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RESULTATS ET DISCUSSIONS

CHAPITRE 6 Gestion efficiente d’une donnée géologique

6.2 Adaptation au contexte genevois

Les résultats obtenus ont permis de définir clairement les différents axes qu’il était nécessaire de suivre pour mettre en place un système d’information complet et le plus riche possible au sein du service géologique du canton de Genève - GESDEC. Les questionnaires élaborés ont servi de base aux réflexions du Canton sur les bonnes pratiques à prendre en considération en matière de gestion des données géologiques. La Figure 48, réalisée dans le cadre du programme GEothermie2020, illustre ainsi les actions déclinées par le Canton correspondant aux quatre axes de l’interopérabilité dégagés dans les de ce projet de thèse.

Figure 48: Illustration de l'application du concept d'interopérabilité au système d’information du GESDEC à Genève.

Les premiers résultats des questionnaires, communs aux deux projets de thèses (Brentini et Favre), ont aussi eu l’avantage de permettre de définir plus distinctement les directions respectives que ces deux travaux académiques devaient prendre. Parmi les quatre axes évoqués et plus spécifiquement concernant celui de l’aspect technique, les réponses aux questionnaires ont notamment permis de confirmer l’existence d’une partie commune et de distinguer les domaines propres à chacune des thèses : sélection des données géologiques d’une part (ce manuscrit) et organisation et architecture des bases de données avec choix des outils d’autre part (Favre, 2018). L’axe du contexte sémantique est traité essentiellement dans ce manuscrit à travers la notion d’harmonisation de la stratigraphie régionale, indispensable au bon fonctionnement du système. Structuré en deux grands domaines –les lois sur les ressources du sous-sol (GESDEC) et les lois sur les données géologiques elles-mêmes–, le cadre légal sera considéré et discuté en détail dans le travail de Stéphanie Favre et résumé ci-après (Favre, 2018). Enfin, les aspects humains et financiers concernent, par essence, l’ensemble des deux travaux, interdépendants de la géologie et de la géomatique.

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Dans un travail de thèse comme dans l’autre, chacun avec leurs spécialisations respectives présentées ci-dessus, les concepts d’interopérabilité analysés au travers des questionnaires ont cherché à être adaptés au contexte du programme genevois. C’est la somme de leurs applications respectives issues des deux travaux de recherche qui a permis de proposer des développements de modèles de systèmes de données robustes pour la future base de données relationnelle spatiale du GESDEC. Examinons maintenant de façon détaillée, chacun des axes de l’interopérabilité et leur traitement spécifique dans le cadre de cette thèse.

6.2.1 Aspects techniques

Les aspects techniques correspondent à l’axe dans lequel s’inscrivent les objectifs initiaux des deux projets de thèse engagés par le GESDEC. Ces travaux universitaires ont nécessité de nombreux efforts de recherche pour proposer et élaborer un système efficient et complet d’organisation des données géologiques. Les éléments constituant un tel système d’information sont nombreux et doivent pouvoir interagir et se lier les uns aux autres. La Figure 49 ci-dessous reprend l’ensemble des composants informatiques nécessaires à mettre en place dans le cadre de l’implémentation technique globale du futur système d’information du canton de Genève. La provenance des données (Alimentation-Transfert Data), le stockage à travers les dossiers d’archivage et de la base de données spatiale, les outils de traitement et d’actualisation des informations pour les données 2D et 3D, les interfaces de saisie et les plateformes de visualisation via également les données 2D et 3D, sont les chantiers sur lesquels se sont concentrés, durant ces trois années de recherches, de nombreux échanges et efforts pour répondre à l’ensemble des besoins du GESDEC.

Figure 49: Implémentation technique globale du futur système d’information du Canton de Genève (Brentini and Favre, 2014; GESDEC, 2017))

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La base de données spatiale est centrale à ce schéma du système complexe qui permet de regrouper les données géologiques globales du canton de Genève et de les utiliser pour les autres chantiers. L’organisation des données au travers d’une telle base permet non seulement de stocker mais surtout d’effectuer des requêtes sur les éléments qui la composent et qui sont eux-mêmes reliés à des objets référencés géographiquement, comme des points, les lignes et des polygones.

