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Descriptions de l’état de l’hypothèse interprétative L’interprétant peut décrire l’état de son hypothèse interprétative :

GESTION DE L’INTERCOMPRÉHENSION

4. Ce que les réactions dévoilent des hypothèses interprétatives

4.2. Information sur l’état de l’hypothèse interprétative

4.2.1. Descriptions de l’état de l’hypothèse interprétative L’interprétant peut décrire l’état de son hypothèse interprétative :

[21] Formulations autour de « comprendre »199 Chellamani je comprends paspaspaspas le faxle faxle faxle fax

Chellamani parce que çaçaça c’est toujours malça malmalmal compris

Ikram j’ai paspaspas compris bien bienpas bien bienbien bienbien bien Ikram oui oui je comprends oui je

comprends

Prithviraj ça aussiça aussiça aussiça aussi qu’est-ce que j’ai pas Brittany je nenenene comprends paspaspas pas Ling je pense que j’ai compris Olivier je comprends pas troppas troppas troppas trop

Polarité négative + complément

Les interactants recourent largement aux variantes du terme « comprendre ». Ils l’utilisent afin de décrire l’état global de leur hypothèse interprétative (polarité positive ou négative, adverbes positifs ou négatifs) et pour préciser ce qui a bien fait l’objet d’une hypothèse interprétative ou ce qui pose problème dans sa construction (complément d’objet ou focalisation).

Les interactants décrivent également l’état de leur hypothèse interprétative d’autres façons : [22] Autres formulations200

Jacqueline comme ça c’est clairclairclairclair Jacqueline c’est bizarrebizarrebizarrebizarre

parce que je vois pas pourquje vois pas pourquje vois pas pourquoije vois pas pourquoioi ils oi demandent les ressources de cette

199 Extraits tirés de Écrivain public Chellamani 02 pdf p. 139 Acte 1604, Écrivain public Chellamani 03 pdf p. 235 Acte 1665, Écrivain public Ikram pdf p. 200 Acte 09, p. 204 Actes 195 à 198, Écrivain public Actes 1243-1244, Écrivain public pdf p. 75 Chellamani 01 Acte 21.

4. Ce que les Interventions dévoilent des interprétations 159 période-là

Claudia bah je vois pas pourquoije vois pas pourquoije vois pas pourquoije vois pas pourquoi vous êtes obligée de rembourser

Jacqueline je comprenais paspaspaspas (sil) euh je croyaisje croyaisje croyaisje croyais qu’il avai:t donc euh déjà eu::h demandé Jacqueline ah j’avais cru j’avais cru j’avais cru j’avais cru comprendre que vous

disiez y a deux ans

• « voir » + négation + complément

• « croire » (imparfait)

• « croire » (plus-que-parfait)

Les interactants utilisent le verbe « voir » qui est toujours suivi d’un complément dans les extraits. Ils recourent aussi à des descriptions introduites par un présentatif : « c’est clair »,

« c’est bizarre », ou à des descriptions de l’état passé de l’hypothèse interprétative (« je comprenais pas », « je croyais », « j’avais cru comprendre ») suggérant que son état actuel est différent de son état passé. Ces formulations soulèvent des questions pour l’enseignement-apprentissage du français : à quelle fréquence les locuteurs natifs et non natifs les emploient-ils ? Comment les locuteurs non natifs interprètent-emploient-ils ce type d’expressions au passé ? Quel sens donnent-ils aux verbes « comprendre » et « voir » ?

Les aspects du verbe « comprendre » varient selon le temps utilisé. Au passé composé, c’est un procès, quasi-synonyme de « interpréter » : il suggère que le procès est achevé et que l’état et les conséquences de l’achèvement se poursuivent dans le présent. Si « j’ai compris », alors cela signifie que « j’ai fini de comprendre », que « j’ai réussi à comprendre » et que la satisfaction de la réussite perdure : le produit du procès se maintient dans le présent. Si au contraire « je n’ai pas compris », alors « j’ai fini d’essayer de comprendre », « je n’ai pas réussi » et l’insatisfaction perdure. Au présent, « comprendre » suggère le même aspect qu’avec le passé composé201 : si « je comprends », c’est que « j’ai fini de comprendre », etc.

