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23. L’articulation de nos quatre postulats met en exergue certes la difficulté mais la nécessité impérieuse de s’extraire des préalables nationaux pour apprécier en lui-même le droit communautaire ; l’intégrité de l’analyse en dépend. Une fois les réflexes « statocentrés » dénoncés et la démarche méthodologique posée, encore faut-il déterminer l’objet de sa recherche. Pour ce faire, une approche analytique des termes de notre problématique permettra de mieux préciser notre propos, tout en mettant en avant notre subjectivité irréductible mais « consciente d’elle-même »78.

A. Une garantie de l’Union et de la Communauté européennes de droit

24. Envisager un objet de recherche implique une double opération dont l’une des étapes est souvent négligée. Certes, l’objet doit être défini en lui-même, chacun des éléments de cet objet étant envisagé. Toutefois, la quête de la scientificité nécessite de délimiter préalablement son champ d’investigation, autrement dit de déterminer l’« univers de référence » de son discours. En effet, comme le démontre le professeur MATHIEU-IZORCHE, si « [g]énéralement, le juriste n’explicite pas l’univers du discours, car le destinataire est supposé se référer au même univers que l’émetteur », la caractérisation de l’« univers de référence » présente des intérêts essentiels pour la communication et la recherche, mais surtout pour la qualité du raisonnement. Ainsi l’auteur peut-il prévenir la mauvaise interprétation, ou encore « l’exploitation volontaire de ce défaut de désignation par un des interlocuteurs »79. Appliquée à notre recherche, cette logique oblige à la spécification du cadre de la garantie des droits fondamentaux

77 Commission des CE, « La protection des droits fondamentaux dans la Communauté européenne », rapport du 4 février 1976, Bulletin des Communautés européennes, 1976, supplément n° 5, § 28, alinéa 3 : à propos des « droits fondamentaux transposés en règles par la Convention sont à reconnaître comme généralement obligatoires dans le droit communautaire sans qu’aucun acte constitutif ne doive intervenir ». Nous soulignons.

78 C. ATIAS, Épistémologie juridique, op. cit., p. 167.

79 Pour les deux citations, M.-L. MATHIEU-IZORCHE, Le raisonnement juridique, op. cit., resp. p. 128, pp. 133-188 et p. 157. De la même manière, le professeur GREWE souligne l’importance « de dégager d’abord [la] théorie générale du texte », autrement dit son contexte non seulement pour la cohérence de l’interprétation doctrinale, mais également pour permettre sa « "contrôlabilité" ». Voir C. GREWE, « Le juge constitutionnel et l’interprétation européenne » in F. SUDRE (dir.), L’interprétation de la CEDH, Bruxelles, Bruylant, 1998, 354 p., pp. 199-229, p. 224.

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19 communautaires, soit l’ordre juridique de l’Union et de la Communauté européennes. Notre hypothèse de base est de poser l’existence de cet ordre juridique, indépendamment de ses caractères. Cette proposition a d’ailleurs le mérite d’être à notre connaissance communément admise80. Cet ordre juridique est donc susceptible de constituer un contexte spécifique à notre objet d’étude.

25. L’ordre juridique communautaire mérite alors une attention distinctive, afin d’éviter l’écueil de la mauvaise compréhension de la nature propre du droit communautaire81. Aussi les successions d’analyses État par État ne nous convaincront pas82. Certes, les rédacteurs des traités se sont inspirés des mécanismes nationaux pour élaborer ceux du droit communautaire. Mais le contexte multinational influant, les mécanismes se sont rapidement émancipés de leurs origines. Le droit comparé s’est alors rapidement « imposé comme naturel et nécessaire »83, se substituant ainsi aux influences nationales.

En fait, le professeur CONSTANTINESCO propose de « sortir du statomorphisme » en identifiant l’Union et la Communauté européennes « comme une forme de société politique non-étatique »84. Cette démarche permet en outre d’envisager une recherche comparative précise. En effet, l’opération de comparaison implique l’identification préalable d’au moins deux objets qui, parce qu’ils ne sont pas confondus, pourront être comparés. En distinguant l’objet garantie de l’ordre juridique communautaire de l’objet

garantie de l’ordre juridique étatique, il s’agit non pas de nier les liens qui les unissent85, mais d’en envisager les caractères de manière neutre. Autrement dit, notre volonté consciente de distinguer clairement ces deux objets nous permettra d’éviter de projeter insidieusement nos aspirations en matière de politique juridique ou de morale, sur ce que nous voudrions que l’ordre juridique communautaire soit ou ne soit pas en fonction de ce que nous connaissons de notre ordre juridique national. D’ailleurs, la quête d’objectivité

80 Pour quelques exemples, se référer à J.-V. LOUIS, L’ordre juridique communautaire, Bruxelles, éd. de la Commission des CE, coll. « perspectives européenne », 6ème éd., 1993, 241 p. ; ou encore à D.SIMON,

Le système juridique communautaire, op. cit., 779 p.

