2 Production d’états comprimés du rayonnement à l’aide de diodes laser 99
2.2 Dispositif à diode laser
2.2.1 Caractéristiques générales des diodes utilisées
A.
Historique
de latechnologie
des diodes laserLa transition laser est due à la recombinaison radiative d’un électron de la bande de conduction et d’un trou de la bande de
valence,
de sorte que lalongueur
d’onde de la lumière émise est définie par l’écartd’énergie
entre ces deuxbandes,
c’est à dire parl’énergie
de bande interdite.L’occupation
des bandes de conduction et de valence par les électrons et les trous est décrite pour chacune de ces bandes par une loi de distribution dutype Fermi-Dirac,
où lequasi
niveau de Fermi propre àchaque
bande définitl’occupation
de la bande
(fig.2-16).
La valeur de ces
quasi
niveaux de Fermi est fonction de la densité deporteurs
et donc du courantqui
traverse lajonction.
Si la densité deporteurs
est assezimportante,
il estpossible
d’obtenir une inversion depopulation.
Comme pour toutlaser,
celle-ci doit êtreassez
significative
pour compenser lespertes
dues aux transitions non radiatives et aucouplage
externe. Dans lespremières
diodeslaser,
le courant de seuil était très élevé etune
large part
de celui-ci servaituniquement
à atteindre latransparence
du milieu. Lesprincipaux progrès qu’a
connus latechnologie
des lasers à semi-conducteur ont donc consisté àaugmenter
le confinement desporteurs
afin d’atteindreplus facilement
Figure~2-16:
Niveaux de Fermi et structure de bande d’un semi-conducteurla
transparence
du milieu et de réduire le courant de seuil des diodes. Un desprogrès
majeurs
résulta de l’introduction de la doublehétérojonction (fig.2-17).
Celle-ci crée un
puits
depotentiel
où sepiègent
les électrons et lestrous, permettant
ainsi un confinement
électronique
efficace(fig.2-18).
Lesétapes technologiques
ultérieuresont
également porté
sur un meilleur confinement duchamp
dans la zone active. Celui-ci a été réalisé successivement au moyen duguidage
par legain puis
par l’indice. Leguidage
par l’indice
consiste,
au moyen d’une variation de l’indice du matériau dans la direction latérale à la direction depropagation,
à limiter l’extensionchamp
à la zone active.La dernière
étape
repose sur la mise aupoint
de structures àpuits quantiques.
Danscelles-ci,
la couche active est si fine que sonépaisseur
est de l’ordre de lalongueur
d’onde associée auxporteurs,
cequi
entraîne unequantification
des niveauxd’énergie
dans ladirection du
puits.
Le nombre total deporteurs
nécessaire pour réaliser latransparence
du milieu est donc réduit par
rapport
à une diodeclassique
dans le mêmerapport
queFigure~2-17:
Diode à doublehétéro-jonction
par l’indice afin
d’augmenter
le facteur deremplissage4,
très faible dans les diodes àmonopuits quantique.
B. Les diodes laser SDL-5400
Nous avons utilisé les diodes laser de la série 5400
produites
parSpectra
Diode Labora-tories. Ces diodes sontfabriquées
àpartir
de GaAlAs par croissanceépitaxiale
selon leprocédé
dedéposition
par vapeurchimique organométallique.
Cette série couvre le do-mainespecral
de 810 à 860 nm. Les diodes sont dotées d’une structure àpuits quantique
avec un
guide
d’onde obtenu par variation de l’indice de réfraction. La face arrière estpourvue d’un traitement réfléchissant à
95%
et d’unephotodiode
interne. La face avantest traitée antireflet à
large
bande auMgF2
et ne réfléchit que4%
de la lumière émise. Lapuissance
maximale émise est de 100 mW(SDL-5410)
à 150 mW(SDL-5420).
Les
qualités optiques
du faisceau sont caractérisées par un faibleastigmatisme,
unprofil
gaussien
enchamp
lointain et uncomportement
monomode transverse. Les dimensions de la surface émettrice sont de 1 x 3 03BCm. Ladivergence
du faisceau est de 30° perpen-diculairement à la direction depolarisation principale
et de 10°parallèlement
à cettedirection.
Le courant de seuil de ces diodes est assez
faible,
de l’ordre de 20 à 30 mA à25°C,
et leur efficacité
quantique
différentielle est de65%
à70%.
Cecipermet
d’atteindre pour despuissances
modérées desrégimes
de fonctionnement dont l’efficacitéquantique
est satisfaisante.Ces diodes ont un fonctionnement monomode
longitudinal garanti jusqu’à
100mW,
avec une atténuation des modes latéraux de
plus
de 25 dB parrapport
au modeprincipal.
