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Deuxième section. La singularité consécutive du lien de subordination normative

101. Si la CJCE était profondément imprégnée de la norme « première »

communautaire, elle devait persuader les acteurs nationaux non seulement de l’existence mais surtout de la portée de cette norme : comme toute norme « première », la norme « première » communautaire initie une hiérarchie des normes, fondée sur un principe de validité de la norme inférieure par rapport aux conditions d’élaboration de normes posées par la norme supérieure. Ce principe fut appelé par la CJCE le principe de « légalité »111. Cette dénomination comporte certes l’avantage d’être intuitivement connue des juristes nationaux. Cette qualité se révèle pourtant être un inconvénient dans le contexte multiculturel de la construction communautaire. Puisque nous avons supposé qu’un signifiant utilisé en droit communautaire ne renvoie pas forcément au même contenu sémantique que les signifiants nationaux112

, le mot « légalité » véhicule une ambiguïté linguistique dont la CJCE a d’ailleurs pu tirer profit.

102. La meilleure façon de convaincre consiste effectivement à rassurer la

personne dubitative. En utilisant les concepts qu’elle connaît, la CJCE prédisposait ainsi à l’acceptation de la hiérarchie des normes communautaires. L’utilisation du principe de légalité, si elle ne fut pas inutile en politique jurisprudentielle, ne rend toutefois pas compte de la réalité du droit communautaire. L’adoption d’un autre vocable nous paraissait donc beaucoup plus pertinente (§1) pour comprendre le lien qui unit hiérarchiquement les normes communautaires (§2).

§1. La communautarité, opportunité d’un vocable nouveau

103. Réfléchir sur la légalité implique d’envisager « ce qui est conforme à la

loi », « ce qui doit être établi par la loi », « ce que la loi impose de faire » ou encore l’« ensemble des dispositions de la loi ou du Droit écrit ou du Droit positif »113. Plusieurs

110

A.-J. ARNAUD (dir.), Dictionnaire Encyclopédique de Théorie et de Sociologie du droit, Paris, LGDJ, 2ème éd., 1993, 758 p., « efficacité », pp. 219-221, § 5, p. 220.

111 CJCE, arrêts du 23 avril 1986, Les Verts c/ Parlement, aff. 294/83, Rec. p. 1339, pt 23.

112 Voir supra, § 21.

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tendances se dégagent : la légalité se réfère à la loi, soit au sens strict, soit au sens large. Toutefois, dans les deux hypothèses, le terme de légalité présente des lacunes, d’autant plus graves qu’elles se répercutent sur les droits fondamentaux (A), laissant ainsi la voie libre à un nouveau référent (B).

A. Les lacunes de la légalité

104. Dans un sens restreint, la légalité renvoie à la loi au sens formel,

c’est-à-dire à l’acte législatif d’un parlement. Comme l’Union et la Communauté européennes ne développent pas de système législatif parlementaire assimilable à celui des États membres114, il devient inapproprié d’envisager la légalité au sens strict dans le domaine communautaire.

105. Il apparaît de toute façon que la majorité de la doctrine, au moins

française, considère que le principe de légalité désigne « la soumission de l’administration au droit »115 et, par là, englobe toutes les règles opposables à l’administration. Le principe de constitutionnalité est alors compris dans le principe de légalité. Cette vision se révèle d’ailleurs être en concordance avec les propos de la CJCE dans son désormais célèbre arrêt Les Verts. En effet, alors qu’elle qualifie le traité de « charte constitutionnelle de base », elle envisage ensuite son rôle en matière de légalité et non de constitutionnalité, comme aurait pu également le laisser présager la référence à la « communauté de droit »116. Certes, le traité lui-même, en son article 230 TCE, désigne par « légalité » le rapport de conformité des actes institutionnels au traité. Toutefois, l’article 234 TCE présente un aspect différent. S’il envisage une question de rapport de conformité, le mot légalité n’apparaît pas ; en fait, s’y substitue le terme de validité, à l’acception beaucoup plus large et qui serait à ce titre plus en cohérence avec les premiers éléments avancés dans l’arrêt Les Verts117.

