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Discussion sur l’originalité du cas Barajas dans son contexte régional

2. Deuxième niveau d’interprétation : les modalités d’utilisation des espaces souterrains

1.4. Discussion sur l’originalité du cas Barajas dans son contexte régional

Les structures souterraines qui viennent d’être décrites illustrent particulièrement bien la diffi culté à envisager la question qui nous occupe dans un contexte régional : les travaux archéologiques n’ont pas été encore très nombreux et l’identifi cation de l’architecture en creux demeure rare ; en tout état de cause, elle est soumise à des circonstances particulières (effondrement ou pillage), sans quoi les cellules sont indétectables en prospection. De fait, on connait les structures souterraines de Plazuelas et Zaragoza parce qu’elles ont été fouillées, et celle de San Antonio Carupo, parce qu’elle a été pillée. Cette remarque permet d’insister, une fois de plus, sur la valeur limitée que l’on doit accorder à la rareté de nos découvertes.

L’architecture souterraine observée à San Antonio Carupo présente, nous l’avons dit, des similitudes tout à fait remarquables avec au moins une partie de l’architecture souterraine existant

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N

MUR MODERNE

LIMITES INTERNES DE LA FOSSE ZONE D AFFLEUREMENT

TERRASSE

Fig. 241 : Photos générales et de détail de la plate-forme n’6, au sud du jeu de balle de Zaragoza, avec les caissons souterrains construits dans le remplissage. Le caisson de droite est relié à un canal de drainage ; il s’agissait probablement d’un temazcal. (Photos de S. Bortot)

Fig. 242 : Photo de l’entrée et relevé au pierre à pierre de la structure souterraine localisée à San Antonio Carupo (Photo et dessin de S. Bortot)

sur le massif du Barajas. La chambre enregistrée est localisée dans un secteur d’habitat, au bord d’une terrasse artifi cielle ; on y accède par un couloir latéral terminé par un seuil surrélevé, éléments qui sont apparus à plusieurs reprises sur le Barajas. En outre, le système de toiture est le même et les capacités volumétriques, quoique supérieures ne sont pas trop différentes. Par conséquent, tout porte à croire qu’au moins un des trois types de chambres souterraines du Cerro Barajas existe aussi à San Antonio Carupo. Cette observation n’a d’ailleurs rien d’étonnant puisqu’en dehors de l’architecture en creux, les deux sites présentent de nombreuses similitudes quant à la confi guration de leur centre cérémoniel et à la morphologie de certains bâtiments. Rappelons, à cet égard, qu’à San Antonio Carupo, on connaît, comme sur le massif du Barajas, des bâtiments à plusieurs pièces avec un accès par le toit.

Il semble donc, si l’hypothèse du stockage est confi rmée dans le cas de la cellule de San Antonio Carupo, que les habitants de ce lieu ont eu recours aux mêmes dispositifs que sur le Cerro Barajas.

Envisageons à présent les caissons associés aux temazcal de Zaragoza et de Plazuelas. D’un point de vue formel, il est vrai qu’ils présentent certains points communs avec les chambres souterraines de notre corpus puisque l’un d’entre eux est même construit autour de l’affl eurement rocheux, et que tous ont des capacités volumétriques voisines de certaines cellules du massif. En revanche, le matériel contructif, lui, diffère : à Plazuelas et à Zaragoza les murs sont construits en tuf ; néanmoins, il ne s’agit pas là d’un critère distinctif pertinent puisque les constructeurs locaux ont utilisé les bancs de matériel disponible dans les environs les plus proches ; c’est d’ailleurs peut-être pour la même raison de disponibilité que les structures n’ont pas été couvertes par des dalles. D’autres différences sont plus signifi catives. Les caissons dont on parle apparaissent d’abord en contexte clairement cérémoniel. Sur le massif du Barajas, la seule cellule localisée dans une plate-forme d’un secteur cérémoniel n’a pas été directement associée à la fonction de stockage. Dans le cas de certaines des chambres souterraines de Zaragoza et Plazuelas, la fonction du stockage n’est pas exclue. En tout cas, elles n’ont pas été utilisées pour recevoir des sépultures puisqu’elles ne contenaient pas d’os. Par ailleurs, le matériel retrouvé à l’intérieur n’est pas en contradiction avec celui que l’on pourrait observer en contexte de stockage.

En résumé, les chambres souterraines enregistrées dans les trois sites pourraient correspondre à des structures de stockage. Pourtant, peut-on en déduire qu’il s’agit de stockages identiques ? Pas forcément et, au contraire, il convient probablement d’émettre des réserves à ce sujet. De fait, étant donné le contexte dans lequel apparaissent les cellules souterraines de Plazuelas et de Zaragoza, il est diffi cile de penser qu’elles abritaient la production agricole d’un groupe domestique, ce qui, à l’inverse, semble bien le cas à San Antonio Carupo. En réalité, il faut être conscient du fait que l’aménagement de structures en creux dans des soubassements ou dans des plates-formes sollicitait assez peu de travail, peu de matériel et correspondait à une technique constructive peu élaborée. Est-ce à dire que ces aménagements sont aussi fréquents que ne le sont les plates-formes dans lesquelles ils auraient pu être aménagés ?

D’abord, il apparaît que l’architecture souterraine n’est pas propre au massif du Barajas pour la période comprise entre 700 et 900 apr. J.-C. Certes, nous n’avons retrouvé qu’un nombre limité de cas pour étayer notre affi rmation, mais les obstacles à la découverte des chambres souterraines sont suffi samment nombreux pour penser qu’il a existé bien d’autres exemples. Les chambres souterraines ne seraient pas une exclusivité du massif du Barajas et certaines d’entre elles auraient même pu servir au stockage.

Au-delà de cette remarque générale, on doit, malgré tout, noter que les normes architecturales appliquées sur le massif du Barajas ne semblent pas si répandues, et c’est surtout en cela que les sites se distingueraient entre eux. Seules les chambres souterraines de San Antonio Carupo répondraient aux mêmes règles de construction : couloirs d’accès, seuils surélevés et existence possible de cellules interconnectées.

En défi nitive, on ne peut écarter l’hypothèse d’un stockage en souterrain sur d’autres sites de la région, tant qu’un nombre signifi catif de complexes d’habitat n’aura pas été fouillé car, pour le moment, nous n’avons aucune information sur les dispositifs utilisés pour stocker en contexte résidentiel. Cela dit, les structures souterraines du Barajas présentent, elles, des normes qui n’ont peut- être pas été reproduites sur les sites qui ne partagent pas la même tradition architecturale, quand bien même ceux-ci stockeraient en souterrain. Les technologies constructives de ces autres établissements pouvaient en effet, se prêter également à la construction de cellules souterraines : leur édifi cation pourrait avoir été motivée, nous l’avons évoqué, par leur faible coût constructif, mais aussi, peut-être, par des circonstances sociales ou politiques particulières nécessitant de restreindre l’accès à certains produits.

2. Le stockage, du Haut Plateau central du Mexique au Sud-Ouest des États-Unis