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Diversité des bactéries respirant l’AsV dans le sol T12R

VI. Coexistence des communautés bactériennes AsIII-oxydantes et

VI.4. Diversité des bactéries respirant l’AsV dans le sol T12R

La diversité des gènes arrA a été étudiée à partir de la culture d’enrichissement AsV-réductrice chiomiohétérotrophe du sol T12R. Les séquences ArrA obtenues sont très semblables entre elles (entre 89% et 100%) et sont affiliées à celles issues du séquençage des génomes de deux souches de Desulfitobacterium hafniense (Figure 48). Elles présentent entre 94,4 et 100% d’identité avec la séquence de D. hafniense YI5, annotée dans Genbank comme étant une déshydrogénase anaérobie putative, et entre 80,5 et 86,1% d’identité avec celle de

D. hafniense DCB-2, annotée comme étant une protéine putative impliquée dans des voies de

transduction du signal Tat (Twin arginine transport). Cette dernière souche est connue pour respirer l’AsV (Niggemeyer et al., 2001), tandis que D. hafniense Y51 a été isolée d’un site contaminé pour sa capacité à déchlorer le PCE (Suyama et al., 2001).

Figure 48 : Arbre phylogénétique Neighbor-Joining des séquences protéiques ArrA de l’enrichissement du sol T12R en condition chimiohétérotrophe AsV-réductrice. Les séquences ArrA des souches respirant l’AsV du genre Shewanella ont été utilisées en racine. Les valeurs de bootstrap

indiquées aux nœuds des branches ont été obtenues sur 100 réplicas. L’échelle correspond à 10 mutations sur 100 résidus.

Les séquences ArrA issues de l’enrichissement du sol T12R sont divergentes des séquences obtenues à partir d’autres environnements : sédiments d’un réservoir d’eau (50 % d’identité en moyenne, Haiwee, CA, USA ; Malasarn et al., 2004), eaux ou sédiments de lacs hypersalés (Mono Lake et Searles Lake, CA, USA ; Hollibaugh et al., 2006 ; Kulp et al., 2006 ; Kulp et

al., 2007), sédiment d’un aquifère (Kean Svay district, Cambodge ; Lear et al., 2007).

La biodiversité bactérienne totale présente dans l’enrichissement a également été étudiée. Le Tableau 30 liste les séquences du gène codant l’ARNr 16S des espèces les plus proches des clones sélectionnés. Ces séquences sont proches d’espèces appartenant aux genres

Clostridium, Desulfitobacterium et Desulfotomaculum (Tableau 30) du phylum des

Firmicutes. Ces résultats supportent l’hypothèse d’une réduction de l’AsV réalisée par les bactéries dans un but de respiration dans ces échantillons, car les bactéries de ces genres sont connues pour respirer l’AsV et non pour le réduire dans un but de détoxication. Ces données sont également cohérentes avec celles obtenues par l’analyse phylogénétique des gènes arrA et supporte l’implication d’une souche appartenant au genre Desulfitobacterium dans la respiration de l’AsV. Trois souches du genre Desulfitobacterium (Desulfitobacterium sp. GBFH, Desulfitobacterium hafniense DCB-2, Desulfitobacterium hafniense PCP-1, anciennement frappieri PCP-1) sont connues pour leur capacité à respirer l’AsV (Niggemeyer, 2001). Ce genre bactérien, surtout connu pour déchlorer une grande variété de substrats (Smidt et de Vos, 2004), est également capable d’utiliser d’autres accepteurs d’électrons, notamment les ions FeIII et MnIV, dont la réduction joue également un rôle important dans le cycle de l’As (Niggemyer et al., 2001 ; Nonaka et al., 2006).

Cependant, la détection exclusive de gènes arrA affiliées à ceux de bactéries du genre

Desulfitobacterium suggère que ces bactéries soient les seules à être impliquées dans la

respiration de l’AsV. Pourtant, des bactéries apparentées au genre Clostridium, dont deux souches sont connues pour leur capacité à respirer l’AsV (Rhine et al., 2005), ont été détectées à partir du gène codant l’ARNr 16S (Tableau 30). À noter qu’aucune séquence de gènes arrA de Clostridium n’est disponible dans les banques de séquences. Il se pourrait donc que les amorces utilisées dans notre étude ne ciblent pas les gènes arrA de ce groupe. Il a d’ailleurs été montré que ces amorces ne ciblent pas le gène arrA de l’espèce

Desulfosporosinus auripigmenti, également capable de respirer l’AsV (Malasarn et al., 2004).

Il est donc possible que les souches du genre Clostridium présentes dans cet enrichissement portent les gènes arrA et soient impliquées dans la respiration de l’AsV.