81

J. VERGES, « Droits fondamentaux de la personne et principes généraux du droit communautaire », in

L’Europe et le droit, Mélanges en hommage à Jean Boulouis, Paris, Dalloz, 1991, 556 p., pp. 513-531,

p. 513 : « La mention d’un "déficit" communautaire en matière de droits fondamentaux de la personne relève presque du discours convenu chaque fois que l’on ne juge le système communautaire qu’à l’aune des grands instruments internationaux de protection des droits de l’homme, ce qui n’est pas l’angle le plus approprié pour juger un système juridique reposant, à l’origine, sur trois traités à vocation principalement économique ».

82 Voir par ex. A. BERRAMDANE, La hiérarchie des droits – Droit internes et droits européen et

international, Paris, L’Harmattan, coll. Logiques juridiques, 2002, 272 p.

83

J. BOULOUIS, « La France et la Cour de justice des Communautés européennes » in Droit

communautaire et droit français – Recueil d’études, France, éd. La Mémoire du Droit, 1999, 380 p.,

pp. 145-151, spéc. p. 151.

84 V. CONSTANTINESCO, « La question du gouvernement de l’Union européenne », Europe, 2002, n° 7, pp. 3-6, p. 3.

85 J.H.H. WEILER et S.C. FRIES, « A Human Rights Policy for the EC and Union: the Question of

Competences » in P. ALSTON (dir.), The European Union and Human Rights, Oxford, Oxford University

Press, 1999, 946 p., pp. 147-165, p. 161: « All of us often fall into the trap of thinking of the Community as

an entity wholly distinct from the Member States ». « Nous tombons tous souvent dans le piège de penser la

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n’est pas seulement utile pour se préserver du rêve plus ou moins fédéraliste, mais aussi pour éviter de donner au souverainiste l’opportunité d’utiliser nos propos hors de leur contexte86 ou de leur « univers de référence ».

26. Par ailleurs, en conformité avec notre volonté de sortir de la logique systémique inductive, nous n’aurons pas la volonté de concevoir l’ordre juridique communautaire comme absolu ou immuable. Au contraire, nous avons conscience que les « univers de référence » sont à même d’évoluer, induisant une modification des

vérités et un « glissement du sens des mots »87. Ainsi chaque concept communautaire est-il susceptible de revêtir une définition différente selon le point de référence de la construction communautaire envisagé. En tout cas, nous ne présupposerons pas que les concepts sont identiques selon les périodes, du simple fait de l’utilisation du même mot ou signifiant.

Cette précaution méthodologique est d’autant plus importante que la qualification de l’ordre juridique communautaire a évolué : d’une Communauté de droit, il est devenu une Union de droit. Si la pauvreté de l’intérêt doctrinal pour cette transition est patente, nous conserverons notre volonté de douter de la réalité de l’identité des deux objets. Certes, la compréhension du fait communautaire en sera a priori compliquée. Toutefois, la méthodologie temporelle88 proposée par l’ancien juge à la CJCE PESCATORE nous permettra de présenter les éventuels différences, évolutions et changements d’une manière intelligible, par la prise en compte de l’ordre temporel nécessairement chronologique : la flèche du temps encore appelée « axe diachronique » est irréversible ; elle constitue le préalable nécessaire à la réflexion suivant « l’axe synchronique ». Ce dernier permet en effet « de situer les évènements au niveau de leur contemporanéité et, ainsi, de mieux discerner ce qui est "avant" et ce qui vient "après", par rapport à un incident donné. Cette distinction est importante pour toutes les questions dans lesquelles intervient le couple causalité/responsabilité »89. Cette approche méthodique est donc nécessaire pour replacer les choses dans leur réel contexte et ainsi éviter aussi bien des interprétations abusives que des oublis fâcheux.

