sol T12R

La diversité des gènes aoxB a été étudiée par construction de banques de gènes avec les amorces m1-2F/m3-2R à partir : (i) du sol T12R, (ii) de l’enrichissement de ce sol en condition AsIII-oxydante chimiohétérotrophe (T12ROH), (iii) de l’enrichissement de ce sol en condition AsIII-oxydante chimioautotrophe (T12ROA).

Sur un total de 133 clones criblés par une analyse de restriction (RsaI/HaeIII), 62 ont finalement été groupés en 27 OTU (Operational Taxonomic Unit) sur la base d’une identité de séquence de 90%. L’obtention exclusive de gènes aoxB à partir du sol T12R et des deux enrichissements a permis de réduire la stringence des conditions d’hybridation, favorisant une plus grande sensibilité. Toutes les séquences protéiques AoxB, déduites à partir des séquences nucléiques, contiennent des résidus prédits par Ellis et al. (2001) pour être essentiels à l’activité d’oxydation de l’AsIII chez A. faecalis, suggérant que des enzymes fonctionnelles soient produites à partir des gènes détectés. Ces gènes sont affiliés à ceux de souches AsIII-oxydantes appartenant aux α-, β-, et γ-Proteobacteria (Figure 47).

Une grande diversité de séquences AoxB réparties en 18 OTU et affiliées aux trois classes des

Proteobacteria a été retrouvée à partir du sol T12R. La librairie est dominée (58%) par des

séquences affiliées à celles d’α-Proteobacteria, parmi lesquelles 19% sont affiliées à Bosea sp. WAO (77.5%-84.3% d’identité). Cinq OTU forment des branches séparées des séquences d’α-Proteobacteria connues. Les OTU affiliés aux β-Proteobacteria (17% de la librairie) sont principalement affiliés à Acidovorax sp. 75 (14% de la librairie, 77,1-82,1% d’identité).

Tandis que les OTU affiliés aux γ-Proteobacteria (25% de la librairie) sont principalement représentés par le groupe II des Pseudomonads.

L’incubation de ce sol en condition AsIII-oxydante chimiohétérotrophe a entraîné une diminution de la diversité avec une forte majorité (88%) de séquences affiliées aux β

-Proteobacteria du genre Alcaligenes (82,5-98,7% d’identité) et regroupées dans deux OTU

(T12ROH1 et T12ROH2). Un OTU est groupé avec Burkholderia sp. YI019A (91,8% d’identité) et seulement un OTU montre une étroite relation avec la γ-Protéobactérie

Pseudomonas sp. 46 (96,5% d’identité). Curieusement, aucune séquence affiliée aux α

-Proteobacteria n’a été retrouvée, bien que ce type de séquences soit détecté majoritairement

dans le sol non enrichi.

Quand le sol est incubé en condition AsIII-oxydante chimioautotrophe, des séquences affiliées à celles d’α- et β-Proteobacteria AsIII-oxydantes chimioautotrophes sont retrouvées. Deux OTU apparentés aux séquences des β-Proteobacteria AsIII-oxydantes du genre

Thiomonas dont certaines espèces sont chimioautotrophes (55% de la librairie, 83,4-98,8%

d’identité) et Burkholderia sp. YI019A (17% de la librairie, 91% d’identité) dominent la librairie. Les trois OTU groupés aux séquences des α-Proteobacteria (32% de la librairie) sont affiliés à Ancylobacter sp. OL1 (23% de la librairie, 84% d’identité), Aminobacter sp. 86 (4,5% de la librairie, 82,5% d’identité) et Bosea sp. WAO (4,5% de la librairie, 80,6% d’identité). À ce jour, la majorité des α-Proteobacteria AsIII-oxydantes sont chimioautotrophes, suggérant la prédominance de ce métabolisme parmi elles (Rhine et al., 2007). Contrairement à l’enrichissement en hétérotrophie, aucune séquence affiliée à celles des γ-Proteobacteria ni à celles des β-Proteobacteria Alcaligenes spp. (pourtant majoritaires dans ce dernier enrichissement) n’a été retrouvée.

Figure 47 : Arbre phylogénétique Neighbor-Joining des séquences protéiques AoxB. En rouge: séquences T12RSOL issue du sol T12R pollué par l’As; En vert: séquences T12ROA issues de l’enrichissement du sol T12R en condition AsIII-oxydante chimioautotrophe ; En bleu: séquences T12ROH issues de l’enrichissement du sol T12R en condition AsIII-oxydante chimiohétérotrophe. Les séquences d’isolats obtenues durant cette thèse sont indiquées en gras. La séquence AoxB de la souche AsIII-oxydante Thermus thermophilus a été utilisée en racine. Les cercles situés aux nœuds des branches représentent les valeurs de bootstrap sur 100 réplicas: grand cercles noirs = 95-100%; petits cercles noirs

La détection exclusive de séquences AoxB environnementales appartenant au phylum des

Proteobacteria est probablement due au fait que nous étudions un environnement mésophile.