Pour constituer cette base de données optimisée, il s’est d’abord agi de confronter les informations pertinentes et nécessaires pour les géologues, aux limites techniques qu’offraient les infrastructures du canton de Genève. Les données géologiques à intégrer au système d’information sont nombreuses et très hétéroclites (comme présenté au chapitre 3 de ce manuscrit). Cette hétérogénéité s’est d’ailleurs révélée être la principale difficulté rencontrée par la majorité des services géologiques dans la mise en place d’un système comme celui-ci. Les résultats obtenus au travers des questionnaires (Figure 36 : Technical aspect) ont ainsi permis de guider et de mieux définir la sélection des données pour le projet genevois (chapitre 7).

Les choix réalisés à ce niveau-là de la recherche ont un impact capital sur la mise en forme finale du système de base de données spatiale et, par conséquent, sur le développement des aspects techniques. Il a donc fallu en tenir compte et c’est ce qui explique l’intérêt particulier de la collaboration avec le domaine de la géomatique, représenté par Stéphanie Favre. De son côté, Stéphanie Favre se devait de répondre au besoin d’outils des géologues en leur proposant des solutions pragmatiques qui intègrent de manière efficace et fonctionnelle les données sélectionnées. Le détail de cette sélection ainsi que les différentes pondérations associées à chaque donnée seront présentés plus en détail en troisième partie (chapitre 7). Le double challenge de Stéphanie Favre s’est donc situé au niveau de l'architecture de la future base de données spatiale du GESDEC et à celui des outils d’implémentation de la base de données (Favre, 2018). La Figure 50 illustre le résultat final obtenu une fois les données sélectionnées et organisées dans un modèle conceptuel de la future base de données spatiale du canton de Genève. Le flux des données du service et le modèle de données proposés ici, sont plus complets et plus évolutifs que ceux du système existant aujourd’hui dans les infrastructures du canton de Genève.

C’est en s’inspirant de l’expérience technique acquise par d’autres services géologiques et en se confrontant aux limites techniques du canton de Genève que Stéphanie Favre a su mettre en Canton (notamment la base de données actuelle du GESDEC) et le service national de géologie (swisstopo). De surcroit, des connexions ont été créées entre les services, comme l’Office Cantonal de l’Energie – (OCEN) et du cadastre, la Direction de la Mensuration Officielle (DMO), et les outils informatiques sélectionnés pour les composants du système d’information sont effectivement compatibles avec ceux utilisés par ces différents services, notamment swisstopo (Favre, 2018).

Tous ces éléments solidement constitués et testés ont pu être présentés et défendus auprès du service informatique du canton de Genève (DSGI) lors d’un workshop en mars 2017. Suite à cela, des fiches projets exprimant les besoins du service de géologie ont été réalisées sur la base de ces résultats et ont été portées par l’équipe de géologues du GESDEC aux instances cantonales en septembre 2017. Ces fiches décrivent notamment les risques et les impacts susceptibles d’advenir si un tel système n’est pas mis en place prochainement au sein du GESDEC pour gérer

25 Plateforme Open source pour le développement de base de données PostgreSQL:https://www.postgresql.org/

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l’augmentation croissante des demandes d’utilisation du sous-sol. Elles insistent également sur le fait que l’Etat ne pourrait pas répondre à ses obligations liées à l'instauration de la nouvelle loi sur les ressources du sous-sol (présentée plus en détail ci-dessous : 1.2.3 Cadre légal) s’il ne met pas en place une telle infrastructure informatique. En effet, l’Etat doit maîtriser la connaissance du sous-sol et assurer une gestion durable de ses géo-ressources. Grâce aux travaux de recherches universitaires de ces trois dernières années, le GESDEC dispose désormais de solutions testées, prouvées et argumentées.

Figure 50: Modèle conceptuel de la future base de données spatiale du canton de Genève : arborescence et contenu des différentes tables organisés par Favre, 2018 (présenté en plus grand dans le chapitre 7).

6.2.2 Contexte sémantique

Comme développé dans les résultats des questionnaires, créer des langages communs et uniques à partir de données hétéroclites et de domaines transdisciplinaires, est indispensable et constitue le contexte sémantique du projet. Il s’agit d’une pièce maîtresse sans laquelle le système ne peut être mis en place. Une des fonctions principales de ce projet de thèse est ici de répondre à la nécessité d’harmoniser les données. La stratigraphie qui détermine les unités géologiques à inclure au système, est l’une des problématiques les plus importantes parce qu’elle se trouve au cœur-même du système et de la gestion du sous-sol. C’est elle qui permet de corréler les différentes données de la base. Un laborieux travail d’harmonisation et de prise de décision sur ces unités géologiques a donc dû être réalisé pour assurer le bon déploiement du système. Les relations entre les différents objets présents dans la base (sondages, lignes sismiques, affleurements, …) peuvent être garanties uniquement grâce à ce travail. Il est donc indispensable de fonctionner avec une saisie réglementée et homogène de ces éléments au travers de listes déroulantes. Ces points sont énoncés ici succinctement car ils seront plus largement développés et explicités en troisième partie de ce manuscrit (chapitres 7-8).

