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2. Du recueil des données à la constitution des corpus

2.1. Historique et description de la collecte des données

2.1.5. Le consentement éclairé

L’impact de l’observation sur les pratiques langagières peut être dû au fait d’être observé, d’être enregistré, ou de savoir ce qui va être étudié. L’éthique impose de faire savoir aux personnes observées ce qui est étudié. La « connaissance de cause » en laquelle les participants acceptent d’être enregistrés est appelée un consentement éclairé. Le Guide des bonnes pratiques (Baude, éd.) le définit ainsi :

« l’acceptation de l’enregistrement est étroitement dépendante de la compréhension des finalités pour lesquelles il est effectué. Sur certains terrains, la difficulté de faire comprendre les finalités de la recherche ne doit cependant pas inciter le chercheur à passer outre la demande de consentement » (2006, p. 60)

La démarche adoptée est honnête et vague : les participants ont accordé leur consentement, et ils ont été informés du projet (dans les grandes lignes), des modalités de diffusion des données et de l’anonymisation avant de prendre part aux interactions. Cette démarche devait manifester la rigueur et le sérieux de notre comportement en tant que chercheur ; elle devait conduire les usagers à accepter plus facilement les demandes puisqu’ils n’étaient pas pris « en traitres ».

Le consentement éclairé100 consiste en l’information des participants au sujet de ce dans quoi ils s’engagent par l’autorisation d’enregistrement. L’objet principal du consentement est la finalité du projet et c’est là que les questions importantes se posent :

« – l’adéquation au destinataire : l’explication du projet de recherche, pour être comprise et partagée, demande à être ajustée aux compétences, au niveau de langue et de compréhension du destinataire […] ;

– l’explicitation des finalités de l’enquête doit se faire sans nuire à celle-ci : cela pose la question de l’équilibre à trouver entre la transparence de l’enquête et les transformations qu’elle peut induire sur les conduites des participants ;

– l’explication du projet de recherche peut se faire à des niveaux de généralité différents (de ‘c’est une enquête sur les façons de parler des gens’ à ‘c’est une

99 Labov conseillerait de demander à son interlocuteur s’il s’est déjà trouvé en danger de mort. Si c’est le cas, la réponse est si fortement chargée en émotions que l’autre en oublierait qu’il est enregistré et observé, et reprendrait des pratiques langagières naturelles.

100 La structure de notre consentement s’inspire largement de celui du laboratoire ICAR, mis à disposition sur le site Corinte (Groupe ICOR 2006). Voir les documents types remplis par les participants en annexe, p. 31-33.

74 I. Cadrage théorique et méthodologique de la recherche

enquête sur la fréquence des et les contextes de la liaison non obligatoire en français’). » (Baude, éd. 2006, p. 62)

Nous avons simplifié la présentation du projet de recherche, usant de termes scientifiquement inexacts mais plus accessibles (« conversations » au lieu d’« interactions »,

« compréhension » au lieu d’« interprétation et gestion de l’intercompréhension » ou

« étrangers » au lieu de « francophones non natifs »). Le projet a été présenté en termes généraux pour limiter l’influence des informations exposées sur les productions des participants. Sur ce point, nos pratiques ont évolué, allant d’une présentation plus précise dans les premières demandes d’autorisations :

« La compétence de compréhension du français par les personnes parlant cette langue sans qu’elle soit leur langue première est l’objet de notre recherche. Le thème de notre recherche est la compréhension des implicites à l’oral en français langue étrangère. Nous cherchons à étudier en particulier les difficultés de compréhension dans les interactions quotidiennes sur trois plans de la vie : personnel, professionnel et administratif. » (version utilisée en 2008 pour le corpus exploratoire)

à une présentation plus succincte et plus générale, ne dévoilant que le domaine de recherche et non l’angle d’étude :

« Élodie OURSEL effectue une recherche scientifique sur la communication entre les francophones natifs (qui parlent français comme langue maternelle) et les francophones non natifs (qui parlent français comme langue étrangère). » (version utilisée en 2010 pour le corpus de référence).

Évoquer la communication entre les participants a permis d’éluder les précisions sur l’objet précis de la recherche. Parler d’une étude sur la compréhension ou sur les réactions des francophones non natifs aurait probablement eu un impact plus fort. De plus, les usagers se représentent parfois la communication administrative comme complexe et les agents comme peu bienveillants : ils ont pu penser que notre enquête portait davantage sur les agents que sur eux-mêmes. Les agents ont été informés que l’étude portait sur la communication, qu’elle n’avait pas été commandée par leur institution, mais qu’elle était produite dans le cadre d’un travail universitaire.

La présentation du projet a ainsi pu induire chez les participants l’impression générale qu’ils étaient concernés par l’étude, mais pas visés. Cela a probablement limité l’impact de la présentation sur les pratiques enregistrées.

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Un long chemin a été parcouru entre le début de la thèse et les entretiens avec les étudiants étrangers et les enregistrements d’interactions administratives, tant du point de vue de l’abord des participants que de celui du protocole d’enregistrement. La rigueur et la précision du monde universitaire peuvent constituer des obstacles lorsque l’on s’adresse à une institution pour demander une faveur : concision et sélection des informations semblent avoir été

2. Du recueil des données à la constitution des corpus 75 davantage appréciées par les personnes qui ont accepté de nous accueillir sur leur lieu de

travail.

Une fois obtenue l’autorisation de travailler sur certains sites, l’objectif était d’enregistrer autant d’interactions administratives que les circonstances le permettaient : de nombreuses heures d’interactions ont été recueillies, et une sélection a due être opérée. La section suivante détaille les paramètres utilisés pour procéder à la sélection et les corpus qui ont ainsi été constitués.

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