2 Production d’états comprimés du rayonnement à l’aide de diodes laser 99
2.2 Dispositif à diode laser
2.2.2 Diode libre
L’ensemble du
dispositif permettant
de faire fonctionner les diodes a été décrit dans la sectionprécédente.
Cedispositif,
avecplusieurs variantes,
a étéappliqué
à de nombreusesdiodes. Deux facteurs discriminants
significatifs
méritent d’être retenus: ils’agit
durégime
detempérature
-ambiante oucryogénie- ,
et de lalongueur
d’onde nominale de la diode.A.
Manipulation
de la diode libreComme pour tout
laser,
il estimportant
de caractériser les diodes que nous avons utilisées par un faisceau deperformances, qui,
si elles n’intéressent pas directement lesexpériences
que nous avons menées
(puisque
nous nous sommes essentiellement concentrés sur le bruit d’intensité desdiodes),
sontsignificatives
dans la mesure où elles définissent lechamp
d’application
du laser considéré. Cesperformances
concernent notamment lapuissance
susceptible
d’être émise par lelaser,
salargeur
deraie,
son accordabilité enfréquence,
son bruit d’intensité et de
phase,
sastabilité,
etc.caractéristiques
relativementhomogènes,
correctementcaractérisées,
pour lespoints
quenous avons
vérifiés,
par les valeurs fournies par le fabricant.Toutefois,
certainesdisparités
qui peuvent
êtresignificatives apparaissent
d’une diode à l’autre. Nous n’avons pas mesuré lalargeur
de raie de cesdiodes, qui,
selonSDL,
est de l’ordre de 15 MHz pour une diodelibre autour de 100 mW. En revanche nous avons mesuré certaines
caractéristiques plus
facilement accessibles et d’un intérêt
plus
direct pour nosexpériences;
ils’agit
notamment de la courbe decaractéristique courant-puissance lumineuse,
et de la variation delongueur
d’onde avec le courant et la
température.
A.1
Caractéristiques courant-puissance
La courbe decaractéristique
courantpuis-sance lumineuse est
importante
parcequ’elle indique
le rendement de conversion ducou-rant de pompe en flux de
photons,
et donc lacapacité théorique
decompression
du bruit d’intensité de la diode(cf. ch.I).
Ces diodespossèdent
des courbes decaractéristique
courant-puissance
lumineuse d’une bonnerégularité, linéaires,
avec, à25 °C,
un seuil d’unevingtaine
de mA et unepente
définie par l’efficacitéquantique
différentielle de ladiode, qui
est d’environ66% (fig.2-22).
Nous avons observé des seuils de 17 à 23 mA selon lesdiodes,
et despentes
de 62 à72%.
Le courant de seuil
Ith
diminue fortement avec latempérature,
selon une loi exponen-tielle :où
T0
est une constante propre aucomposant, qui
vaut à peuprès
110 °K. Les ordres degrandeur prévus
par cette loicorrespondent
aux valeursobservées, puisque
le seuildes lasers était de l’ordre de 3 mA une fois
refroidis,
et de 18 à 20 mA àtempérature
ambiante.
L’efficacité quantique
différentielle est moinsaffectée, puisqu’elle augmente légèrement
en
régime
decryogénie, passant typiquement
de 66 à 71 ou 72%.
Lerégime cryogénique
améliore donc les
qualités
de conversion du courant d’alimentation enpuissance
lumineuse pourlesquelles
ces diodes ont été retenues. Bienqu’elles
soientsusceptibles
d’émettre desFigure~2-22: Caractéristique
courantpuissance
d’une diode laser SDL 5422 H1puissances
de l’ordre de 170mW,
nous n’avonsjamais dépassé
120 mW àtempérature
ambiante et 100 mW en
régime cryogénique,
lesrégimes
de très fortepuissance
conduisant à une détérioration du bruit de la diode et à une réduction de sa durée de vie.A.2 Accordabilité en
fréquence
La variation delongueur
d’onde avec le courant et latempérature
conditionne l’accordabilité enfréquence
de la diode. Celle-ci est un élémentimportant
ducomportement
dulaser,
notammentlorsque
celui-ci doit êtreinjecté.
La
longueur
d’onde du laser libre varie faiblement avec le courant: de l’ordre de0,3
à
0,8 Å/mA.
Cette variation assez fine est utile pouroptimiser l’injection
d’une diodeesclave par un laser maître.
