Nombre de patients en fonction du nombre de facteurs prédisposants
TABLEAU 21 : ETUDE DES PRESCRIPTIONS DES PATIENTS AYANT CHUTE A 6 MOIS
IV- Discussion, perspectives : Analyse des résultats :
Nous avons étudié la prescription de 135 patients admis pour chute au sein du service de Soin de Suite et Réadaptation de l’hôpital Xavier Arnozan lors de l’année 2016.
Les patients inclus dans l’étude avaient entre 75 et 99 ans. L’âge moyen était de 87,13 ans [75 ans ; 99 ans]. La majorité des patients chuteurs (57%) était inclus dans l’intervalle [81 ans ; 90 ans].
La littérature a montré que la prévalence de chute augmente chez le sexe féminin (14), ce que confirme notre étude avec un taux de 67,41% de femmes chuteuses contre 32,59% d’hommes.
On dénombre en moyenne 7,12 facteurs de risque prédisposants une chute par patient avant leur hospitalisation.
Parmi ces facteurs de risque, nous avons isolé 3 facteurs médicamenteux pouvant prédisposer une chute : une polymédication supérieure à 4 médicaments par jour, une prise de médicaments du système cardiovasculaire, une prise de médicaments du système nerveux central (14).
La population gériatrique est particulièrement polymédicamentée. Dans notre étude, le nombre moyen de médicaments quotidiens est de 7,40 médicaments par jour. 82,22% des patients chuteurs inclus dans l’étude consomment plus de 4 médicaments par jour.
Ce chiffre moyen de médicaments quotidiens est un peu plus élevé que la moyenne (5 médicaments/jour chez les patients à domicile, 7 chez les patients institutionnalisés). (93)
Dans notre étude, 80,74% des patients ont au moins un médicament du système
cardiovasculaire de prescrit sur leur prescription médicale lors de leur chute et 57% des
patients inclus dans l’étude consomment une association de médicaments cardiovasculaires.
62,22% des patients ont au moins un médicament du système nerveux central de prescrit sur
leur prescription médicale lors de leur chute et 28,88% des patients inclus dans l’étude consomment une association de médicaments du système nerveux central.
Au total, 94,07% des patients qui ont chuté présentent avant leur entrée au moins un facteur
médicamenteux précédemment énoncé pouvant favoriser un risque de chute.
De plus, 90,37% des patients sont en insuffisance rénale (de légère à terminale), ces patients peuvent ainsi présenter un défaut d’élimination de certains médicaments.
L’analyse des bilans médicamenteux optimisés des patients chuteurs a recensé 87
médicaments inappropriés chez la personne âgée, connus pour augmenter le risque de chute. [ANNEXE 1 et 2], (143, 184, 196, 209).
Après réévaluation de la pertinence des prescriptions lors de l’hospitalisation, on en compte plus que 6. Le nombre moyens d’antihypertenseurs, d’antiarythmiques, d’anticholinergiques, de benzodiazépines à demi-‐vies longues et d’hypnotiques à dose pleine a baissé, ce qui tend à
diminuer le risque de iatrogénie.
Lors du suivi à 1 et 6 mois, nous pouvons remarquer que la quasi totalité des patients (90% à 1 mois et 100% à 6 mois) ont dans leur prescription médicamenteuse au moins un médicament pouvant favoriser une chute. Les patients chuteurs sont des patients avec une polymédication importante.
De plus, 90% des patients à 1 mois et 70% des patients à 6 mois prennent une association de médicaments potentiellement pourvoyeurs de chutes.
Pour la moitié des patients victimes d’une nouvelle chute (40% à 1 mois, 52 % à 6 mois), cette prescription venait d’être modifiée par le médecin traitant peu de temps avant la chute, par l’ajout de médicaments susceptibles d’entrainer soit une hypotension, soit une sédation. L’étude à 1 et 6 mois nous montre que le taux de nouvelle chute augmente dans le temps après la sortie d’hospitalisation (20% à 1 mois, 50% à 6 mois).