Par extension, « comprendre » désigne l’état de l’hypothèse interprétative : la déclaration positive manifeste un sentiment de satisfaction vis-à-vis de cette affirmation, et la déclaration négative un sentiment d’insatisfaction.

A l’imparfait ou au plus-que-parfait, l’état présent de l’hypothèse interprétative est en rupture par rapport à son état au moment de référence du temps employé : « je n’avais pas compris » suggère qu’elle était différente (en l’occurrence insatisfaisante) au moment où « je n’avais pas compris » par rapport au moment présent (où elle est en l’occurrence satisfaisante).

« Comprendre » désigne donc plutôt un procès achevé et par extension la satisfaction de l’interprétant vis-à-vis de l’hypothèse interprétative plutôt qu’un processus en cours.

Quant au verbe « voir » qui peut s’utiliser à la place de « comprendre », il est davantage utilisé au présent (positif ou négatif) dans les interactions en face-à-face202, et il n’est pas

201 En revanche, la place de l’adverbe varie si le verbe est qualifié comme dans les extraits suivants : « je ne comprends pas bien » et « je n’ai pas bien compris ». La concordance des temps peut également être entrainée avec la formulation « je croyais que » ou « je pense que » suivis du plus-que-parfait ou de l’imparfait pour le premier, de l’imparfait, du passé composé ou du présent pour le second.

202 Dans un récit au passé, la concordance des temps peut conduire à utiliser « voir » à d’autres temps et d’autres modalités.

160 II. Co-construction du sens et gestion de l’intercompréhension

utilisé si son objet n’est pas évident : un complément est nécessaire, si vague soit-il (« je ne vois pas de quoi vous parlez », « je ne vois pas comment », « je ne voyais pas pourquoi », « – je viens pour voir monsieur X. – je vois. »).

Les réactions qui exposent ces indices sur le jugement que porte l’interprétant vis-à-vis de son hypothèse prennent une forme positive pour manifester un jugement de satisfaction, et une forme négative lorsqu’elles manifestent un jugement d’insatisfaction. Cependant, la différence ne se situe pas seulement sur le plan de la forme. La description d’un état satisfaisant ne joue pas le même rôle dans la gestion de l’intercompréhension que la description d’un état insatisfaisant :

[23] État jugé satisfaisant

Tiré du corpus Écrivain public Chellamani 02 pdf p. 140 Actes 1629-1641.

Transaction de service : gestion d’une situation paradoxale impliquant l’assureur d’une voiture incendiée et le garagiste.

01. Jacqueline (raccroche)

02. voilà

03. \je con-

04. Chellamani ils euh envoient l’original

05. c’est ça

06. Chellakani envoient l’original 07. Jacqueline je compreje compreje compreje comprendsndsndsnds

08. ils vont vous renvoyer ils vont vous renvoyer ils vont vous renvoyer ils vont vous renvoyer la la la la carte grise

carte grise carte grise carte grise 09. Chellamani si si

10. Jacqueline alors (sil) ce qu’y a 11. c’est qu’en fait l’expert

là 12. Chellamani mh

13. Jacqueline ils l’ont eu hier

Fin de conversation téléphonique

Manifeste sa satisfaction Explique

Explique

Explique

La production de « ils vont vous renvoyer la carte grise » et de l’explication qui suit, « alors ce qu’y a c’est qu’en fait l’expert là […] ils l’ont eu hier […] » nécessite que Jacqueline ait produit une hypothèse interprétative à partir des propos de la personne au téléphone, et qu’elle en soit suffisamment satisfaite pour entrer dans les détails de son contenu203. La description d’un état satisfaisant sert à manifester la satisfaction de l’interprétant vis-à-vis de son hypothèse interprétative et permet ainsi de poursuivre la progression de l’interaction sereinement.

