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Le roman réaliste-naturaliste n’est a priori pas destiné à l’écriture de l’intériorité. Conférer à une œuvre le « sens du réel » implique pour son auteur une fidèle reproduction de la réalité, de toutes les particularités qui ont été observées durant la phase de documentation du romancier. La description a donc partie liée avec l’observé et doit être de l’ordre de la minutie. Son étendue – parfois au détriment de l’intrigue – peut témoigner d’une attention particulière accordée au détail. Elle prolifère dans le roman réaliste – songeons à l’omniprésence de la description chez Balzac – mais également dans le roman naturaliste où « ce qui fatigue ici, c’est bien un peu l’insignifiance du détail, comme ailleurs c’en sera la bassesse, mais c’est bien plus encore la continuité de la description. Il y a des détails insignifiants, il y a des détails bas, il y a surtout des détails inutiles401 ». Les Goncourt contribuent amplement à cette « folie de la description » (Barthes) et ne

limitent en aucune façon sa présence au sein de leur création romanesque402. Mais nulle stérilité du

détail dans l’écriture du vrai qui peut être symbolique403 – un héritage somme toute balzacien où

l’écriture du réel est supposée signifier l’Homme – mais aussi référentielle et surtout esthétique. Cet

401 Ferdinand Brunetière, Le Roman naturaliste, op. cit., p. 125, nous soulignons.

402 Nous pensons notamment aux longs portraits physiques puis moraux des rédacteurs du journal Le Scandale dans

Charles Demailly (voir le chapitre II dont la prolixité est remarquable, eu égard à la pratique goncourtienne du

fragmentaire), et à l’arrivée de Coriolis, Manette et Anatole à Barbizon (chap LXXI) dans Manette Salomon. 403 Nous nous référons aux distinctions établies par Gérard Gengembre dans Réalisme et naturalisme, Paris, Éditions

emploi n’est pas hasardeux, bien au contraire, mais illustre parfaitement la recherche goncourtienne de l’écriture artiste, qui est de l’ordre de l’ornementation, de l’accumulation, et qui constitue un véritable exercice de style pour lequel ils se passionnent, la description chez eux ayant trait à « une thésaurisation littéraire, une capitalisation esthétique, une sorte de collection, une maison d’artiste redoublée et multipliée jusqu’au vertige404 ». Ainsi, la description a parfois vocation à exister pour

elle-même, indépendamment de l’évolution de l’intrigue, et peut s’étendre des pages durant. Description et narration tendent donc à coexister, toutes deux « réclamant sans doute d’être considérés plutôt comme deux types structurels en interaction perpétuelle405 ». Ainsi, dans leur

œuvre commune, la description ne s’étiole pas à mesure que progresse l’intrigue – nous avons ici à l’esprit la représentation de la faune du jardin des plantes dans le dernier chapitre de Manette Salomon ainsi que l’abondante caractérisation de la chambre de Renée Mauperin lors de ses derniers instants. Mais cette concomitance s’applique-t-elle à l’œuvre du seul Edmond ?

La Fille Élisa ne nous apparaît pas comme un roman où les séquences descriptives abondent. Le projet d’Edmond étant de « donner à réfléchir » sur le système carcéral appliqué à Auburn, il serait malvenu de consacrer le descriptif comme entité autonome, existant hors du récit. On ne peut néanmoins totalement omettre ses habitudes d’antan, oublier ses vieux démons. Ainsi, lorsque le narrateur goncourtien décrit le faubourg et la maison dans lesquels évolue Élisa, la digression sur le printemps supplante rapidement la topographie de Bourlemont :

Le bourgeonnement des arbustes, la verdure maraîchère sortant de dessous la neige avec la fin des grands froids commençaient à rendre aimable cette extrémité de ville qui semblait un grand jardin avec de rares habitations […]. Les murailles […] disparaissaient, à tout moment, sous le tourbillonnement de centaines d’oisillons donnant un coup de bec au crépi salé, puis montant dans le ciel à perte de vue, puis planant une seconde, puis redescendant entourer le noir bâtiment des circuits rapides de leur joie ailée. Et toujours, depuis l’aurore jusqu’au crépuscule, le tournoiement de ces vols qui gazouillaient.406