Critique de l’étude :
Afin d’étudier l’impact du médicament sur les chutes de notre population, il aurait fallu inclure dans l’étude un groupe témoin, non chuteur avec les mêmes caractéristiques que notre population. Ainsi nous aurions pu comparer les consommations médicamenteuses de notre groupe de patients chuteurs aux prescriptions médicamenteuses de patients non chuteurs. Pour des raisons techniques la constitution de ce groupe témoin n’a pas été possible : le groupe de patients chuteurs a été sélectionné au Service de Soin de Suite et de Réadaptation de l’Hôpital Xavier Arnozan de Pessac en choisissant comme critère d’inclusion « âge > 75
ans + hospitalisation liée à une chute au domicile du patient » . Les motifs d’hospitalisation des patients hospitalisés au SSR Xavier Arnozan sont majoritairement des suites de prise en charge secondaire à : des chutes, des décompensations cardiaques, des AVC, des maladies aiguës, des décompensations de maladies chroniques. Il n’a pas été possible de constituer un groupe témoin comparable au groupe de chuteurs au sein des patients hospitalisés.
Nous ne pouvons ainsi que décrire la consommation médicamenteuse de notre population de patients chuteurs et supposer le rôle du médicament sur les chutes. En effet plusieurs facteurs influent sur les chutes, comme nous l’avons déjà vu.
La diminution des chutes après la sortie d’hospitalisation s’explique par plusieurs critères : -‐ L’optimisation de la prescription du patient et la diminution des facteurs iatrogènes -‐ La prévention des chutes mise en place par les kinésithérapeutes
-‐ La réautonomisation à la marche
-‐ L’aménagement du domicile par les ergothérapeutes -‐ La sensibilisation du patient et de son entourage…
Lors du rappel à 1 et 6 mois, il existe un biais de mesure. Le rappel du patient se base uniquement sur un appel téléphonique. Il est courant que les personnes âgées cachent à leur entourage l’existence d’une chute. Nous pouvons donc estimer que les chiffres obtenus sont en réalité plus importants, d’une part par les patients qui nous ont répondu « non » lors du questionnaire alors qu’ils avaient en réalité chuté, d’autre part par les aidants qui nous ont répondu « non » car leur proche leur a caché une éventuelle chute.
De plus la prescription médicamenteuse n’est pas toujours le reflet exact de la consommation médicale du patient. En effet des défauts d’observance ou une surconsommation
médicamenteuse, notamment de psychotropes, est toujours possible.
Discussion :
Sans pouvoir imputer les chutes au médicament, ni en mesurer l’impact exact, nous savons grâce aux différentes études menées dans la littérature, que le médicament est un facteur de
risque de chute (91, 131, 132, 137, cf PARTIE 2). Rappelons que la chute chez la personne âgée a une origine plurifactorielle.
Le médicament fait partie des facteurs sur lesquels on peut agir afin de diminuer le risque de
chute.
A l’issue de notre étude, nous pouvons remarquer que sur les 135 patients inclus : 126 patients présentent sur leur ordonnance au moins un médicament susceptible d’induire une chute, 7 patients sont en rupture médical et seulement 2 patients ne présentent pas de médicaments potentiellement à risque de chute.
Afin de limiter les chutes chez le sujet âgé, il est donc possible d’agir sur certains de ces facteurs iatrogènes. Les axes d’action envisageables que nous permet de définir cette étude sont :
-‐ Une diminution du nombre de médicament journalier (autour de 7 dans notre population, inférieur à 4 d’après la HAS pour diminuer le risque de iatrogénie (14)
-‐ Une prise en charge raisonnée de l’hypertension artérielle chez la personne âgée avec un objectif inférieur à 150mmHg (27) et une limitation des coprescriptions d’antihypertenseurs.
Un patient sur deux avait une coprescription d’antihypertenseurs à l’entrée d’hospitalisation, avec pour conséquence chez un nombre important de patients des tensions artérielles basses, voir très basses, et un test d’hypotension orthostatique positif chez 40% des patients (chez qui le test a été réalisé)
-‐ Une prescription de psychotropes raisonnée, c’est-‐à-‐dire :
ê Une prescription seulement après une évaluation de l’indication, sur la période
la plus courte, à la dose la plus faible
ê Une diminution du nombre total de psychotropes : deux patients sur trois avaient au moins un psychotrope à l’entrée, et un tiers des patients une association de psychotropes
ê La suppression ou le remplacement des médicaments potentiellement
inappropriés inclus dans les référentiels par un autre médicament du système
nerveux central moins dangereux et à demi-‐vie plus courte.
