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Le cadre théorique principal : Les outils empruntés à la théorie anthropologique du didactique

CADRE THEORIQUE ET REVUE DE LA LITTÉRATURE

CHAPITRE 4 CADRE THEORIQUE

4.1. Un cadre théorique pour l’étude des pratiques de classe en sciences physiques

4.1.1. Le cadre théorique principal : Les outils empruntés à la théorie anthropologique du didactique

Le positionnement épistémologique de la TAD attribue au savoir un caractère anthropologique et situe toute activité scientifique dans l’ensemble des activités humaines institutionnelles :

Le point crucial à cet égard, dont nous découvrirons peu à peu toutes les implications, est que la TAD situe l'activité scientifique, et donc l'activité d'étude en mathématiques et en sciences, dans l'ensemble des activités humaines et des institutions sociales (Chevallard, 1998,

p.1).

La loi d’Ohm figure dans les programmes d’études du Bénin, aussi bien au collège qu’au lycée et à l’université. Pour prendre sa place parmi les objets d’enseignement/apprentissage en classe de quatrième par exemple, la loi d’Ohm fait objet d’une transposition didactique. La mise en œuvre de son enseignement est

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prescrite par les programmes et instructions officielles. C’est dire que la vérification de la loi d’Ohm, comme tout savoir scientifique est attachée à une institution (au moins) qui lui donne une signification spécifique et lui impose un certain nombre de conditions et de contraintes (voir au chapitre 3).

Relativement à un thème Q tel que la loi d’Ohm, la TAD étudie deux types d’objets : l’organisation scientifique ou la praxéologie scientifique, c’est-à-dire, la réalité scientifique (mathématique, physique, biologique,…) qui peut se construire dans une classe où l'on étudie le thème Q et l’organisation didactique ou la praxéologie didactique, la manière dont peut se construire cette réalité scientifique, c'est-à-dire la manière dont peut s'y réaliser l'étude du thème Q.

La notion d’organisation praxéologique

L’outil principal de l’approche anthropologique du didactique est la notion d’organisation praxéologique. Le terme de praxéologie a été introduit par Chevallard (1999) dans le cadre de la théorie anthropologique du didactique. Dans cette théorie il décrit une praxéologie comme étant un quadruplet (type de tâches, technique, technologie, théorie). Des définitions proposées par Chevallard dans ses écrits, celle-ci nous apparait assez précise :

En toute institution, l’activité des personnes occupant une position donnée se décline en différents types de tâches T, accomplis au moyen d’une certaine manière de faire, ou technique, τ, Le couple [T, τ] constitue, par définition, un savoir-faire. Mais un tel savoir-faire ne saurait vivre à l’état isolé : il appelle un environnement technologico-théorique [ϴ, Θ], ou savoir (au sens restreint), formé d’une technologie ϴ, « discours » rationnel (logos) censé justifier et rendre intelligible la technique (tekhnê), et à son tour justifié et éclairé par une théorie Θ, généralement évanouissant. Le système de ces quatre composantes, noté [T/τ/ϴ/Θ], constitue alors une organisation praxéologique ou praxéologie, dénomination qui a le mérite de rappeler la structure bifide d’une telle organisation, avec sa partie pratico-technique [T/τ] (savoir-faire), de l’ordre de la praxis, et sa partie technologico-théorique [ϴ/Θ] (savoir), de l’ordre du logos. (Chevallard, 1999)

Ainsi donc toute activité humaine, pratique sociale et l’activité scientifique en particulier, peut s’analyser ou se modéliser en des complexes selon quatre composantes : (type de) tâches, techniques, technologie et théorie et d’après Chevallard (2007) une praxéologie est l’union plus ou moins réussie, adéquate, pertinente de ces quatre éléments.

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La praxéologie ou l’organisation praxéologique repose sur des postulats :

Premier postulat : toute pratique se laisse analyser, de différents points de vue et de différentes façons, en un système de tâches relativement bien circonscrites. Tout pourtant n'est pas tâche : il existe en toute institution de l'activité non analysée en types de tâches, et dont la mention au moyen de verbes d'action d'acception très large (par exemple « calculer », « démontrer », « vérifier », etc.) laisse le contenu mal défini. On parle alors de genre de tâches. Le deuxième postulat pose que l'accomplissement de toute tâche résulte de la mise en œuvre d'une technique. Il faut entendre le terme de technique en un sens très large, comme une « manière de faire » particulière, une manière de réaliser la tâche, et non selon l'acception courante, un procédé structuré et méthodique, voire algorithmique qui n'est qu'un cas très particulier de technique. Il s’agit d’un savoir-faire : C’est un bloc [Type de tâches/technique] ou bloc technico-pratique. Dans le troisième postulat on suppose que, pour pouvoir exister dans une institution, une technique doit apparaître comme un tant soit peu compréhensible, lisible et justifiée. Cette contrainte écologique implique alors l'existence d'un discours descriptif et justificatif des tâches et techniques qu'on appelle la technologie de la technique. Une technologie peut avoir pour fonction de justifier rationnellement la technique, d’expliquer, la rendre intelligible, éclairer la technique et de produire la technique. Le postulat annoncé implique en outre que toute technologie a besoin à son tour d'une justification, que l'on appelle la théorie de la technique, et qui en constitue le fondement ultime. C’est souvent le bloc technologico-théorique qui est vu comme un savoir.

