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4. Description et analyse des résultats

4.4. La construction de connaissances nouvelles au sein de la formation par simulation:

Le but de cette partie est de reconstruire le parcours d'un formé à la formation et d'étudier la construction de savoirs nouveaux au cours de la formation sur simulateur. Il s’agit de détailler les différents éléments constitutifs d’une difficulté rencontrée par le formé Charles au cours de la troisième simulation, et d’en étudier les origines et les éventuelles répercussions en termes d’apprentissage et de développement en ce qui concerne la manœuvre de la laryngoscopie.

4.4.1. Description

Cette sous-partie décrit a) le point de vue du formateur Thibault lors du débriefing de la Simulation 1, b) le point de vue du formé Charles lors du cas de Simulation 3, c) le point de vue de la formée Alice lors de cas de la Simulation 3, d) le point de vue du formateur Roland en salle de contrôle lors de du cas de la Simulation 3, e) le point de vue du formateur Roland après le cas de la Simulation 3 et f) le point de vue du formé Charles après le cas de la Simulation 3.8

Le point de vue du formateur Thibault lors de la Simulation 1

Au cours du débriefing de la Simulation 1, le formateur Thibault effectue un apport théorique en ce qui concerne la manœuvre de l'intubation. L'épisode étudié prend place au moment où Thibault demande à Charles quelles sont ses préoccupations avant d'effectuer l'intubation. Il vient d'interroger Alice et François qui ont donné quelques réponses. Charles parle des étapes de l'intubation.

Pendant qu'il écoute Charles décrire les différentes étapes, il se dit qu'il reviendra sur les points abordés par ce dernier car, il juge l'intervention incomplète. il anticipe également la suite du débriefing et fait état d'un état de tension entre la concentration qu'il met pour écouter et évaluer l'apport de Charles et l'anticipation qu'il fait en ce qui concerne la suite de l'intervention.

Thibault: bon disons qu’il passe, il va un peu vite quoi c’est un peu comme si il disait « pour passer de la 1 ère à la 2ème je prends levier de vitesse, j’appuie sur la pédale, je tire sur le levier j’enclenche la vitesse, je relâche » et il m’a pas dit comment il passait d’une étape à l’autre quels étaient ses critères de décision pour continuer

8 Les retranscriptions sont disponibles dans le dossier d'Annexe (Annexe 5)

son geste ou l’arrêter. Donc je vais revenir à un moment donné aussi sur les difficultés. Parce que comme il l’a décrit ça paraît très simple, il peut y avoir d’autres contraintes ou des difficultés

Il écoute ensuite l'intervention d’Alice au sujet de la curarisation et de la profondeur du sommeil du patient et réagit sur l'importance de ce qu'elle vient d'évoquer. Cette intervention lui permet ensuite d'enchaîner avec la synthèse qu'il avait prévu du faire auparavant. Il y détaille les étapes de l'intubation et fournit une astuce technique pour mieux réussir à chasser la langue sur le côté.

Thibault: voilà donc j’ai validé, j’ai redit un peu les étapes de ce qu’on a dit. Les dents la langue la position de la langue etc. et puis Charles, tout à l’heure il a fait un truc « je descends, je vois l’orifice » enfin je ne sais plus enfin il est allé assez vite et moi je m’arrête là parce qu’à mon avis on est pas encore allé au bout…

Chercheur: c’est là donc que tu reprends les points de Charles

Thibault: tu vois là j’essaie de refaire sortir, on en a pas parlé encore, les derniers moments avant l’intubation qu’est ce qu’on a comme repères anatomiques.

Le point de vue de Charles lors de la Simulation 3

L'épisode décrit ici prend place au cours de la Simulation 3. Charles est en train de se concentrer pour entrer en jeu. Il observe les paramètres médicaux du patient et plus particulièrement la courbe de CO2 afin de voir si son action de ventilation est efficace. Il se concentre pour agir de manière habituelle dans ses interactions avec le mannequin.

Charles: (...)je pense que je commence à être un petit peu dedans parce que je commence à regarder les moniteurs là en haut… donc je commence à vérifier des paramètres.

Il observe ensuite l'action de sa collègue Alice qui injecte le premier médicament. Il a le sentiment que tout se passe comme prévu. Il se sent concentré.

Il est ensuite déconcentré par l'intervention de Jonas qui fait parler le mannequin au sujet du médicament injecté Il hésite à répondre mais 'en fait rien. Après cette intervention, il se concentre pour reprendre l'activité.