106. Préférer le terme de légalité à celui de validité n’était donc pas aussi

évident. En outre, si la prédilection de la CJCE devait simplement s’interpréter comme la reprise des termes de l’article 230 TCE, la critique devrait s’élever contre une construction théorique fondée sur des prémices incomplètes, puisque négligeant l’utilisation du référant plus large qu’est la validité de l’article 234 TCE. Par ailleurs, à

114 Voir supra, § 19.

115 Voir par ex. G. BRAIBANT et B. STIRN, Le droit administratif français, Paris, Presses de Sciences po et Paris, Dalloz, 6ème éd., 2002, 641 p., p. 229 ; ou encore M. de VILLIERS (dir.), Droit public général, op.

cit., spéc. §§ 415-416.

En outre, la doctrine allemande adopte une vision similaire puisque le terme utilisé à l’article 230 TCE en version allemande est Rechtmäßigkeit dont le préfixe Recht correspond à « droit » et non pas à loi au sens strict qui aurait été Gesetz ; voir le site Internet : <http://www.europa.eu.int/eur-lex/lex/de/treaties/ dat/12002E/htm/C_2002325DE.003301.html>.

116

CJCE, arrêts du 23 avril 1986, Les Verts c/ Parlement, aff. 294/83, Rec. p. 1339, pt 23.

117 La différence de termes est évidemment respectée par les autres versions du TCE. Ainsi, en anglais sont utilisés legality et validity, en allemand, Rechtmäßigkeit et Gültigkeit ou encore en espagnol, legalidad et

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65 partir du moment où la CJCE se reconnaissait la possibilité de systématiser l’ordre juridique communautaire au point de le comparer à un État de droit, elle aurait pu, et certainement dû, en exprimer clairement la portée. Notamment, en parlant de légalité, elle sous-entend se référer à une conception qui privilégie, au moins symboliquement, la légalité à la constitutionnalité, au contraire d’une certaine vision modernisée du droit constitutionnel : le doyen Favoreu défend ainsi que « la constitutionnalité supplante la légalité »118, autrement dit que le principe de légalité doit s’incliner au profit du principe de constitutionnalité. Avancer l’idée constructive d’une charte constitutionnelle de base et ne pas adopter une vision progressiste du constitutionnalisme peut alors sembler étrange, d’autant que cette vision prédétermine le concept de droit fondamental communautaire.

107. En effet, dans le contexte plus large d’un juge qui cherche à développer

des droits fondamentaux communautaires, alors que les droits fondamentaux sont avant tout l’expression d’une valeur constitutionnelle ou au moins supra-législative, la préférence pour le mot « légalité » peut apparaître inopportune. En tout cas, elle est susceptible de créer une confusion ultérieure sur la réelle nature des droits fondamentaux communautaires. Le doute ressurgit ainsi sur leur valeur normative, alors que celle-ci caractérise la différence entre droit fondamental et liberté publique119.

108. De toute façon, une telle prise de position de la CJCE ne peut qu’avoir été

mûrement réfléchie : la présence du mot légalité n’est pas anodine et ne doit pas se limiter à une simple transposition du texte de l’article 230 TCE. Nous pensons au contraire que la non-utilisation d’un terme aussi profond que constitutionnalité ou aussi large que validité traduit une prudence volontaire de la Cour de justice. Dans le contexte de promotion des caractères de l’ordre juridique communautaire auprès d’organes nationaux plutôt réticents à la primauté complète de celui-là, la politique jurisprudentielle constitue un outil pédagogique particulièrement utile pour emporter la conviction des récalcitrants. Le discours de la CJCE se devait d’être le plus rassurant possible. L’utilisation d’un mot aussi large que légalité permettait à chaque juge national d’y comprendre ce qu’il espérait. Les craintes souverainistes plus ou moins instinctives rassurées, la CJCE pouvait officier son travail pédagogique tendant à convaincre de l’existence d’une norme « première » communautaire singulière, croyance nécessaire à la pérennité de l’effectivité et, par ricochet, de l’efficacité et donc de l’existence de l’ordre juridique communautaire.

118

L. FAVOREU (dir.), Droit constitutionnel, op. cit., p. 332, titre du § 2, voir également §§ 491-493.

119 Les libertés publiques se ditinguent des libertés fondamentales en ce qu’elles désignent les droits de l’homme garantis par des normes infralégislatives. Contra, voir P. AUVRET et J. AUVRET-FINCK, « La complémentarité des systèmes juridictionnels de protection des libertés publiques » in Gouverner,

administrer, juger. Liber amicorum Jean Waline, Paris, Dalloz, 2002, 797 p., pp. 403-429, p. 404 : « Les

libertés publiques sont tout à la fois législatives, infra législatives et supra législatives ». Et à propos de la contestation de la transposition du concept allemand « droits fondamentaux » en droit français, se référer à P. WACHSMANN, « L’importation en France de la notion de "droits fondamentaux" », RUDH, 2004, pp. 40-49.

