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68. Or la saveur discrétive qui qualifie divines les rëvelations, est une joie ou douceur spirituelle

et extraordinaire purement de Dieu el en Dieu , émanée de l'amour divin dans la contemplation de sa beauté. C'est pour cela que saint Grégoire dit que l'âme jouissant de cette douceur intérieure, s'embrase de l'amour divin, et tâche de s'élever au-dessus d'elle, pour arriver

à

l'objet de son amour, qu'elle contemple au-dessus d'elle-même:

Gum inte>"11am du/cedinem degustat,

dit-il,

amore

œstuat, ire

sup,·a

semetipsam nititur.

Mais comme

il arrive, selon la retnarque de Gerson, qu'une pas~

sion d'un amour vain el charnel -se couvre hÏen souvent des apparences de l'amour divin, et qu'elle en représente les douceurs, l'on doit _bien prendre garde s'il se mêle quelque chose de turbulent et de charnel dans l'élévation en laquelle on expérimente la douceur, car alors, dit saint Diadoque, elle serait du démon : Sin autem ullœm prorsus dubitatia-nem. aut fœdam aliquam cogitationem mens in illa

gratiœ

operatione conci'piat.

quamris

sancto

no-mine J esu usa sit ad propufsandum ma.[um, el non

magis

ad omorem lantum Dei incendendum.

scien-dum est, consolationem illam falsa speeie lœtiliœ

a {al/ace dœmone proficisci.

C'est pour cela que' saint Bonaventure regarde comme suspecte la dou-ceur spirituelle qui est suivie de quelque impureté sensible, quoiqu'il n'y ait aucun péché du côté de celui qui la souffre. L'amour, el la joie qui nait de cet amour, seraient cert.ainement divins, s'ils se

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trom·aient dans cette

sublime

perfection que décrit le même docteur séraphique :

/ta inhœrere Deo,

ut totq, anima, cum omnibus potentiis

suis

et

viri-bus in Denm collecta, unus fiat spirilus cum eo :

ut nihil meminerit nid DeU,m , nihil sentiat, vel

intelligat mm, Deum, et

omnes

affectus in amoris gaudio uniti, in soln conditoris fruilione suaviter

quicscanl.

Si quelqu'un se trouvait dans l'élévation si uni

à

Dieu, que toute son âme fût recueillie en Dieu, et qu'elle devînt avec toutes ses puissances et loufes ses forces un même esprit avec lui, de sorte qu'elle ne se sou.,.înt que de Dieu, qu'elle ne considérât que Dieu , et que toutes ses affections , unies en la joie de l'amour, ne reposassent qu'en la jouissance de leur auteur; celui.là, dis-je , aurait san~ doute la saveur discrétive, qui naîtrait de la véritable charité. Mais, comme tous n'arrivent pas

à

la sublimité de cette perfection, ou qu'ils ne re-çoivent pas toujours les révélations dans cette subli-mité, saint Bernard a marqué les effets par lesquels l'on connaît le plus souvent que l'excès affectif naît de la douceur du divin amour, disant: Pius sanc affectus, et pectus amore calens, el sanctœ der,,o-tionis infusio, etiam et vehernenti spirilus rPpletus zelo, non plane aliunde, quam e cella vfnaria re-portanlur : la pieuse affection, le cœur enflammé d'amour, l'infusion de la sainte dévotion, l'esprit rempli d'un ardent zèle, que l'on sent dans l'excès

affectif,

il

est sûr que tout cela ne peul sortir que du cellier de l'excellenl vin de la charité.

68. Saint Bonaventure remarque que la rai~on pourquoi Dieu permet que le démon trompe, par des douceurs extraordinaires, certaines personnes con-templatives que' l'on croit spirituelles, est l'orgueil, qu'elles conçoivent imprudemment dans leur vie spirituelle :

Quia aliqui contemplativi a/iquando de

se nimis prœsumunt, aliosque contemnunt, et

ct·e-dunt se Deo esse proximos, cum tamen sint per

superbia"m ab eo nimis elongati: ideo diabolus, pater supe!'biœ, hanc potestatem in eos aceipit, ut talibus deliâis illos del'ipere possit.

Avoir bonne opinion de soi; mépriser les autres; s1imaginer d'être quelque chose, n'étant rien; se persuader d'être fort proche de Dieu, en étant fort éloigné par l'orgueil, tout ce)a est cause que le démon, père de cet orgueil, auquel on s'est conformé, ait pouvoir de tromper si aveuglément ces sortes de personnes par de fausses douceurs, qu'elles ne sauraient discerner leur mal, pas même par les moyens que nous avons marqués.

C'est pour ce sujet que les saints et les docteurs mystiques dom~.ent, comme un remède très-assuré parmi des écuejls si dangereux:, sur toutes les autres marques celle qui e~t opposée

à

l'orgueil. Et celle-ci est la véritable humilité, qui en est le fondement el qui les assure toutes. L'humilité et l'orgueil, dit saint Grégoire le Grand, sont les deux qualités oppo•

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sées, qui divisent deux royaumes bien différents, savoir, celui de Jésus-Christ, et celui de Satan. Nous connaissons clairement par elles ceux qui sont de l'un ou de l'autre empire. La marque des réprouvés est l'orgueil; cel1e des prédestin-és, l'humilité : il ne faut que connaître laquelle des deux devises l'on porte, pour découvrir sous quel roi l'on combat : Quia igitur Redemptor noster, dit ce grand saint, corda

rPgit

humilium, et Leviathan iste rex dicitur

superborom, aperte cognosr:imus, qu_od

eoidenlissi-mum reprob01'Um signum superbia est; at contra.

liumilitas electorum. Gum ergo, quam quisque

ha-beat, cognoscitur, sub quo rege militet , inçenitm·.

Ce sont là les qualités des fruits, par lesquels le Sei-gneur nous enseigne à discerner les faux prophètes d'avec les véritables.

Unusquisque enim,

poursuit Je même saint, quasi quemdam tilulum portal operis,

qui

facile ostendat,

sub

cujus seruiat potestate

re-ctoris : unde et per

E

vangelium dir:itur :

À

fructibus

eorum

cognoscetis eos. Afin do!1c que les membres de Satan ne nous trompassent point, même par leurs merveilles, le Seigneur nous a donné cette marque é-vidente pour les connaître, disant : que le démon est le roi de tous les enfants d'orgueil :

Ne

igitttr

nos, Leviathan i.stlus

membra,

vel

mira

fa-ciendo, fallerent, apertum signum, quo dep.-ehendi

valeant, demonstt·ar,,it, dieens : lpse est rex super

uni versos filios supe,·biœ.

Cette marque ne trompe

jamais : car, bien que les hypocrites se couvrent