ê De plus tenter l’arrêt des hypnotiques, et en cas de sevrage impossible, les prescrire à demi-‐dose, conformément aux recommandations
23 des patients inclus dans l’étude avaient un hypnotique, prescrit à dose pleine pour 87% d’entre-‐eux.
Pour l’ensemble des patients, la date d’initiation des psychotropes n’était pas connue.
-‐ Supprimer les MPI des prescriptions médicales des sujets âgées (87 MPI retrouvés à l’entrée).
Perspective :
Pour chaque patient hospitalisé au SSR, la pertinence des prescriptions est réévaluée afin de limiter la iatrogénie.
Le rappel à 1 et 6 mois nous montre que les réévaluations de traitement, associées aux prises en charge de kinésithérapie et d’ergothérapie, a une efficacité avec un taux de chute à 1 mois de 20% et un taux de chute à 6 mois de 50%. Pour la moitié des patients victimes d’une nouvelle chute, un ou plusieurs médicament pouvant induire des chutes avait été instaurés récemment avant la chute, par le médecin traitant.
Dans un objectif de continuité et de sécurisation de la prise en charge médicamenteuse, une fiche de liaison ville-‐hôpital est envoyée au médecin traitant avec le courrier de sortie. Elle récapitule médicament par médicament, s’il a été poursuivi, arrêté ou modifié, associé à un motif argumentant cette décision médicale [ANNEXE 5].
Cette fiche de liaison ville-‐hôpital est également envoyée au pharmacien d’officine. Il peut ainsi suivre le traitement médical du patient à sa sortie d’hospitalisation et veiller au respect des
optimisations effectuées à l’hôpital. Il peut, de plus, expliquer les modifications au patient, afin qu’il n’y ait pas de confusion de sa part entre son traitement avant et après l’hospitalisation.
Dans le but de sensibiliser le pharmacien d’officine au risque de chute chez la personne, nous avons créé une fiche en association avec l’OMEDIT Aquitaine (Observatoire du Médicament des Dispositifs médicaux et de l’Innovation Thérapeutique) destinée à être jointe à la fiche de liaison ville-‐hôpital lors de la sortie d’hospitalisation du patient.
ANNEXE 6 : FICHE « PREVENTION DES CHUTES »
Cette fiche explique aux pharmaciens d’officine le caractère plurifactorielle des chutes : -‐ Les médicaments potentiellement impliqués
-‐ Les causes physio-‐pathologiques du vieillissement qui augmentent le risque de chute -‐ Les situations à risque à surveiller
-‐ Les patients à surveiller
-‐ Les conseils à donner aux patients présentant un risque de chute d’origine iatrogène
Cette fiche a pour but de faire connaitre le risque de chute d’origine médicamenteuse aux collaborateurs de la pharmacie et ainsi leur permettre d’évaluer pour chacun des patients âgés de l’officine s’il présente un risque iatrogène.
Le pharmacien est un acteur de santé de proximité, il est l’un des derniers maillons de la prise en charge thérapeutique, au plus proche du patient.
Il est donc important que le pharmacien soit particulièrement vigilant au risque de chute. A chaque délivrance à un patient âgé, il se doit de vérifier :
-‐ L’état du patient. Il faut vérifier l’absence de pathologie aiguë, l’absence de chute récente, une alimentation adéquate et l’absence de perte de poids récente
-‐ La bonne tolérance du traitement, c’est-‐à-‐dire l’absence de baisse de tension soudaine, de sédation marquée, d’hypoglycémies, de malaises
-‐ L’indication et les posologies des traitements prescrits. En cas de prescription de psychotropes, le pharmacien doit questionner. Certaines benzodiazépines sont prescrites depuis plusieurs années à un patient, le pharmacien doit rechercher s’il y a
toujours une indication, combien de prise prend le patient par jour, l’orienter et l’aider dans un sevrage si possible.
