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Discussions et perspectives

CHAPITRE 5. DISCUSSIONS ET PERSPECTIVES Usages et informatique

Doit-on substituer l’écran au papier pour changer des usages que nous considérons comme dépas-sés ?

La question n’est pas de savoir si les méthodes actuelles sont archaïques et méritent d’être dépoussié-rées. Si l’on reprend le cas du dessin dans la démarche créative, une telle vision reviendrait à ne le considérer que comme une technique. Il ne serait alors pas dénué de sens de proposer une évolution de cette technique avec de nouveaux supports et de nouveaux buts. Et c’est ce que la majeure partie des travaux sur les interfaces de dessin ont fait jusqu’à présent : puisque les concepteurs « dessinent bien », proposons leur un stylet et la possibilité de tracer des traits ; mais les traits que l’on veux et que notre système sait traiter. Nous ne nions pas pour autant le fait que ces approches améliorent la prise en main et le rapport intuitif entre l’utilisateur et le système.

Par contre, une telle démarche ignore totalement la qualité de compagnon que tient le dessin aux cotés du concepteur. Plus qu’une simple technique, c’est un collaborateur engageant un dialogue comme nous l’avons exposé dans le chapitre 1. C’est cette « decontextualisation » systématique de la tâche que nous avons tenté d’éviter dans notre approche de dessin libre, en visant plutôt la « contex-tualisation » du système informatique dans la tâche de l’utilisateur. Dans ce sens, une vision future de l’évolution de SVALABARDserait d’aller jusqu’à la suppression complète de tous ses composants matériels (périphériques, écran, etc.) au profit de feuilles de papier électronique capables de numé-riser les dessins, et de projecteurs holographiques permettant l’affichage virtuel des modèles créés. Nous passerions alors d’une métaphore de table à dessin virtuelle à une table à dessin augmentée, ou le système informatique serait véritablement transparent et ses apports directement intégrés à un environnement de conception enfoui (« ubiquitous computing »).

Choix des usages

Si l’on veut substituer l’écran au papier, quels moyens avons-nous pour considérer que les usages ne sont pas adaptés et que nos techniques innovantes sont meilleures ?

Bien que nous ayons essayé d’adopter une vision des plus détachées tout au long de nos travaux, il n’en reste pas moins évident que nous avons souvent évolué autour d’un domaine et d’un raisonnement assez technique et pratique. Et ce, même lors de notre prise de connaissance des processus humains de la démarche créative. Comment alors identifier les véritables apports d’un outil informatique dans les premières phases de la conception autrement que par rapport à nos propres références ? Com-ment vérifier nos propres assertions sur l’intégration des techniques informatiques dans la démarche créative ?

Cette réflexion nous a fait prendre conscience que les utilisateurs de l’outil seront toujours les plus à même de savoir si celui-ci leur convient, et surtout de le modeler en fonction de leurs besoins et usages. Cette notion de construire l’outil est elle aussi une activité créative de la conception(4), impliquant un rapport à l’outil et à la tâche bénéfique pour le confort de travail et la créativité.

(4)C’est pour cette raison que les ergonomes considèrent la créativité comme présente à tous moments d’un processus de conception, lorsque par exemple un opérateur de machine-outil va modifier son appareillage pour permettre de façonner un nouvel objet.

5.5. CONCLUSION : SUBSTITUER L’ÉCRAN AU PAPIER ? Façonner et adapter l’outil créatif

SVALABARDintroduit des notions nouvelles de flexibilité, de configurabilité et d’adaptabilité dans le domaine des systèmes informatiques de support à la créativité, ouvrant selon nous la voie vers de véritables outils informatiques de conception. En effet, en rendant possible la redéfinition complète de ses interactions, de ses comportements mais aussi de ses fonctionnalités, nous envisageons de permettre au concepteur de l’adapter à ses méthodes et ses besoins. Remplacer des interactions, des dispositifs par d’autres, déconnecter des fonctionnalités, en connecter d’autres, tout cela de manière interactive et visuelle, est une des particularités de SVALABARD, rendue possible par la boîte à outils MAGGLITEsur laquelle il repose (et que nous développerons dans la deuxième partie).

Ce principe, pouvant être assimilé à de la programmation visuelle, est proche de systèmes très utilisés dans le domaine de la MAO(5), avec par exemple MAX/MSP [Puckette, 1991] et les diffé-rents systèmes plus complets qui en découlent : JITTER permet à l’utilisateur de construire sa propre application de traitement et de mélange de sons, de vidéos ou de graphismes à partir des greffons dis-ponibles dans la bibliothèque [Cycling’74, 2004]. L’utilisateur construit sa propre chaîne de traitement des données, adaptée à ses besoins et au(x) but(s) qu’il veut atteindre.

Une autre perspective serait d’approfondir nos travaux pour étudier de telles pratiques dans les do-maines de la conception créative. Il est d’ores et déjà possible de composer des traitements du dessin, mais surtout de définir les interactions et comportements de SVALABARD(ce qui est relativement nou-veau par rapport aux outils de MAO que nous avons évoqués). L’ajout de nounou-veaux filtres, mais aussi de fonctionnalités nouvelles reposant sur le dessin (peinture, bande dessinée, dessin technique, etc.) sous forme de greffons ferait de SVALABARDune plateforme de composition d’applications créatives de dessin, permettant à l’utilisateur de définir lui-même l’application appropriée à ses besoins, de façonner son outil.

C’est dans ce sens que dans le chapitre 2 de ce mémoire nous avions émis des réserves quant à la notion d’usage transgressif, selon le terme employé par Daniel ESTEVEZ dans [Estevez, 2001] (détourner un système informatique de son but premier, ou n’en utiliser que les fonctionnalités en adéquation avec la démarche créative). Car en effet, notre position sur ce point tend plutôt à fournir à l’utilisateur les moyens d’intégrer à son cheminement les différentes fonctionnalités dont il a besoin, lui permettant alors de créer son environnement privilégié. Et c’est l’une des perspectives selon nous les plus prometteuses de notre approche, de par la démarche de conception que nous avons suivie, mais aussi grâce à l’architecture logicielle que nous proposons.

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