B. Une garantie des droits fondamentaux communautaires

27. Une fois l’ordre de référence arrêté, le scientifique peut s’attacher à identifier les éléments de son objet d’étude. De la même manière, une fois l’ordre juridique déterminé, le juriste peut s’intéresser à la chose qui l’anime, en l’occurrence les

86

Voir les propos de P. PESCATORE in « La Constitution, son contenu, son utilité. La constitution nationale et les exigences découlant du droit international et du droit de l’intégration européenne : Essai sur la légitimité des structures supra-étatiques », Revue de droit suisse, 1992, pp. 41-72, p. 59. Il y dénonce « une danse folle de concepts ambigus dont certains cachent mal leur tendance profonde qui est d’asséner, sous prétexte de progrès, un coup de barre à l’intégration européenne et de renationaliser une partie de ce qui a été déjà concédé à la Communauté ».

87 M.-L. MATHIEU-IZORCHE, Le raisonnement juridique, op. cit., p. 152.

88 P. PESCATORE, Lecture critique de l’encyclique « Fides et ratio », Luxembourg, Institut Grand-Ducal, 2000, 57 p., p. 23.

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21 droits fondamentaux communautaires. Alors que l’unité conceptuelle des droits fondamentaux nationaux n’est pas forcément acquise90, il devient essentiel de s’interroger sur la nature des droits fondamentaux communautaires. En particulier, l’identité de signe linguistique (ou signifiant) ne doit pas conduire à l’assimilation des concepts (ou signifiés) aux niveaux national et communautaire.

28. De l’appréhension entière des droits fondamentaux communautaires. En

tant que contreparties des devoirs des citoyens communautaires, les droits fondamentaux protégés par l’ordre juridique spécifique de l’Union et de la Communauté européennes de droit méritent une attention non seulement particulière, mais également entière. En effet, la compréhension de leur garantie ne peut se résumer à l’étude de l’un ou l’autre droit, chaque droit obéissant à des règles d’application qui lui sont propres. De la même manière, la restriction du champ d’investigation à un domaine circonscrit, tel que la concurrence, porterait en germe le risque de ne pas embrasser pleinement la réalité d’un phénomène qui transcende les branches du droit communautaire. Ainsi, en transposant les propos de Henri LECLERC, nous pourrions énoncer qu’« il ne faut pas se limiter à l’examen de certains problèmes ponctuels, mais mener une vraie réflexion sur le problème »91 des droits fondamentaux.

Le refus de l’approche partielle engendre toutefois une difficulté quasi insurmontable : le temps d’une vie et de surcroît le temps d’une thèse ne peuvent suffire à étudier tout ce qui relève des droits fondamentaux communautaires. Il est cependant possible de différencier la problématique de la garantie des droits fondamentaux en général, de l’étude du contenu et des logiques d’application de chaque droit. La doctrine distingue d’ailleurs très souvent l’étude des droits garantis de celle de la garantie des droits92. Nous nous écarterons donc du contenu des droits fondamentaux, afin de nous concentrer sur leur protection en général, même si des éléments concernant un droit spécifique pourront nourrir la réflexion.

29. Le signifiant droit fondamental. Par ailleurs, notre utilisation de

l’expression droit fondamental doit être précisée, en concordance avec notre recherche de rigueur linguistique. Elle est en fait le résultat d’une conjonction de plusieurs éléments. Déjà, la controverse doctrinale qui a suscité notre intérêt se réfère aux droits

fondamentaux. Cependant, si une communication est toujours plus efficace lorsque les

interlocuteurs utilisent les mêmes mots, la recherche de scientificité devait nous mener

90 La réflexion théorique sur le concept « droit fondamental » perdure en effet. Voir par ex. G. PECES-BARBA MARTINEZ, Théorie générale des droits fondamentaux, Paris, LGDJ, coll. Droit et société, n° 38, 2004, 497 p.

91

H. LECLERC, « Procédures et droits fondamentaux, enjeu de l’espace judiciaire européen », RMCUE, 2000, pp. 319-320, p. 320 : « Il ne faut pas se limiter à l’examen de certains problèmes ponctuels, mais mener une vraie réflexion sur le problème de la justice ».

