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Distinction entre le monde environnant de communication et le monde environnant

Dans le document Le concept de personne chez Husserl (Page 81-85)

La thèse de la communication comme condition de l’unité d’une conscience est dite de manière on ne peut plus explicite : « La communication crée l’unité202 ». Il s’agit ici non plus d’une unité de conscience d’une personne individuelle, mais de l’unité de la personne d’ordre supérieur, de la conscience d’une communauté. Une telle unité, fondée dans le consensus,

201 Ibid., p. 202. « Les actes constitutifs de la socialité, les actes de “communication” », Appendice XVII des Hua XIII.

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nécessite un partage qui requiert la communication, qui sert la compréhension. La communauté de personnes ne peut se contenter de l’expression, qui est certes fondamentale et nécessaire pour la compréhension donc pour les communautés. Ces dernières requièrent en effet la communication qui, en tant qu’expression volontaire et réciproque, permet le partage de la vie spirituelle. Cette volonté de partage est orientée vers le lien qui unit la communauté. En cela, en tant que moyen de compréhension qui converge vers le lien qui unifie les personnes d’une communauté, on peut dire qu’elle est également la condition du monde environnant commun, et plus largement qu’elle est la condition à toute forme de socialité. Le concept de communication est régulièrement employé par Husserl au sein d’un autre concept qui est le monde environnant de communication. Afin de procéder à une définition de ce dernier, revenons-en au texte :

Nous désignons en tant que monde de la communication, le monde environnant qui se constitue dans notre expérience des autres, dans la compréhension réciproque et dans le consensus. Il est par essence relatif aux personnes qui se trouvent elles-mêmes en lui et qui le trouvent comme leur « en face »203.

Afin de mieux comprendre le monde environnant de communication, il faut procéder à la distinction de quatre concepts qui sont le monde extérieur, le monde égoïstique, le monde

environnant de communication et enfin le monde environnant commun. Le monde extérieur est

défini comme « tout le reste du monde204 ». Celui-ci, qui ne peut être défini que négativement, est tout ce qui ne dépend ni du sujet individuel isolé, ni de la communauté de sujets. Le monde égoïstique est défini comme le monde de « la personne qui, dans sa relation au monde, est pensée abstraitement de telle sorte qu’elle n’inclut aucun rapport de consensus avec les autres personnes205 ». J’ai vécu un traumatisme qui conditionne ma façon d’appréhender le monde, cela relève de moi en tant que sujet personnel pris isolément, cela relève de mon monde environnant égoïstique. Ce dernier faisant partie du monde environnant de communication, il doit donc être pensé comme le résultat de l’opération de soustraction par laquelle on ôte, au monde environnant de communication, tout ce qui relève des rapports de consensus. Il a pourtant bien une place fondamentale dans la constitution du monde de communication puisqu’il est qualifié par Husserl de « noyau eidétique du monde environnant de

203 HUSSERL, Edmund. Idées directrices II. P. 271. 204 Ibid., p. 274.

205 Ibid., p. 271. Le monde égoïstique est à penser de la même façon que la nature. Les deux ne s’obtiennent que par abstraction. Tout comme il n’existe pas de nature hors de l’opération d’abstraction du scientifique naturaliste, il n’existe pas de monde pour « le sujet insulaire » (P.272).

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communication206 ». C’est donc à partir de ce qui relève de la personne propre prise isolément que celui-ci se constitue.

Le monde environnant de communication est donc toujours bien un Umwelt pour moi et ne doit pas être confondu avec un Umwelt pour nous. Ainsi tout mon monde environnant n’est pas le monde environnant de la communauté à laquelle j’appartiens. Je peux appartenir à la communauté des Français, à la communauté chrétienne, à la communauté de la classe sociale des ouvriers. Une autre personne partage avec moi le monde pour la communauté des Français et le monde pour la classe ouvrière, mais est dans la communauté musulmane. Les deux ne partagent donc pas, entre autres, le système de valeurs inhérent à la communauté religieuse. Ces deux personnes partagent un monde environnant commun, mais « chacun de ces compagnons singuliers a son propre environnement qui porte la marque de sa subjectivité207 ». Le monde pour moi n’est jamais le même que le monde pour nous, puisqu’il est constitué à partir d’un sujet personnel singulier et unitaire. En définitive, c’est donc seulement le monde environnant commun qui peut être qualifié de monde pour nous. Il doit être compris comme le monde objectif constitué dans l’intersubjectivité par une communauté de personnes et qui englobe de ce fait toutes les objectités constituées dans le consensus. J’ai mon propre monde environnant et l’autre a également son propre monde environnant, et pourtant nous partageons ensemble, en tant que compagnons, par un rapport de consensus, un monde environnant commun. Le noyau d’un tel monde n’est donc pas le rassemblement des différents mondes égoïstiques, mais l’unité formée par les différentes personnes réunies en personne d’ordre supérieur.

Avec la reconnaissance de l’autre en tant que personne, nous avons étudié un degré minimal de compréhension. La véritable compréhension est l’accès à la vie spirituelle d’une personne, conditionnée par un degré minimal d’identité donc par un partage minimum de valeurs. Mon monde environnant n’est pas celui de l’autre personne, elle a le sien comme j’ai le mien. En même temps, par un rapport de consensus, nous partageons ensemble un monde environnant commun, qui repose sur la communication interpersonnelle. En tant qu’expression volontaire, celle-ci est pensée par Husserl avec la corporéité comme condition, puisque cette dernière a la fonction de médiateur de l’expression. L’autre est donc toujours compris comme une unité somato-spirituelle, autrement dit comme l’unité formée par le corps vivant et l’esprit. De ce caractère volontaire, orienté vers le lien autour duquel les personnes fusionnent en personnes d’ordre supérieur, nous avons pu en déduire que la communication est à la fois la

206 Ibid., p. 272.

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condition, mais aussi le signe des communautés. Nous avons en effet étudié la constitution réciproque entre personnes, qui passe par la communication, il s’agit maintenant d’étudier le lieu et le produit d’une telle constitution, à savoir les communautés de personnes ou personnes d’ordre supérieur.

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Chapitre 9 :

La personne de degré supérieur : les communautés de personnes

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