La manifestation d’un jugement d’insatisfaction présente une tout autre utilité :

203 Cf. infra, p. 190 et 187, où nous décrivons les liens entre information, explication et contenu de l’interprétation.

4. Ce que les Interventions dévoilent des interprétations 161

[24] État jugé insatisfaisant

Tiré du corpus Préfecture de police Juana pdf p. 733 Actes 95-104.

Transaction de service : renseignement sur le coût de la taxe entreprise pour un titre de séjour.

01. Claudia y a bien une taxe que l’entreprise paie 02. mais pas pa::s vous 03. Juana oui oui

04. mais en fait ils vont le payer 05. mais moi je suis obligée rem-

rembourser en fait

06. Claudia bah je vois pas je vois pas je vois pas je vois pas pourquoi pourquoi pourquoi pourquoi vous êtes obligée de rembourser 07. Juana parce quparce qu’ils disent que c’est:: parce quparce qu

pour moi

08. c’est mA carte de séjour à moi 09. Claudia bah ça euh je peux pas vous dire

10. hein

Manifeste une insatisfaction + complément

Facilite l’interprétation 1 Facilite l’interprétation 2

La manifestation d’une insatisfaction signale la partie de l’hypothèse interprétative qui pose problème. En effet, Claudia fournit des indices sur l’objet de son insatisfaction (« bah je vois pas pourquoi vous êtes obligée de rembourser »), qui sont remarqués et pris en compte par Juana : elle réagit comme si elle répondait à la question « pourquoi êtes-vous obligée de rembourser » (« parce qu’ils disent que c’est:: pour moi »). La productrice a probablement ressenti l’insatisfaction de l’interprétante et réagit ainsi, en exposant cette information, pour pallier son malaise et faciliter l’interprétation de sa situation-problème apparemment inhabituelle pour l’agent.

Les réactions qui décrivent l’état de l’hypothèse interprétative sont précieuses pour la gestion de l’intercompréhension. L’intercompréhension se construit sur des hypothèses interprétatives compatibles, mais il faut également que les interprétants soient en confiance avec les hypothèses qu’ils ont choisies. Lorsque l’interprétant suggère qu’il est satisfait, en employant une formulation positive de l’état de l’hypothèse interprétative, il rassure son partenaire vis-à-vis de l’intercompréhension204, tandis que lorsqu’il produit une formulation négative, il suggère au contraire un problème dans l’intercompréhension : il appelle à l’aide.

204 Cela laisse planer l’illusion que si chaque partenaire est satisfait de son hypothèse interprétative, il est très probable que celles-ci soient compatibles.

162 II. Co-construction du sens et gestion de l’intercompréhension 4.2.2. Indices sur l’état de l’hypothèse interprétative

Dans leur réaction, les interprétants peuvent produire des expressions (mots-phrases, retours minimaux, etc.) qui constituent des indices sur le jugement que porte l’interprétant sur son hypothèse.

Nous avons sélectionné les productions suivantes, caractéristiques de différentes évaluations de l’hypothèse interprétative : manifestent-ils, et dans quelles circonstances ? L’extrait suivant en présente plusieurs occurrences :

[25] Commentaire suivant une information nouvelle

Tiré du corpus Scolarités de FLE Friedrich pdf p. 794 Actes 13-30.

Transaction de service : inscription à l’université.

