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Des performances économiques erratiques et inégales

4. Risques, blocages et options de sortie

4.7. Quel rôle de l’Etat pour quelle régulation ?

3.2.2. Des performances économiques erratiques et inégales

Sur la période de libéralisation (depuis les années 1980), le secteur agro-alimentaire a enregistré des performances relativement faibles : 2,16 % de croissance en moyenne contre 3,4% pour l’ensemble de l’économie et 0,25% contre 1,5%, respectivement, par rapport à la population (Doukkali, 2005). Favorisé par une succession d’années de sécheresse, le ralentissement de la croissance va se poursuivre entre 1991 et 2002 (1,6% en moyenne annuelle), l’agriculture pluviale (céréales, légumineuses, oléagineux) ayant été particulièrement frappée par l’aléa climatique. De fait, la production céréalière a enregistré une réduction moyenne de la production de 1,74 % sur la période. De même l’amplitude des fluctuations a contribué à l’instabilité des revenus des agriculteurs.

Plusieurs facteurs permettent d’expliquer cette évolution (Doukkali, 2005) :

(i) L’extension de la location du matériel agricole, encouragée par la détaxation à l’importation et le subventionnement. Cette mécanisation des travaux, bien que menée dans des conditions peu optimales, a favorisé l’emblavement de grandes étendues et l’extension des cultures à des zones marginales, beaucoup plus sensibles aux variations climatiques.

(ii) La précarité des statuts fonciers et les garanties de la propriété des terres par leur mise en cultures ont été un facteur incitatif non négligeable : la protection douanière et de

subvention à la consommation, ainsi que la fixation, dans les années 1970, de prix dits

«rémunérateurs» plus favorables au blé tendre ont provoqué une extension considérable de ce dernier.

La mécanisation a été nettement défavorable aux légumineuses (poursuite depuis 1991 de la baisse en termes de superficie et de production avec des taux de croissance annuels moyens respectifs de -1,57 % et -2,71 %): charges en main d’œuvre élevées, prix relatifs peu incitatifs, etc. Dans la même perspective, la libéralisation du secteur n’a pas été sans induire une diminution des prix engendrant une chute spectaculaire (plus de 75%) de la superficie et de la production des oléagineuses.

Les cultures maraîchères, l’arboriculture fruitière, les cultures sucrières et les fourrages, situées pour l’essentiel dans les zones irriguées ont dans l’ensemble connu certaine une extension de leurs superficies, mais cette dernière n’a pas été suivie par une progression des rendements.

Pour les cultures sucrières, l’impact négatif de la libéralisation des assolements semble avoir été amorti grâce aux garanties de la commercialisation et à la priorité d’irrigation accordée par les Offices régionaux de mise en valeur agricole.

Les agrumes (la plus importante culture fruitière du pays en termes de production et d’exportations) ont vu leur superficie passer de 73.700 hectares en 1990-1991 à plus de 77.000 hectares en 2001-2002 avec toutefois des fluctuations amples de la production variant entre 0,98 million de tonnes en 2001 et 1,56 million de tonnes en 1998.

Les subventions accordées aux équipements d’irrigation et aux installations frigorifiques dans le cadre du Fonds de Développement Agricole (FDA), ainsi que l’organisation des producteurs en coopératives de conditionnement et de commercialisation ont joué un rôle important dans le développement des superficies des rosacées fruitières (autres que les amandiers). Le rôle régulateur de l’Etat n’est pas moins significatif dans le cas du maraîchage de saison (86,8 % de la superficie totale) : le fléchissement observé entre 1991 et 2002 est attribué aux faibles fournitures en eau d’irrigation par les Offices de mise en valeur au maraîchage d’été, jugé trop consommateur d’une ressource fréquemment rationnée.

3.2.2.1. Productivité globale des facteurs et extensification de la production

L’examen de l’évolution de la productivité globale des facteurs (PGF) entre 1961 et 2002 révèle une expansion de l’activité agricole fondée sur une plus grande mobilisation des ressources par le secteur. Toutefois l’extensification de l’agriculture n’a pas manqué d’entraîner une croissance négative de la PGF dans le secteur (figures 3.10 et 3.11).

La progression de la PGF au Maroc sur la période 1982-1992 est associée à l’usage intensif de la production. De fait, la décomposition de la croissance de la PGF en gains d’efficience technique et en gains liés au changement technique montre pour le Maroc une évolution en longue période marquée par des phases de progression et de recul en termes d’efficience technique et de changement technologique. De sorte que sur l’ensemble de la période sous-revue (1961-2002), on constate un net recul dans le cas du Maroc (au même moment la Tunisie par exemple a enregistré une légère amélioration). Les progrès accomplis par le Maroc au cours des années 1960 en termes d’efficience technique semblent de ce fait rognés par la détérioration enregistrée en termes de gains technologiques débouchant, au total, sur une nette régression de la PGF. Cette tendance va se poursuivre au cours de la

décennie 1970 avant de subir, notamment depuis 1992, un infléchissement en termes de changement technique, infléchissement toutefois contrebalancé par les pertes d’efficience technique débouchant sur une stagnation du secteur tout au long de la période.

Figure 3.10. Taux de croissance moyens de la production agricole nette et de la productivité globale des facteurs entre 1961 et 2002 (prix constants 1999-2201, $US)

Source : Doukkali (2005)

Figure 3.11. Taux de croissance moyen de la PGF par décennie entre 1962 et 2002

Source : Doukkali (2005)

3.2.2.2. Productivités partielles des facteurs et degrés d’intensification

En comparaison internationale (échantillon de 14 pays), le Maroc a enregistré, au cours de la période 1993-2002, l’une des plus faibles productivités par hectare cultivé et par actif employé (Doukkali, 2005, figures 3.12 et 3.13). De fait, la productivité à l’hectare cultivé représente 11,3 % de celle réalisée par la Corée du sud, 11,8 % par rapport à l’Égypte et 12,6 % pour l’Irlande. Par rapport aux pays de l’échantillon à productivité moyenne, la productivité à l’hectare au Maroc représente 22,9 % de celle du Chili et 25,5 % de celle de la Grèce.

Parallèlement la productivité du travail est encore plus médiocre, le Maroc occupant une position nettement inférieure par rapport aux autres pays (68% de la valeur réalisée par l’Égypte, 62 % par rapport à la Turquie et moins de 50 % par rapport à la Tunisie).

Les faibles performances du Maroc, comparé aux autres pays, peuvent être observées tout à la fois dans le domaine de la mécanisation et de l’intensification de la production (figure 3.14). Le Maroc occupe, avec la Tunisie, la dernière place en termes de mécanisation, de fertilisation et de productivité.

Figure 3.12. Indices de productivités moyennes par unité de SAU et par actif employé dans l’agriculture entre 1993 et 2002 (Productions à prix constants 1999-2001, $US)

Source : Doukkali (2005)

Figure 3.13. Taux de croissance annuels moyens de la productivité de la terre et du travail entre 1961 et 2002 (valeurs de la production à prix constants 1999-01, $US)

Source : Doukkali (2005)

Figure 3.14. Indices de productivité moyenne par unité de fertilisants et par tracteur entre 1993 et 2002. (Productions à prix constants 1999-01, $US)

Source : Doukkali (2005)