• Aucun résultat trouvé

4. Description et analyse des résultats

4.1. Un cas type de formation en anesthésie au centre SimulHUG

4.1.1. Description

Le Verbatim 1 présente le début de la Simulation 2 où le formateur Roland donne aux deux formés simulant l’activité du médecin (Charles ) et de l'infirmier anesthésiste (François) les informations sur le patient et ce qui est attendu d'eux. La formée Alice simule l’activité du chirurgien et dialogue avec le patient.

En salle d’opération Charles se présente au patient (simulé par Jonas). Pendant quil expose le cas à François et Charles, Roland se rend alors compte qu’il n’a pas pris la bonne feuille d’anesthésie et sort de la salle d’opération pour aller vers la salle de contrôle. Il donne la consigne à Charles et François de ne pas commencer et de vérifier le matériel pendant qu’il s’absente. François et Charles sont derrière la tête du mannequin et s’organisent pour la séquence. Alice se présente alors au mannequin et lui pose les questions de sécurité.

Le patient répond aux questions d’Alice et exprime son étonnement sur le fait qu’elle soit une femme. Malgré sa surprise elle continue de le questionner et lui annonce qu’elle va le laisser avec les anesthésistes en précisant qu’elle reviendra le voir après l’opération.

Lors de l'auto-confrontation, Alice s'exprime sur le fait qu'elle aille voir le patient pendant que ses deux collègues s'organisent. Elle sait qu'il est préférable de ne pas laisser un patient seul et se présente en lui demandant ensuite s'il sait où il doit être opéré. Lorsqu'elle se rend compte que le patient ne répond pas, elle interpelle les formateurs en salle de contrôle pour qu'ils fassent réagir le patient, puis dialogue avec lui tout en étant consciente de l’activité qu’elle se doit de simuler. Malgré sa surprise, à la suite de l'intervention du patient concernant le fait qu'elle soit une femme, elle répond à ses questions en tenant compte de ce qu’elle connaît du métier de chirurgien et improvise sur ce thème en disant que son autre collègue chirurgien va la rejoindre sous peu.

Le Verbatim 2 prend place au moment de la Simulation 2 (induction à séquence rapide) lors de la pré-oxygénation du patient. En salle d'opération, François et Charles simulent toujours le travail de l'infirmier et de médecin anesthésiste. En salle de contrôle Roland et Jonas pilotent le robot et observent les formés. Les extraits d'auto-confrontation sur ce passage sont celles de François et Jonas.

En salle d’opération, François tient le masque sur le visage du patient pendant que Charles s'occupe de l’injection des médicaments au bras du patient. François déclenche une mesure de tension depuis le scope. Charles injecte les inducteurs et parle au patient de manière à le prévenir qu’il va s’endormir. Après avoir constaté que le patient ne répond plus à

leurs appels les infirmiers décident alors de passer à l’étape suivante. Ne sachant plus par quelle étape il convient de poursuivre l’induction, Charles et François prennent la décision de ventiler le mannequin en utilisant le ballonnet.

En salle de contrôle, Roland demande à Jonas de faire démarrer les paramètres à afficher sur le scope dans la salle d’opération à la suite de l’injection des inducteurs. Il prévient Jonas, qui s'apprêtait à faire parler le mannequin, que ce dernier est censé dormir et donc ne peut plus parler.

Roland demande à Jonas si le patient va bientôt tomber en apnée. L’apnée est un des signes qui détermine le passage à l’étape suivante qui serait en théorie pour ce cas l’injection d’un curare dépolarisant. Jonas note que le patient est tombé en apnée en voyant la courbe de fréquence respiratoire chuter sur le scope. Roland manipule la caméra pour vérifier les actions des formés et voir s’ils continuent de ventiler le patient.

Au cours de l'auto-confrontation, François énonce que durant la phase de pré-oxygénation il se prépare à assumer un moment intense de la prise en charge. Il se concentre et repense aux étapes de la procédure qui vont suivre. Il profite de cette situation calme pour s'assurer que tout se passe bien, il vérifie les paramètres, notamment le pourcentage d'O2

présent dans les poumons du patient et déclenche une mesure de la tension. Il est attentif à ce que fait Charles et recherche une coordination avec son activité. Il attend le moment où il va injecter les médicaments inducteurs.

Il observe ensuite Charles injecter le médicament. Il se recentre donc sur le patient et se prépare à lui parler. Son but est de permettre au patient de se détendre. François commence à être attentif aux signes d'endormissement du patient: il observe sa respiration, s'attend à sentir son visage se relâcher.

Il vérifie le réflexe ciliaire auprès du patient, lui ouvre les paupières et confirme le fait qu'il est bien endormi.