-‐ En cas de médicaments présentant un risque de chute, le pharmacien doit expliquer au patient les effets indésirables et comment s’y préparer en des termes simples :
ê En cas de prescription d’antihypertenseurs : « Ce médicament peut entrainer
des baisses de tensions, faites attention à vous lever doucement quand vous êtes couché ou assis afin d’éviter une chute de tension trop rapide »
ê En cas de médicaments à risque de sédation : « Ce médicament peut entrainer
une somnolence, faite attention de ne pas tomber »
ê En cas d’hypnotique : « Si vous avez besoin de vous lever la nuit, préférer la
présence d’un fauteuil garde-‐robe dans la chambre »
ê De plus il est utile de rappeler les gestes simples qui peuvent prévenir une chute, à savoir : le port de chaussures et chaussons adéquats, le port de lunettes, l’absence de tapis et d’un sol encombré, l’absence de prise de risque inconsidérée ainsi que le port d’une téléalarme pour prévenir en cas de chute. -‐ En cas de prescription inadaptée (MPI, interactions médicamenteuses, redondance
thérapeutique), le pharmacien doit appeler le médecin traitant afin de lui faire part de son opinion pharmaceutique.
Actuellement, un tiers des personnes âgées de plus de 65 ans et la moitié des plus de 80 ans font au moins une chute par an. Les conséquences des chutes peuvent être graves, que ce soit à court, moyen ou long termes.
La chute du sujet âgé est un événement multifactoriel résultant de l’addition de facteurs intrinsèques et de facteurs extrinsèques.
Parmi les facteurs favorisant les chutes, on retrouve la prise de médicaments.
Au cours de cette thèse, nous avons dans un premier temps fait un état des lieux des facteurs à risque de chutes, puis dans un deuxième temps, nous avons étudié la place de la thérapeutique dans ces chutes de la personne âgée.
Différentes études dans la littérature montrent que la consommation de certaines classes médicamenteuses, tels que les médicaments du système nerveux central, les médicaments anticholinergiques, certains médicaments du système cardiovasculaire et certains antidiabétiques entrainent une augmentation significative du risque de chute chez le sujet âgé. Ce risque augmente à l’instauration de ces traitements.
Le bon usage du médicament est un facteur sur lequel le pharmacien peut agir.
Notre étude, descriptive prospective monocentrique, réalisée via une revue d’ordonnances de 135 patients hospitalisés pour chute, entre le 1er janvier 2016 et le 31 décembre 2016 au
Service de Soin de Suite et de Réadaptation de l’Hôpital Xavier Arnozan, montre qu’il est nécessaire de travailler en pluridisciplinarité sur les pertinence des prescriptions afin diminuer le risque iatrogène.
L’objectif principal de notre étude était de décrire l’optimisation thérapeutique réalisée au SSR chez les patients chuteurs.
Pour les objectifs secondaires de l’étude, nous avons décrit les facteurs de risque de chute de la population de l’étude, identifié les médicaments pourvoyeurs de chute à l’entrée et à la sortie du service, évalué la survenue de chutes à 1 et 6 mois après la sortie du service et
analysé d’éventuelles modifications thérapeutiques réalisées en ville chez les patients ayant nouvellement chuté.
L’étude a montré que la population étudiée présentait un nombre important de facteurs de risque prédisposants une chute (plus de 7 par patient), notamment médicamenteux. En effet plus de 8 patients sur 10 consomment plus de quatre médicaments par jour ; plus de 9 patients sur 10 présentent au moins un facteur médicamenteux susceptible de favoriser une chute (d’après les critères de la HAS).
Après réévaluation des prescriptions, le risque de iatrogénie tend à diminuer comme nous l’avons vu.
Une nouvelle chute à un et six mois après la sortie d’hospitalisation survient principalement chez des patients polymédiqués présentant un haut risque iatrogène.
Une des perspectives majeures dans la prévention du risque iatrogène de chute est de développer un travail pluridisciplinaire en ville et d’impliquer le pharmacien du patient.
Pour l’aider à prévenir les chutes et le sensibiliser sur le rôle du médicament, il nous a semblé pertinent de réaliser une fiche « Prévention des chutes », qui a pour vocation d’être distribuée aux pharmacies d’officine.
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