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109. L’intérêt de faire croire repose effectivement dans ce qui fut désigné par

les « anticipations auto-réalisatrices »120. Pour simplifier, « une anticipation est auto-réalisatrice si les actions et réactions qu’elle engendre contribuent à sa réalisation »121. Autrement dit, si les acteurs nationaux sont persuadés de l’existence de la norme « première » communautaire portant notamment l’effet direct et la primauté du droit communautaire, ils vont adapter leur comportement de manière à être en conformité avec les normes communautaires et leur norme « première ». Cette dernière acquiert ainsi dans les faits, dans le politique, la portée qui n’était jusqu’alors que juridique. Elle devient donc effective et participe indirectement à l’appréciation de l’efficacité globale du système dont les normes communautaires tirent leur validité.

110. Dans un premier temps, les juges nationaux furent d’ailleurs assez

rapidement convaincus de l’originalité du droit communautaire. L’expression la plus remarquable en fut certainement celle de la Cour de cassation de Belgique dans son arrêt de 1971 dit « Le ski »122

, en ce que celle-ci y acceptait non seulement l’existence d’une norme « première » communautaire mais également sa portée.

L’attitude des juges administratifs de Francfort constitue également un témoignage intéressant, spécialement à propos de l’affaire Internationale Handelsgesellschaft. En effet, s’ils tendent à reprendre en substance la réserve déjà

formulée par la Cour constitutionnelle fédérale allemande concernant la primauté de principe du droit communautaire sur les normes nationales sauf éventuellement en ce qui concerne la garantie des droits fondamentaux123, les juges ordinaires allemands initient toutefois une procédure préjudicielle aux fins de s’adresser à la CJCE124. Certes, le Tribunal administratif de Francfort saisira également la Cour constitutionnelle fédérale allemande à propos de la même affaire, ce qui peut expliquer le scepticisme des juges

120 Ce concept est directement inspiré par la prise en compte de la psychologie en économie initiée par J.M. KEYNES dans sa Théorie générale de l’emploi, de l’intérêt et de la monnaie, traduit de l’anglais par J. de LARGENTAYE, Paris, éd. Payot, 1995, 387 p., not. chap. 5 « De la prévision en tant qu’elle détermine le volume de la production et de l’emploi », pp. 71-76. Cette considération pour la psychologie des acteurs économiques, et notamment leurs anticipations, est d’ailleurs devenu incontournable en économie politique puisque M. FRIEDMAN, libéral s’opposant donc aux théories keynésiennes, utilise également les anticipations, quoique de manière divergente, pour expliquer le taux naturel du chômage : voir notamment J. BRÉMOND et M.-M. SALORT, Dictionnaire des grands économistes, Paris, éd. Liris, 1992, 187 p., pp. 56-59 et M. FRIEDMAN lui-même, Dollars and Deficits Inflation – Monetary Policy and the Balance

of Payments, New Jersey, Prentice-Hall, Englewoods Cliffs, 1968, 279 p., p. 14.

121 S. ABBADIE, Anticipations auto-réalisatrices en économie politique : exemples, concepts et prise en

compte dans un processus décisionnel, Thèse de doctorat en ingénierie des systèmes économiques,

Aix-en-Provence, décembre 1986, 109 p., p. 4.

122

Cour de cassation de Belgique, 27 mai 1971, État belge c/ SA « Fromagerie Franco-Suisse Le Ski »,

Pasicrisie belge, 1971, I, p. 886 reproduit par P. PESCATORE, L’ordre juridique des Communautés européennes – Étude des sources du droit communautaire, op. cit., pp. 311-312.

123 Cour constit. fédérale allemande, 18 octobre 1967, BVerfGE, 22, p. 293, arrêt reproduit par P. PESCATORE, L’ordre juridique des Communautés européennes – Étude des sources du droit

communautaire, op. cit., pp. 304-306. Voir également l’extrait dans J. RIDEAU, Droit institutionnel de l’Union et des Communautés européennes, op. cit., pp. 931-932.

