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RESULTATS ET DISCUSSIONS

CHAPITRE 6 Gestion efficiente d’une donnée géologique

6.3 Discussion et Conclusion

Les résultats des questionnaires que nous avons élaborés, diffusés et exploités, ont ainsi permis d’illustrer et d’appuyer des concepts pouvant être considérés comme évidents mais n’ayant encore jamais pu être intégrés dans un projet avec une approche exhaustive telle qu’elle a été présentée dans ce chapitre. Ces résultats exposent également, à l’aide d’éléments statistiques fondamentaux, les difficultés rencontrées par les institutions géologiques dans la mise en place d’infrastructures pour la gestion de données permettant ainsi d’éviter les écueils par lesquels d’autres services sont passés. Au travers de l’article, du rapport ou de l’exemple d’application au programme GEothermie du canton de Genève, il a ainsi été possible de poser des jalons de recherche et de progresser dans la précision des hypothèses d’étude auxquelles ce projet de thèse cherche à répondre.

Dans un premier temps, les objectifs des questionnaires étaient de trouver des solutions directement applicables au cas d’étude du canton de Genève. Toutefois, ils ont contribué à démontrer que si les questions posées sont identiques pour tous, en revanche, il n’existe pas de solution unique. À travers les concepts propres à l’interopérabilité, ces questionnaires ont alors permis d’anticiper les points sur lesquels il faut être attentif et fournir des efforts particuliers. De manière empirique, ils ont aussi apporté la preuve que la gestion d’un sous-sol passe effectivement par une bonne gestion des données.

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Un service géologique comme celui des Pays-Bas (TNO) est un modèle très enrichissant pour nous car il est un leader reconnu sur le développement de son système d’information géologique (Van Der Meulen et al., 2013). En effet, il a su valoriser chacun des aspects de l’interopérabilité et investir de considérables efforts financiers et humains pour garantir la bonne gestion de ses données. Près de 150 millions d’euros ont été consacrés aux prémices du projet et près de 10 millions d’euros sont affectés chaque année à la maintenance, la mise à jour et au développement de nouveaux outils. Les problématiques sont effectivement différentes pour un pays comme celui-là car les conséquences et les enjeux financiers et environnementaux sont considérables si la gestion du sous-sol n’est pas assurée. Au contraire de la Suisse, plusieurs milliers de forages d’exploration et d’exploitations (moyenne et grande profondeur) ont déjà été réalisés aux Pays-Bas et constituent, depuis de nombreuses années, un socle d’information immense à centraliser pour le service géologique. En raison de leur passé pétrolier, il a été indispensable, pour eux, de créer depuis longtemps des infrastructures complètes permettant de gérer ces informations et les produits associés à la gestion de sous-sol. Malgré l’existence de ces différences, il a été fructueux d’analyser le fonctionnement adopté par les Pays-Bas pour se rendre compte des limites auxquelles ils ont été confrontés et parvenir ainsi à rationaliser les objectifs du projet du canton de Genève et les rendre réalistes.

Les problématiques d’harmonisation des données se sont aussi révélées être le cœur de beaucoup de projets, d’autant plus lorsqu’il s’agit de projets transfrontaliers, tel que GeoMol40, OneGeology41 ou en encore ProMine42. Chaque pays, voire chaque région, a sa propre nomenclature et c’est souvent grâce à de tels projets que pays et régions se rassemblent pour réfléchir et organiser harmonieusement leurs connaissances. Il est donc important que des régions voisines puissent associer leurs données pour créer des modèles cartographiques 2D ou 3D au-delà des frontières politiques. Ces exemples de projets transfrontaliers ont été très formateurs pour évaluer les méthodes d’organisation et d’harmonisation à grande échelle. Pour entrer plus en détails dans la problématique régionale, il a, par exemple, fallu s’intéresser de près au projet suisse d’harmonisation de la lithostratigraphie nationale – Harmos (Morard, 2014; Strasser et al., 2016) - et au projet du Référentiel Géologique de France – RGF (BRGM, 2013). Le canton de Genève est au centre d’une problématique transfrontalière car les connaissances du sous-sol genevois sont principalement constituées des terrains d’études des montagnes françaises environnantes. Il a donc été nécessaire d’évaluer et de comprendre les limites de ces deux projets nationaux pour mieux voir comment les intégrer à la future base de données géologiques du canton de Genève.

