• Aucun résultat trouvé

Les difficultés de compréhension des élèves à propos de la loi d’Ohm dans les publications scientifiques

CADRE THEORIQUE ET REVUE DE LA LITTÉRATURE

CHAPITRE 5 REVUE DE LA LITTÉRATURE

5.1. L’état de l’art de l’enseignement et l’apprentissage de la loi d’Ohm

5.1.1. Les difficultés de compréhension des élèves à propos de la loi d’Ohm dans les publications scientifiques

Une série de trois grandes études françaises (Malafosse et al., 2000 ; Malafosse et al., 2001a ; Malafosse et al., 2001b) se sont intéressés à l’acquisition de la loi d’Ohm au collège en interrogeant les conditions de transposabilité de concepts élaborés en didactique des mathématiques à une autre telle que la didactique de la physique. Autrement dit les recherches visaient à déterminer à quel point certains concepts élaborés en didactique des mathématiques peuvent permettre d’analyser les problèmes d’Enseignement et d’apprentissage en classe de Physique. La pertinence de ces questions de relation entre mathématiques et physiques trouve son sens d’une part dans le fait que en France, le contexte des recherches, les programmes officiels de Mathématique préconisent de privilégier le sens physique que confèrent les notions mathématiques abordées et d’autre part pour ce que la relation entre Mathématiques et Physique offre un intérêt certain pour les recherches inter didactiques disciplinaires Maths-Physiques sur la conceptualisation. Chacune des recherches correspond à chaque étape de la progression de classe conduisant à l’établissement de la loi d’Ohm à savoir :

- Influence de la perception de la nature des objets sur les activités de conception d'un

73

- Recherche de régularités numériques et passage à une « formule physique » traduisant la loi d'Ohm, à partir d'un ensemble de nombres correspondant aux mesures des diverses tensions et intensités d'un circuit série simple.

- Représentation graphique de la loi d'Ohm sous forme d'une droite passant par l'origine du plan (U, I) et détermination graphique de la résistance.

Le thème choisi pour cette étude, la loi d’Ohm, se justifie car elle consiste à faire une étude expérimentale (construction d’un circuit électrique, mesures de tensions et d’intensités de courant électrique) et une modélisation mathématique par induction. le passage de la réalité physique (les mesures électriques) et sa présentation fonctionnelle en mathématique est d’un intérêt didactique d’analyse des procédures mise en jeu au cours du passage de la réactive expérimentale (au cœur de la méthode des sciences physiques) au modèle mathématique en montrant pourquoi cette opération extrêmement complexe ne se réduit pas à un simple changement de cadre entre l’électrocinétique (en physique) à l’algèbre linéaire (en mathématiques).

La première étude (Malafosse et al., 2000) s’est intéressée à l’acquisition de la loi d’Ohm du point de vue d’espace de réalité en se centrant sur l’étude de l’influence de l’intensité du courant traversant un objet conducteur sur la tension à ses bornes. Cette étape correspond à l’influence de la perception de la nature des objets sur les activités

de conception d'un circuit électrique et de production du schéma correspondant que les

chercheurs ont confronté au modèle d’analyse d’espace de réalité, c’est-à-dire le passage de l’espace réalité (physique) au cadre de rationalité familier et/ou scientifique. L’objectif visé est d’étudier les stratégies mises en œuvre au cours du passage de l'objet de l'espace de réalité aux conceptions d'isolant / conducteur dans le cadre personnel de l'élève. Le cadre théorique de cette recherche s’appuie sur la notion de cadre Douady (1984), de registre sémiotique Duval (1993) et de cadre de nationalité Lerouge (1992) et d’espace de réalité. La méthodologie retenue par cette recherche est celle de l’ingénierie didactique Artigue (1988), qui se résume en « la conception, la réalisation et l’analyse de séquences d’enseignement » (Artigue 1988, pp 285-286). L’étude concerne vingt-quatre élèves répartis par groupe de 4 et filmés pendant 3 séances de deux heures ; chaque séance étant structurée en unités de 2 étapes, qui visent à repérer un prélèvement d’émergence Lerouge (1992) au niveau des conceptions ou des procédures (par une recherche individuelle sur fiche) et au niveau langagier (par analyse de débat). Le prélèvement d’émergence est uniquement centré sur les rapports

74

qu’entretiennent les élèves avec l’espace de réalité à propos de la nature plus ou moins conductrice de tout objet. C’est une phase totalement qualitative qui ne nécessite que les notions de continuité du courant et du lien entre l’éclairement et l’intensité circulant dans un circuit en série. Les résultats de cette études montrent que :

