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Mesures neurocognitives P100

1.4. Discussion et conclusion

Les objectifs de cette expérimentation étaient de tester l’efficacité de séquence vidéo à induire un état émotionnel, et à évaluer l’impact de cette induction sur la réactivité émotionnelle ultérieure, lors de la présentation d’EFE.

Dans un premier temps, nous avons constaté que les séquences vidéo induisaient un état émotionnel congruent à la condition émotionnelle de la séquence visionnée. Une augmentation de l’activité sympathique, indicée par l’augmentation de la fréquence des RED a également été observée lors du visionnage des deux séquences émotionnelles.

Dans un second temps, nous avons constaté que, d’un point de vue comportemental, les capacités de discrimination ainsi que la sensibilité aux expressions faciales émotionnelles n’étaient pas influencées par l’état émotionnel. Toutefois, d’un point de vue neurocognitif, l’activation émotionnelle induite par les séquences vidéo modulait le traitement visuel précoce de l’information émotionnelle. Notamment, suite à des séquences vidéo émotionnelles, l’amplitude de la P100 était plus importante en réponses à des expressions de joie comparativement à des expressions de colère, et inversement suite à la séquence vidéo neutre.

1.4.1. Induction d’un état émotionnel

Sur la base de ces données, nous pouvons affirmer que le visionnage de nos séquences vidéo est efficace dans le but d’induire un état émotionnel congruent. Ce constat n’est pas surprenant dans la mesure où la présentation de séquences vidéo est reconnue comme étant l’une des méthodes les plus efficaces d’induction émotionnelle (Martin, 1990; Westermann et al., 1996). De plus, l’activation sympathique associée aux visionnages des séquences activatrices confirme leur impact physiologique et corrobore partiellement des résultats obtenus dans des études précédentes. Par exemple, Fernández et al. (2012)

montrent que le visionnage d’extraits vidéo négatifs entraine une augmentation du niveau tonique de l’activité électrodermale, mais ne parviennent pas à étendre ce constat aux extraits positifs. Cette différence pourrait être liée à la durée d’exposition aux stimulus (environ 2,6 min contre 20,4 min dans notre étude). Dans la mesure où la plupart des individus ont une balance émotionnelle positive, c’est-à-dire qu’ils rapportent davantage d’états positifs que négatifs

(Diener et al., 2014), il n’est pas à exclure que la durée d’exposition nécessaire à l’observation d’un impact corporel soit plus longue pour les stimulations positives que pour les stimulations négatives.

En résumé, notre procédure s’avère donc efficace. L’induction émotionnelle induit un état émotionnel congruent à la valence de la séquence visionnée, et une activité sympathique congruente à l’activation des séquences émotionnelles.

1.4.2. Impact de l’état émotionnel sur la réactivité émotionnelle

L’absence de variations comportementales en fonction de la condition émotionnelle peut apparaitre surprenante dans la mesure où, dans la population générale et clinique, il est reconnu que l’état émotionnel peut moduler la réactivité émotionnelle (Fox et al., 2001; Kometer et al., 2012; Lundh et Öst, 1996; Mogg et al., 2004; Schmid et al., 2015), se traduisant par un biais attentionnel vers les informations congruentes à l’état émotionnel. Toutefois, il est à noter que des différences méthodologiques existent entre ces études et la nôtre. Schmid et al. (2015) n’observent pas de variations comportementales majeures suite à l’induction d’un état émotionnel, mais constatent une modification du pattern d’exploration visuel face à l’expression faciale grâce à des mesures d’eye-tracking, absentes dans notre étude. Fox et al. (2001), Mogg et al. (2004), et Lundh et Öst (1996) n’utilisent pas de procédure d’induction d’un état émotionnel, mais étudient des populations anxieuses, cliniques ou non. Ainsi, dans ces trois études, l’état émotionnel négatif est présent depuis une période non précisée, mais nécessairement plus longue que celle de notre étude. Une possibilité serait alors que les modifications comportementales associées à un état émotionnel particulier ne soient pas directement liées à cet état, mais soient induites par un ensemble de processus nécessitant une période de temps plus longue. La mise en place des modifications comportementales pourrait alors prendre place tardivement, si l’état perdure.

Au niveau central, nous avons observé un traitement différentiel des expressions faciales émotionnelles, en fonction de leur valence et de la séquence vidéo visionnée. Concernant la séquence neutre, l’amplitude plus élevées de la P100 face aux expressions faciales de colère reproduit un effet classique, en lien avec une attention plus importante pour les stimulations négatives que positives ou neutres (voir Olofsson et al., 2008)3.

Par ailleurs, notre étude est la première à notre connaissance à mettre en évidence un effet spécifique sur la P100 suite à l’induction d’un état émotionnel, ce qui nous incite à le considérer avec prudence. Suite à l’induction d’un état émotionnel activateur, nous avons mis en évidence une inversion de l’effet de valence associé à l’expression faciale, avec des amplitudes de P100 plus élevées en réponse aux visages de joie comparativement à celles en réponses aux visages de colère. Pour compléter ce constat, à titre descriptif, nous pouvons observer que ce résultat est plus marqué dans le cas de la condition négative que positive. Aussi, dans le cas de la condition négative, cette variation semble émaner d’une augmentation

3 Il est à noter que la procédure expérimentale choisie ne permet pas de savoir si la séquence neutre entraine une modulation de cet effet, puisqu’il s’agit de la condition de contrôle. La suite des expérimentations prendra en compte cette limite et proposera une procédure différente de manière à la corriger.

de l’amplitude de la P100 pour les visages de joie. Tenant compte des études montrant que l’amplitude de la P100 reflète, non seulement les mécanismes perceptifs, mais également l’attention portée à la stimulation (Clark et Hillyard, 1996; Luck et al., 2000; Mangun, 1995), l’augmentation d’amplitude observée pourrait correspondre à une attention plus soutenue envers les expressions de joie, attention renforcé par le besoin d’amoindrir l’état émotionnel négatif qui précède la présentation de ces EFE.

En résumé, bien qu’aucune variation au niveau comportemental ne soit observée suite à la procédure d’induction, les processus de traitements perceptifs et attentionnels semblent influencés par l’état émotionnel induit. Ces variations au niveau central plaident donc en faveur de notre démarche visant à contrôler au mieux l’état émotionnel préalable à la présentation de stimulations émotionnelles.

1.4.3. Conclusion

Les présentes données attestent de l’efficacité de notre procédure d’induction émotionnelle chez des participants français. Le visionnage d’une séquence vidéo induit un état émotionnel et une activation sympathique en congruence avec les caractéristiques émotionnelles de la séquence. Toutefois, cette validation ne peut être généralisée à d’autres populations, pouvant présenter notamment des différences culturelles, et devra donc être reconduite par la suite. Ainsi, malgré l’intérêt de ce résultat, sa généralisation à des participants de culture japonaise n’est pas acquise.

En outre, nous avons vu que la procédure d’induction n’induisait pas de variations de la réactivité émotionnelle notable sur le plan comportemental, et avons proposé que l’observation de leur potentiel requière la mise en jeu de traitement plus longs. Dans ce contexte, il ne serait pas surprenant que de tels traitements puissent être favorisés par une période telle que le sommeil.

2. Induction d’un état émotionnel durant la