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4. Description et analyse des résultats

4.2. Le débriefing

4.2.2. Analyse

Cette sous partie étudie a) les éléments de structure du débriefing, b) les éléments de l'activité du formateur, c) les éléments de l'activité des formés et d) les interactions entre le formateur et les formés.

Éléments de structure du débriefing

Les trois séances de débriefing observées montrent une structuration à visée essentiellement normative. Il s’agit en effet principalement de faire assimiler aux formés des principes de base concernant la procédure en anesthésie mais également au sujet de la gestion des équipes en salle d’opération avec les différents imprévus ou tensions que cela comporte.

Au cours des débriefings le formateur demande fréquemment aux formés de réagir sur des éléments de procédure ou de donner leur avis sur des actions effectuées au cours de la simulation. Il cherche à leur faire énoncer les règles qu’ils doivent connaître comme des rappels de procédure, l’énonciation de certaines règles du métier ou encore la délimitation des possibles Par exemple au cours du débriefing de la Simulation 3, Roland sollicite les formés au sujet des propriétés de la sonde d’aspiration Yankauer (un type particulier de sonde). Il pose des questions ouvertes mais néanmoins très ciblées sur l’objet de la discussion :

Roland : disons qu’avec la Yankauer qu’est-ce qui va faire la différence ? Entre l’aspiration rouge et la Yankauer ?

Charles : elle est rigide.

Roland .elle est rigide, vous pouvez aller assez loin.

Alice: elle est plus large.

Roland : elle est plus large donc vous pouvez aspirer les gros morceaux. Qu’est ce qu’il y a encore comme facilité d’usage de cette sonde ?

Alice : ben étant donné qu’elle est plus courte elle est plus facilement maniable.

Roland : aussi ! Donc justement dans la maniabilité qu’est ce qu’on peut trouver comme qualité de cette sonde ?

Au cours de l’auto-confrontation Roland parle de son intention de procéder à un recueil des éléments qui auraient pu faire que l’action de Charles devienne réussie au sujet de l’intubation qu’il a manquée. Il introduit de cette façon une délimitation des possibles dans l’action et s’assure par ce biais de la bonne maîtrise des concepts de la part des formés (si la table avait été correctement réglée, si Charles était allé moins vite au cours de la laryngoscopie etc.). Il ajoute ainsi un aspect virtuel à la simulation en mobilisant des évènements qui auraient pu se produire au cours de l'étude de cas.

Ces aspects normatifs et virtuels du débriefing sont très certainement dû au fait que les

formés soient, au moment de l’observation, au début de leur cursus de formation spécialisée.

Un des objectif de cette après-midi de formation est donc sans doute de leur faire expérimenter divers cas et de tester leurs connaissances théoriques en lien avec des situations de plus en plus complexes.

En ce qui concerne l’utilisation de la vidéo au cours des débriefings, on peut noter qu’elle a essentiellement une fonction d’illustration des différents aspects théoriques énoncés ou permet l’énonciation de la procédure à respecter en pareille situation. Par exemple, toujours au cours de la troisième simulation, les participants visionnent le moment où le patient vient de régurgiter et où les infirmiers doivent passer sur une procédure d’induction séquence rapide. Roland arrête alors la vidéo

Roland : imaginez que là, le patient désature, qu’est ce qu’il convient de faire ? Là il a 80 de saturation Alice : on le curarise pas ?

Charles : je ferais une intubation sans curare, ce ne sont pas les conditions optimales ni pour nous ni pour la patient mais c’est pour la sécurité.

Roland : parce que l’intubation, est ce qu’on ne peut pas faire quelque chose avant ?

Roland se sert ici des valeurs affichées sur l’écran du scope pour introduire un élément supplémentaire (la dé-saturation du patient) et le faire commenter aux infirmiers. Il attend d’eux qu’ils énoncent les différentes actions possibles à mener et les guide sur l’élément qu’il souhaite leur faire dire.