01. Olivier euh vous prenez pour un semestre ou une année

02. Friedrich euh pour euh premier seme- 03. Olivier premier semestre

04. ah d’accordd’accordd’accordd’accord

05. donc faudra faire deux chèques 06. Friedrich d’accordd’accordd’accordd’accord

07. Olivier parce qu’on travaille sur deux logiciels di- différents

11. vous pouvez l’écrire en lettres 12. ils s- ils sont là

13. (montre le modèle sur le comptoir) 14. Friedrich d’accord d’accord d’accord d’accord

15. Olivier voilà caractéristiques de la formulation d’hypothèse et de la réaction fondée sur une hypothèse.

4. Ce que les Interventions dévoilent des interprétations 163 16. je vous laisse les faire

17. Friedrich oui

18. (remplit les chèques)

Invitation à réaliser la requête Réalisation de la requête Les trois expressions en gras (« d’accord » en 04 et en 06 et « mh » en 08206) apparaissent à la suite de l’exposition d’une information nouvelle. Les producteurs de ces expressions prennent la parole, mais ne manifestent pas d’insatisfaction : dans le premier cas, Olivier clôt l’Échange précédent (question – réponse – formulation de l’hypothèse interprétative + « ah d’accord ») et ouvre l’Échange suivant par la formulation d’une requête. Puisqu’il ouvre un nouvel Échange, il est satisfait de son hypothèse interprétative ; sinon, il serait probablement revenu sur la réaction de Friedrich afin d’améliorer son hypothèse et de réagir (il a en effet besoin d’avoir construit une hypothèse interprétative suffisamment satisfaisante pour consigner la réponse dans un dossier et pour formuler la requête suivante, qui est fonction de la réponse). Il poursuit donc la progression actionnelle de l’interaction : il n’ouvre pas d’Échange subordonné, il produit une Intervention qui suit la précédente, qui manifeste la complétude monologique de l’Intervention précédente, et en l’occurrence, il ouvre un nouvel Échange, ce qui manifeste son jugement de complétude dialogique vis-à-vis de l’Échange précédent et un sentiment général de satisfaction vis-à-vis de son hypothèse interprétative.

Dans les cas suivants, l’expression est produite par l’interprétant, puis le partenaire poursuit la progression actionnelle : cela suggère que le partenaire a jugé que l’hypothèse de l’interprétant est satisfaisante ; sinon, il aurait probablement produit une Intervention dans le but de faciliter l’interprétation de l’Acte précédent. Enfin, l’extrait se termine avec Friedrich qui réalise la requête sans demander d’aide : il produit son Intervention en autonomie, ce qui indique qu’il est satisfait de la complétude monologique de l’Intervention précédente et de son interprétation.

Ces expressions ne servent donc pas à la progression de l’interaction, mais plus probablement à manifester une satisfaction vis-à-vis de l’hypothèse interprétative qui enjoint le partenaire à ne pas revenir sur ce qui a été dit ou fait. Elles semblent ainsi créer un sentiment de stabilité vis-à-vis de l’intercompréhension, par l’illusion fréquente que si l’interprétant est satisfait de son hypothèse interprétative, celle-ci est compatible avec celle du partenaire ; elles servent ainsi de « bilan d’étape » initié par l’interprétant, comme si ce qui précédait ces expressions avait été interprété de manière satisfaisante, enregistré et validé.

Cependant, le rôle de stabilisation peut être ébranlé par l’accumulation de leur emploi : [26] Accumulation de marques de satisfaction

Tiré du corpus Écrivain public Shamina pdf p. 295 Actes 1253-1314.

206 Nous étudions plus précisément l’expression « ah d’accord » plus loin (cf. infra p. 168), mais le fonctionnement de « ah d’accord » est similaire à celui de « d’accord » sur les points que nous développons ici.

