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74. En distinguant science, théorie et politique juridique35, nous avons voulu préserver au mieux notre raisonnement scientifique de tout élément extra-juridique. Cette démarche nous conduit ainsi naturellement vers une analyse du droit communautaire dénuée de considérations morales. Nous nous tournons de ce fait vers le positivisme juridique36.

75. Selon cette doctrine, tout ordre juridique est organisé de manière à ce qu’il soit possible d’en identifier chaque élément. Si cette organisation peut varier d’un ordre à l’autre, « tout système est nécessairement hiérarchisé. Sans hiérarchie, il ne serait pas possible de distinguer les normes valides dans le système de celles auxquelles cette qualité fait défaut »37. Chaque norme trouve alors « le fondement de sa validité dans une norme supérieure »38 jusqu’à ce que le professeur KELSEN a appelé la « norme fondamentale ». Celle-ci, parce que sa « validité ne peut être déduite d’une norme supérieure », lie les normes entre elles39. Elle constitue alors le fondement de l’ordre juridique en supposant la validité de ce dernier.

La difficulté réside néanmoins dans le fait que chacun peut supposer la norme fondamentale qu’il souhaite pour autant qu’elle serve à sa démonstration. Or, nous voulons dépasser la dichotomie constitutionnalistes/communautaristes40 pour comprendre l’ordre juridique communautaire lui-même. Nous ne nous intéresserons alors pas à la question d’une construction moniste aboutissant classiquement à la hiérarchisation des ordres juridiques nationaux et communautaire. Nous ne supposerons donc aucune norme fondamentale en tant qu’elle participe à la réflexion sur la hiérarchie des ordres juridiques nationaux et communautaire. Nous supposerons simplement l’existence de l’ordre juridique communautaire. Cela revient certes à supposer une norme fondamentale, sauf que nous avons conscience que cette supposition ne vaut que comme hypothèse de départ et ne fonde aucune hiérarchie entre les ordres juridiques nationaux et

35 Voir supra, § 16.

36

H. KELSEN, Théorie pure du droit, traduction française de la 2ème édition de la Reine Rechtslehre par C. EISENMANN, Paris, Dalloz, 1962, 496 p., p. 1 ou encore p. 34.

37 O. PFERSMANN, « La notion moderne de constitution » in L. FAVOREU (dir.), Droit constitutionnel, Paris, Dalloz, coll. Précis, 9ème éd., 2006, 968 p., §§ 65-126, pp. 51-92.

38 M. TROPER, « Réplique à Denys de Béchillon », « L’ordre de la hiérarchie des normes et la théorie réaliste de l’interprétation », RRJ, 1994, n° 1, pp. 267-274, p. 269.

39

H. KELSEN, Théorie générale du droit et de l’État suivi de La doctrine du droit naturel et le positivisme

juridique, Traduit respectivement de l’anglais par B. LAROCHE et de l’allemand par V. FAURE,

Bruxelles, Paris, Bruylant, LGDJ, 1997, 518 p., p. 165.

Caractérisation de l’Union et de la Communauté de droit

51 communautaire. Pour éviter toute confusion, nous n’utiliserons donc pas le concept de « norme fondamentale » de la Théorie pure du droit, mais préfèrerons nous intéresser à la norme « première » de l’ordre juridique considéré. Tout ordre juridique est ainsi articulé à partir de sa norme « première », soubassement de son organisation plus ou moins hiérarchisée.

76. Reconnaître l’existence de l’ordre juridique communautaire emporte ainsi d’admettre la réalité de sa norme « première » initiant une hiérarchie. D’ailleurs, si la CJCE a, dans un premier temps, pu considérer que « la Communauté constitue un nouvel ordre juridique de droit international »41, elle a par la suite précisé que les traités communautaires ont « institué un ordre juridique propre, intégré au système juridique des États membres »42.

En qualifiant le droit communautaire d’ordre juridique propre, la CJCE a signifié l’autonomie de ce qu’elle appellera plus tard « la charte constitutionnelle de base »43, autrement dit la norme « première » du droit communautaire. En outre, en précisant que l’ordre juridique communautaire est intégré au droit des États membres, elle a caractérisé l’originalité de la hiérarchie des normes communautaires dont certaines sont de source nationale. En effet, la mise en œuvre du droit communautaire, parce que susceptible de relever de la compétence nationale, dépend de normes de valeur équivalente mais d’ordres juridiques différents. La concrétisation d’une norme communautaire s’effectue donc par autant de normes que la construction communautaire compte d’États membres.