Dans la même logique, l’analyse des résultats des questionnaires confirme la nécessité de

« décompartimenter » les différents métiers dont le travail nécessite l’utilisation des données géologiques. La gestion d’un sous-sol et de ses ressources est garantie uniquement si ses multiples acteurs peuvent interagir et s’enrichir les uns les autres au travers de séances de travail, de conférences et de workshops mais également s’ils peuvent échanger leurs données à partir d’une seule et même plateforme. C’est en cela qu’une plateforme comme le SITG constitue une vraie richesse, même s’il ne peut pas intégrer tous les types d’information qu’un géologue est amené à traiter aujourd’hui.

L’analyse des résultats des questionnaires a également permis de constater que la mise en place de lois était d’une importance capitale pour atteindre des objectifs efficaces et permettre à l’Etat de pourvoir gérer, administrer et planifier son sous-sol en vue d’une utilisation durable de ses ressources.

40 Projet GeoMol : http://www.geomol.eu/home/index_html

41 Projet OneGeology : http://www.onegeology.org/

42 Projet ProMine http://promine.gtk.fi/

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Le service géologique des Pays-Bas (TNO) est encore un exemple en la matière. Une nouvelle loi sur son sous-sol, effective depuis 2015, exige, en effet, que les données souterraines soient soumises à la Commission géologique des Pays-Bas et stockées dans la base de données du service géologique national – dénommé BRO “Basis Registratie Ondergrond” (Van Der Meulen et al., 2013). Cela justifie les engagements fournis pour assurer le stockage et la gestion de ces données. Comme nous l’avons vu ci-dessus, de manière concomitante à ce travail de thèse et en accord avec ses principes de recherches, le canton de Genève a également déployé sa propre loi sur les ressources du sous-sol dans le cadre du programme GEothermie2020 s’inspirant grandement des modèles existants à l’échelle nationale mais également en étroite collaboration avec les cantons voisins, notamment celui de Vaud. Plus récemment, une nouvelle loi fédérale43 encourageant le développement d’énergie locale et renouvelable a été adoptée en juin 2017. Elle vient d’autant plus renforcer les opérations déjà engagées par le canton de Genève dans cette démarche et souligne une fois de plus la prise de conscience de gérer et préserver le sous-sol.

Par ailleurs, en Suisse comme dans de nombreux pays, les questionnaires ont souligné le fait que le manque de ressources humaines et financières fait partie des obstacles les plus importants dans la mise en place d’un système d’information géologique. En effet, les services géologiques sont souvent de petite taille et n’ont ni le temps ni les ressources pour mettre en place des infrastructures techniques et informatiques d’aide à la décision. Cependant, le ratio coût/bénéfices met très rapidement en évidence tous les avantages à mettre en place des systèmes de centralisation de données géologiques robustes. Heureusement, porté par le dynamisme et les investissements du programme GEothermie2020, le canton de Genève a pu et a su investir dans ce type de ressources.

Pour conclure, les concepts d’interopérabilité définis par Giuliani (2011)qui incluent aussi le cadre légal et les dimensions humaines, sont donc des éléments clés indispensables à maîtriser, pour accompagner et guider tout service souhaitant mettre en place un système d’information géologique dit interopérable :

Aspects techniques : Assurer le développement et l'utilisation d'outils robustes, au travers de services et de modèles de données adéquats ;

Contexte sémantique : Définir des concepts et des vocabulaires communs pour éviter les lacunes et les confusions potentielles entre les parties prenantes ;

Cadre légal : Renforcer les lois et les adapter aux nouvelles ressources exploitées et aux nouvelles technologies ;

Dimension humaine : Développer des pôles de compétences et ouvrir des budgets pour assurer le suivi des données géologiques.

À ce jour et de manière générale, aucun système parfait n'est opérationnel et aucune méthodologie n'est directement applicable pour le développement d'un système d’information géologique régionale. Cette étude a toutefois mis en évidence des solutions concrètes pour évoluer vers un système interopérable et complet. Elle a permis de préciser et argumenter les intérêts lié au déploiement d’une approche d'interopérabilité lorsqu’il s’agit de gérer un grand socle de données, d’autant plus si leur utilisation ne se limite pas aux domaines de la géologie.

Les résultats des questionnaires et des recherches de la première année de thèse ont permis de mieux cerner les objectifs auxquels mon travail devait répondre. Ils ont guidé les différentes étapes présentées dans la suite de ce manuscrit.

43 Stratégie énergétique 2050 : https://www.uvek.admin.ch/uvek/fr/home/energie/strategie-energetique-2050.html

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CHAPITRE 7