Chercheur: on voit un sourire là

Charles: oui ça me fait rire ce moment-là. Donc le collègue qui fait parler le mannequin. C’est un petit peu déstabilisant déjà parce qu’en principe à ce moment-là le patient parle pas. Il peut effectivement tout d’un coup dire quelque chose, mais ils sont eux-mêmes avec beaucoup d’appréhension et ils sentent qu’ils vont commencer à s’endormir donc ils se recentrent un peu sur eux-mêmes et puis…c’est déstabilisant parce qu’on lui injecte un médicament qui lui rappelle les effets psychotropes de…

Chercheur: de sa jeunesse

Charles: …de sa jeunesse avec ce qu’il consommait…et puis ben, j’hésite à dire au patient « effectivement oui ça peut vous rappeler ça (...)

Dès qu'il remarque que le taux d'oxygénation sur le scope a atteint la valeur de 80 % il l'annonce à sa collègue qui procède à l'injection du médicament suivant, qui va endormir le patient. Il pense que sa collègue ne voit pas le scope et l'annonce à haute voix. Il fait

également attention à ne pas trop parler devant le patient.

Il est attentif ensuite à l'injection à laquelle procède Alice Il sait que le patient va cesser de respirer et qu'il va devoir prendre le relais. Il est au maximum de sa concentration.

Charles: là c’est un peu, je dirais, le moment culminant quoi, c’est-à-dire qu’on va devoir prendre le relais des fonctions respiratoires du patient, donc après on va essayer de le ventiler, c’est le moment où il peut arriver justement pas mal de complications potentielles, juste après il y’a la séquence d’intubation qui est aussi très délicate. Donc, c’est assez intense ce moment là.

Une fois que le médicament est totalement injecté par sa collègue puis recherche les signes d'endormissement du patient. Il l'appelle, observe une respiration plus lente.

Chercheur: vous lui parlez,

Charles: je lui parle. Ça me permet de voir s’il va effectivement prendre une grande respiration, donc…C’est quelque chose que je fais couramment. Sitôt que c’est injecté, quand je sens que le patient commence à baisser un peu…

Puis, le mannequin émet des bruits de régurgitation. Charles se sent déconcentré et agité. Il se demande un instant que faire puis saisit la sonde d'aspiration qui se trouve à côté de lui. Il demande à quelqu'un 'un de baisser la table en position déclive. C'est François, qui simule l’activité de chirurgien qui s'en occupe.

Chercheur: et alors à l’intérieur, il se passe quoi ?

Charles: ben à l’intérieur il y a un petit moment, pas de panique mais d’agitation, j’essaie de recentrer un peu mes idées et de me dire « régurgitation : qu’est ce qu’il faut faire ? Faut aspirer faut qu’on baisse la table etc.»

Et puis, j’ai dit oralement d’ailleurs j’ai demandé comme il y ‘a une personne là dans le coin « Est ce qu’on peut baisser la table », j’ai pris la sonde d’aspiration et puis euh…

Il fait mine ensuite d'aspirer le liquide gastrique. Il se sent déconcentré et conscient du fait qu'il se trouve en situation d'exercice. Il annonce à haute voix son geste à destination des formateurs en salle de contrôle.

Charles: bon là, et puis là j’ai décroché parce que je dis en marrant, je dis « Ça y est, j’ai tout aspiré » du style

« c’est bon , vous avez entendu, j’ai fait mon geste, j’ai tout aspiré».

Chercheur: parce que l’aspiration est un peu sommaire ?

Charles: là oui oui, l’aspiration est tout à fait sommaire là. Là du coup j’ai décroché.

Les régurgitations du patient obligent les infirmiers à passer d'une induction normale à une induction à séquence rapide. Charles ne s'est jamais retrouvé confronté à cette situation et tente alors de se rappeler la marche à suivre pour lui qui se trouve à la tête du patient. Il se sent déstabilisé et attend de voir si sa collègue va prendre la direction des opérations.

Charles: Et puis j’ai presque envie de m’appuyer sur ma collègue. De me dire « est ce qu’elle va prendre la main dans la situation ? ». De dire « Je fais mon injection est-ce que t’es prêt pour l’intubation ? On ventile pas, on fait ci on fait ça » Je me suis dit peut-être qu’elle va me donner les directives pour s’entraider un peu et puis en fait, elle était pas prête non plus j’ai l’impression, de mon ressenti, elle était aussi un peu surprise.

L'annonce au micro par Jonas des fasciculations du patient permet à Charles d'entamer

l'intubation du patient. Il se concentre et commence. Il sent alors que la table est trop basse pour lui et est perturbé par la rigidité du mannequin en plastique. Il pense alors que l'intubation va être rendue difficile par ces différents éléments.