En effet, à l’exception de deux souches, toutes les bactéries AsIII-oxydantes isolées de sites mésophiles appartiennent à ce phylum. De plus, Inskeep et al. (2007) ont montré que 98% des séquences AoxB retrouvées à partir de tels environnements sont affiliées à celle de

Proteobacteria. Les deux études montrant la capacité de bactéries gram positives à oxyder

l’AsIII concernent Microbacterium lactum (Mokashi et Paknikar, 2002) et Bacillus

arsenoxydans (Green, 1918). Cependant, la capacité de Microbacterium lacticum à oxyder

l’AsIII n’a pas été confirmée lors d’expériences ultérieures (communication personnelle, D. Muller) et la physiologie générale de Bacillus arsenoxydans est très similaire à celle de la β -Protéobactérie A. faecalis (Phillips et Taylor, 1979). Les bactéries AsIII-oxydantes appartenant à d’autres phyla, tels que Deinococcus-Thermus (Gihring et al., 2001), Chlorofexi (Lebrun et al., 2003) et Aquificae (Donahoe-Christiansen et al., 2004), ont été isolées de sites géothermaux. A noter que les Proteobacteria AsIII-oxydantes sont également capables de coloniser les sites géothermaux (Jackson et al., 2001 ; Salmassi et al., 2006).

Certains OTU sont proches de ceux retrouvés à partir de sols et de sédiments de sites variés (Fan et al., 2008, Inskeep et al., 2007). Les séquences issues de ces études ne sont pas présentées Figure 47 car elles sont plus courtes (seulement 500 bases) que celles issues de notre étude (environ 1000 bases). Une matrice d’identité a cependant été construite avec l’ensemble de ces séquences et les pourcentages d’identités sont donnés en Annexe 5. T12ROH1 et T12ROH2 présentent 98,7 et 90,3 % d’identité avec la séquence du clone aoxB-1, affiliée à celle d’Achromobacter sp. GW1 et issue de sédiments pollués par l’As (Province Shanxi, Chine, Fan et al., 2008). D’autres clones issus de ces sédiments partagent également plus de 80% d’identité avec les OTU T12ROA-1 et -2, et T12RSOL-3, -5, -7, -9, -11, ce dernier étant plus divergent des séquences de bactéries AsIII-oxydantes connues. T12ROH4 et T12RSOL13 présentent 91,6 et 90,3 % d’identité, respectivement, avec l’OTU AM-1 issu d’un sol agricole traité par de l’As (Montana, Etats-Unis, Inskeep et al., 2007). T12RSOL3 présente 94,8% d’identité avec l’OTU LYC4, issu de sédiments de lac pollués par l’As (Australie, Inskeep et al., 2007). Ces résultats indiquent la présence de bactéries similaires à celles retrouvées dans le sol T12R dans divers compartiments géographiquement distant. Cette remarque est développée dans le chapitre suivant.

La biodiversité bactérienne totale présente dans l’enrichissement en condition AsIII-oxydante chimiohétérotrophe (T12ROH) a également été étudiée et l’affiliation des séquences d’ARNr 16S, représentant les espèces dominantes visualisées à partir du profil CE-SSCP, est indiquée dans le Tableau 29. Deux séquences d’ARNr 16S (T12ROHB11 et T12ROHB15) sont proches de celles de β-Proteobacteria des genres Alcaligenes et Pseudomonas connus pour oxyder l’AsIII en hétérotrophie (c.f. Chapitre 3). Ces résultats sont en accord avec ceux obtenues par l’analyse phylogénétique des gènes aoxB et supporte l’implication de ces deux souches dans l’oxydation de l’AsIII. D’autres espèces des genres Bacillus, Shingobacterium,

Luteifibra, Terrimonas (phylum des Bacteroidetes/Chlorobi) et Spartobacteria (phylum des Chlamydiae/Verrucomicrobia) non décrites dans la littérature pour leur capacité à oxyder

l’AsIII (à l’exception du genre Bacillus, c.f. paragraphe précédent) ont été décelées. Le gène codant l’ARNr 16S est présent dans l’ensemble des bactéries, ainsi son étude ne permet pas de renseigner sur la fonction spécifique d’une espèce et en particulier sur sa capacité à oxyder l’AsIII. Ces autres espèces bactériennes, non identifiées via les gènes aoxB, se sont donc probablement développées sur des substrats amenés par l’inoculum de sol ou sur des produits du métabolisme d’autres bactéries. Néanmoins, il se peut aussi qu‘elles puissent oxyder l’AsIII et que les amorces utilisées ne puissent pas cibler leurs gènes aoxB.

Clones sélectionnés

Taille du fragment

(pb)

Espèces bactériennes les plus similaires [n° d’accession Genbank] % d’identité (taille du fragment comparé) Taxonomie

T12ROHB1 1 394 Luteifibra arvensicola

[AM237312]

97 % (1 386 pb)

Bacteroidetes/ Chlorobi

T12ROHB3 1 345 Sphingomonas terrae

[D13727] 96 % (1 343 pb) α-Proteobacteria T12ROHB5 1 383 Stenotrophomonas sp. R3 [AJ002807] 99 % (1 383 pb) γ-Proteobacteria

T12ROHB6 1 384 Sphingobacterium faecium

[AJ438176 ]

89 % (501 pb)

Bacteroidetes / Chlorobi

T12ROHB9 1 390 Terrimonas lutea

[AB192292] 96 % (1 395 pb) Bacteroidetes / Chlorobi T12ROHB11 1 383 Alcaligenes sp. R-21939 [AJ786800] 97 % (1 367 pb) β-Proteobacteria

T12ROHB12 1 410 Bacillus cereus G8639

[AY13827]

99 % (1 409 pb)

Firmicutes

(Bacilli) T12ROHB14 1 384 Spartobacteria bacterium Gsoil 144

[AB245342]

93 % (776 pb)

Chlamydiae/ Verrucomicrobia

T12ROHB15 1 395 Pseudomonas sp. KBOS 04

[AY65322]

99 %

(1 395 pb) γ-Proteobacteria Tableau 29: Identification des séquences du gène codant l’ARNr 16S des clones sélectionnés à