92 Pour plusieurs approches, voir L. FAVOREU (dir.), Droit des libertés fondamentales, op. cit. : étude de « la protection constitutionnelle des droits et libertés fondamentaux », puis des « droits fondamentaux protégés » ; B. MATHIEU et M. VERPEAUX, Contentieux constitutionnel des droits fondamentaux, Paris, LGDJ, 2002, 791 p. : étude du « système de protection constitutionnelle des droits et libertés fondamentaux », puis des « droits et libertés fondamentaux constitutionnels » ; ou encore F. SUDRE, Droit

européen et international des droits de l’homme, op. cit. : étude des « droits garantis », puis des « garanties

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vers une motivation plus soutenue. Ainsi, en second lieu, l’expression droit fondamental présente un intérêt méthodologique essentiel. En effet, elle exclut l’utilisation d’expressions imparfaites car trop polysémiques93. Notamment, les droits de l’homme constituent une prescription philosophique d’ordre politique ou moral, non spécifique au domaine juridique94. Le signifiant droits de l’homme ne pouvait donc pas concorder à notre démarche : d’une part, il est trop équivoque au regard de la rigueur linguistique recherchée et d’autre part, il ne correspond pas à la rigueur méthodologique voulue car, en ouvrant la porte à la philosophie, il risque de faire confondre le juridique et le politique, alors que nous voulons justement nous en préserver95.

En revanche, partant du principe qu’un même signifié peut revêtir différentes appellations selon les langues, nous n’opérons pas de distinction entre droit et liberté96. En tout cas, par droits fondamentaux communautaires nous visons aussi bien ce qui, dans la langue française, est appelé droit fondamental ou liberté fondamentale.

30. Le signifiant étant dorénavant posé, et afin d’éviter les confusions, la nécessité de définir notre signifié devient prégnante, de manière à ce que notre scientificité s’exprime non seulement pour les mots, mais également dans les mots. Assimilés aux droits fondamentaux nationaux, les droits fondamentaux communautaires s’en distinguent toutefois. Une définition négative (1) nous permettra alors de nous affranchir de ces réflexes, pour aborder positivement ce que sont en réalité les droits fondamentaux communautaires (2).

1. L’autonomisation des droits fondamentaux communautaires

31. La notion de droit fondamental peut apparaître a priori comme connue et intelligible, du fait de l’importance grandissante de son étude universitaire. D’ailleurs, moult auteurs s’y réfèrent, mais ils n’en développent pas une définition unanime97. Pourtant, le doyen FAVOREU propose une définition simple et précise :

« les droits fondamentaux sont reconnus aux personnes physiques et morales par des textes et normes supralégislatifs comme des "permissions" opposables aux prérogatives des trois pouvoirs (législatif, exécutif et judiciaire) et même à celles des institutions supranationales »98.

93 Pour un exemple de précisions linguistiques particulièrement utiles, se référer à G. PECES-BARBA MARTINEZ, op. cit., pp. 21-36. L’auteur y envisage les droits de l’homme, les droits naturels, les droits publics subjectifs, les libertés publiques, les droits moraux et les droits fondamentaux pour ne retenir comme satisfaisant que cette dernière terminologie.

94 G. PECES-BARBA MARTINEZ, op. cit., p. 23 : « En utilisant le terme "droits de l’homme" nous pouvons faire référence à une prétention morale ou à un droit subjectif protégé par une norme juridique […] ce mot est d’un usage ambigu qui peut signifier deux choses distinctes ».

95

Voir supra, § 16, deuxième postulat.

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La doctrine relativise d’ailleurs cette distinction. Notamment, voir G. CORNU (dir.), Vocabulaire

juridique, op. cit., p. 411, où les libertés fondamentales sont présentées comme les « libertés jointes aux

droits fondamentaux (parfois incluses en eux) et de même valeur ».

97 Le professeur PICARD recense ainsi trois conceptions distinctes dans « Droit fondamental » in Denis ALLAND et Stéphane RIALS (dir.), Dictionnaire de la culture juridique, op. cit., pp. 544-549.

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23 Le caractère prépondérant consiste alors en la valeur supralégislative de la proclamation du droit fondamental. Néanmoins, deux interprétations sont possibles.

