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Une description de l’enseignement des formes et des grandeurs

EN GRANDE SECTION DE L’ÉCOLE MATERNELLE

2. Une description de l’enseignement des formes et des grandeurs

Du point de vue méthodologique, par souci de cohérence avec la question « Comment

s’enseignent les formes et les grandeurs en grande section à l’école maternelle ? », notre choix

s’est porté sur une recherche de type exploratoire, en particulier descriptive. Nous avons privilégié une observation longue d’un petit nombre d’enseignants par souci de faisabilité et

de continuité. En effet, les séances d’enseignement et d’apprentissages à l’école maternelle

sont en général courtes. Des observations de classes chez trois enseignants expérimentés en

école maternelle accompagnés d’enregistrements audio ont permis d’assurer cette description.

Ces enseignants sont désignés par EN1, EN2 et EN3. Ainsi vingt-deux séances ont pu être observées et retranscrites : quatorze séances portaient sur l’enseignement des formes, cinq

séances concernaient l’enseignement des grandeurs (longueurs) et trois traitaient à la fois des

formes et des grandeurs (longueurs). De même, trois entretiens semi-directifs ont été menés auprès de ces enseignants. Ce sont ces documents qui ont constitué le corpus à partir duquel nous avons travaillé. Examinons les dimensions que nous avons retenues pour décrire les pratiques enseignantes.

2.1. Les dimensions de notre approche Nous avons relevé six dimensions essentielles: - les formes et les grandeurs étudiées,

- le matériel utilisé et les espaces choisis par les enseignants, - les activités proposées par es enseignants,

- les pratiques langagières (les formes d’intervention, le lexique utilisé, …),

- la gestion des événements imprévus,

- les difficultés et les facilités évoquées par ces enseignants. Les observations et les entretiens ont montré un grand nombre de régularités et quelques

variations autour de ces dimensions. 2.2. Les formes et les grandeurs

Les formes étudiées et explicitement désignées sont essentiellement des triangles, des carrés, des rectangles, des ronds, des losanges, des parallélogrammes. Les formes

explicitement désignées mais non étudiées par les enseignants sont des trapèzes. Les grandeurs se réduisent aux longueurs.

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2.3. Le matériel utilisé : de nombreuses régularités et très peu de variations

L’enseignement des formes et des grandeurs est basé essentiellement sur la

manipulation d’objets réels, c'est-à-dire sur des objets du quotidien ou des objets construits pour la classe.

Pour les formes, la grande majorité des outils utilisés par les enseignants sont des outils construits pour la classe. Ils se composent de blocs logiques, de formes dessinées et/ou découpées dans du papier, de pièces de tangram. Tous ces outils ont un point commun, celui

d’être de petite taille. Pour notre étude, nous nous sommes appuyées sur une typologie des espaces proposée par Guy Brousseau : le micro espace, le méso espace, et le macro espace (2000). Ainsi, le micro-espace, c'est-à-dire un espace où l’élève peut toucher, voir, déplacer

les objets, considérer le tout et ses parties, est dominant. L’enseignement des formes s’appuie sur l’utilisation de formes prototypiques et non prototypiques dans des activités de

classement.

Pour les grandeurs, les outils sont davantage issus du quotidien. Les outils utilisés pour la mesure des longueurs sont constitués de bandes de papier, de ficelles, de cordes. On sort du micro-espace.

2.4. Les activités

Pour cette dimension, les régularités sont également plus nombreuses que les variations.

L’étude de l’organisation de la classe montre des régularités. Des séances spécifiques à l’enseignement des formes et des grandeurs, la non-réservation d’un espace dédié à cet

enseignement et le travail en petits groupes sont des caractéristiques communes aux trois

enseignants. L’ordre attribué à l’enseignement des grandeurs et à celui des formes diffère

selon les enseignants, de même que la durée des séances qui varie entre 15 et 30 mn.