77. Ainsi l’ordre juridique communautaire présente un certain paradoxe : si la norme « première » communautaire est nécessairement unique, elle engendre toutefois un lien de subordination normative particulièrement singulier. Or, de cette singularité découle une multiplicité des normes de concrétisation potentiellement attentatoire à l’unité de la norme « première » communautaire qui, pourtant, ne peut exister que dans l’unité. La hiérarchie des normes communautaires se caractérise donc par un mouvement en trois temps : l’unité nécessaire de la norme « première » communautaire (première section), la singularité consécutive du lien de subordination normative (deuxième section), enfin la multiplicité délicate des normes de concrétisation nationale (troisième section).

41

CJCE, 5 février 1963, Van Gend en Loos c/ Administratie der Belastingen, aff. 26/62, Rec., p. 3.

42 CJCE, 15 juillet 1964, Flaminio Costa c/ ENEL, aff. 6/64, Rec., p. 1141.

43 CJCE, arrêts du 23 avril 1986, Les Verts c/ Parlement, aff. 294/83, Rec. p. 1339, pt 23 ; du 22 octobre 1987, Foto-Frost c/ Hauptzollamt Lübeck-Ost, aff. 314/85, Rec. p. 4199, pt 16 ;et du 10 juillet 2003,

Commission c/ BEI, aff. 15/00, Rec., p. I-7281, pt 75 ; et du 23 mars 1993, Weber c/ Parlement, aff.

C-314/91, Rec. p. 1093, pt 8 ; ordonnance, 13 juillet 1990, J. J. Zwartveld et autres, aff. C-2/88, Rec. p. I-3365, pt 16 ; avis 1/91 du 14 décembre 1991, Projet d’accord entre la Communauté, d’une part, et les pays

de l’Association européenne de libre échange, d’autre part, portant sur la création de l’Espace économique européen, Rec. p. I-6079, pt 21.

Voir également TPICE, arrêts du 2 octobre 2001, Jean-Claude Martinez, Charles de Gaulle, Front

national et Emma Bonino et autres c/ Parlement, aff. jointes T-222/99, T-327/99 et T-329/99, Rec., p.

II-2823, pt 48 et ordonnances du 2 mai 2000, Rothley et autres c/ Parlement, aff. T-17/00_1, Rec., p. II-2085, pt 54 et du 17 janvier 2002, Stauner et autres c/ Parlement et Commission, aff. T-236/00_3, Rec., p. II-135, pt 50.

Fondement équivoque de la garantie juridictionnelle des droits fondamentaux

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Première section. L’unité nécessaire de la norme « première »

communautaire

78. L’unité de la norme « première » est une condition existentielle de l’ordre juridique communautaire. En effet, celui-ci ne peut être valide que si une norme préalable le prévoit. Pour autant, la question de l’origine de cette norme « première » n’est pas close. D’une part, il est clair que « le droit communautaire n’est pas un ordre juridique premier »44, puisqu’il est né de la conjonction des pouvoirs constitutionnels nationaux. Or, ces derniers ont tendance à privilégier la norme constitutionnelle sur toute autre norme, y compris conventionnelle, et de toute façon proposent des solutions variables voire incohérentes entre elles45. D’autre part, du fait du contenu de l’engagement, la construction communautaire n’est « pas un simple forum de discussion et de négociation entre États »46. La conjonction de six, puis aujourd’hui vingt-cinq volontés a en effet généré un phénomène nouveau. Il ne s’agit plus d’une simple adjonction de volontés étatiques, mais d’une fusion de ces volontés dans un esprit commun. Ce « passage du pluriel au singulier »47

témoigne alors de la rupture opérée entre les sources de la norme « première » et son expression.

79. Reconnaître la norme « première » du droit communautaire n’est donc pas incompatible avec l’examen de son origine multinationale. Cette dualité de propositions conditionne la compréhension de la norme « première » communautaire. En créant une communauté, les États membres ont voulu élaborer quelque chose à plusieurs pour plusieurs. Ces buts communs ont façonné la construction communautaire. Le noyau dur de l’engagement juridique reflète d’ailleurs ce projet d’ensemble (§1) même si, du point de vue politique, la conscience de la profondeur de cet engagement reste ambivalent (§2).

§1. La substance juridique de l’engagement communautaire

80. À partir du moment où les États membres ont exprimé leur volonté de créer une communauté européenne, ils ont engendré un nouvel ordre juridique particulier. En effet, en ratifiant les différents traités en cause, ils ont souhaité que ces traités acquièrent une force juridique contraignante. Ainsi concoururent-ils à la formation d’une norme « première » communautaire qui leur est d’autant plus opposable (A) qu’elle apparaît irréversible, au moins du point de vue d’un seul État (B).