Chercheur: on voit une position très concentrée là.

Charles: ouais je suis très concentré et puis c’est surtout que là je retombe sur des gestes entre guillemets connus on va dire. À notre stade d’apprentissage, c'est pas encore du courant, mais je retombe sur une gestuelle que j’ai comprise et donc je comprends le déroulement.

Au cours de l'intubation, il éprouve des difficultés à chasser la langue du mannequin sur le côté. Il se sent de plus en plus agité et pense qu'il rencontre un problème. Il tente de faire une pression sur la gorge du mannequin afin de mieux visualiser mais cela ne fonctionne pas.

Charles:voilà, là j’essaie de faire une pression pour mieux voir.

Chercheur: une pression sur la gorge ?

Charles: voilà, là je pose la main, et je ne comprends pas en fait au moment où je pose la main, je me dis y a un truc qui joue pas Je suis complètement de travers en plus.

Il éprouve tant de difficultés qu'il se met à penser que les formateurs ont modifié le mannequin pour rendre l'intubation plus difficile. Il repense à ses collègues qui ont tous deux réussi leurs intubations sans problèmes et pense qu'il a écopé du cas le plus difficile.

Chercheur: ah OK vous êtes en train de vous dire ça à ce moment-là

Charles: voilà, parce que je crois que mes deux collègues étaient passés avant, tout s’était bien passé, Cormack 1 et tout, et puis je me dis j’y arrive pas, et puis on me présente un patient qui cause pendant l’oxygénation, ensuite on me fait le coup du reflux gastro-œsophagien, et puis là maintenant je me dis j’y arrive pas, ils ont dû modifier une partie du mannequin pour nous faire faire une intubation difficile.

Ne parvenant toujours pas à voir les repères anatomiques, il passe le relais à Alice et observe son intubation. Il commence à anticiper les actions possibles en cas d'un échec de sa part.

Chercheur: là vous avez, vous cherchez quelque chose, vous pensez à quelque chose ?

Charles: ben je me dis, on va voir si effectivement y a un piège ou pas. Là il y a ma collègue qui va le faire, et puis soit ça va pas jouer et elle va pas y arriver non plus et puis dans ce cas, y a eu une embûche de plus, une difficulté de plus qu’il ont mis sur le parcours. Donc je me dis. « Soit. Réfléchissons déjà à l’avance, si ça marche pas qu’est ce qu’on fait ?

Alice réussit l'intubation. Charles lui passe les différents objets dont elle a besoin pour terminer l'intubation et ausculter le patient. Il sent gêné dans ses mouvements et se demande s'il va réintégrer sa place à la tête du patient.

Charles: donc je suis un peu la main d’œuvre à côté qui donne les objets ou autre chose, les rôles ont été un peu bousculés là.

Au cours de l'auto-confrontation, il exprime également le fait d'être en permanence en attente d'une complication. Ce sentiment est particulier à la situation de simulation car le

caractère programmé du cas lui laisse penser qu'il va être en quelque sorte mis à l'épreuve par un élément inhabituel. Cet état de vigilance ne semble pas être identique à celui dont il use en situation réelle. Ici, pour Charles, le caractère simulé de la situation confère un côté

« stimulant » et une possibilité de tester sa capacité de concentration.

Le point de vue d’Alice lors de la Simulation 3

L'épisode analysé se passe au moment où Charles commence à intuber le patient. Alice est de l'autre côté et commence à être attentive à ce que fait Charles. Elle est alors embarrassée par le plateau de médicaments qu'elle tient à la main et qu'elle ne sait pas où poser. Elle cherche à anticiper le moment de l'auscultation en prenant le stéthoscope.

Alice:alors ça c’est le plateau d’intubation, mais la solution de facilité tu poses ça sur le thorax du patient mais le patient n’est pas une table et c’est vrai que la je savais pas trop ou mettre mon matériel. Donc j’ai pris le stéthoscope parce qu’une fois qu’il a intubé tu fais l'auscultation.

Elle observe ensuite Charles au moment où il intube et lui demande s’il souhaite qu'elle l'aide à faire un appui sur la gorge du patient. Elle est consciente du fait que Charles ne pourra pas faire descendre le tube dans la gorge du patient et faire un appui en même temps.

Chercheur: qu’est ce qui te fais dire ça ? Tu vois un truc ?

Alice:non c’est que j’anticipe quoi y a des moment où c’est pas nécessaire, d’autres moments où ton collègue te demande de faire un appui. Sachant que c’est une séquence rapide il faut que ce soit fait vite

Charles lui demande alors de le remplacer pour effectuer l'intubation. Comme elle ne s'y attendait pas, elle se sent stressée et fait le tour de la table pour prendre la place de Charles. Elle se prend les pieds dans un câble et perd le micro cravate qu'elle portait.