Le recours à la vidéo est toujours précédé d’un premier recueil des impressions des formés et parfois d’un apport théorique plus conséquent portant sur la pharmacologie ou la procédure d’intubation.

Éléments de l’activité du formateur

Au cours de l’auto-confrontation Roland définit sa fonction au sein du débriefing comme étant celle de synthétiser les apports des formés. On peut également voir qu'il valide les propositions au fur et à mesure, qu'il attire l'attention des formés sur certains éléments et qu'il propose également certains conseils ou « astuces » concernant l'organisation de l'activité ou la manipulation des objets. On peut noter qu'il ne se définit pas comme ayant une activité principale de conduite ou de supervision du débriefing mais qu'il souhaite laisser avant tout la parole aux formés en intervenant pour les guider sur la réponse qu'il souhaite leur faire produire.

Il souhaite que les formés acquièrent une rigueur d'attitude pendant la formation sur simulateur en ce qui concerne certains critères de qualité. Autrement dit, il souhaite que la

simulation doublé du débriefing permettent aux infirmiers de se rendre compte que certains éléments de leur pratique sont à améliorer, que certaines connaissances en matière d'anesthésies soient consolidées ou au contraire réfutées.

Nous pouvons rapprocher cela de la notion d'interprétant (I) développée par Theureau (2004, 2006). Selon notre perspective, le moment du débriefing permettrait la production de savoirs validés ou invalidés au moment de l'activité même de débriefing qu'il s'agisse des interactions avec le formateur, pendant le visionnage du film ou pendant que les formés explicitent leur vécu. L'enjeu est alors pour le formateur d'aider à la création d'interprétants en attirant l'attention sur des éléments, en faisant, par exemple, verbaliser leur ressenti aux formés.

Nous ne savons pas si ces interprétants ont effectivement été acquis au cours du débriefing et de la formation de manière plus générale. Toutefois, l'intervention de Roland au cours de son auto-confrontation montre qu'il souhaite que les formés acquièrent des interprétants au cours de l'étude de cas et du débriefing.

Éléments de l’activité des formés

L’analyse de l'expérience des formés au cours de la séance de débriefing met en évidence un sentiment de gêne dû au visionnage du film mais également à la présence du groupe. Charles parle de son embarras vis-à-vis de ses collègues et des formateurs, lorsqu’il visionne le film de la troisième simulation au cours de laquelle il a éprouvé des difficultés. Il se rend compte par ce biais des éléments qui y ont contribué et se sent gêné par les conclusions qu’il a faites à la fin de la simulation relatives à la mise en place d’ un piège de la part des formateurs.

L’utilisation de la vidéo permet aux formés d’analyser de manière différente leurs actions au cours de la simulation et de repérer des sources potentielles d’erreur auxquelles ils n’avaient pas prêté attention au cours du cas dans la salle d’opération. Ces constats conduisent donc à une gêne et à difficulté d’admettre les erreurs commises malgré le fait que la formation sur simulateur ne soit pas un objet d’évaluation ait été énoncé par les formateurs au début de la séance. Charles fait part à ce sujet d’un sentiment paradoxal constitué de la conscience que les erreurs en simulation sont une source d’apprentissage et d’une frustration de n’avoir pas pu réussir l’exercice comme il le souhaitait.

Toutefois, l’utilisation du support vidéo permet une certaine forme de décentration et de «dédramatisation» des erreurs. Lors du visionnage du film les formés semblent plus

focalisés sur l’analyse de l’action qu’ils ont menée plutôt que sur leurs états mentaux. Ils perçoivent alors l’écart entre leur vécu et ce que leur montre la vidéo. Ainsi lorsque Charles se voit réagir rapidement lors de l’épisode où le patient régurgite, il est étonné car il avait ressenti l’événement comme étant beaucoup plus long lors de la simulation et se sent rassuré de voir que son geste a été efficace malgré la perception négative qu’il en avait.