44 V. CONSTANTINESCO, « Des racines et des ailes - Essai sur les rapports entre droit communautaire et droit constitutionnel » in Au carrefour des droits. Mélanges en l’honneur de Louis Dubouis, Paris, Dalloz, 2002, 901 p., pp. 309-323, p. 310.

45 Voir à ce sujet A. BERRAMDANE, La hiérarchie des droits – Droit internes et droits européen et

international, Paris, L’Harmattan, coll. Logiques juridiques, 2002, 272 p., résumé.

46

J.-V. LOUIS, L’ordre juridique communautaire, Bruxelles, éd. de la Commission des CE, coll. « perspectives européenne », 6ème éd., 1993, 241 p., résumé.

47 C. CHARRIER, « La Communauté de droit, une étape sous-estimée de la construction européenne », op.

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A. La formation d’une norme « première » communautaire opposable

81. En vérité, la norme « première » du droit communautaire n’exprime rien d’autre que la conjonction des volontés étatiques : « le droit communautaire est valide » ou, plus précisément, « le traité CECA ou CEE puis CE ou UE est valide ». De ce fait, les normes des traités sont valides, ainsi que les normes qui en découlent, si elles respectent les règles de production élaborées par ces traités. Les prescriptions de ces normes s’imposent alors aux signataires des traités. Or, différents articles, notamment du traité CEE devenu CE, comportent des éléments notables, dont l’articulation produit un phénomène profond tant au niveau normatif qu’au niveau institutionnel.

82. Tout d’abord, plusieurs normes obligent les États membres au respect du droit communautaire et, par là, posent l’effet direct et la primauté de celui-ci. En effet, « les obligations contractées dans le traité instituant la Communauté ne seraient pas inconditionnelles mais seulement éventuelles, si elles pouvaient être mises en cause par les actes législatifs futurs des signataires »48

.

En premier lieu, l’article 5 du traité CEE, devenu l’article 10 TCE, impose aux États d’agir non seulement positivement pour « assurer l’exécution des obligations découlant du présent traité ou résultant des actes des institutions de la Communauté » (alinéa 1er) mais aussi négativement en s’abstenant « de toutes mesures susceptibles de mettre en péril la réalisation des buts » du traité (alinéa 2nd). Les États membres sont ainsi tenus au respect du principe de coopération loyale49.

En second lieu, une série de dispositions, rappelées par la CJCE dans son arrêt

Costa c/ ENEL50, induit la prééminence du droit communautaire sur les droits nationaux. Notamment, les États ne disposent d’un droit d’agir unilatéralement qu’en présence « d’une clause spéciale précise »51. En outre, ils ne peuvent bénéficier de dérogations qu’après le respect d’une procédure d’autorisation « qui seraient sans objet s’ils avaient la possibilité de se soustraire à leurs obligations au moyen d’une simple loi »52. Enfin, l’article 189 du traité CEE devenu l’article 249 TCE prévoit, sans aucune réserve, que le règlement communautaire est « obligatoire » et « directement applicable dans tout État membre ».

En somme, plusieurs normes valides obligent les États membres à respecter le droit communautaire en son entier.

83. Par ailleurs, les traités communautaires ont élaboré des institutions capables d’agir à un double niveau : elles peuvent aussi bien « créer de nouvelles règles

48 CJCE, 15 juillet 1964, Flaminio Costa c/ ENEL, aff. 6/64, Rec., p. 1141.

49 Voir notamment CJCE, ordonnance, 13 juillet 1990, J. J. Zwartveld et autres, aff. C-2/88, Rec., p. I-3365, pts 17 et 18.

50

CJCE, 15 juillet 1964, Flaminio Costa c/ ENEL, aff. 6/64, Rec., p. 1141.

51

La CJCE vise notamment les articles 15, 93-3, 223 à 225 du traité CEE devenus les articles 88-2 et 296 à 298 TCE (l’article 15 ayant été abrogé).

52 La CJCE se réfère par exemple aux articles 8-4, 17-4, 25, 26, 73, 93-2, 3e alinéa, et 226 du traité CEE qui, à l’exception de l’article 93-2, 3e al., devenu l’article 88-2, 3e al., du TCE, ont tous été abrogés depuis.