La notion d’organisation didactique

Soit à accomplir un certain type de tâche T et à étudier une question de type τT. En réponse à une telle question il va falloir mettre en place une organisation scientifique

OS=[T/τ/ϴ/Θ]. D’après Chevallard (1999) :

Les praxéologies didactiques ou organisations didactiques sont des réponses (au sens fort) aux questions du type « Comment étudier la question q = τT ? », ou « Comment étudier l’oeuvre O ? » – réponses qu’on notera ici, génériquement, ∂q et ∂O, en sorte qu’on aura par exemple : ODq = ∂OSq.

Une organisation didactique, c’est-à-dire une praxéologie didactique est donc la manière de mettre en place une organisation scientifique. De ce point de vue, et en tenant compte des spécificités relatives au système scolaire telles que les choix

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pédagogiques ou politiques extérieurs au champ d’investigation de la didactique de la physique, Chevallard (Ibid) reprécise sa définition : « Par organisation didactique, on

entendra donc a priori l’ensemble des types de tâches, des techniques, des technologies, etc., appelés par l’étude concrète en une institution concrète ». Les descripteurs d’une

organisation didactique se situent à de multiple niveau comme le précise Chevallard (Ibid) :

Une organisation didactique ∂O comporte donc de multiples niveaux de spécification, dont aucun ne saurait être négligé et dont tous relèvent, à certains égards au moins, de la didactique. À un premier niveau, ainsi, on situera les conditions et contraintes propres à un système d’enseignement et à ses établissements, qui s’appliquent peu ou prou à toutes les matières qui y sont étudiées : pour le système scolaire français, on situera là, notamment, l’existence de cursus d’études strictement définis, celle de programmes nationaux, la distribution des élèves d’un niveau d’études donné (6e, 5e, 4e, etc.) entre plusieurs communautés d’étude quasi autonomes – les classes du niveau considéré –, l’importance accordée aux professeurs par rapport aux autres aides à l’étude possibles, l’existence de systèmes et dispositifs didactiques auxiliaires (études encadrées, modules, etc.). À un deuxième niveau, on situera les déterminants spécifiques de telle matière figurant dans tel cursus d’études : on placera là, par exemple, les formes didactiques qui font sens a priori pour l’ensemble de la matière étudiée – comme il en va s’agissant de l’expérimentation ou de la démonstration, dans leurs aspects généraux, en mathématiques. Semblablement, les niveaux suivants de spécification concerneront les aspects propres à chacun des niveaux d’organisation de la matière étudiée – global, régional, local, ponctuel.

Aux deux premiers niveaux de spécification, succèdent les moments de l’étude de l’organisation scientifique mis en place et le topos des sujets (enseignant et élèves).

Les moments de l’étude

Les moments de l’étude ou encore appelés moments didactiques sont les types de

situations nécessairement présents aussi bien du point de vue qualitatif que quantitatif

dans le déroulé d’une étude en classe. Il s’agit de types de moments ou phases présents de manière variable selon les pratiques. Il existe six moments de l’étude :

 le moment de la (première) rencontre avec un type de tâches T ou avec

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Ce moment tente de répondre à la question « comment démarrer une activité, une situation, une séquence ? ». Ce moment se fait en général par la rencontre avec un type de tâches lié au thème, mais pas toujours.

 le moment de l’exploration de T et de l’émergence d’une technique τ ; La première rencontre aboutit à l'émergence d'un embryon de techniques permettant la réalisation des tâches proposées.

 le moment de la constitution de l’environnement technologico-théorique [ϴ,

Θ]

Il s’agit des éléments (discours, définitions, théorèmes, démonstrations, …) qui justifient, rendent compréhensibles ou fondent les techniques. En général, cette phase entretient une relation entre les autres moments de la réalisation de la séance.

 le moment de l’institutionnalisation;

L’institutionnalisation, d’après Brousseau (1998) est le processus dans et par lequel le professeur signifie aux élèves les savoirs ou les pratiques qu’il leur faut retenir comme enjeux de l’apprentissage attendu. Au sens de Chevallard (2005),

D’après Chevallard (1999, p. 22), l’institutionnalisation a pour objet de :

préciser ce qu’est « exactement » l’organisation mathématique élaborée, en distinguant notamment, d’une part les éléments qui, ayant concouru à sa construction, n’y seront pas pour autant intégrés, et d’autre part les éléments qui entreront de manière définitive dans l’organisation mathématique visée – distinction que cherchent à préciser les élèves lorsqu’ils demandent au professeur, à propos de tel résultat ou de tel procédé, s’il faut ou non « le savoir ».