32. D’une part, le point de référence peut être considéré comme étant la loi de l’ordre national, ce qui correspond à la logique adoptée par le doyen FAVOREU. Or, dans le cadre de notre projet, cette interprétation emporte une contradiction logique : la qualification d’une norme d’un ordre juridique dépendrait d’une norme d’un autre ordre juridique. Certes, cela correspondrait à la notion d’ordre juridique communautaire

intégré aux droits des États membres. Toutefois, cette démarche comporte un double

risque : chaque juriste est susceptible non seulement d’adapter le fait communautaire à sa vision du droit, même comparé, mais surtout de confondre fondamentalement deux objets supposés différents parce qu’émanant de deux ordres juridiques supposés différents. L’opération de comparaison perdrait alors en rigueur et en vérité, dépréciation d’autant plus préjudiciable que notre projet consiste en l’étude du fait communautaire en lui-même.

33. D’autre part, le point de référence peut être interprété comme étant la loi dans chaque ordre juridique, y compris supranational. Cette démarche suppose alors d’identifier la norme législative communautaire. Cependant, en l’absence de corps législatif, le Parlement européen n’étant pas « le titulaire du pouvoir législatif dans le système […] communautaire »99, il semble difficile d’identifier une loi telle que conçue dans la seconde définition proposée. En fait, il serait possible d’attribuer une autre signification plus large100 au mot loi déterminant le caractère supralégislatif du droit fondamental. Toutefois, ce raccourci méthodologique aurait pour conséquence d’assimiler deux objets sur le fondement d’un critère défini différemment selon le contexte. Certes, comme nous le constaterons101, la relativité ne doit pas être exclue du raisonnement juridique. Elle ne doit pour autant pas conduire à assimiler des objets trop différents. Or, au sens large, la loi représente « l’ensemble du droit en vigueur, qu’il soit législatif, réglementaire ou jurisprudentiel ». Dès lors, si l’on se fonde sur cette définition étendue, on accepte que les droits fondamentaux puissent être reconnus par une norme réglementaire stricto sensu, inférieure à la norme législative stricto sensu. Autrement dit, on sape le caractère constitutif de valeur supralégislative des droits fondamentaux posé par le doyen FAVOREU. La démarche emporte donc la confusion et ne peut répondre à nos attentes.

34. La transposition du concept droit fondamental connu au sein des droits nationaux dans le droit communautaire ne semble donc pas rigoureusement adéquate. Dans la même logique de notre appréhension de la particularité de l’ordre juridique communautaire, nous supposerons donc que les droits fondamentaux de l’Union et de la Communauté européennes sont originaux. Ils méritent alors une considération distinctive

99

D. SIMON, Le système juridique communautaire, op. cit., § 161, p. 226. Voir également P. CANDUSSEAU, « L’introuvable pouvoir législatif », RMC, 1974, pp. 371-372 ; et plus récemment P. MANIN, Droit constitutionnel de l’Union européenne, op. cit., § 469.

100 Voir supra, § 19.

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qui prendra la forme de l’adjonction systématique d’un qualificatif marquant leur originalité, comme l’expression de l’Union et de la Communauté européennes (de droit) ou encore l’adjectif communautaire102, à moins que le contexte ne soit suffisamment explicite. Si les droits fondamentaux communautaires sont supposés distincts des droits fondamentaux nationaux, l’étude des premiers nécessite de formuler la potentialité de leur différence au travers d’une définition susceptible de fonder notre démarche scientifique.

2. L’identification des droits fondamentaux communautaires

35. Face à la diversité des définitions des droits fondamentaux nationaux, la caractérisation des droits fondamentaux communautaires peut sembler être une tâche d’autant plus difficile qu’aucune définition officielle univoque n’a pour l’instant été élaborée. En effet, la Charte des droits fondamentaux de l’Union européenne n’apporte aucune spécification de l’objet dont elle a pourtant pour fonction explicite de traiter. Seuls quelques éléments de son Préambule nous indiquent que « l’Union se fonde sur les valeurs indivisibles et universelles de dignité humaine, de liberté, d’égalité et de solidarité », ou encore que « [l]’Union contribue à la préservation et au développement de ces valeurs communes »103. De la même manière, l’alinéa 2 du Préambule du traité établissant une Constitution pour l’Europe fait référence aux « valeurs universelles que constituent les droits inviolables et inaliénables de la personne humaine »104. Autrement dit, les droits fondamentaux assimilés à des « valeurs fondamentales »105 seraient caractérisés comme tels par leur contenu. Cette démarche que l’on peut qualifier de matérielle ou jusnaturaliste présente toutefois deux inconvénients majeurs.