164 II. Co-construction du sens et gestion de l’intercompréhension

Transaction de service : conseil sur la modalité de dépôt d’un dossier à l’OPAC207. 01. Jacqueline ah mais de toute façon là-bas vous inquiétez

pas

02. parce que vous avez un accueil 03. ShaminaShaminaShaminaShamina ah ah ah ah d’accordd’accordd’accordd’accord

04. Jacqueline dans toutes les administrations ou les ou les comment dire euh les les organismes 05. ShaminaShaminaShaminaShamina mh mhmh mhmh mhmh mh

06. Jacqueline vous avez toujours un accueil 07. hein hein hein hein

08. ShaminaShaminaShaminaShamina heinheinheinhein

09. Jacqueline une personne à l’accueil

10. donc vous lui dites euh que vous avez 11. donc faut bien partir avec ce papier-là 12. ShaminaShaminaShaminaShamina d’accordd’accordd’accordd’accord

13. Jacqueline heinheinheinhein

14. donc que vous avez un numéro donc euh de::

d’enregistrement de demande de logement

15. hein

16. ShaminaShaminaShaminaShamina mh mhmh mhmh mhmh mh

17. Jacqueline et que vous souhaitez euh rajouter

18. donc

19. d’ailleurs ce qu’ils disent 20. heinheinheinhein

21. donner des précisions sur la situation 22. donc euh vous laissez la lettre

23. heinheinheinhein 24. ShaminaShaminaShaminaShamina d’accordd’accordd’accordd’accord

25. Jacqueline et si quelqu’un peut vous recevoir ce jour-là 26. ou vous donner un rendez-vous

27. hein hein hein hein 28. ShaminaShaminaShaminaShamina d’accordd’accordd’accordd’accord

29. Jacqueline pour un autre jour

30. mais vous déposez la lettre

39. et à ce moment-là vous expliquerez en plus de la lettre

40. ShaminaShaminaShaminaShamina d’accordd’accordd’accordd’accord 41. Jacqueline hein hein hein hein

207 Office public d’aménagement et de construction.

4. Ce que les Interventions dévoilent des interprétations 165 42. mais vaut mieux toujours faire par écrit

43. hein hein hein hein 44. ShaminaShaminaShaminaShamina d’accordd’accordd’accordd’accord

45. Jacqueline comme ça euh bon euh

46. si on vous reçoit pas ce jour-là

47. bon bah vou:s vous aurez déposé la lettre quand même à l’accueil

48. y aura toujours quelqu’un de toute façon quand même à l’accueil

49. ShaminaShaminaShaminaShamina ah ah ah ah d’accordd’accordd’accordd’accord 50. Jacqueline heinheinheinhein

51. \donc euh

52. mais pour vous dire si la personne euh bon vous r- z-orientera vers vraiment vers quelqu’un euh 53. euh pour euh discuter de la situation

54. euh ça c’est pas sûr hein hein hein eu:h ce jour-là hein 55. heinheinheinhein

56. donc euh il vaut mieux que vous ayez la lettre préparée

57. hein hein hein hein 58. ShaminaShaminaShaminaShamina d’accordd’accordd’accordd’accord

59. Jacqueline pis éventuellement vous demandez un rendez-vous 60. heinheinheinhein

61. ShaminaShaminaShaminaShamina d’accordd’accordd’accordd’accord 62. Jacqueline voilà

Tous les tours de parole de Shamina sont des manifestations de satisfaction comme celles de l’extrait précédent (hormis le premier dans lequel elle initie l’échange) : 10 occurrences de

« d’accord », 2 de « mh mh », 1 de « oui », et 1 de « hein »208.

Jacqueline a l’habitude de produire de nombreux « hein »209, mais cela semble s’amplifier dans des interactions comme celle-ci (15 occurrences dans l’extrait). Sont-ce les « hein » qui engendrent les « d’accord », « oui » et autres « mh mh » ou l’inverse ? L’absence de réactions exposant davantage d’informations motive-t-elle Jacqueline à douter de leur validité210 et à demander toujours plus de retours ? Ou est-ce son insistance à avoir des retours qui engendre ces réactions ? Il nous parait plus probable que l’adaptation de Jacqueline, qui cherche un appui pour s’assurer de la qualité de l’intercompréhension, soit la conséquence d’un manque de confiance vis-à-vis de l’intercompréhension dû à des retours trop peu informatifs et fiables.