Fondement équivoque de la garantie juridictionnelle des droits fondamentaux

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juridiques » que garantir l’application du droit communautaire53. Ainsi les institutions disposent-elles de la capacité de définir l’ordre juridique communautaire. Or, parce qu’elles sont conçues pour la réalisation d’objectifs communs, elles vont entreprendre la construction communautaire pour la construction communautaire. Autrement dit, elles vont interpréter le droit communautaire, définir l’ordre juridique communautaire « selon la logique propre du mécanisme institutionnel »54

. L’ancien juge à la CJCE PESCATORE

en déduit d’ailleurs que « les États membres ne se sont pas liés sur des contenus très précis »55

. Les États membres perdent ainsi la maîtrise directe des obligations qu’ils sont censés respecter, d’autant que ces obligations se révèlent être irréversibles.

B. La formation d’une norme « première » communautaire irréversible

84. Dès lors, une norme nationale contraire aux traités communautaires encourt la sanction de l’inapplicabilité pour non-conformité. En effet, quand bien même cette norme nationale serait postérieure aux traités, les deux hypothèses envisageables en la matière aboutissent à un rejet de la norme nationale « écran » au droit communautaire.

1. L’inopposabilité de la réforme nationale partielle

85. Si la norme nationale ne concernait qu’un point particulier d’un traité communautaire – par exemple la réglementation de la pêche –, elle ne serait susceptible de modifier la norme plus générale de ratification du traité que pour ce qui concerne le point particulier en cause. Ainsi, ni les compétences des institutions communautaires, ni les autres normes prescrivant ou induisant l’effet direct et la primauté du droit communautaire ne seraient atteintes. La norme nationale, certes valide dans son ordre juridique, ne serait alors pas opposable au droit communautaire.

86. Les juges britanniques ont d’ailleurs été confrontés à cette situation ambivalente. Notamment, dans l’affaire Factortame56, la Chambre des Lords adressa à la CJCE une question préjudicielle qui, au-delà de la question purement technique du droit communautaire de la pêche, tendait à résoudre le paradoxe dans lequel elle se trouvait.

Les juges, soumis à la souveraineté parlementaire, sont en effet enjoints à appliquer les lois, sans jamais pouvoir les remettre en cause57. Or, en l’espèce, deux lois

53 P. PESCATORE, L’ordre juridique des Communautés européennes – Étude des sources du droit

communautaire, Liège, Presses Universitaires de Liège, 3ème éd., 1975, 316 p., p. 19.

54 P. PESCATORE, L’ordre juridique des Communautés européennes, ibid., p. 59.

55 P. PESCATORE, L’ordre juridique des Communautés européennes, op. cit., p. 58. Voir infra, § 367.

56 CJCE, 19 juin 1990, The Queen contre Secretary of State for Transport, ex parte : Factortame Ltd et

autres, aff. C-213/89, Rec., p. I-2433.

57 H. BARNETT, Constitutional & Administrative Law, Londres, Cavendish Publishing Limited, 2ème éd., 1998, 1101 p., chap. 7 « Parliamentary sovereignty », pp. 207-256.

Certes, le Human Rights Act (HRA) du 9 novembre 1998 tend à conférer des pouvoirs supplémentaires aux juges britanniques. Il ne s’agit cependant en aucun cas de la possibilité d’écarter une loi nationale contraire ici aux droits de la CESDH : les juges ne peuvent que déclarer l’incompatibilité et ils doivent tout de même

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55 toujours valides étaient contradictoires : d’une part, une loi de ratification du traité CEE de 197358, d’autre part, une loi sur la navigation marchande de 198859. La seconde étant limitée dans son objet ne pouvait modifier la première qu’en ce qui concerne la question de la navigation marchande ; la Chambre des Lords était donc toujours soumise à l’article 177 du traité CEE, devenu 234 TCE. Le législateur lui commandant deux comportements au fond contradictoires, le juge britannique choisit de faire appel à la CJCE. Cette solution n’avait en outre pas pour effet de porter atteinte à la souveraineté du Parlement, puisque les prescriptions de la loi de 1973 tendant à conférer compétence aux institutions communautaires n’étaient nullement contredites.

87. La loi postérieure contraire à certaines dispositions des traités communautaires se révèle donc per se inefficace, puisque les autorités chargées d’appliquer le droit communautaire se trouvent toujours soumises au jeu de la norme « première » communautaire, induisant une obligation générale de respecter les normes et les institutions communautaires.