La
largeur spectrale
est d’environ 15 MHz à 100 mW. Le taux depolarisation5 augmente
avec la
puissance
desortie;
il est à peuprès
de l’ordre de 100 pour un courant d’une 4Le facteur de
remplissage
est défini par le rapport del’énergie
du mode contenue dans la zone activeà l’énergie totale du mode
5
défini par le rapport de la puissance de la polarisation
principale
à la puissance de la polarisation orthogonale.centaine de mA.
C.
Montage
de la diode et collimationLes diodes se
présentent
dans descapsules
detype TO-3,
avec fenêtre ensaphir.
Pour unfonctionnement
correct,
il faut lesalimenter,
lesréguler
entempérature
et lesprotéger
des
perturbations
extérieures. A cet effet les diodes sont montées au laboratoire sur unsupport
enlaiton,
dans une boîteparallélipipèdique
en duralumin. Le faisceau lumineuxdivergent
est collimaté par uneoptique
de collimation Melles Griot06GLC002/D,
defocale 8 mm, choisie de manière à
prendre
encompte
le cheminoptique supplémentaire
créé par la fenêtre de la
capsule.
La tache formée en sortie du collimateur estelliptique,
le
rapport
dugrand
axe aupetit
axe est de 3.L’objectif
est inséré dans unebague filetée,
vissée dans unexcentrique.
Leposition-nement de
l’objectif
parrapport
à la diode est donc obtenu endisposant
face ausupport
de la diode la monture de
l’excentrique,
en tournant cedernier,
et enréglant
finement laposition
de labague
filetée.(Le
pas defiletage
est de0,25
mm partour.)
Lemontage
per-met donc à
l’expérimentateur d’agir
sur presque tous lesdegrés
de libertés commandant lepositionnement
del’objectif (fig. 2-19).
D. Alimentation
L’alimentation est un
point
essentiel dudispositif
mis enplace
autour de la diode. Ilimporte qu’elle présente
pour la diode lesgaranties
de sécuritéqu’exige
cetype
decom-posant optoélectronique;
il fautégalement
que le bruit du courantqu’elle
délivre soit très au-dessous du bruitquantique
standard. Ceci est non seulementimportant
auregard
de lathéorie du bruit de pompe, mais
participe également
du bon fonctionnement de ladiode,
puisqu’un
courant d’alimentationbruyant augmente
notamment lalargeur
de raie. Nous avons utilisé des alimentations stabiliséesfabriquées
au laboratoire etdisposant
d’une entrée pour la modulation.Figure~2-19: Montage
de la diode et collimation.D.1 Protection de la diode Les diodes laser sont des
composants fragiles qui
sont sensibles aux transitoires du courantd’alimentation,
aux boucles de masse, et aux ondesélectriques
stationnaireslorsque
la diode est modulée à hautefréquence.
Lesprotections
contre ces dernières seront
évoquées
dans leparagraphe
consacré à la modulation. La sécuritéélectrique
des diodes laser est recherchée à trois niveaux.Tout d’abord au niveau de
l’alimentation, qui
ne doit pasprésenter
de transitoire etdont le courant maximal doit être limité par un
dispositif
debridage.
Les boucles de masseapparaissent
très facilement et se traduisent par une modulation 50 Hzparfois
intense,
visible sur lesignal
de laphotodiode
interne. Deuxtypes
d’alimentation ont étéutilisés,
l’un en masseflottante,
l’autre non. Lepremier
est de loinpréférable,
car il n’est pas affecté par les boucles de masse ni par le très net excès de bruit bassefréquence qui
caractérise le
second.
Ensuite au niveau de
l’opérateur, qui
doitprendre
certainesprécautions
élémentaires.Il convient notamment de se relier à la masse
lorsque
l’onmanipule
les diodes lors de leurnormale de mise sous tension de la diode
(toujours partir
d’un courant d’alimentationnul et
augmenter progressivement).
Enfin,
au niveau du boîtier contenant la diodeelle-même,
un certain nombre dedispo-sitifs
passifs complètent
cespremières protections.
Une des causes les
plus fréquentes
de destruction accidentelle des diodes résulte dedécharges électrostatiques qui peuvent
entraîner le passage d’un courant excessif dans lajonction
ou une tension depolarisation
inversesupérieure
à 3V et donc fatale à la diode.C’est
pourquoi
il fauttoujours
veiller à maintenir la diode en court-circuitlorsqu’elle
estmanipulée
ou débranchée.Pour limiter l’effet des
transitoires,
il est recommandé deplacer,
aux bornes de ladiode,
unecapacité
de0,1 03BCF
ainsiqu’une
diodeSchottky
1N5818 enopposition.