124 Voir le traitement de la question préjudicielle : CJCE, 17 décembre 1970, Internationale

Handelsgesellschaft mbH c/ Einfuhr- und Vorratsstelle für Getreide und Futtermittel, aff. 11/70, Rec.,

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67 allemands concernant la réponse de la CJCE125. Cependant, cette succession de saisines traduit le doute premier du juge administratif allemand quant au comportement qu’il devait adopter, et donc d’une certaine réception des analyses de la CJCE.

111. Dans un second temps cependant, ces mêmes juges nationaux

témoignèrent d’une réticence soit nouvelle soit plus affirmée126

. L’œuvre pédagogique de la CJCE trouvait ainsi certaines limites, spécialement face aux droits constitutionnels nationaux. La CJCE, soucieuse de la pérennité de l’ordre juridique communautaire, devait alors témoigner de sa prise en considération des positions nationales mais également modérer ses revendications. Ainsi commença-t-elle à s’inspirer des traditions constitutionnelles communes aux États membres127 tout en veillant à ne pas utiliser de vocabulaire trop ambitieux. La terminologie constitutionnelle devait être maniée avec subtilité : une fois les craintes nationales animées en dépit des efforts de la CJCE, elle ne devait pas les entretenir en affrontant les juges nationaux jaloux de l’intégrité de leur constitution, ou inquiets de l’équilibre de leur ordre juridique non constitutionnel. Aussi pensons-nous que la CJCE préféra le terme légalité. Pour autant ce choix de politique jurisprudentielle ne peut convenir à l’analyse scientifique d’un objet qui diffère de la

légalité nationalement considérée. L’utilisation d’un autre vocable nous permettra en

outre de nous affranchir le plus possible de nos réflexes « statocentrés » et invitera le lecteur à emprunter un cheminement comparable.

B. Les qualités de la communautarité

112. La méprise persistante de l’ordre juridique communautaire passe par une

analyse viciée par les prismes étatiques128. Or, puisque la construction communautaire n’a pas engendré d’État129, l’attribution de qualificatifs, tels que légal ou constitutionnel, ne peut correspondre à la réalité de l’ordre juridique communautaire. De toute façon, la recherche de scientificité impose de ne pas qualifier préalablement un objet, au risque de projeter ses aspirations dans le travail d’observation. Ainsi, au lieu de dépoussiérer de vieux concepts, ce qui en outre induirait l’analyste vers une comparaison potentiellement erronée, nous avons choisi de privilégier l’innovation en parlant de communautarité.

125

Cour constit. fédérale allemande, 29 mai 1974, Internationale Handelsgesellschaft c/ Einfuhr- und

Vorratsstelle für Getreide und Futtermittel, affaire dite So lange I, BverfGE, 37, p. 271 ; J. RIDEAU, Droit institutionnel de l’Union et des Communautés européennes, op. cit., p. 932. À ce sujet, voir J. DARRAS et

O. PIROTTE, « La Cour Constitutionnelle Fédérale Allemande a-t-elle mis en danger la primauté du droit communautaire ? (Bundesverfassungsgericht, 2e Ch. 29 mai 1974) », RTDE, 1976, pp. 415-438.

126 Voir en ce sens A. BERRAMDANE, La hiérarchie des droits – Droit internes et droits européen et

international, op. cit., p. 112 à propos du retrait ultérieur de la pratique jurisprudentielle belge par rapport à

l’affaire Le Ski et pp. 95-97 à propos de la saga des affaires dites So lange I, II et III (ou II bis) de la Cour constitutionnelle fédérale allemande.

127

Voir infra, §§ 308 et s.

128

Voir supra, not. §§ 14 et 24 et s.

129 À propos de la difficulté de qualifier la construction communautaire et des hésitations entre fédération et confédération, voir J.-L. CLERGERIE et V. FAURE-TRONCHE, Le système juridique de l’Union

Fondement équivoque de la garantie juridictionnelle des droits fondamentaux

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113. Par communautarité, nous entendons définir la validité de la norme

communautaire dans le système propre de l’Union et de la Communauté européennes. La

communautarité se distingue ainsi de la légalité et de la constitutionnalité en ce qu’elle

ne se rapporte, ni à une loi, ni à une constitution. Elle permet alors de singulariser la construction communautaire des phénomènes déjà connus, car cette construction emprunte au droit international et aux droits nationaux tout en s’en détachant.