Ainsi donc relativement à un type de tâche, la classe met en place des techniques sous-tendues par des technologies dans le but de l’accomplir. Le professeur, de fait du rôle qui est le sien dans le contrat qui le lie avec les élèves, mets en texte ce qu’il convient d’être retenu par les élèves. C’est ce que Chevallard précise en écrivant :

Le matériau mathématique (physique tel que la vérification de la loi d’Ohm) élaboré est alors mis en forme (par la classe, sous la direction du professeur) dans une synthèse qui en précise les différents composants et les « institutionnalise » d’une manière presque définitive. (Chevallard, 2005).

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L’organisation mathématique ou scientifique ayant été institutionnalisée (praxéologie

institutionnalisée), la suite logique des activités de la classe est de travailler à renforcer

les acquis de son apprentissage. Ceci est rendu possible avec les évaluations formatives et entrainement divers. Chevallard (2005) traduit cela en ces mots :

Au-delà de la synthèse, en effet, la classe doit ensuite s’exercer à maîtriser les contenus mathématiques [physiques] ayant subi cette première mise en forme, et doit les « faire travailler » : c’est là le rôle des exercices (le mot est pris ici en son sens strict) et des problèmes...

 et le moment de l’évaluation.

Le savoir ayant été mis en texte et reconnu par la classe comme étant le résultat à retenir, il va faire l’objet d’évaluation, qu’elle soit à visée de formation ou à vissé sommative ou de certification. Ce faisant, c’est les rapports personnels (des élèves par exemple) au savoir construit en classe qui sont interrogés en prenant comme norme l’institutionnalisation du savoir en jeu. Le moment de l’évaluation peut donc s’interpréter comme étant une articulation du moment de l’institutionnalisation, c’est-à-dire un sous-moment de l’institutionnalisation.

Le topos des sujets

Le mot grec topos signifie « lieu ». Dans le système didactique scolaire, lors de l’établissement d’une organisation scientifique (mathématique, SVT, physique,…), il existe des phases ou des tâches où l’élève est amenée à opérer en autonomie didactique. L’ensemble constitue par définition son topos. C’est le lieu où psychologiquement l'élève éprouve la sensation de jouer dans l'accomplissement de ses tâches, "un rôle bien à lui". Il existe aussi le topos de l’enseignant. En effet, dans l’accomplissement d’une tâche par l’élève, il existe une sous-tâche implicite ou explicite qui revient à l’enseignant (par exemple, proposer à l’élève une tâche à accomplir, fournir la réponse à un exercice résolu par l’élèves, …). Celle-ci appartient au topos de l’enseignant. La notion de topos peut être rapprochée de la notion de dévolution développée par Brousseau (1998). Pour lui, « la dévolution, ou le processus de dévolution, désigne

l’ensemble des actions de l’enseignant visant à rendre l’élève responsable de la résolution d’un problème ou d’une question en suspens » (Brousseau, 1998, p.303).

Ainsi donc, dans certaines phases la recherche des problèmes et la construction du savoir visé sont de la responsabilité des élèves (le topos de l’élève). Cette responsabilité

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nous semble incomber à l’enseignant qui se doit de créer à l’intention de l’élève et relativement au thème à l’étude, un topos, son topos permettant à cet élève de s’impliquer réellement dans l’accomplissement de la tâche.

Le rapport au savoir

Le rapport personnel d’un individu x à un objet o est, d’après Chevallard (1989), le système noté R(x, o) de toutes les interactions, sans exception, que x peut avoir avec

l’objet o. Chevallard (Ibid) précise que :

De ce rapport personnel relève notamment tout ce que l’on croit ordinairement pouvoir dire- en termes de «savoir», «savoir-faire», de «conceptions», de «compétences», de «maîtrise», d’«images mentales», […]. Le concept de rapport (personnel) à un (objet de) savoir apparaît ainsi comme englobant les aspects fragmentaires en lesquels on le dissocie ordinairement.

Ainsi donc en TAD, « connaître un objet c'est avoir à faire avec - et souvent avoir

affaire à - cet objet. On parlera ainsi de rapport personnel (resp. Institutionnel) à un objet O pour une personne X (resp. à une institution I), noté R(O,X) (resp.RI(O)) ».

(Chevallard, Ibid)

Pour expliquer la formation et l’évolution de l’univers cognitif d’une personne deux autres notions sont utilisées :

- La notion d’institution. Une institution peut être une école, une classe ; « ESPS » (enseignement des Sciences Physiques au Secondaire), « la communauté des physiciens », la classe de 4e, …

Dans «ESPS», on distingue au moins deux types de sujets : élève et enseignant. - Le rapport institutionnel d’une Institution I à O, R(I,O) ou RI(O) : Le rapport à la loi d’Ohm par exemple «énonce», en gros, ce qui se fait, dans l’institution Enseignement des Sciences Physiques du Secondaire, «avec» l’objet « loi d’Ohm », comment la loi d’Ohm y est mis en jeu; ou, encore, en termes plus imagés, ce qu'est le «destin» de la loi d’Ohm dans cette institution.

Cette notion de rapport renvoie aux « pratiques sociales qui se réalisent dans

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4.1.2. Le cadre théorique complémentaire : les outils empruntés à la