Après avoir fait ces vérifications, François se sent désorienté car il ne sait plus que faire ensuite. Il est peu familier avec la procédure d'induction à séquence rapide et se demande quelle est l'étape suivante. Il sait que c'est à lui de conduire l'intubation mais ne sait pas comment passer à cette étape. Il se met alors à ventiler le patient comme dans une induction normale et ne se rend pas compte sur le moment qu'il commet une erreur.

Jonas en salle de contrôle enclenche les paramètres simulant les effets du médicament au moment de l'injection des inducteurs par Charles et sur un signal de Roland. Il attend que

les doses totales du médicament soient injectées et clique sur le paramètre pré-enregistré en sachant que cela va provoquer l'apnée du patient que les infirmiers attendent en salle d'opération. Il entend ensuite les infirmiers appeler le patient et sait qu'il s'agit d'une procédure normale.

A la demande de Roland, Jonas confirme le fait que le patient va tomber en apnée dans les 30 secondes qui suivent grâce à une information sur son écran. Une fois ces vérifications effectuées, il observe l'intubation et pose des questions à Roland sur les points qui l'intriguent, dans le but d'attirer l'attention de Roland sur des problèmes potentiels.

Le Verbatim 3 présente le moment de l'intubation de la Simulation 2. Les auto-confrontations réalisées sont celles d' Alice, qui simule l’activité de l’infirmière en anesthésie, Jonas et le formateur Thibault qui simule l’activité de chirurgien.

En salle d'opération, le patient a été endormi et Alice et François s’assure qu’il soit ventilable afin de procéder ensuite à la curarisation. Alice souhaite déclencher une mesure de TOF (indicateur de curarisation du patient).Thibault montre alors aux infirmiers comment déclencher la mesure du TOF sur le scope. Il demande ensuite à observer le patient puis fait part de son agacement quant aux délais de l'action des infirmiers. Alice autorise Thibault à observer le patient alors que François émet une restriction.

Alice demande ensuite à François de mettre les agents halogénés en route (gaz volatiles anesthésiques). François perçoit alors la chute de la mesure du TOF qui est tombée à 0 sur 4. Ils cherchent ensuite à connaître la MAC du patient (taux de gaz anesthésiques présents dans le circuit). Alice procède ensuite à l’intubation du mannequin. Après que les formés soient parvenus à ventiler le mannequin et vérifié ainsi la bonne place du tube, Thibault demande s’il peut désinfecter le patient. Alice et François refusent mais Thibault n’obéit pas et l'examine tout de même. S'ensuit un échange pendant lequel Thibault se plaint de la lenteur des infirmiers. Alice répond qu'ils font tout ce qu'ils peuvent et qu'elle privilégie la sécurité du patient. Elle noue ensuite le lacet pour fixer le tube et confirme à haute voix la bonne fixation de ce dernier.

En salle de contrôle, Roland parle à Thibault qui se trouve dans la salle d’opération. Il lui donne des consignes à transmettre aux formés en cas d’inquiétude de ceux-ci. Jonas vérifie que le lecteur DVD enregistre ce que filment les caméras dans la salle d’opération. Roland remarque que les formés annoncent correctement leurs actions. Jonas perçoit la demande d' Alice concernant la mesure du TOF et manipule la souris pour montrer aux formés dans la

salle où se trouve le bouton de mesure du TOF (les écrans de scope de la salle d’opération et de la salle de contrôle sont partagés, ce qui signifie que Jonas peut manipuler l’écran du scope dans la salle d’opération). Roland demande à Jonas de laisser la valeur du TOF à 4 (cela signifie que le patient n’est pas curarisé). Jonas enregistre la valeur donnée par Roland.

Roland donne ensuite des indications par le micro relié à l’oreillette de Thibault concernant la recherche de la valeur sur le scope de la salle d’opération. Il s’assure ensuite que les formés l'aient trouvé. Roland et Jonas s’amusent de la différence de réponse entre les formés lorsque Thibault leur demande s'il peut observer le patient. Roland demande à Jonas de faire passer la mesure de TOF à 0 sur 4 (cela signifie que le patient est complètement curarisé). Roland perçoit la demande d’Alice et demande également à Jonas d’introduire les mesures nécessaires relatives aux agents halogénés sur le scope (gaz anesthésiques). Il cherche à vérifier les doses introduites par les formés au moyen d’un zoom avec la caméra mais n'y partivient pas. Il transmet alors à Jonas des mesures à entrer dans le logiciel.

Roland entend Alice qui annonce avoir mis en route du Protoxyde d’azote. Il demande à Thibault par l’oreillette de vérifier si Alice en a effectivement mis. En salle d'opération, Thibault répond à Roland par un signe de tête négatif. Roland et Jonas rient des interventions de Thibault. Jonas vérifie les paramètres sur le scénario et se prépare à déclencher les paramètres adéquats sur le scope. Il fait remarquer ensuite à Roland que François est attentif à ce que fait Alice.