Le lecteur se retrouve ici face à une « pause » descriptive (Genette). La description de Bourlemont semble en effet avoir pour unique justification d’introduire une digression sur le renouveau printanier, permettant à Edmond de se livrer aux plaisirs de l’écriture artiste. Le descriptif tend à s’autonomiser dans ce passage, qui d’abord « ren[d] aimable cette extrémité de la ville » pour

404 Yves Maubant, « La Description dans les romans des frères Goncourt ou l’expression de la singularité », Cahiers

Edmond et Jules de Goncourt, n° 8, 2001, p. 70-71.

405 Philippe Hamon, Du descriptif, Paris, Hachette, 1993, p. 91. 406 La Fille Élisa, op. cit., p. 65.

qu’ensuite les murailles « disparaiss[ent] », laissant ainsi place vacante au « tourbillonnement de centaines d’oisillons ». La description existe pour elle-même, elle est le résultat d’une esthétisation du réel. Mais il est également plausible d’admettre la fonction symbolique de ce passage, cette renaissance de la nature succédant à celle d’Élisa407, désormais loin du joug maternel, pour qui « les

lieux mêmes, ce faubourg reculé, cette construction renfrognée, perdaient de leur horreur […] ; elle ne les voyait plus avec les yeux un peu effrayés du jour de son arrivée408. » Élisa est donc à l’image

de la nature peinte, renaissante, et s’avère « signifié[e] par le signifiant descriptif409 ». Nous avons

ainsi deux versants de la pratique descriptive : sa visée symbolique – la description signifiant l’Homme – mais également esthétique – l’ornementation du réel.

Contrairement aux romans écrits avant 1870, le descriptif dans l’œuvre d’Edmond va très nettement s’amenuiser à mesure de la progression de l’intrigue, jusqu’à perdre son autonomie. Il n’interviendra plus telle une digression, une « pause » narrative mettant en exergue l’esthétisation du réel, mais apparaîtra lié à la narration. Dans la seconde partie de La Fille Élisa, l’héroïne est assignée à la cordonnerie, pièce sombre où « pendillaient des détritus de choses », là où « par terre, traînaient, au milieu de flaques d’eau, des bouts de fil dans du poussier de charbon de terre écrasé par les sabots » et dans laquelle « les puanteurs du cuir se confondaient avec l’odeur de la crasse d’une humanité qui ne se lave plus410. » La description est désormais imbriquée dans la narration,

qui a perdu son indépendance et sa fonction purement ornementale. Le lien « habitat-habitant » établi par Philippe Hamon est apparent, les « puanteurs » qui exhalent du cuir étant assimilées à la pestilence de cette « humanité qui ne se lave plus ». De plus, le champ lexical de la décomposition que nous avons souligné – ces « détritus », ces « bouts de fil » et le « poussier de charbon » – trouve son écho dans l’effondrement de la féminité des travailleuses de la cordonnerie, chez qui il n’y avait plus « le plus petit bout de toilette possible où survivait ce qui restait de la femme dans la prisonnière » et où « le désir féminin de plaire » est « déjà mort411 ». Tout est en pleine

décomposition, mobilier et humanité arrivent à leur terme. Une nouvelle fois, l’observable tend à signifier le héros et peut suggérer l’état du Moi intérieur. La description perd de sa prééminence et de son autonomie au profit de celle qui signifie l’être et son inévitable destruction, corroborant ainsi

407 Jean-Michel Adam et André Petitjean se sont intéressés aux descriptions de paysages qui « métaphorisent l’état psychique d’un personnage », voir Le Texte descriptif, Paris, Nathan, 1989, p. 55-59.

408 La Fille Élisa, op. cit., p. 64-65. Cette corrélation est néanmoins à nuancer. En effet, comment une renaissance par une existence vouée au don permanent de son corps pourrait-elle être assimilée au réveil des mondes qui l’entourent ?