-l’espace de réalité défini comme l’ensemble des objets réels et des évènements hors de

tout espace psychique (Malafosse et al., 2000), c’est-à-dire « la référence

épistémologique au monde dont l’individu, comme la collectivité scientifique recherche à s’approprier une description raisonnée, et auquel ils cherchent tous deux à se référer pour valider leurs productions (Ibid, pp. 15), offre à l’élève de la classe de troisième le terreau favorable pour bâtir sa représentation mentale de la réalité, étape fondamentale de la structuration du problème de physique,

- l’espace de réalité et le cadre de rationalité sont disjoints en ce sens que l’espace de

réalité ne dépend d’aucune rationalité propre et ne peut être associé à un cadre ou à un

registre. En conséquence l’espace de réalité peut paraître de trop en didactique des

mathématiques et représenter un élément indispensable à la conceptualisation en physique.

Dans une deuxième étude, Malafosse et al. (2001a) étudient l’acquisition de la loi d’Ohm au collège du point de vue du changement de nationalité. C’est une étude qui fait suite à la celle qui est menée du point de vue de l’espace de réalité et qui a pour support la deuxième étape de la formulation de la loi d’ohm : la recherche de régularités numériques et le passage à une « formule physique » traduisant la loi d’Ohm à partir d’un ensemble de nombres correspondant aux mesures des diverses tensions et intensités d’un courant d’un circuit série simple. L’objectif de cette recherche est de tester le modèle qui associe les notions d’espace de réalité, de cadre de rationalité et de registre sémiotique dans l’analyse d’une séquence d’établissement de la loi d’ohm pour rechercher sur quoi repose :

- les difficultés de compréhension de cette loi en ce qui concerne l’écart entre la réalité expérimentale et sa présentation épurée sous la forme d’une relation fonctionnelle mathématique,

- la mathématisation ou la présentation sous forme mathématique de la loi d’ohm enfin de collège.

À cette question deux hypothèses sont formulées : les difficultés des élèves reposent sur la différence de nature des objets conceptuels manipulés dans les deux disciplines ;

75

ces difficultés reposent surtout sur la divergence de rationalité entre le cadre des sciences physiques et celui des mathématiques.

La mise à l’épreuve de ces hypothèses a requis une ingénierie didactique (Artigue, op. cit) organisée autour de deux prélèvements d’émergence (Lerouge, 1992) : la recherche individuelle sur fiche centrée sur la lecture et la présentation des données que sont les digits des appareils de mesures et que vise à repérer l’émergence des conceptions en de procédés ; la mise en commun en petits groupes se déroulant sous forme d’un débat ( enregistré) animé par un chercheur en didactique centré sur le traitement de l’ensemble des données numériques en vue de l’établissement de la loi de proportionnalité. L’analyse des données a permis de montrer que :

- Les élèves choisissent spontanément leur cadre personnel des Mathématiques pour effectuer le traitement sur les observables quantifiés accessibles lors de l’activité expérimentales menées au cours des sciences physiques,

- Ce choix inadapté de cadre de rationalité des élèves est dû à « une surdétermination

de la rationalité de la mathématique qui conduit à oublier la spécificité de la rationalité du cadre physique et en particulier sur indispensable référence à l’espace de réalité ».

En somme cette recherche tend à monter que le modèle combinant l’espace de réalité, la notion de cadre de rationalité et de registre sémiotique semble être une aide précieuse pour analyser la parcellisation de certains concepts à l’intérieur d’un cadre de rationalité donné. Ce modèle permet d’expliquer les difficultés de conceptualisation des élèves en termes de rupture de rationalité entre mathématiques et Physique autour de la dimensionnalité3 des nombres, l’importation du concept de proportionnalité4 et la différence de nature des règles de validation.

Dans une recherche complémentaire que fait suite aux deux premières, Malafosse et al. (2001b) ont étudié les changements registres sémiotiques en didactique de la physique avec comme support la loi d’Ohm. L’objectif est de mettre en œuvre les deux notions de « registres sémiotiques » et de « congruence sémantique » développées par Duval (1988,1993, 1995) en didactique de la physique à propos de la troisième étape de l’établissement de la loi d’ohm pour laquelle on recourt à une étude graphique : représentation graphique de la loi d’ohm sous forme d’une droite passant par l’origine

3Les valeurs de mesures en physiques sont utilisées en physique avec leurs unités. Mais au cours de la modélisation mathématique, ces mesures sont désormais prises pour des nombres sans leurs unités.