Jonas et Roland observent Alice et ce dernier se demande si elle a fait sa manœuvre d’intubation correctement. Jonas regarde sur le scope si la ventilation du patient se fait de manière adéquate. Roland demande ensuite à Thibault par l'oreillette de presser les formés. Il s’amuse de la réponse d’Alice puis il donne le signal à Jonas pour annoncer la fin de la simulation, ce qu'il fait sur le champ.

Au cours de l'auto-confrontation, Alice dit se sentir gênée par la manipulation du ballon dont elle se sert pour ventiler le patient. Elle utilise en général le ventilateur mais elle a reçu pour consigne de prendre le ballon d'insufflation plutôt que le ventilateur dans le cadre de la simulation. Elle se sent de plus en plus perturbée par Thibault qui demande à observer le patient et commence à le désinfecter. Elle se presse mais cherche à s'assurer de la sécurité de son geste pour le patient. Elle se sent agacée et répond au chirurgien. Elle énonce que, simulant l’activité de l'infirmière anesthésiste, elle en déduit qu'elle a plus d'expérience que son collègue simulant l’activité du jeune interne en anesthésie et qu'elle prend donc sa défense

en faisant une remarque au chirurgien.

Le formateur Thibault reste globalement attentif aux différentes actions des formés. Il s’assure que celles-ci soient effectuées dans le bon ordre et vient les aider lorsqu’il voit qu’ils ont de la peine à trouver la mesure du TOF. En repassant rapidement dans la simulation de l’activité d’un chirurgien pressant, il cherche à les détourner de ces préoccupations matérielles pour les faire revenir dans le scénario. Il cherche également à introduire un stress par souci de réalisme envers les situations que les formés pourraient potentiellement rencontrer en salle d’opération. Lorsque les formés prennent la décision d’intuber, Thibault intervient pour les perturber à ce moment précis, car il sait que la situation va être délicate. Il intervient une nouvelle fois lorsque l’intubation est terminée mais que le tube n’est pas encore fixé. Il cherche à tester la concentration des formés et anticipe donc son intervention. Il est satisfait de voir qu’Alice lui répond de manière correcte mais ferme et que François reste concentré sur l’action à mener.

En salle d’opération Jonas, s’assure que le lecteur DVD enregistre bien. Puis lorsque les formés en salle d’opération demande à avoir la mesure du TOF, il prend le contrôle de l’écran du scope pour leur montrer le bouton correspondant, pendant ce temps Roland a demandé à Thibault de le leur montrer. Il s’amuse de la réaction des formés aux provocations de Thibault puis, il entend François dire que le TOF et toujours à 4. Il demande alors à Roland s’il est temps de modifier la mesure. Roland accepte. Il observe ensuite l’écran pour essayer de voir la mesure des agents halogénés puis rentre les mesures indiquées par Roland dans le logiciel de simulation. Lorsqu’il perçoit que les infirmiers ont vu la mesure du TOF tomber à zéro, il est satisfait. Il ajuste ensuite certains paramètres comme le lui demande Roland et observe l’activité des formés. Il regarde le scénario et se prépare à faire démarrer les paramètres correspondants à l’étape post-intubation du patient. Pendant ce temps, il continue d’observer et partage avec Roland son impression sur le fait que les que formés sont attentifs et efficaces. Lorsque Roland se demande si Alice a bien positionné le tube, Jonas observe les paramètres du mannequin, lorsqu’il voit le CO2 augmenter, il est rassuré et considère sa participation comme terminée. Il observe de manière générale ce qui se passe et trouve qu’Alice réagit de manière efficace aux commentaires de Thibault.

Le Verbatim 4 concerne le débriefing de la Simulation 1. Roland demande aux infirmiers quels sont les critères d’une ventilation au masque facial. Charles demande alors s’il doit évoquer ce qui s’est également passé en simulation et parle d’un point qu’il a ressenti

comme source de difficulté pour ses collègues (au moment de la simulation, il simulait l’activité d’ l’infirmier instrumentiste). Il s’agit de la résistance du ballon d’insufflation qui selon lui empêche de donner les volumes correspondants à ceux donnés dans une situation réelle. Roland répond que le mannequin ne peut effectivement pas recevoir les volumes réels puis reprend Charles sur une mesure qu’il vient de donner et interroge les formés sur les conséquences d’une pression excessive.