Dans laplupart
des circuits que nous avonsutilisés,
nous avonsremplacé
lacapacité
par une inductance en série avec ladiode,
car le fait deplacer
unecapacité
directement aux bornes de la diode n’est pas favorable à un faible bruit du courant d’alimentation.D.2 Source de courant de haute
impédance
Les alimentations utiliséesemploient
des
composants électroniques
à faible bruit et le bruit du courantqu’elles
délivrent estfaible. Il est de
plus
atténué par un filtreplacé
en sortie de l’alimentation. Ce filtre estimportant
car il forme avec le reste de l’alimentation une source de courant de hauteimpédance qui
doit fournir une source de pompage sans bruit à la diode laser. Plusieurs versions de ce filtre ont étéessayées.
Il estimportant
de leplacer
leplus près possible
de la diode. C’estpourquoi
les derniersmontages
l’ont inclus au sein du boîtier contenant la diode etl’optique
decollimation,
relié à la diode par un cableadapté
50 ohms dequelques
cm. Parcequ’il s’agit
de filtrer le bruit hautefréquence
du courant, le filtre estcomposé
d’une fortecapacité
enparallèle
avec la sortie del’alimentation, qui
détourne les hautesfréquences
vers la masse,suivie,
en série avec ladiode,
d’une forteimpédance.
Celle-ci est constituée soit par une résistance de
puissance,
soit par une inductance.Figure~2-20:
Filtre d’alimentation hauteimpédance:
par résistance(a);
par inductance(b)
V
qui polarisent
lescircuits,
nous ne pouvons choisir pour cetteimpédance
une valeur arbitrairementélevée,
afin de ne pastrop
brider le courant. Pour desrégimes
de courantmodéré
-jusqu’à
80 mA- nous avons donc retenu un filtre RC avec R = 100 03A9 et C = 103BCF,
et pour lesrégimes
de fort courant un filtreLC,
avec L = 1 mH et C = 103BCF
(fig.2-20).
La résistance interne de la diode laser est de l’ordre de 3 03A9.D.3 Modulation La
capacité
de moduler lapuissance
de sortie d’une diode laser en modulant son courant d’alimentation est unecaractéristique importante
pour les diodeslaser,
utilisée dansbeaucoup d’applications.
Il s’est avéré utile de moduler l’intensité de la lumière émise par les diodes dansplusieurs
circonstances. D’unepart
une modulation bassefréquence
d’assez forteamplitude (quelques mA)
est nécessaire pourl’optimisation
du seuil de la diode sur réseau
(cf.2.2.3),
d’autrepart,
les diodes laser ont fourni deprécieuses
sources de lumière modulable et peubruyante lorsque
nous nous sommes attachés àoptimiser
le taux deréjection
de la détectionéquilibrée (2.1.2.B.2)
oulorsque
Figure~2-21: Dispositifs
demodulation, filtrage
etprotection
de la diode lasernous avons mesuré la
réponse
enfréquence
du cristald’YVO4:
Nd(cf. ch.3).
La modulation basse
fréquence peut
être conduite àpartir
de l’entréeprévue
à cet effet sur le circuit d’alimentation. Si cette solution estparticulièrement
sûre pour la diode(bridage
du courant etfiltrage
despics transients)
son intérêt est limité par laprésence
des filtres internes au boîtier d’alimentation ainsi que du filtre RC ou LC intercalé entre la diode et
l’alimentation,
de sorte que la bande de modulation offerte est dequelques
kHz tout au
plus.
La modulation à
plus
hautefréquence exige
uneprise
directe sur la diode avec undispositif
deprotection adéquat.
Celui ci a une double fonction. D’unepart
ilprotège
la diode en filtrant le continu et en veillant à
l’adaptation d’impédance
50 ohms sur le circuit de modulation. C’estpourquoi
onplace
en série avec la diode unecapacité
et une résistance de 47ohms,
l’ensemble étant relié à la diode par un cableadapté
50 ohms. D’autrepart
ledispositif
deprotection
isole au moyen d’une inductance le circuit demodulation du circuit d’alimentation en
continu,
afin d’éviter que lesignal
de modulationne remonte vers la source continue et ne vienne y
générer
desphénomènes dommageables.
Ce
dispositif,
comme le filtre hautefréquence,
estplacé
leplus près possible
de ladiode,
au sein du boîtier. L’ensemble des
dispositifs
defiltrage,
de modulation et deprotection
E.