76

du plan (U, I) et la détermination graphique de la résistance du conducteur ohmique. Le choix de l’étude expérimentale de la loi d’ohm comme terrain d’expérimentation s’est justifié d’une part par le fait qu’elle s’inscrit dans le champ conceptuel (Vergnaud, 1990) de la proportionnalité et d’autre part et du fait de cette appartenance à ce champ conceptuel, elle nécessite plusieurs registres : le registre graphique (ici la représentation graphique de la loi d’ohm), le registre numérique dans lequel l’élève se positionne pour rechercher des régularités numériques dans un tableau de valeurs et qui est régi par les règles de l’arithmétique et de l’algèbre et qui lui permet de traiter les données numériques correspondant aux mesures de tension et d’intensité et le registre analytique dans lequel l’élève doit se placer lorsqu’il s’intéresse à la relation fonctionnelle traduisant la loi d’Ohm et qui correspond au registre algébrique de Duval. Le choix du support d’étude est donc adapté au projet de réinvestir le model de Duval (développé le cadre de la didactique des Mathématiques) en didactique de la physique. L’hypothèse de la recherche est que l’activité de représentation graphique de la loi d’ohm sous forme d’une droite attendue des élèves correspond à plusieurs changements de registres sémiotiques : le registre numérique, analytique et graphique dans le cadre personnel et culturel de la physique. Le recueil des données s’est axé sur deux prélèvements d’émergences : l’un consistant à une recherche individuelle sur fiche centrée sur le repérage dans le plan (U, I) des données numériques issues du tableau des valeurs, l’autre relatif à la mise en commun en groupe du tracé du graphe de la loi d’ohm et son exploitation en termes de détermination de la résistance. Deux résultats ont découlé de cette recherche :

- Le changement de registre (numérico-analytique et graphique) mis en œuvre à propos de l’étude expérimentale de la loi d’ohm ne facilite pas l’appropriation du concept de résistance et de conducteur ohmique.

- Ces changements de registres représentant un obstacle à la conceptualisation et cet obstacle trouve sa source à la foi dans l’absence de relation de sens entre les représentations du concept de proportionnalité dans les trois registres utilisés et dans le fait que dans l’opération de changement de cadre de rationalité, les registres sémiotiques sont instables.

En somme le modèle de Duval, bien que révélant d’une richesse didactique en Physique, nécessite de s’interroger sur la spécificité de chaque discipline des registres sémiotiques.

77

On voit bien, l’étude expérimentale de la loi d’Ohm, à travers ces grandes publications, offre un cadre favorable à l’étude des relations duelles entre les mathématiques et la physique pour l’enseignement /apprentissage de la physique compte tenu de l’épistémologie de la physique. Les études ultérieures réalisées par Baldy, Dusseau, et Durand-Guerrier (2007) ont mis en évidences les difficultés rencontrées par les élèves pour reconnaître et utiliser ces liens.

Compte tenu de la presque inexistence de travaux de recherche sur la compréhension de la notion de résistance, Liegeois et Mullet (2002) ont étudié la façon dont les élèves des classes de fin de collège et de début de lycée sont capables de conceptualiser la notion de résistance au regard de ses relations avec les concepts de tension et d’intensité du courant. Ces chercheurs ont utilisé une méthodologie qui consiste à fournir aux participants une série de données numériques de tension et d’intensité avec la consigne de prédire les valeurs correspondantes de la résistance. Les résultats tendaient à montrer que pour la majorité des élèves la résistance est une fonction directe de deux concepts de tension électrique et d’intensité du courant électrique comme pourrait être le concept de puissance. Il semble que pour les sujets de cette étude, la résistance d’un conducteur ohmique varie lorsque la tension et l’intensité varient.

. D’autres études (Periago et Bohigas, 2005) se sont intéressées aux conceptions des étudiants de cycle d’ingénierie industrielle et chimique à propos de la tension électrique, de l’intensité du courant électrique et de la loi d’Ohm. Ils ont soumis les étudiants à une questionnaire papier-crayon pour savoir s’ils sont capables d’appliquer correctement la loi d’Ohm d’un point de vue conceptuel, c’est-à-dire dans quelle mesure les étudiants reconnaissent et utilisent la relation entre l’intensité du courant électrique, la tension et la résistance. Les résultats ont montré, d’une part, que, même si plus de la moitié des étudiants interrogés lient la chute de tension aux conducteurs ohmiques (résistance), une frange significative d’entre eux (plus du tiers) ne semble la lier à aucun critère. D’autres part, l’étude met en évidence le fait que les étudiants appliquent mécaniquement la loi d’Ohm sans réellement la comprendre dans la mesure où leur raisonnement se base sur l’analogie avec model hydrodynamique du courant électrique. L’analyse des questionnaires a montré qu’au sujet des grandeurs électriques telles que la tension et l’intensité, les représentations des étudiants (qui avaient déjà fait de la physique à l’université) étaient identiques à celle des élèves de fin de collège. Ces résultats ont permis aux auteurs la proposition de recommandations utiles à la

78

conception de cours basée sur l’approche constructiviste du processus d’enseignement et d’apprentissage.