2. L’inopposabilité de la réforme nationale globale et isolée

88. La seule manière de faire primer la norme nationale consisterait en la dénonciation de l’ensemble des règles communautaires créant les institutions et induisant l’effet direct et la primauté du droit communautaire. Une telle norme aurait pour effet de toucher à l’essence même du droit communautaire et reviendrait en fait à contester la norme « première » du droit communautaire, sa « substance » ou son « contenu essentiel »60.

Or, si la norme « première » est le résultat de la conjonction des diverses volontés nationales, une seule volonté ne peut inverser à elle seule le processus. En effet, de la même manière que les membres des assemblées législatives pris séparément sont soumis à la loi61, la somme des volontés ne peut avoir la même nature que l’individualité de chaque volonté. Leur agrégat génère d’ailleurs un système d’autant plus autonome que l’acte constitutif est « bivalent » ou « mixte » : le traité fondateur d’une organisation internationale ne constitue effectivement pas seulement une convention internationale ordinaire par la conjonction des volontés étatiques, mais « organise […] la pérennité de la coopération » par la constitution de l’organisation, objet du traité62. L’accord de

appliquer la loi incompatible. Voir l’article 4 du HRA et les explications de J. WADHAM et H. MOUNTFIELD, Blackstone’s Guide to Human Rights Act 1998, Londres, Blackstone Press Limited, 1999, 294 p. L’ouvrage reproduit d’ailleurs le texte du HRA en annexe, pp. 146-172.

58 European Communities Act, partiellement reproduit in Pierre PESCATORE, L’ordre juridique des Communautés européennes – Étude des sources du droit communautaire, op. cit., p. 286.

59Merchant Shipping Act, cité par la CJCE dans l’affaire Factortame, op. cit., not. pt 4.

60

Parallèle avec les expressions utilisées pour théoriser les limites aux limites des droits fondamentaux en droit comparé. Voir par ex. L. FAVOREU (dir.), Droit des libertés fondamentales, op. cit., § 203, p. 164.

61 Voir à ce sujet J. LOCKE, Le second traité du gouvernement. Essai sur la véritable origine, l’étendue et

la fin du gouvernement civil, J.-F. SPITZ éd., Paris, PUF, 1994, 302 p., p. 105, § 143.

Fondement équivoque de la garantie juridictionnelle des droits fondamentaux

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volontés des États engendre donc des obligations supplémentaires63 dont l’originalité conditionne la spécificité de l’engagement. En tout cas, en vertu du principe communément admis du parallélisme des procédures, seul l’ensemble des souverainetés nationales peut défaire ce que celles-ci ont préalablement fait ensemble.

89. En ce sens, le droit international public ne prévoit, par principe, aucun droit de retrait unilatéral non-explicite. En effet, aux termes de l’article 54 de la Convention de Vienne sur le droit des traités du 23 mai 1969 :

« L’extinction d’un traité ou le retrait d’une partie peuvent avoir lieu : a) conformément aux dispositions du traité ; ou,

b) à tout moment, par consentement de toutes les parties, après consultation des autres États contractants »64.

Aussi, en l’absence de dispositions du traité prévoyant le retrait, seul le consentement mutuel des États parties à la convention peut permettre le retrait. À défaut, la partie qui suspend ou dénonce ses engagements engage sa responsabilité internationale65 et ne peut, par principe, se retrancher derrière les dispositions de son droit interne pour justifier de la non-exécution d’un traité66. D’ailleurs, la situation du Groënland, pourtant utilisée par certains pour appuyer l’hypothèse du retrait67, ne fait que confirmer cette interprétation. En effet, si la décision par référendum du 23 février 1982 des Groënlandais de mettre fin à l’application des traités communautaires sur leur territoire a été politiquement décisive, elle n’a pas eu de valeur juridique ipso facto vis-à-vis de l’engagement communautaire du Danemark. Il a fallu attendre l’entrée en vigueur du traité sur le Groënland signé le 13 mars 198468 par les différents États parties aux traités communautaires pour donner suite au référendum groënlandais. Le consentement de toutes les parties contractantes des traités communautaires a donc été nécessaire pour rendre juridiquement opposable cette décision politique interne, conformément à l’article 54, b), de la Convention de Vienne.

Certes, l’article 56 de la Convention de Vienne de 1969 prévoit un droit de retrait implicite mais dans des hypothèses très limitées :

« 1. Un traité qui ne contient pas de dispositions relatives à son extinction et ne prévoit pas qu’on puisse le dénoncer ou s’en retirer ne peut faire l’objet d’une dénonciation ou d’un retrait, à moins:

a) qu’il ne soit établi qu’il entrait dans l’intention des parties d’admettre la