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Partie IV - Discussion générale, perspectives et conclusion

2. Considérations méthodologiques

En dépit des effets significatifs concernant la procédure d’induction, l’analyse de la période de sommeil et l’évaluation de la réactivité émotionnelle, quelques points méthodologiques liés aux avantages et aux limitations de ces travaux doivent être considérés.

2.1. Population

L’ensemble des travaux présentés dans cet ouvrage a été mené chez des hommes jeunes. Dans la mesure où les procédures expérimentales étaient étalées sur une période de 3 semaines, ce choix du genre masculin uniquement visait à éviter les variations physiologiques et comportementales liées aux variations du cycle hormonal féminin. En effet, il est reconnu que les processus émotionnels (Ertman et al., 2011; Maki et al., 2015; Romans et al., 2013; Sundström Poromaa et Gingnell, 2014; Zhang et al., 2013), le sommeil (Romans et al., 2015; Shechter et al., 2012), ainsi que le lien entre cognition et sommeil (Genzel et al., 2012), ou émotion et sommeil (Toffol et al., 2014) peuvent être influencés en fonction de ces variations cycliques. De plus, étant donné les différences au niveau du traitement émotionnel entre les hommes et les femmes (McClure, 2000; Schmid et al., 2015), ou encore en termes de sensibilité aux perturbations du sommeil (Schredl, 2014), des données complémentaires seraient nécessaires en vue d’une extrapolation de nos résultats à une population féminine.

Par ailleurs, bien que ces deux études représentent respectivement 54 passations et 120 nuits d’enregistrement, le nombre de participants, 18 pour l’expérimentation n° 1, et 12 pour l’expérimentation n° 2, reste faible, ce qui limite la puissance statistique des données. Étant donné le grand nombre de variables indépendantes, nous avons privilégié un ensemble de comparaisons statistiques guidé par une modélisation des effets possibles concernant l’effet de la nuit et du contenu émotionnel. Cette modélisation offre ainsi une vue intégrée des effets en lien avec les émotions et le sommeil, mais limite également l’appréciation des variations à une intégration d’ensemble, ne permettant pas alors de distinguer un effet propre à chaque séquence de manière individuelle.

Enfin, contrairement à beaucoup d’autres études dans le domaine des neurosciences affectives, aucun de nos participants n’était impliqué dans un cursus lié à la psychologie, ce qui renforce la valeur des données obtenues dans la mesure où nos participants, non familiers du domaine, ignoraient les objectifs de nos études.

2.2. Activité diurne

Une seconde réserve d’ordre méthodologique réside en l’absence d’un contrôle complet l’activité diurnes des participants, potentiellement émotionnelle, entre chaque passation. Toutefois, une attention particulière a été portée sur ce point. Lors de la première expérimentation, l’analyse des questionnaires à l’arrivée du participant n’a pas révélé de variation majeure de l’état émotionnel. De même, pour la seconde expérimentation, aucune variation n’était notable à l’arrivée du participant avant les nuits de Réf ou/et les nuits Exp. Aussi, chaque participant de cette étude remplissait un questionnaire (Sleep Log) permettant d’apprécier le déroulement normal des journées durant et entre chaque session. Les participants portaient également un actimètre permettant d’évaluer leur activité physique diurne. Enfin, dans les deux expérimentations, il était également demandé aux participants, avant chaque passation, s’il avait vécu un évènement particulier avec une signification personnelle forte, durant les journées précédentes. Aucun évènement de ce type n’a été rapporté.

L’une des possibilités pour conserver un contrôle sur ces activités aurait été de garder le participant isolé durant la période d’expérimentation. Toutefois, cette méthode est peu viable, pour des raisons pratiques, mais également méthodologiques puisqu’une telle procédure éloignerait le participant de la vie quotidienne, pourrait entrainer un stress inhabituel et impacterait ainsi son état émotionnel.

2.3. Induction émotionnelle

Dans le but d’induire un état émotionnel particulier, nous avons présenté aux participants trois séquences vidéo, correspondant respectivement à des conditions négative, neutre, et positive. Ces travaux sont les premiers à notre connaissance à présenter un ensemble d’extraits émotionnels standardisés dans ce sens, notamment pour la condition positive.

L’une des critiques possibles concerne le faible caractère écologique de cette procédure d’induction, dans le sens où des procédures de frustration ou d’induction d’un stress semblent plus réalistes et représentatives des expériences émotionnelles auxquelles pourrait être confrontées l’individu, dans la vie de tous les jours (Germain et al., 2003; Vandekerckhove et al., 2011). Toutefois, la procédure basée sur le visionnage passif de séquences offre la possibilité de limiter, voire d’abolir, l’interaction expérimentateur-participant et, de ce fait, n’en est que plus reproductible (Gilet, 2008; Rosenthal, 1966). De plus, dans le cas présent, une attention particulière a été portée à la confirmation des effets de la procédure, mettant en avant l’induction d’un état émotionnel congruent à celui de la stimulation émotionnelle. De ce fait, un contrôle attentif a été dédié à l’efficacité de la procédure.

