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5.3 Résultats, Conclusions et Discussion

5.3.3. Discussion

Au-delà des questionnements et des réponses méthodologiques apportés par cette recherche, l'élément intéressant de celle-ci concerne le « déficit communicationnel » observé sur l’équipe A : « pourquoi, contre toutes attentes, l'équipe qui avait les moyens structurels suffisants a eu plus de difficultés à communiquer et échanger ? » Deux hypothèses différentes peuvent apporter une explication ou un éclairage.

La première hypothèse se base sur le concept de proximité axiologique individu – organisation (Savoie & Beaudin, 1995), qui postule que l’adéquation entre le membre de l’équipe et l’organisation parente (en terme de valeurs, de principes, de conduites …) doit être maximale pour que le travail en équipe soit réalisé efficacement. Or, dans les cas observés, l’équipe A, dont les membres bénéficient de plus nombreuses expériences en dehors de l'association (Exp6, p=.002) que les membres de l’équipe B, a sans doute une moins grande proximité individu- organisation. En d’autres termes, les membres de l’équipe A, ayant tous de nombreuses expériences mais dans un autre cadre organisationnel, peuvent éprouver de plus grandes difficultés à échanger ou à communiquer que les membres de l’équipe B, qui ont, pour la plus part, fait toutes leurs expériences au sein de cette même organisation. Ainsi, plus les membres d’une équipe bénéficient d’expériences "hors organisation parente", plus il serait difficile pour cette équipe d’établir des échanges et des communications maximales : une forme de difficulté d’intégration réciproque.

La deuxième hypothèse, qui est liée à la première, repose sur le problème des représentations individuelles des membres de l'équipe. Dans le cas de l'équipe A, on observe que les membres, qui reprochent au groupe un manque de communication et d'échanges, expriment en fait une rupture entre ce qu'ils attendaient de l'équipe et ce qui fut réellement mis en œuvre. Or, des notions, comme celle de l'identité groupale et du contrat de communication (Ghiglione & co, 1986, Camus, 2001), rappellent que les échanges au sein d'un groupe permettent à ses membres de se construire des règles communes et des visions/représentations partagées par ses membres. Dans le cas de l'équipe A, ses membres expérimentés n'ont peut-être pas pris le temps de « renégocier » ces représentations collectives, prenant pour acquis et maîtrisé les moyens de préparer et de réaliser une animation. Ils ont donc travaillé avec des représentations individuelles divergentes ou distantes. Cela a pu conduire certains à une forme de mal-être à l'issu de l'exercice. A l'inverse, dans le cas de l'équipe B, ses membres ne bénéficiant pas de l'expérience suffisante ont eu besoin de redéfinir collectivement les moyens nécessaires à l’organisation, la préparation et la réalisation de l'animation. Les échanges importants au sein de cette équipe ont donc conduits à des représentations individuelles proches et convergentes quant à leur organisation et au système « équipe ».

Cette dernière hypothèse traduit en fait l'essence d’une perspective systémique sur le concept d'équipe. Ce sont les échanges d'informations, qui dans un système psychosocial, sont d'ordre psychologique. Ces informations sont identifiables et mesurables au travers des représentations individuelles de chacun des membres. Et, elles sont le jeu de processus homéostasiques et entropiques, qui peuvent se traduire par une proximité et une convergence plus ou moins importantes entre les membres. Cette hypothèse constitue la problématique générale développée au chapitre 3, et l'objet des recherches 2 et 3 présentées aux chapitres 6 et 7.

Cette étude, ses résultats, et la discussion qui y est associée, sont, il faut le rappeler, exploratoires. Pour étendre les résultats et prolonger ces travaux, il faudrait notamment renouveler cette étude, avec une méthodologie similaire, sur davantage d’équipes de travail dans des contextes organisationnels diversifiées. Le champ des études psycho-organisationnelles des équipes de travail est un champ relativement complexe. Il nécessite une approche intégrant nécessairement les niveaux individuels, groupaux, et organisationnels. Il nécessite également un certain nombre de compromis théoriques, méthodologiques, et scientifiques. Pour le chercheur, il est difficile d’entrevoir toute la complexité de ce mode d’organisation. Il est alors contraint à des choix quant à ce qu’il évalue, mesure et analyse. Ses conclusions ne peuvent plus être que “conditionnées à”, “dépendantes de”, voire ne plus être que du cas pas cas.

Pour parvenir à dégager un savoir consistant, pertinent et prédictif du fonctionnement des équipes de travail, il faudrait peut-être donc développer une approche interdisciplinaire (psychologie, sociologie, ergonomie, économie, anthropologie…) cumulant plusieurs outils (questionnaires, entretiens, observations, expérimentations…), dans un souci d’action. C'est là toute la réflexion du chapitre 2 de la partie 1.

… Encadré 5 : Résumé de la recherche 1

Cette première recherche se veut une introduction à la problématique générale, présentée au chapitre 3, portant sur les représentations des membres quant au système « équipe ». L'objectif est donc, dans un premier temps, d'introduire la thématique des processus internes aux équipes de travail, de vérifier leurs rôles au sein du système « équipe », et, dans un second temps, de comprendre les problématiques de mesure et de recueil d'informations liés à ces systèmes.

L'étude fut donc réalisée, de manière qualitative sur deux équipes de travail, du secteur de l'animation socioculturelle.

Trois niveaux d'analyse ont été retenus (individuel, groupal et organisationnel) et ont conduit à l'identification de trois sources de facteurs : organisationnelles, structurelles et dynamiques.

Les données organisationnelles ont été précisées et contrôlées. Elles constituent donc des conditions similaires pour les deux équipes étudiées. Les autres données individuelles et groupales ont été mises en relation dans le cadre des hypothèses opérationnelles portant sur les deux équipes d'animation. Les résultats n'ont pas permis de vérifier les hypothèses dans le sens entendu, à savoir une structure favorable (âge, expérience, …) produit une dynamique favorable à l'équipe et des résultats d'équipe plus intéressants.

Inversement, l’équipe, bénéficiant a priori de moins d’atouts structurels, a fait preuve d’une dynamique plus favorable, notamment sur le champ des communications et des échanges entre ses membres.

La réflexion menée sur les résultats et sur les hypothèses posées a donc permis de recentrer la problématique autour de ce qui caractérise le cœur du système « équipe », au sens systémique et cybernétique, à savoir les échanges d'informations.

Au sein du système « équipe », ces échanges sont d'ordre psychologique. Ces informations, qui sont identifiables et mesurables au travers des représentations individuelles de chacun des membres, sont également le jeu de processus homéostasiques et entropiques, qui peuvent se traduire par une proximité et une convergence plus ou moins importantes entre les membres. Ce qui correspond aux axes de recherche des recherches 2 et 3 des chapitres 6 et 7.

… La question n’est pas tant de se demander : « de quoi les décisions sont-elles faites ? » mais plutôt : « comment les décisions sont-elles faites ? ».

H. A. Simon.

CHAPITRE 6

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