En ce
qui
concerne la variation de lalongueur
donde avec latempérature
l’ordre degrandeur
de0,3 nm/°C
fourni par SDL donne une bonne indication ducomportement
de la diode. Nous avons mesuré sur certaines diodes0,2 nm/°C.
Ces valeurs sonttypiques
dulégèrement
àplus
bassetempérature. Ainsi,
une diode à 851 nm àtempérature
ambiante tombait à 817 nm enrégime cryogénique,
alors que deux diodes du mêmetype,
à 848 nmà
température
ambiante tombaient à 805 nm enrégime cryogénique.
Le
changement
detempérature
est donc un moyen efficace d’accordabilité en fré-quence,qu’il
faut combiner avec la variation du courant d’alimentation.Cependant,
la variation de latempérature
nepermet
engénéral
que de diminuer et nond’augmenter
lalongueur
d’onde parrapport
à lalongueur
d’onde nominaleindiquée
en usine. Eneffet,
cette dernière est
généralement
valable à 25°C et pour un courant très élevé(de
l’ordre de 160mA).
On ne saurait donc de cette manièredépasser
cette valeur nominale deplus
de 3 nm sans
compromettre
la durée de vie de la diode par unrégime
detempérature
trop éprouvant.
B. Bruit de la diode libre
B.1 Conditions de mesure Les
expériences
menées sur les diodes librescomportent
certaines difficultés de mesure que cette
configuration
rendparticulièrement
sensibles. Ils’agit
notamment de la sensibilité des diodes au retour de la lumièrequ’elles émettent,
lorsque
celle-ci est réfléchie par les élémentsoptiques placés
sur sontrajet.
Pour les diodes encryostat,
à cette difficultés’ajoute
leproblème
de l’excès de bruit introduit par la traversée d’une lame(cf. 2.1.4.C).
Il est bien connu que les diodes laser sont
généralement
très sensibles au retour de lumière[54], qu’il s’agisse
de celui dû à un élémentoptique,
à unsimple
morceau decarton,
ou à la main del’expérimentateur.
Le modèle SDL 5420 ou 5410 ne fait pasexception,
même si cette sensibilité ne constitue pas un obstacle insurmontable. Nous intercalons pour cela un ouparfois
deux isolateursoptiques, procurant
chacun environ 38 dB d’atténuation.Cependant
la diode tolère engénéral
sans difficulté les élémentsd’optique -
tous anti-reflets et non diffractants - nécessaires à une bonne conformationdu faisceau: le cube
polariseur
destiné àsupprimer
lespetits
modes depolarisation
orthogonale,
lesprismes anamorphoseurs
et la lame demi-ondequi optimise
leurtrans-mission. Il suffit éventuellement de
désaligner
ces éléments afin d’écarter la tache réfléchiede l’ouverture de
l’objectif.
Lacapacité
d’isolation à mettre enplace dépend
ensuite dudispositif optique
en aval des isolateurs. Pour unesimple
mesure debruit,
il fautconsidé-rer les réflexions dues aux
photodiodes;
lesplus
déstabilisantes ne sont pas celles dues à la surfacephotosensible,
que l’onpeut
aisémentdétourner,
maisplutôt
cellesprovenant
de
l’impact
de la lumière sur le bord desphotodiodes
etqui partent
dans des directionsquelconques.
L’envoi du faisceau dans le monochromateur
exige
une bonne isolation. Eneffet,
en raison de l’excellentalignement exigé
par cetype d’instrument,
la lumière réfléchie parles bords des fentes d’entrée et de
sortie,
revient efficacement sur la diode.Remarquons
lespuissances
de bruit élevé sontparfois
difficiles à mesurer avecpréci-sion. Pour des excès de bruit d’intensité de l’ordre de 10 dB au dessus du bruit
quan-tique standard,
certainsphénomènes parasites peuvent
en effet entacher la mesure. Parexemple,
sur les diodes à 830 nm, nous avons constaté que les réflexionsparasites
sur les bords desphotodiodes pouvaient introduire,
au niveau dechaque photodiode,
un excès de bruitimportant (3,
voire 10dB).