409 Ce que Philippe Hamon nomme « motivation sémiologique » de la « conjonction personnage-description »,

Du descriptif, op. cit., p. 106.

410 La Fille Élisa, op. cit., p. 170-171, nous soulignons. 411 Ibid., p. 172.

la définition de la description zolienne, soit « un état du milieu qui détermine et complète l’homme412. »

La seconde partie de La Fille Élisa semble en effet avoir pour unique but de représenter la perte d’humanité progressive de la prisonnière soumise au silence continu. À mesure que défile l’existence d’Élisa, le narrateur ne s’attarde plus sur les lieux où gravite l’héroïne, mais se cantonne à la peinture de la dissolution de son Moi. La description n’a plus lieu d’exister pour elle-même car c’est la caractérisation de l’intériorité d’Élisa qui importe, Edmond manifestant un certain « dédain pour tout ce qui serait détail purement pittoresque […] : seul le supplice moral lui importe413. » Un

amenuisement des passages descriptifs semble donc aller de pair avec une saisie du tréfonds de l’héroïne goncourtienne. Néanmoins, il nous paraît intéressant de relever la présence de deux « pauses » descriptives dans cette partie. De prime abord, elles pourraient infirmer notre propos, la description à valeur esthétique reprenant soudainement consistance414. Mais ce retour au descriptif

s’inscrit dans un cadre particulier, celui de l’analepse, lors du retour d’Élisa « parmi le passé de son enfance ». Finalement, la « pause » descriptive n’apparaît que pour souligner davantage encore son trouble intérieur, la perte de contact avec sa propre réalité. L’indépendance de l’analepse descriptive – les chapitres LXIII et LXIV sont entièrement consacrés aux souvenirs d’Élisa – paraît également souligner cet arrêt du temps de l’histoire, soulignant de fait cet enfouissement total dans son ressouvenir, dans cette « stupide absence d’elle-même » (Becker).

L’objectif que s’est fixé Edmond lors de la composition de La Faustin est tout autre. Il ne s’agit nullement de s’insurger contre des agissements et de « donner à réfléchir », mais d’élaborer « la psychologie d’une actrice415 », de peindre une femme de scène consumée par son

environnement, par la pratique de son art. Là encore, la reproduction de notes du Journal est considérable et sert à la saisie de l’intériorité de l’actrice autant qu’à l’écriture de son environnement. Ce dernier étant l’espace dévorateur du Moi intérieur de Juliette, les descriptions le concernant abondent. Ainsi, dans la première partie de ce diptyque – Juliette au théâtre – la description est riche et étendue, à tel point que « le roman autonomise les passages descriptifs416 ».

Les scènes qui se déroulent dans ce lieu légendaire ne soutiennent pas la narration et ne l’orientent nullement. Il s’agit de laisser la prose artiste d’Edmond s’exprimer. La description du foyer des

412 Voir Le Roman expérimental, op. cit., p. 425.

413 Robert Ricatte, La Genèse de La Fille Élisa, op. cit., p. 109-110.

414 Voir en particulier le chapitre LXIV, où Élisa se souvient qu’elle « courait sur cette terre au vert plein de marguerites, au bleu matutineux du ciel tramé de fils d’argent, au feuillage de fleurs blanches comme de blanches fleurs d’oranger », op. cit., p. 177.

415 Journal, Mémoires de la vie littéraire, II, op. cit., p. 436 (14 mai 1871).

acteurs de la Comédie-Française est particulièrement représentative de la « pause » genettienne. Le foyer est longuement et précisément décrit, depuis le mur où « est accrochée la Duclos » jusqu’à la « toile d’Ingres, représentant Louis XIV, recevant à sa table Molière417 ». Peu semble importer à

Edmond de Goncourt le déploiement de l’intrigue à cet instant, il s’agit seulement d’inscrire dans la fiction leurs « documents humains », la vision que Jules et lui-même ont eue lors de leur première visite du foyer des acteurs418.