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6.2.3 Cadre légal

Concernant le cadre légal, les résultats ont démontré qu’il pouvait être un levier de décision d’envergure pour les trois autres axes de l’interopérabilité. Il peut inciter voire contraindre un Etat à mettre en place un dispositif technique spécifique de gestion de données et surtout dégager des budgets justifiés par le respect de la loi. Comme évoqué précédemment, deux principaux domaines sont distingués pour le cadre légal : d’une part, les lois sur les géo-ressources et l’exploitation du sous-sol et, d’autre part, les lois sur les données géologiques et la gestion de la géoinformation.

Une nouvelle loi sur les ressources du sous-sol26, touchant principalement les géo-ressources mais également les données géologiques, est entrée en vigueur à Genève en juin 2017. Il s’agit d’une étape clé et stratégique, mise en œuvre par l’Etat au début du programme GEothermie2020. La législation genevoise était jusque-là conduite par la loi sur les mines datant du 8 mai 1940 (Figure 51). Cette dernière permet la délivrance des concessions d’exploitation de tous les hydrocarbures et traite uniquement de la géothermie profonde (>400m). La géothermie de faible profondeur (<400m) est régie par le règlement sur l'utilisation des eaux superficielles et souterraines27, du 15 septembre 2010.

Figure 51: En-têtes de la loi sur les mines datant du 8 mai 1940 (à gauche) et de la nouvelle loi sur les ressources du sous-sol déposée le 18 mai 2016 et entrée en vigueur depuis juin 2017(à droite).

Considérant cette législation comme obsolète au vu des objectifs exploratoires du programme GEothermie2020, le canton de Genève a mis en place cette nouvelle loi favorable au développement de la géothermie couvrant toutes les profondeurs confondues, fixant notamment les conditions d’exploitation et garantissant une utilisation maîtrisée et durable des ressources du sous-sol. Prise par l’Etat de Genève dès le début du programme GEothermie2020, cette initiative fut un excellent levier pour cautionner le bon déploiement du programme et des infrastructures à mettre en place pour assurer la gestion des ressources. L’objectif initial de cette loi est de promouvoir l'énergie géothermique, d’aider à préserver l'environnement, les ressources en eaux potables et la sécurité de la population. Elle définit précisément les rôles et les responsabilités dans le développement de projets en lien avec le sous-sol, tout comme les conditions financières associées. Mais elle va au-delà, un chapitre de cette nouvelle loi - Chapitre V, Données géologiques Art. 16-17-18 - obligeant le Canton à se doter d'une base de données et d'un système d'information complet pour la gestion de ses données géologiques (Figure 52).

Aussi avec cette loi, l’Etat s’engage à déployer des investissements financiers et à recruter des ressources humaines pour répondre à ses obligations légales. C’est notamment ce contexte qui a donné naissance à mon projet de thèse. Notons aussi qu’un règlement d'application est en cours de rédaction afin d'accompagner la loi et de préciser, entre autres, les modalités pour la transmission des données au service, leurs modes de diffusion ainsi que les formats d'échange.

26 Projet de loi sur les ressources du sous-sol (LRSS): http://ge.ch/grandconseil/data/texte/PL11921.pdf

27Règlement sur l'utilisation des eaux superficielles et souterraines (RUESS) : https://www.ge.ch/legislation/rsg/f/s/rsg_l2_05p04.html

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Ce règlement se base sur les contraintes techniques de centralisation des données géologiques, sur les concepts d’harmonisation et sur les besoins du service pour assurer la bonne gestion des ressources du sous-sol. Le caractère du travail de recherche de cette thèse m’a naturellement amené à participer aux différentes discussions qui ont eu lieu dans ce cadre légal et notamment aux réflexions sur son application.