Clones

Taille du fragment

(pb)

Espèces bactériennes les plus similaires [n° d’accession NCBI]

% d’identité

Taxonomie (famille)

T12RRH100B1 1 370 Clostridium felsineum [X77851] 97 % Clostridiaceae

T12RRH100B2 1 355 Clostridium sp. 25 [AF191250] 98 % Clostridiaceae

Uncultured bacterium clone TANB101

[AY667266] 97 %

T12RRH100B3 1 363

Clostridium novyi [AB045606] 96 %

Clostridiaceae Sedimentibacter sp. C7 [AY766466] 95 %

T12RRH100B4 1 361

Clostridium sp. LTR1 [AF427155] 93 % Clostridiaceae

T12RRH100B5 1 376 Clostridium litorale [X77845] 95 % Clostridiaceae

T12RRH100B6 1 537 Desulfitobacterium hafniense Y51

[AP008230] 99 % Peptococcaceae

Anaerobic bacterium sp. prop8

[AY538172] 93 % T12RRH100B11 1 388 Desulfotomaculum aeronauticum [AY703032] 89 % Peptococcaceae T12RRH100B12 1 467 Desulfitobacterium dichloroeliminans [AJ565938] 97 % Peptococcaceae

Tableau 30: Identification des séquences du gène codant l’ARNr 16S des clones issus de l’enrichissement du sol T12R en condition chimiohétérotrophe AsV-réductrice.

VI.5. Conclusion

Des populations bactériennes capables d’oxyder ou de réduire l’As inorganique coexistent dans un même sol. En fonction des conditions redox, elles peuvent influencer l’état d’oxydation de l’As et donc sa mobilité. En condition aérobie, les bactéries AsIII-oxydantes peuvent diminuer la biodisponibilité de l’As, en transformant l’AsIII, plus mobile, en AsV, qui tend à se fixer sur les phases porteuses du sol. En revanche, en condition anaérobie, les bactéries respirant l’AsV peuvent libérer l’As dans la phase aqueuse et augmenter sa biodisponibilité. Différentes études ont également montré la coexistence de ces activités bactériennes dans un même compartiment environnemental via des méthodes culturales. Des bactéries distinctes capables soit d’oxyder l’AsIII soit de respirer l’AsV ont pu être isolées d’un même écosystème (Oremland et al., 2005 ; Rhine et al., 2005). Un cycle de l’As inorganique dépendant des conditions redox a pu être mis en évidence dans plusieurs lacs des Etats-Unis, tels que le lac Mono, le lac Searles ou encore le lac Onondaga (Oremland et al., 2005 ; Rhine et al., 2005). D’autres études ont montré la coexistence de bactéries AsIII-oxydantes et AsV-réductrices dans un sol insaturé (Macur et al., 2004) ou dans la couche supérieure de sédiments (Fan et al., 2008).

Les amorces développées dans cette thèse ont permis d’accéder à une grande diversité de gènes aoxB dans le sol T12R. Des bactéries AsIII-oxydantes appartenant aux α-, β- et γ

-Proteobacteria sont représentées, confirmant leur prédominance dans les environnements

mésophiles. Une réduction notable de la diversité de ces communautés a été observée dans les enrichissements par rapport au sol original, démontrant une limitation liée aux méthodes culturales. De plus, la diversité des bactéries totales, ciblées via les gènes codant l’ARNr 16S, dans l’enrichissement AsIII-oxydant ne reflète pas celle des bactéries potentiellement impliquées dans l’activité d’oxydation, ciblées via les gènes aoxB. Les études de diversité via le gène codant l’ARNr 16S, présent dans l’ensemble des bactéries, ne donnent pas d’informations directes sur les capacités métaboliques des bactéries détectées. De plus, les bactéries AsIII-oxydantes forment un groupe polyphylétique avec des organismes étroitement apparentés à d’autres incapables d’oxyder l’AsIIII. La capacité à détecter et identifier spécifiquement ce groupe métabolique dans l’environnement par des approches basées sur l’ARNr 16S est donc réduite. Ces résultats soulignent l’utilité de l’emploi du marqueur fonctionnel aoxB dans les études de diversité des bactéries AsIII-oxydantes pour détecter directement leur fonction à partir d’un environnement sans l’étape de culture.

En revanche, les méthodes de cultures ont permis de détecter dans ce sol un potentiel de respiration de l’AsV, non décelé à l’aide de méthodes PCR dépendantes à partir des sols originaux. L’association des méthodes culturales et moléculaires a permis d’identifier des bactéries respirant l’AsV (porteuses du gène arrA) et appartenant au genre

Desulfitobacterium. L’analyse de la population totale de l’enrichissement réduisant l’AsV

indique la présence du genre Clostridium, dont certaines espèces sont également connues pour respirer l’AsV. Cependant, des bactéries phylogénétiquement apparentées peuvent avoir des phénotypes différents et l’analyse des séquences d’ARNr 16S n’est donc pas suffisante pour prédire les capacités de transformation de populations bactériennes spécifiques. A ce jour, il existe peu de séquences arrA disponibles dans les banques de séquences et notamment aucune issue du genre Clostridium. Par conséquent, il est nécessaire que des séquences arrA de souches phylogénétiquement diverses soient disponibles pour permettre un dessin d’amorces plus sensibles et d’accéder à un plus large éventail de bactéries capables de respirer l’AsV dans des environnements variées.