208 Dont l’intonation neutre a pu porter Jacqueline à l’interpréter comme la manifestation d’une découverte et non comme celle d’une difficulté.

209 Ces « hein » permettent « au locuteur de s’assurer de l’accord de son interlocuteur » (Delomier 1999, p. 145).

210 Le doute qui se construit chez Jacqueline peut être dû à son habitude de traiter avec des locuteurs non natifs et à sa connaissance de cette stratégie.

166 II. Co-construction du sens et gestion de l’intercompréhension

En conclusion, les expressions relevées, « d’accord », « mh mh » et « okay », peuvent être interprétées comme des indices d’une évaluation positive de son hypothèse interprétative211 par l’interprétant ; mais cette évaluation positive est atténuée lorsque l’usage de ces expressions est ressenti comme abusif et n’est pas accompagné de retours exposant davantage d’informations sur le contenu de l’hypothèse.

Ces expressions servent de « bilan d’étape » dans la construction de l’intercompréhension : l’interprétant est satisfait de son hypothèse interprétative et il n’a pas besoin d’ouvrir un Échange subordonné.

« mh » et « oui »

En d’autres circonstances, les expressions « mh » ou « oui » par exemple ne manifestent pas une satisfaction aussi complète, comme l’illustre l’extrait qui suit.

[27] Les retours minimaux, ou signaux régulateurs

Tiré du corpus Écrivain public Chellamani 01 pdf p. 76 Actes 30-54.

Transaction de service : déclaration d’un incendie de voiture à l’assurance par courrier.

01. Chellamani parce que (se racle la gorge) on était allés le assurance

02. Jacqueline oui //oui //oui //oui //

03. (sil)

04. Chellamani le assurance dit euhm

05. (sil)

06. parce que ça c’est pas un constat 07. Jacqueline ouiouiouioui

08. Chellamani le problème peut-être la dame elle a::

fai::t euh exprès ou accident

09. (sil)

10. euh ça c’étai:::t

11. (sil)

12. vraiment là on peut faire le constat que s-

13. Jacqueline oui oui oui oui

14. Chellamani moi ça c’est pas constat

15. mai::s (sil) euh assurance euh la dame on a dem- elle m’a dit

16. il faut demander

17. la dame (sil) donne le cons-

18. parce que à cause d’eux cette voiture elle a brulé expressions ont rarement été étudiées de ce point de vue. Elles sont généralement classées comme des « marques d’accord » (Delahaie 2009 compare par exemple « d’accord » avec « oui » et « voilà » et étudie leur fonctionnement et leur utilisation par des locuteurs natifs et non natifs du français, et considère l’intérêt de leur enseignement en tant que « marqueurs d’accord »).

4. Ce que les Interventions dévoilent des interprétations 167 20. Jacqueline ah d’accord

21. donc en fait y a- y avait deux voitu::res //

22. Chellamani mhmhmhmh

23. Jacqueline y a eu / euh y a quelqu’un qui est rentré dans la voiture //

24. Chellamani je sais pas

25. non non non /\

Manifestation de satisfaction Formulation de l’hypothèse

Formulation (suite) Infirmation

Les « oui » produits par Jacqueline (dans les Actes signifiants 02, 07 et 13) le sont à l’intérieur d’une Intervention longue, Chellamani n’a pas l’intention de laisser la parole à l’interprétante, il ne laisse pas de silences après les « oui », ou s’il en laisse, c’est probablement pour préparer sa production ; d’autre part, l’interprétante ne tient apparemment pas à garder la parole : Jacqueline produit des « oui » puis rend immédiatement la parole.

Ces signaux régulateurs peuvent faire l’objet de nombreuses interprétations qui sont toutes liées : si l’interprétante ne manifeste pas une insatisfaction, c’est probablement parce qu’elle

Ces signaux régulateurs peuvent faire l’objet de nombreuses interprétations qui sont toutes liées : si l’interprétante ne manifeste pas une insatisfaction, c’est probablement parce qu’elle