Régulation
detempérature
L’environnement
thermique
estégalement
un élémentimportant
touchant à la durée devie
6
et au bruit d’intensité des diodes laser.Le
dispositif
derégulation thermique comporte
trois élémentsprincipaux:
l’élément Peltier et la thermistanceintégrés
à ladiode;
le radiateursupport
de ladiode;
larégulation
dechauffage
du boîtier.2022 Un module
électronique
derégulation
detempérature,
accolé au moduled’alimenta-tion et alimenté par les mêmes
sources7, permet d’exploiter
l’élément Peltier afin de stabiliser latempérature
de la diode entre -10°C et 40°C. Le courant traversant le Peltier ne doit pasdépasser
2A.Toutefois,
pourplus
desécurité,
il est recommandéde le brider
jusqu’à 0, 6A lorsque
larégulation
de la diode lepermet.
2022 Le radiateur final
chargé
d’évacuer le fluxthermique
est constitué par lesupport
en laiton de la diode.
2022 En
outre,
latempérature
à l’intérieur du boîtier est maintenue à 30° au moyen de transistorsrégulés électroniquement.
Malgré
l’ensemble de cedispositif,
nous avons constaté que les diodes restaient sen-sibles auxchangements
detempérature trop brusques
de lapièce,
ou encore aux courantsd’air,
etpouvaient présenter
dans ces circonstances des sauts de modes incessants. Dans de tellesconditions,
ilpeut
êtreefficace,
afin de mieux isoler la diode desperturbations
extérieures, thermiques
etacoustiques,
deplacer
le boîtier dans une boite de boisrecou-verte intérieurement de mousse
plombée.
F.
Montage
de la diode encryostat
Les basses
températures,
en abaissant le seuil des diodeslaser,
favorisent enprincipe
l’émission d’états
comprimés puisqu’elles permettent
de faire fonctionner le laser très au6
Les diodes SDL fonctionnent ainsi à peu près 20 fois plus
longtemps
à 30° qu’à 70°.7
dessus du seuil pour des courants
d’injection
néanmoinscompatibles
avec ses tolérances. Pour tester ceteffet,
nous avons doncadapté
à uncryostat
à l’azoteliquide,
d’uneconte-nance de
plusieurs litres,
un boîtier conçu aulaboratoire,
et renfermant la diodelaser,
les
cablages élémentaires,
etl’optique
decollimation,
ainsiqu’une
thermistance insérée entre la diode et sonsupport
en cuivre.F.1
Montage optique
Lesupport
de cuivre estcomposé
d’uneplaque,
surlaquelle
estfixée la diode et son
optique
decollimation,
et d’uncylindre
creux dans leprolongement
de la
plaque,
destiné à enserrer ledoigt
froid ducryostat.
Les contactsthermiques
sontaméliorés au moyen de
graisse
silicone éventuellementmélangée
avec de lapoudre
de cuivre très fine.Le
réglage
de la collimation estlégèrement
différent de celui de la diode en boîtierclassique.
Lesupport
del’optique
se translate avec deuxdegrés
de libertéparallèlement
ausupport
de diode etl’angle qu’il
fait avec l’axe de cette dernière nepeut
êtremodifié,
cequi
impose
de s’en remettre àl’alignement
défini par les tolérancesd’usinage, qui
est de fait très satisfaisant. Lesupport peut
être maintenu enplace
et saposition
finementajustée
au moyen de trois vis
excentriques.
La distance entrel’objectif
et la diode resteajustable
au moyen de la
bague
filetéequi
enserrel’objectif.
Parce que nous nedisposons
d’aucunrepère
de direction ou deposition,
nous avons souvent utilisé un laserd’alignement
pour collimater avecplus
d’assurance le faisceau de la diode avant de laplacer
dans lecryostat.
Puis la focalisation de
l’objectif
estlégèrement déréglée
pour compenser la contraction que le passage à bassetempérature
fait subir à la monture. Lesperformances
de cesystème
de collimation sontéquivalentes
à celles dusytème implanté
dans les boîtiersclassiques.
Le faisceau sort du boîtier par une fenêtre àl’angle
deBrewster,
en verre nontraité.
F.2
Cryogénie
Afin d’éviter toute condensation sur la fenêtre de la diode et pourob-tenir durablement une basse
température,
il faut réaliser un vide de l’ordre de10-5 torr,
très difficile. La
température
atteinte varie de -160° à -180°. Nous avons utilisé pour la mesurer une thermistance au Platine valable pour le domaine detempérature
allant de -200° à +290°. Par sadisposition,
elle donne avant tout une indication sur latempérature
du
support
de la diode et de la face arrière de lacapsule TO-3,
et donc seulement une estimation de latempérature
de la diode elle-même. Nous n’avons pasessayé
d’utilisél’élément Peltier ou même la thermistance interne de la
photodiode
à cestempératures.
Ilest donc
probable
que la diode fonctionnant sans sarégulation
detempérature
habituelledoit connaître des dérives