Figure 52: Extrait de la loi sur les ressources du sous-sol (LRSS) (L 3 05)

Dans le cadre de la mise en place du nouveau système d’information du canton de Genève, il a également été nécessaire de s’intéresser de plus près aux lois, règlements et ordonnances fédérales et cantonales (Genève et Vaud) sur les données géologiques et la géoinformation, notamment la LGéo28, OGéo29, OGN30, LEaux-GE31, RUESS32, RMines33, LSITG34, Charte SITG35, LCG36, Direction d’application de la LCG37, LGéo-VD38 et la RLGéo-VD39. Stéphanie Favre a elle aussi exploré cet axe pour mettre en place une infrastructure solide qui réponde aux contraintes légales. Elle résume les points importants à considérer dans son manuscrit de thèse, notamment en termes de collecte de données, d’organisation de la structure (organismes gestionnaires de la géoinformation), de diffusion des données et de collaborations engagées (Favre, 2018).

28 Loi fédéral sur la géoinformation:https://www.admin.ch/opc/fr/classified-compilation/20050726/index.html#fn1

29 Ordonnance sur la géoinformation : https://www.admin.ch/opc/fr/classified-compilation/20071088/index.html

30 Ordonnance sur la géologie nationale: https://www.admin.ch/opc/fr/classified-compilation/20071091/index.html

31 Loi sur les eaux: https://www.ge.ch/legislation/rsg/f/s/rsg_l2_05.html

32 Règlement sur l'utilisation des eaux superficielles et souterraines : https://www.ge.ch/legislation/rsg/f/s/rsg_l2_05p04.html

33 Règlement d’application de la loi sur les mines : http://www.lexfind.ch/dta/5681/3/rsg_L3_05P01.html.1.html

34 Loi relative au système d’information du territoire à Genève: https://www.ge.ch/legislation/rsg/f/s/rsg_b4_36.html

35 Charte SITG: http://ge.ch/sitg/sites/sitg/files/documents/charte_du_sitg_version_du_12_decembre_2013.pdf

36 Loi sur le cadastre géologique http://www.rsv.vd.ch/dire-cocoon/rsv_site/doc.pdf?docId=594164

37 Direction d’application de la LCG :

https://www.vd.ch/fileadmin/user_upload/themes/territoire/cadastres/fichiers_pdf/LCG_directives_d_application.pdf 38 Loi sur la géoinformation : http://www.rsv.vd.ch/rsvsite/rsv_site/doc.fo.pdf?docId=936614

39 Règlement d'application de la loi du 8 mai 2012 sur la géoinformation : http://www.rsv.vd.ch/dire-cocoon/rsv_site/doc.pdf?docId=981033

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6.2.4 Dimension humaine

Cette discussion finie par l’axe important - même s’il peut parfois ne pas être évoqué - de la dimension humaine du projet. Les résultats obtenus dans les questionnaires ont clairement démontré que les échanges et la communication constituent une énorme richesse et une plus-value certaine dans la mise en place d’un système interdisciplinaire efficient. Il a notamment été attesté que l’implémentation complète d’une telle infrastructure ne se régit pas seulement à travers les sillons étroits d’une institution. Aussi, est-il est indispensable de créer des passerelles et des groupes de travail avec des acteurs d’autres disciplines (énergie, cadastre, ingénieurs, architectes,…).

Une fois encore le programme GEothermie2020 a permis de créer, sur ce point, une dynamique riche et encourageante. Grâce à la mise en place d’un comité technique, d’un comité de pilotage opérationnel, d’un comité de pilotage politique et des groupes de travail thématiques, il a été possible:

• Assurer de bonnes conditions pour l’échange, garantissant la transversalité du programme ;

• Assurer le suivi des projets en développement ;

• Valider l’avancée du programme ;

• Ouvrir des ponts entre les différentes thématiques ;

• Assurer une bonne coopération et coordination des projets en cours ;

• Améliorer la connaissance géologique, sur les aspects de valorisation énergétique, ou encore sur la communication ;

• Favoriser les opportunités d'emploi et les investissements financiers ;

• Partager les connaissances du territoire ;

• Développer d’une filière géothermique.

En parallèle, plusieurs projets de recherche ont été menés en partenariat avec l'Université de Genève et les Hautes Ecoles Supérieures (HES). Des mandats ont aussi été confiés à divers bureaux d’ingénieurs. Enfin, organisé et animé par Stéphanie Favre et moi-même, le groupe thématique dit « groupe géothermie » s’est rapidement mis en place assurant une rencontre semestrielle pour favoriser et garantir ces échanges et le suivi entre les différents acteurs.