• Aucun résultat trouvé

La présente étude confirme les recherches antérieures et précise les résultats ayant trait à la variation des indices neurovégétatifs en fonction des stades de sommeil. Concernant l’AED, la fréquence des décharges était maximale durant le stade NREM3, plus faible durant le stade NREM2 et atteignait sa valeur minimale durant le stade REM. Cette gradation correspond à celle proposé par Johnson et Lubin (1966), Lester et al. (1967), ou encore Freixa i Baqué (1983). Concernant l’activité cardiaque, une prédominance du contrôle sympathique sur le RC était observé durant le stade REM, alors qu’une prédominance du contrôle parasympathique s’exprimerait lors des stades NREM (voir Chouchou et Desseilles, 2014).

L’augmentation de l’activité sympathique au cours du stade NREM3 est constatée suite au visionnage de la séquence négative, alors qu’une diminution suit la séquence positive. Ce résultat est en accord avec l’hypothèse selon laquelle la quantité de décharges sympathiques, indicées par la fréquence des RED, durant le sommeil est influencée par l’état émotionnel préhypnique (Lester et al., 1967; McDonald et al., 1976). McDonald et al. (1976)

proposent que lorsque l’individu est soumis à un stress avant le coucher, l’augmentation de l’activité électrodermale durant le sommeil serait un indice de l’activation centrale, en accord avec l’idée selon laquelle une vigilance plus importante se traduit par un accroissement de l’activité sympathique. En effet, d’un point de vue adaptatif, et en accord avec la proposition précédente concernant les variations de la structure du sommeil, un sommeil plus léger dans un environnement défavorable pourrait avoir une valeur adaptative importante, permettant de conserver un haut degré de réactivité et ainsi favoriser la survie. De ce fait, l’augmentation de la fréquence de RED observée suite à l’induction négative pourrait indicer l’existence de mécanismes visant à limiter la baisse de vigilance durant le sommeil. Dans la continuité de cette proposition, un état émotionnel positif au coucher pourrait traduire un environnement favorable, propice à un sommeil plus profond, comme en atteste la diminution de l’activité sympathique et l’augmentation du taux de stade REM tôt durant la période de sommeil. Le fait qu’une telle variation de l’AED ait lieu durant le stade NREM3 et non durant le stade REM pourrait être expliqué par une extension de l’inhibition au système nerveux végétatif (Antrobus et Wamsley, 2009). Ainsi, les variations centrales en lien avec l’activation d’efférences sympathiques seraient limitées au sommeil NREM, comme observé dans l’étude actuelle.

Toutefois, le fait que l’activité parasympathique soit accrue suite au visionnage de la séquence négative pourrait aller à l’encontre de cette dernière proposition. En effet, une hausse de l’activité parasympathique, indicée par la puissance des hautes fréquences de la variabilité du rythme cardiaque, a été proposée comme étant un marqueur d’une qualité subjective du sommeil accrue (Werner et al., 2015a), correspondant alors à une nuit de sommeil plus reposante. Toutefois, cette étude ne concerne pas le stade REM en particulier, mais la nuit dans son intégralité, pour laquelle aucune variation notable n’est à reporter dans la présente étude. Par ailleurs, à notre connaissance, il n’existe pas à l’heure actuelle d’études traitant de l’influence de l’état émotionnel préhypnique sur la variabilité du rythme cardiaque en prenant en considération les différents stades. Dans la présente étude, l’augmentation de l’activité parasympathique suite au visionnage de la séquence négative pourrait être une conséquence de la hausse de l’activité sympathique. Dans ce cadre, une activité parasympathique plus importante serait nécessaire à l’inhibition de l’activité sympathique et serait alors une condition sine qua non au déroulement du stade REM au cours de la nuit.

Enfin, tenant compte du fait que chez l’adulte, le stade NREM3 est présent majoritaire durant la première partie de la nuit et le stade REM durant la seconde (Bes et al., 1991), un mécanisme commun pourrait sous-tendre l’augmentation de l’activité sympathique durant le stade NREM3 et le délayage de l’augmentation du taux de stade REM, tous deux observés suite à l’induction négative. Comme suggéré par différents auteurs (Germain et al., 2003; Mezick et al., 2009), et tenant compte du fait qu’une augmentation des taux de noradrénaline peut moduler l’activité électrodermale et l’apparition du stade REM, le système noradrénergique pourrait jouer un rôle dans ce mécanisme. En effet, chez l’homme comme chez l’animal, des taux élevés de noradrénaline peuvent inhiber l’apparition du stade REM

(Dunleavy et al., 1972; Kraft et al., 2002; Mallick et al., 2012; Ross et al., 1995) et augmenter l’activité électrodermale (Süer et al., 1992; Yamamoto et al., 1994). Ainsi, suite à une expérience émotionnelle négative, le système noradrénergique central pourrait être activé afin de maintenir la vigilance, comme indiqué par l’AED, et limiter les périodes de faible réactivité, comme suggéré par la diminution du taux de stade REM, caractérisé par une atonie musculaire généralisée.

Le temps nécessaire au système noradrénergique pour revenir à un niveau basal pourrait alors expliquer en partie la différence observée entre les deux moitiés de nuit pour le traitement de l’information négative: d’abord, une activation centrale médiée par des efférences végétatives, et des mécanismes inhibiteurs du stade REM, suivie par une baisse d’activité de ces mécanismes, permettant ainsi la pleine expression de ce stade.

3.4.3. Conclusion

Les présentes données plaident en faveur d’une influence des expériences émotionnelles diurnes sur le stade REM et, pour la première fois avec ce type d’induction, mettent en évidence l’impact d’un état émotionnel positif préhypnique. Les résultats confirment également que l’activité sympathique nocturne est modulée par des états émotionnels préhypniques. Pour expliquer ces résultats, nous avons proposé deux mécanismes.

Le premier, lié à l’activation émotionnelle, favoriserait l’apparition du stade REM, susceptibles de faciliter le traitement de l’expérience émotionnelle et de préparer l’individu aux futures expériences émotionnelles qui pourraient avoir lieu sur la période diurne consécutive.

Le second, lié à valence émotionnelle, serait activé temporairement dans le cas d’une expérience émotionnelle négative, de manière concomitante à l’activation du système sympathique, et conduirait à un délayage de l’apparition du stade REM. Sa fonction serait d’ajuster, au cours de la première partie de la nuit, le niveau de vigilance aux menaces potentiellement présentes dans l’environnement, c’est-à-dire de manière à préserver la réactivité corporelle et à optimiser la capacité d’adaptation.

Nous pouvons également supposer que les changements du taux de stade REM pourraient viser à moduler la réactivité émotionnelle posthypnique. Cette question sera indirectement abordée dans la suite de ce travail en considérant notamment l’impact de l’état émotionnel préhypnique sur la réactivité émotionnelle.

4. Influence d’un état émotionnel

préhypnique sur la réactivité

émotionnelle posthypnique