Chercheur: donc quand il dit, je te passe la main t’es plutôt…

Alice: ben si tu veux, y a un petit coup d’adrénaline une décharge d’adrénaline là

Lorsqu'elle commence la laryngoscopie, elle se sent très concentrée.

Chercheur: et t’es toujours… ?

Alice: alors là non c’est marrant parce que autant quand il m’a dit tu prend la main, j’ai bien senti cette petite décharge d’adrénaline, et dès l’instant où je me suis retrouvée avec le laryngoscope et que j’ai mis la lame dans la bouche du patient j’ai l’impression d’être passée dans un autre état tu sais ? (…) J’y allais quoi, j’étais dans l’action en fait.

Elle termine ensuite l'intubation et anticipe les étapes de l'auscultation. La situation est revenue à la normale et Alice poursuit la simulation.

Chercheur: là tu dis j’y suis.

Alice: donc là j’ai passé les cordes vocales, j’y suis ça veut dire que j’ai passé les cordes vocales et que c’est bon, retirer le mandrin, gonfler le ballonnet…

Chercheur: donc la situation là…

Alice: elle est normale.

La Simulation 3 en salle de contrôle : le point de vue de Roland

L'épisode décrit prend place au moment où Charles commence à intuber le patient.

Roland et Jonas l'observent depuis la salle de contrôle sur leur écran. Roland perçoit la difficulté de Charles car le temps passe et Charles n'a toujours pas le tube en main mais les deux mains dans la bouche du mannequin. Roland se sent de plus en plus inquiet et commence à penser au type de difficulté que rencontre Charles, il anticipe également les scénarios possibles qu'il va pouvoir mettre en place pour faire réagir le mannequin de manière adéquate.

Roland: il a du mal ! Tu vois Chercheur: et à quoi tu vois ?

Roland: parce que le temps dure. Au bout de 20 secondes ils est toujours en train de chercher des difficultés qui n’existent pas. Et au bout de 20 secondes on se dit il a du mal parce que c’est trop long et puis tu le vois à son geste. Ici on le voit bien sur cette image, il n’a pas encore visualisé les structures, l’endroit ou il doit mettre son tube. S’il les voyait il aurait déjà le tube à la main pour le glisser dans la trachée. Il est même pas arrivé a cette première étape de visualisation des structures

Chercheur: et toi tu vois ça ?

Roland: je le vois parce qu’il a les deux mains dans la bouche du mannequin.

Il réfléchit ensuite à la manière la plus adéquate de prendre en charge l'erreur de Charles après la simulation. Il souhaite le ménager tout en lui faisant comprendre qu'il n y avait pas de difficulté particulière en ce qui concerne l'intubation. Il envisage différents scénarios puis énonce à des chercheurs présent dans la salle de contrôle, également présent en salle de contrôle, qu'il souhaite intervenir dès la fin de la simulation. Il ne souhaite pas que Charles pense que la complication était dirigée contre lui.

Roland: je suis en train d’expliquer ma stratégie d’intervention à <chercheur>, en disant, c’est ce que j’étais en train de réfléchir juste avant… en me disant comment je vais l’apporter? Est ce qu’on sort tout le monde, on fait le débriefing et après on demande ou bien avec les trois ou bien lui tout seul en disant vous voulez pas essayer encore une laryngoscopie ? C’aurait pu être le cas, mais pour éviter tout doute parce qu’il peut aussi se dire « ils m’ont mis une complication supplémentaire ils osent pas me le dire. En clair ils m’ont mis une peau de banane ils m’ont pas dit, ils m’ont piégé et c’est surtout pas ça qu’on veut faire avec la simulation.

Il se met ensuite à analyser la source de l'erreur de Charles après que leur chercheur lui ait demandé s'il a un avis sur la question. Il se base sur les cas les plus fréquents pour émettre une hypothèse sur la nature de la difficulté qu'il rencontre. Il attend de voir si son hypothèse sera confirmée au cours de son intervention après la simulation

Roland: j’ai pas tous les éléments d’analyse en fait et je me base sur ce qui arrive le plus souvent. C’est-à-dire la majorité des cas dans une situation de stress comme celle-ci les gens vont un peu trop loin avec leur

Roland: j’ai pas tous les éléments d’analyse en fait et je me base sur ce qui arrive le plus souvent. C’est-à-dire la majorité des cas dans une situation de stress comme celle-ci les gens vont un peu trop loin avec leur

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