Au cours de son auto-confrontation, Charles énonce que le thème des critères de ventilation au masque facial a été un sujet d'examen récent dans le cadre de leur formation. Il fait également état de l’impression qu’il a eue de ne plus savoir s’il devait parler de la situation de simulation ou si Roland était passé à la suite du débriefing. Il énonce alors la difficulté qu'il a perçu alors qu'il était en salle d'opération, et se rend compte que Roland lui demande de détailler la mesure de pression à ne pas dépasser pour la ventilation au masque facial plutôt que ce qui s'est passé au cours du cas.

Le Verbatim 5 concerne également le débriefing de la Simulation 1. Les formés sont en train de visionner le moment de la simulation ou les formés se présentent au mannequin.

Roland interpelle alors Alice et lui demande d’expliquer ce qu’elle faisait au moment où il a arrêté la vidéo. Alice énonce alors qu’elle ne savait plus quelle était l’opération à mener et donc ne savait pas quel curare préparer. Afin de ne pas angoisser le patient, elle montre les deux seringues à François en pensant qu’il comprendra son message. Roland énonce qu’il vaut mieux demander directement plutôt que de prendre le risque d’être mal compris. Alice maintient tout de même qu’elle se sentait gênée de poser une telle question devant le patient.

Elle énonce lors de l’entretien d’auto-confrontation, que lorsque Roland l’interroge, elle essaie de verbaliser ce à quoi elle pensait durant la simulation. Elle exprime la confusion qu’elle ressentait alors. Elle concède que Roland a raison de dire que le fait de demander clairement une information a son collègue en cas de doute est important mais elle pense qu’il est également très important de ménager le patient.

4.1.2. Analyse

La séance de formation regroupe des étapes réunissant des unités d’action se regroupant a) en séquences et b) en séries. Les séquences unissent plusieurs unités d’action correspondant à des engagements (E) analogues. Les séries réunissent des unités d’actions non tenues par des relations de dépendance séquentielle. Il s’agit de préoccupations permanentes mais s’actualisant au fil du temps. Nous nous centrons également sur c) l’étude

de la synchronisation des différentes activités entre les participants. Nous présentons également ci dessous un tableau récapitulatif (Tableau 1). Les séquences et les séries suivantes sont dites « types » car nous avons pu les observer au cours des trois études de cas.

Séquences Séries

Formés Formés Formateurs

Lire le dossier Ne pas angoisser le patient Faire parler le robot Répartir les tâches S’assurer que tout va bien

Séquences

-Nous présentons ci-dessous les séquences concernant l'activité des formés.

Séquence: « lire le dossier »

Le formateur présente le cas aux formés qui devront agir directement sur le mannequin (interne en anesthésie et infirmier anesthésiste). Le formateur transmet les informations jugées nécessaires à la réalisation du cas. Ils sont attentifs aux données et posent quelques questions.

Roland: Monsieur Moulin est de retour, Charles: oui

Roland: pour une hernie inguinale bilatérale par tomie Charles: D'accord

Roland: c'est un Monsieur qui pèse 95 kg pour 197...Il a grandi hein depuis la dernière fois! Et puis voilà il est (inaudible) il est juste connu pour de l'asthme allergique aux poils de chat

Charles: d'accord

Roland: et puis, manque de bol, il a une hernie hiatale avec un reflux gastro-œsophagien.

Séquence: « répartir les tâches »

Il s'agit du moment où les formés se répartissent les tâches à accomplir lors de l'intervention.

Charles: parfait (à Mann) on organise un peu notre matériel hein Monsieur?

François: alors écoutes...(...) Charles: toi tu travailles à la tête.

François (inaudible).

Charles: d'accord donc moi je vais faire l'induction directement, donc comme c'est une AG crush je vais pas avoir besoin du Rocu.

Séquence: « entrer dans la fiction »

Les formés se concentrent pour intégrer les activités qu’ils doivent simuler entre eux et face au mannequin. Par exemple, dans le passage extrait de l'auto-confrontation, Alice, qui simule l’activité de la chirurgienne, va spontanément parler au patient pour se présenter tout en préservant son souci de cohérence face au scénario.

Chercheur: Ok là il se passe quoi?

Alice: alors là je me suis sentie complètement déstabilisée par sa réponse quand il m'a dit « On m'a dit que c'était un Monsieur qui m'opérait » Je me suis dit « euh...et l'égalité des sexes alors? » Voilà donc j'étais un peu surprise par ce qu'il me disait, je me suis dit c'est pas parce que t'es une femme que t'es moins compétente qu'un homme. Donc ouais sur le coup oui j'étais un peu désarçonnée par ce qu'il m'a dit.

Chercheur: et tu lui répond un truc...

Alice: ben que mon collègue va venir plus tard quoi.

Alice: ben que mon collègue va venir plus tard quoi.

Documents relatifs