Dans la seconde partie de ce diptyque – la retraite à Lindau –, et en particulier après le chant des Suissesses, la description évolue à nouveau. De pure ornementation, elle s’affaiblit et semble à présent se limiter à sa fonction symbolique : signifier la Faustin. Juliette a en effet cédé à Phèdre, la femme n’est plus que comédienne, et il s’agit maintenant pour le narrateur de mettre en exergue les mouvements de son âme, les luttes contre ce Moi aliéné. Il n’est dès lors plus temps de se livrer aux plaisirs de la description mais de l’indexer au récit :

Avec l’automne qui était venu, et les dernières fleurs mourantes et les premières feuilles tombantes, […] la Faustin avait été prise d’une singulière tristesse, d’une tristesse anxieuse […]. Le moyen âge artificiel de certaines parties des constructions, la décrépitude hâtive des bâtiments à l’italienne, […] donnaient à la villa, certains jours, le caractère d’un décor tragique. Des pierres, sans qu’on puisse dire pourquoi, se dégageaient pour une personne dans une disposition nerveuse, de sombres pressentiments.419

Edmond de Goncourt pose une pierre d’attente au sein même de ce passage. Les épithètes ne paraissent pas anodines mais semblent signifier la Faustin. Ce « moyen âge artificiel » – donc «qui est dû à l’art, qui est fabriqué, fait de toutes pièces420 » – est à l’image du Moi de l’actrice, fabriqué

par l’art, tout comme la « décrépitude » des bâtiments corrobore sa dégradation. Quant à ce « décor tragique » dans lequel se meut la tragédienne, il évoque tout en transparence son irrémédiable fin ainsi que celle de son amant. Il semble ainsi y avoir deux temps majeurs au sein de la pratique descriptive d’Edmond de Goncourt. D’une part, la description aurait une valeur ornementale, souvenir de la création romanesque commune, et prendrait de fait le pas sur le narratif. D’autre part, et respectant une double linéarité – la progression de l’intrigue et la dégradation du héros –, les

417 La Faustin, op. cit., p. 307.

418 Les Goncourt pénètrent pour la première fois dans le foyer des acteurs du Théâtre-Français le 26 février 1858, où apparaissent déjà « le portrait de la Duclos » et « la croûte la plus étonnante de M. Ingres, Molière et Louis XIV » que nous retrouverons dans La Faustin. Voir Journal, Mémoires de la vie littéraire, I, op. cit., p. 330.

419 La Faustin, op. cit., p. 413, nous soulignons.

420 Le Trésor de la langue française informatisé [en ligne], 1971-1994. Disponible sur le site du CNRTL :

passages descriptifs suggèrent l’être du héros, révèlent le lien « habitat-habitant », permettant alors à la narration de recouvrer sa prééminence.

L’autonomie du descriptif dans la fiction goncourtienne, le « décrire sans raconter421 » de

Genette, s’étoffe progressivement, jusqu’à atteindre son apogée avec l’écriture de Chérie. Le tarissement de l’intrigue paraît ainsi aller de pair avec la maturation de l’écriture artiste d’Edmond422, qui affirme dès les premières lignes de sa préface que cette œuvre est avant tout une

« monographie de jeune fille, observée dans le milieu des élégances de la Richesse, du Pouvoir, de la suprême bonne compagnie ». Dès son « testament littéraire » Edmond indexe de fait l’étude de la Jeune Haudancourt à l’étude de son milieu, justifiant l’amenuisement de l’intrigue au profit de la description. Aucun détail ne semble tu et toute observation trouve aisément sa place au sein du roman : la maison du Muguet (chapitre IX), l’atelier du couturier Gentillat (chapitre LIII), les séances consacrées à la couture de la robe de Chérie où le narrateur goncourtien étale sa connaissance du chiffon (chapitre LIV), mais encore la présentation amplement détaillée des fréquentations de Chérie, ces « types originaux de Parisiennes » (chapitre LXIV). Une attention particulière semble accordée à la parure, véritable extension du Moi de Chérie :