Pour que la détection fonctionneconvenablement,
il fauttrouver un
alignement
du faisceauplus
satisfaisant sur lesphotodiodes,
éventuellement en le focalisantlégèrement
avec une lentille de 150 mm de distance focale.Hormis ces cas
particuliers
et les difficultés propres aurégime parfois
trèsbruyant
des diodes en
cryostat,
la mesure par détectionéquilibrée
du bruit des diodes de la sérieSDL-5400 ne pose donc
généralement
pas de difficultés àpartir
du moment où l’isolationoptique
est convenablement faite.B.2
Régimes
de faible bruit Il estpossible
d’obtenir sur cetype
de diode desré-gimes
de bruit d’intensité assezfaible,
de l’ordre de 2 à 4 dB seulement au dessus du bruitquantique
standard. Le bruit de la diode libre est fortement corrélé à soncomportement
modal et les
régimes
de faible bruitcorrespondent
à un fonctionnement monomodeou moins étendues selon la diode utilisée. Sur
plusieurs
diodes dont lalongueur
d’ondenominale était
supérieure
à 852 nm, il a étépossible
de trouver unpoint
de fonctionne-ment monomodelongitudinal
avec un excès de bruit de l’ordre de 3 dB dans un intervalle dequelques
mA autour den’importe quel courant,
de 30 à 120 mA. Lesperformances
de diodes de la même
série,
mais delongueur
d’onde nominaleplus
faible(848
nm, 832nm ou 810
nm)
sont apparues moinsbonnes,
ces diodes neprésentant
que deux à troisplages
étroites de fonctionnement monomode sur l’ensemble du domaine de variation du courant d’alimentation.Afin d’étudier les modes
longitudinaux
desdiodes,
nous avonsenvoyé
le faisceau dansun monochromateur Jobin-Yvon de haute
résolution, capable
deséparer
distinctement des modes distants dequelques
dizièmesd’Angströms.
Atempérature ambiante,
ceux de la diode sontséparés
de1,2 Å.
A la sortie de cetinstrument,
nous avons réalisé deuxtypes
de mesure. D’unepart,
nous avonspris
desspectres
sur tabletraçante montrant,
surplusieurs nanomètres,
larépartition
de lapuissance
entre les modes. D’autrepart,
nous avons mesuré le bruit du faisceau en sortie de monochromateur avec lesamplificateurs
àphotodiodes
utilisés pour la détectionéquilibrée.
Ces mesures ont été faites soit en installant la détection
équilibrée
à la sortie dumonochromateur,
soit enprocédant
à une détection calibrée à référencesimultanée,
où la référence est fournie par la diode laser elle même.2014 Pour les mesures avec détection
équilibrée,
unmontage
avec miroir amoviblepermet
de mesurersuccessivement,
sur leplateau
dumonochromateur,
le bruit du faisceau avant d’entrer dans lemonochromateur,
etaprès
en être sorti.(fig.2-23)
- Pour les mesures à référence
simultanée,
on mesure avec la détectionéquili-brée le bruit normalisé du faisceau sur la table où se trouve la diode
puis
on retire une des deuxphotodiodes,
que l’onplace
en sortie du monochromateur.Le faisceau est
partagé
de manière à obtenir la mêmepuissance
incidente surFigure~2-23:
Mesure du bruit en sortie du monochromateur par détectionéquilibrée
référence de bruit
quantique standard,
àpartir
de la mesure du bruit normaliséréalisée
précédemment.
Cecipermet d’analyser
lesspectres
fournis simultané-ment par la secondephotodiode,
en sortie du monochromateur et de calculer ainsi le bruit normalisé du faisceau en cepoint. (fig.2-24)
Le monochromateur introduit des
pertes,
de l’ordre de 70 à 85%
de lapuissance
lumineuse
envoyée.
Lapuissance
restantepermet
néanmoins d’observer distinctement les variationsaffectant,
à la traversée dumonochromateur,
lerapport
du bruit d’intensité au bruitquantique standard,
tant que ces variations sont au moins de 5 à10%.
On constate
qu’alors qu’il
suffit d’ouvrir très peu(une
centaine de03BCm)
la fente de sortie du monochromateur pour laisser passer presque toute lapuissance (contenue
dansles
premiers modes). Cependant
l’excès de bruitpersiste
et ne ne devient minimal que pour des fentes bienplus larges.
C’est parcequ’en
ouvrant les fentes on laisse passerplus
de modes que le bruit diminue
(fig. 2-25).