2.4. Sommeil

L’un des points significatifs de notre procédure est l’enregistrement systématique des nuits de Réc. Ainsi, il était rendu possible d’évaluer une possible persistance des effets liés à l’induction émotionnelle de la nuit Exp ou, le cas échéant, leur récupération. En dépit du fait que les résultats ne révèlent aucune persistance, ce point méthodologique pourrait ouvrir des perspectives intéressantes dans le cadre de l’étude des liens émotion-sommeil dans la pathologie. Il a notamment été proposé que la persistance des effets d’une expérience émotionnelle fortement activatrice pourrait être un facteur jouant sur la mise en place d’un trouble de stress post-traumatique (Auxéméry, 2012; Philbert et al., 2011).

Aussi, et de manière similaire aux études précédentes menées par Germain et al. (2003) et Talamini et al. (2013), l’analyse des paramètres du sommeil a été conduite en tenant compte de la moitié de la nuit : la première ou la seconde. Cette analyse favorise ainsi l’analyse du sommeil comme étant un processus dynamique, avec différentes implications dans le traitement émotionnel au cours de la période hypnique. L’intérêt de cette approche a été illustré par nos résultats et, de ce fait, peut contribuer à mettre en évidence la relation complexe entre émotion et sommeil dans les études futures.

Enfin, notre étude fait partie des premières à proposer une manière transversale d’explorer le lien entre émotions et sommeil (Talamini et al., 2013). Outre les aspects sur l’impact des états émotionnels sur le sommeil, la procédure appliquée permet d’étudier l’impact de ces états, et potentiellement des modifications subséquentes du sommeil, sur la réactivité émotionnelle au réveil. De ce fait, l’effet d’une nuit de sommeil nocturne et naturelle sur l’intégration et l’adaptation de la réactivité émotionnelle peut être approché de manière plus naturelle qu’avec des procédures de privation, quelles qu’elles soient, ou avec des procédures de sieste.

Toutefois, certaines limites découlent du point précédent. En effet, dans la mesure où la procédure d’induction impacte la réactivité émotionnelle consécutive et la nuit de sommeil, la procédure proposée ne permet pas de montrer clairement un rôle potentiel du sommeil sur l’effet observé au réveil. Malgré les arguments disponibles dans la littérature en faveur d’un impact du sommeil sur la réactivité émotionnelle posthypnique, l’une des possibilités serait que l’induction émotionnelle impacte à la fois les paramètres du sommeil et la réactivité émotionnelle au réveil, de manière indépendante. Aussi, la procédure expérimentale proposée ici ne permet pas de caractériser l’effet propre aux différents stades. Pour préciser le rôle du sommeil dans les modifications de la réactivité émotionnelle observées au réveil, des expérimentations complémentaires sont envisagées (voir section IV.4.1).

2.5. Réactivité émotionnelle

Comme précisé précédemment, les travaux présentés dans cette thèse font partie des premières recherches visant à étudier la réactivité émotionnelle, suite à l’induction préhypnique d’un état émotionnel et après une période de sommeil non perturbée. Par ailleurs, notre étude est la première dans ces conditions à utiliser la technique des potentiels évoqués pour indicer le traitement central de l’information émotionnelle au réveil.

Bien que cette démarche ait la potentialité d’ouvrir un champ nouveau d’investigation concernant le sommeil et les émotions, certaines considérations, majoritairement méthodologiques, amènent à considérer ces données comme préliminaires. Notamment, la résolution spatiale utilisée pour l’EEG ainsi que le type d’analyse conduite limite potentiellement la précision de l’implication centrale dans l’ensemble des résultats. Concernant la résolution spatiale, le choix de 6 électrodes a été principalement conditionné par la nécessité d’une évaluation aussi proche du réveil que possible. L’ajout d’électrodes durant cette période aurait nécessité un temps supplémentaire, entrainant un délayage entre le réveil et la passation de la tâche. Ce délayage aurait alors entrainé le risque qu’un évènement particulier, potentiellement émotionnel, se produise durant cette période, biaisant ainsi la réactivité émotionnelle du participant. Il a ainsi été choisi de ne pas ajouter d’électrodes supplémentaires suite à cette contrainte temporelle; les limitations liées à l’analyse en découlent. Plus précisément, les limitations liées à l’analyse rejoignent ce point. L’analyse de type baseline-to-peak conduite ici permet d’analyser les composantes évoquées classiquement décrites dans la littérature, mais ne permettent pas d’apprécier le détail de l’activité cérébrale sur la globalité du scalp, contrairement à une analyse en composantes principales par exemple.