Roland: t'as mis je crois moins d'une seconde pour rapidement faire l'action il me semble

Charles: Ouais en fait j'étais étonné parce que ça m'a semblé très long là-bas et là je me rends compte que c'est pas trop mal efficient quoi.

On remarque également l’émergence de débats ou de controverses mais qui ne sont que peu poursuivis dans la discussion. Par exemple au cours du débriefing suivant la Simulation 1, Alice énonce que le moment d’hésitation qu’elle a eu dans la simulation et sur lequel l’interroge Roland au cours du débriefing est dû au fait qu’elle essayait de faire comprendre par ses gestes à son collègue quelque chose qu’elle ne souhaitait pas dire devant le patient de peur de l’angoisser. Roland lui rappelle qu’il vaut mieux s’adresser directement à son collègue pour éviter les malentendus mais Alice continue de penser même au cours de l’auto-confrontation qu’elle a agi de manière correcte.

François fait également part d’un sentiment similaire lors du débriefing de la Simulation 3 où Charles demande que quelqu’un baisse la table d’opération alors que le patient régurgite. Roland attire leur attention sur le fait qu’un appel à l’aide doit être dirigé vers une personne en particulier. François est d’accord avec ce principe mais ne semble pas avoir trouvé cette situation problématique lors de la simulation du fait qu’ils étaient trois dans la salle d’opération et que l’appel était forcément dirigé vers une des deux personnes présentes. Il s’est dirigé naturellement vers la table lorsqu’il a vu qu’Alice était bloquée de l’autre côté sans que cela ait créé de complications particulières.

Ces deux interventions soulèvent des problématiques qu’il aurait été intéressant de traiter au cours de débriefing, en ce qui concerne les valeurs devant primer dans l’action (confort du patient ou sécurité de l’opération ? Appel dirigé ou rapidité de l’intervention ? ) ou encore sur la valeur des actions en simulation ou en situation réelle. Qu’est-ce qui fait qu’une action simulée est considérée comme valide ou pas ? François s’est senti concerné par la situation et par l’appel de Charles malgré le fait qu’il ne soit pas directement désigné alors que la manœuvre d’aspiration du liquide gastrique faite sommairement par Charles mais annoncée à haute voix selon les critères établis au début de l’après-midi de formation a vraisemblablement été considérée comme correcte.

Les interactions entre formés et formateurs

L’analyse des auto-confrontations a mis en évidence un aspect intéressant que nous avons déjà évoqué plus haut. Le formateur Roland cherche majoritairement à laisser s’exprimer les formés et synthétise leurs apports en ajoutant ensuite ce qu’il a à dire. Lorsque les formés relèvent des éléments qui lui semblent pertinents, il les laisse continuer sans intervenir, ne ressentant pas le besoin d’ajouter quoi que ce soit. Ce choix pédagogique semble parfois interprété différemment par les formés. Bien qu'ils semblent avoir compris que Roland effectuait souvent la conclusion d’un « chapitre » du débriefing en synthétisant les différents apports. Charles dit se sentir gêné par le fait que la discussion ne soit pas

« relancée » par Roland ou ses collègues Alice et François.

Au cours de son auto-confrontation, il dit avoir l’impression de prendre régulièrement la parole au détriment de ses collègues et que cela est partiellement dû au fait qu’il ressente des moments de latence au cours du débriefing. Cela lui procure un sentiment d’inconfort car il se compte qu’il monopolise la parole mais a le sentiment que, sans ses interventions, la discussion aurait de la peine à se relancer. On voit apparaître une différence entre les perceptions de Roland et celles de Charles. Là ou Roland perçoit les interventions de Charles comme pertinentes et sur lesquelles il ne ressent pas besoin d’intervenir, Charles se sent obligé par le fait que Roland ne réagisse pas et que ses collègues se situent plus «en retrait» de la discussion, de continuer à intervenir sans doute de crainte de voir la discussion s’essouffler.

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