Lorsque
le fonctionnement du laser estmonomode,
lapuissance
relative des modeslatéraux par
rapport
au modeprincipal
est assez fluctuante d’un laser à l’autre et d’unFigure~2-24:
Mesure du bruit d’intensité en sortie du monochromateur par détection à référence simultanée.Figure~2-25:
Evolution avec l’ouverture de la fente du monochromateur : de l’excès de bruit mesuré à la sortie du monochromateur etrapporté
à lapuissance
incidente sur laphotodiode (échelle
degauche);
de lapuissance
incidente sur laphotodiode (échelle
deFigure~2-26:
Puissance des modes latéraux d’une diode laser libre enrégime
de faiblebruit. Cas de modes latéraux non
négligeables.
plus puissants
que cequi
estporté
sur lesspécifications,
parexemple
seulement 10 à 20 dBplus
faibles que leprincipal,
celui-ci concentrant 90%
de lapuissance
lumineusetotale,
les dixpremiers
modes depart
et d’autre duprincipal
en rassemblantprès
de 10% (fig.2-26).
Pour d’autrespoints
defonctionnement,
lapuissance
despremiers
modes latéraux est inférieure de 25 dB à celle duprincipal,
et laquasi
totalité de lapuissance
lumineuse est contenue dans le
principal (fig.2-27).
De
plus,
le bruit despremiers
modes latéraux est du même ordre degrandeur
que celui duprincipal.
Lafigure
2-28 montre le bruit du modeprincipal
et desquatre premiers
modes
pris
isolément.Lorsque
l’onisole,
en sortie dumonochromateur,
le modeprincipal
d’un faisceau dont l’excès de bruit d’intensité total n’est que de 2 dB au dessus du bruit
quantique standard,
le bruit du modeprincipal
est biensupérieur,
environ 40 dB au dessus du bruitquantique
standard.Si l’on ouvre
progressivement
la fente de sortie du monochromateur afin de faire sortirFigure~2-27:
Puissance des modes latéraux d’une diode laser libre enrégime
de faible bruit. Cas de modes latéraux très faibles.en laissant sortir les deux modes suivants
(fig.2-29). Lorsque
la fente dumonochroma-teur est
complètement ouverte,
onpeut
estimer à unequinzaine
le nombre de modesparvenant
à la détection.Pourtant,
le bruit reste encore bienplus
élevéqu’à
l’entrée dumonochromateur,
cequi
montre que l’anticorrélationqui permet
aux modes latéraux de compenser le bruit du modeprincipal
met enjeu
l’ensemble des 160 modes détectables par le monochromateur.B.3
Régime cryogénique
Lerégime
des bassestempératures
ne s’est pasgénérale-ment montré favorable au fonctionnement en
régime
de faible bruit. Sur laplupart
des diodes que nous avons ainsirefroidies,
nous avons constaté que les bassestempératures
favorisaient un
comportement
fortement multimode et trèsbruyant.
Comme àtempéra-ture
ambiante,
on observe certainesplages,
entre 10 et 30 mA surlesquels
le bruit est moins fort que pour les autrescourants,
mais reste néanmoinsélevé,
de l’ordre de 16dB,
Figure~2-28:
Bruit d’intensité du modeprincipal
et despremiers
modes latéraux de ladiode,
mesuré en sortie du monochromateur.bruit
augmente
trèsrapidement
avec le courant et lecomportement
de la diode devient très multimode avec unpeigne
d’une trentaine de modes s’étendant surplusieurs
nm.Ces mesures ont été faites par détection directe à référence
fixe,
car la détectionéquilibrée
estimpraticable
dans de telsrégimes
de fonctionnement de la diode encryostat
(cf.2.1.4.C).
Cependant,
alors que cecomportement
a été observé surplusieurs
diodes dont lalongueur
d’onde nominale était de 848 nm, une autre diode aprésenté
uncomportement
proba-Figure~2-29:
Evolution de lapuissance
de bruit de la lumière sortant du monocromateuravec l’ouverture de la fente de sortie.
blement
endommagée,
dont l’efficacitéquantique
différentielle àtempérature
ambiante n’était que de44,3%,
mais de63%
à bassetempérature.
Le bruit de cette diode a été mesuré par détection directe avec référence simultanée. Nous avons ainsi trouvé uneplage
de fonctionnement
procurant plus
de9%
decompression
du bruit d’intensité en dessous du bruitquantique
standard et un fonctionnement monomodelongitudinal
du laser.Contrairement à ce
qu’ont
pu observer parexemple
Steel et al.[67],
lacryogénie
à l’azote