Sa robe était une robe du XVIIIe siècle qu’elle avait trouvée en pièce, une robe bleu de lapis, un

lampas semé de deux boutons de rose à la queue entre-croisée et nouée par une dentelle d’argent frisée, dont le nœud et des petits bouts détachés pendillaient recroquevillés sur l’étoffe. […] Là-dessous une chemise et un petit cotillon bordé de malines. Des revers de sa robe, sur sa poitrine, se répandait un jabot, un flot de valenciennes, lui remontant autour du cou […]. Elle portait encore des bas de soie bleus brillantés de petites paillettes, dans des mules de drap d’argent.423

La description vaut ici pour elle-même, comme exhibition du savoir goncourtien et « écriture de la capitalisation424 ». Il s’agit de caractériser le moindre détail de la tenue de l’héroïne, depuis le nœud

fait de « dentelle d’argent frisée » jusqu’à ses « bas de soie bleus brillantés ». La description est ici vraisemblablement dénuée de sa fonction symbolique pour que seule transparaisse l’écriture artiste, l’observation méticuleuse du détail. Mais ce livre sur « l’intime féminilité » de Chérie – donc

421 Voir « Frontières du récit », Figures II, Paris, Éditions du Seuil, 1969, p. 56 et suivantes.

422 À quelques jours de la publication de Chérie, Edmond écrit que « l’artistique dans la littérature » est probablement l’« appoint futur du succès ». Voir le Journal, Mémoires de la vie littéraire, II, op. cit., p. 1063 (12 avril 1884). 423 Chérie, op. cit., p. 242-243.

424 Yves Maubant, op. cit., p. 76 : « Chaos d’objets, bric-à-brac, foisonnement, listes et inventaires, bibelots amassés, notules et catalogues » seraient constitutifs de cette « écriture de la capitalisation » mais également de ces « vertiges de l’accumulation » inhérents à la prose goncourtienne.

insaisissable pour l’œil – ne doit pas taire le « dessous » de l’héroïne, ses pensées ou ses maux. Lors de la dernière phase du roman – la maladie de Chérie – les passages descriptifs sont très nettement minorés, notamment quand la petite-fille du maréchal court Paris (chapitre XCVIII) ou lors de sa rencontre avec Mademoiselle de Suzange (chapitre CI). Usuellement, une apparition de l’héroïne serait accompagnée d’une caractérisation complète de sa tenue, de l’environnement dans lequel elle évolue. Mais, comme l’a très justement remarqué Domenica De Falco425, plus

aucune description de la toilette de Chérie dans les dernières pages. De sa dernière sortie aux Italiens, nous savons seulement que du rouge a été posé sur ses lèvres, alors qu’est écrit l’affaiblissement moral puis physique de la jeune Haudancourt, qui a la « main molle », l’« attitude somnolente et brisée d’un enfant qu’on costume » et dont la « mussitation [est] à peine perceptible426 ». La description n’a donc plus lieu d’exister car Chérie ne se pare plus427. Elle se

meurt, brisée par sa maladie mais également par ses maux. Si le narrateur goncourtien ne détaille plus les supposées tenues de l’héroïne, c’est probablement pour que le lecteur se focalise sur la maladie qui la ronge et pour que ne subsiste que la saisie de son être.

La description inonde les fictions d’Edmond où le narrateur est un observateur hors-pair qui parvient à saisir l’immédiateté du réel. La profusion descriptive est telle qu’elle parvient à s’autonomiser du récit, à supplanter quelques instants durant la narration de faits – à l’image de la production goncourtienne antérieure à 1870. Mais à mesure que se déploie l’intrigue, lorsque doit être éclairée l’intériorité d’un personnage, Edmond de Goncourt sait amoindrir son penchant artiste. Il s’agit dès lors de ne plus se focaliser sur le « dessus » du héros, mais d’interroger ses « dessous ». La description évolue, elle doit désormais suggérer et compléter l’être pour que puissent être révélées ses aspirations mais également ses souffrances.