114. Certes, nous avons choisi de limiter le recours au néologisme130

. Toutefois, la « plasticité »131 des catégories juridiques ne suffit pas toujours à expliquer un phénomène nouveau : non seulement une situation originale n’entre pas forcément dans les catégories préexistantes, mais encore le phénomène nouveau peut être « hybride »132

et relever de plusieurs catégories. Cette situation, parce que générant une complexité aiguë, ne permet alors de rendre compte de l’objet que partiellement : il devient difficile d’acquérir une vision d’ensemble de celui-ci ; sa pleine compréhension devient lacunaire.

115. Une solution consiste alors à reconsidérer les qualifications en adaptant les

catégories ou en en créant de nouvelles133. Cette méthode correspond d’ailleurs aux enseignements d’ARISTOTE. En effet, celui-ci se fondait sur la « primauté du réel »134

pour préconiser le droit de nature, c’est-à-dire issu de l’observation de la réalité ou de la nature. Ainsi s’attachait-il à « la société telle qu’elle est »135, et non pas à telle qu’elle devrait être. En ce sens, ARISTOTE propose une méthodologie scientifique de résolution des problèmes juridiques proche du positivisme kelsénien. En tout cas, cette méthode justifie l’adaptation des catégories juridiques pour éviter de « violenter inutilement la réalité »136

.

116. Notre choix pour la communautarité relève donc de l’opportunité : un mot

nouveau permet d’aborder le fait communautaire sans œillère nationale, mais également de ne pas privilégier telle ou telle tendance culturelle. Le mot nouveau doit cependant être compris de tous, ce qui implique le plus souvent une transposition dans la langue nationale de chacun. Aussi proposons-nous quelques traductions de ce néologisme. En combinant des mots existants, il est possible d’aboutir à des traductions commensurables. Nous proposons ainsi communitarity pour l’anglais, Gemeinschaftsrechtmäßigkeit pour l’allemand, comunitaridad pour l’espagnol ou encore comunitarita pour l’italien. L’essentiel consiste en fait en la désignation d’un concept proprement communautaire. L’utilisation de consonances proches de légalité ou constitutionnalité permet en outre de

130 Voir supra, § 20.

131 J.-L. BERGEL, Méthodologie juridique, Paris, PUF, 2001, 408 p., p. 129.

132 J.-L. BERGEL, Méthodologie juridique, ibid., pp. 124 et 126.

133

J.-L. BERGEL, Méthodologie juridique, op. cit., pp. 130-132.

134 C. ATIAS, Philosophie du droit, Paris, PUF, 2ème éd., 2004, 364 p., p. 67.

135 P. MALAURIE, Anthologie de la pensée juridique, Paris, éd. Cujas, 2ème éd., 2001, 376 p., p. 19.

136 P. ROUBIER, Théorie générale du droit : histoire des doctrines juridiques et philosophie des valeurs

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69 signifier que ce terme nouveau est également le fruit d’une hiérarchie des normes, mais d’une hiérarchie originale.

117. Enfin parce qu’il est conçu pour la compréhension de la hiérarchie des

normes communautaires, ce néologisme évite l’écueil de la « consommation de concepts »137

. Le terme communautarité permet au contraire de rendre compte d’une réalité nouvelle, et d’apprivoiser ainsi le cadre juridique original de la protection des droits fondamentaux communautaires.

§2. La communautarité, opportunité d’un vocable opérationnel

118. Comme nous l’avons déjà souligné138, l’ordre juridique communautaire est intégré aux droits des États membres. Ainsi la mise en œuvre du droit communautaire est-elle susceptible de dépendre de normes nationales, certes de valeur équivalente, mais d’ordres juridiques différents. La concrétisation d’une norme communautaire s’effectue donc par autant de normes que la construction communautaire compte de membres.

119. La hiérarchie des normes communautaires comprend alors des normes

typiquement communautaires et des normes nationales adoptées dans le domaine communautaire. Le lien qui unit les premières entre elles d’une part, et les premières et les secondes d’autre part, parce qu’impliquant soit un seul ordre juridique, soit plusieurs ordres juridiques, est à différencier. Certes, les deux situations présentent un lien de validité entre des normes supérieures et inférieures. Toutefois, elles demeurent différentes car, si dans un cas les normes sont internes à l’ordre juridique communautaire, dans l’autre cas, les normes peuvent lui être extérieures. Aussi, lorsque la communautarité concerne des normes typiquement communautaires, elle peut être qualifiée d’endogène (A) tandis que, lorsqu’elle est relative à des normes nationales d’application du droit communautaire, elle acquiert un caractère externe. Toutefois, afin