Deux sortes d’activités apparaissent : - des activités qui sont centrées sur le toucher, sur le visuel, - des activités graphiques centrées sur la reproduction.

Les premières sont majoritairement utilisées. Ceci renforce l’idée de l’utilisation de

formes bien définies, bien dessinées. Les perceptions visuelles et tactiles sont fortement sollicitées. Les consignes « toucher » ; « regarder », « compter », « suivre avec le doigt » sont prédominantes. Le « toucher » est une action qui précède le « regarder ». L’enseignement des

formes permet d’aller au-delà d’une simple dénomination de formes géométriques. Le comptage des côtés est utilisé pour mettre en évidence les propriétés des formes. L’action

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« regarder » revêt des fonctions différentes : l’enseignant attend une validation, il peut isoler

un élément de la forme (côté, sommet, …), différencier des formes, observer un point précis

(« ouvert » vs « fermé », « ce qu’est un côté », « le nombre de côtés » ou « la longueur des côtés »,…).

2.5. Les pratiques langagières : dénomination et description

L’enseignement des formes permet d’aller au-delà d’une simple dénomination de

formes géométriques. Dans les pratiques langagières qui concernent la description des formes et la comparaison des longueurs, les attributs des formes sont les côtés, les sommets,

l’invariance par rotation, l’ouverture, la fermeture de la forme, ce qui montre la présence ou l’absence de certains attributs. Nous attirons l’attention sur l’usage d’attributs pour décrire les

côtés des formes : « droit » (horizontal), « courbe », « penché ». Quant aux longueurs, les attributs se réduisent à « court » vs « long ». Ajoutons que les attributs des formes ne sont pas

réutilisés pour l’étude des grandeurs. « droit », « courbe », « penché » ne s’appliquent pas au segment que l’on mesure. Nous avons également pu noter l’absence de trace écrite dans

l’enseignement des formes et des grandeurs. Il n’y a pas d’affichage permanent.

Les interventions des enseignants sont de manière dominante des interrogations qui portent sur la mémorisation, la méthodologie pour la reconnaissance de formes ou la mesure pour

l’appellation ou les attributs des formes. Le terme « forme » est utilisé en tant que « figure » au sens de Stella Baruk, c'est-à-dire en tant que « façon pour des points d’occuper un espace

qui met en jeu deux composantes essentielles qui sont la forme et les grandeurs » (1992, p. 491)

2.6. La gestion des événements imprévus

Des réponses d’élèves sont parfois embarrassantes pour les enseignants. La tâche

« construire une figure avec des bâtons » a amené un élève à proposer une forme particulière.

L’enseignante EN3 n’a pas su quoi en faire.

2.7.Difficultés et facilités

L’enseignement des formes est considéré comme facile pour les deux enseignants EN2

et EN3. Les raisons évoquées sont le caractère concret des formes, leur disponibilité : « Nous sommes entourés de formes. » (EN3, Entretien), « Ben c’est le côté un peu plus

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l’ont dans leur vécu, hein. Donc on peut se fonder au départ sur des, du vécu, sur des formes

qu’ils rencontrent autour d’eux pour aller essayer de les retrouver, aller essayer de les représenter et donc euh y a plus de facilité par rapport à l’âge. » (EN2, Entretien). L’entrée

dans cet enseignement en est ainsi facilitée. EN1 estime qu’enseigner les formes n’est pas

facile au premier abord. « L’appel à des qualités abstraites » participe de cette difficulté. (EN1, Entretien). EN1 oppose les objets réels et la géométrie. La difficulté réside aussi dans le fait que les objets étudiés, utilisés ne sont pas des formes mais des solides ou des volumes. Quelques-uns de ces objets ont une certaine épaisseur comme les pièces du tangram, les blocs

logiques. Quant à la géométrie, ce n’est que des points. EN1 ne trouve guère facile de passer

du réel à l’abstrait. Mais finalement, elle juge que les activités proposées sont assez simples. Cependant l’enseignement est difficile à construire.