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Population active et emploi

4. Risques, blocages et options de sortie

4.7. Quel rôle de l’Etat pour quelle régulation ?

1.2.2. Population active et emploi

La population active marocaine (âgée de 15 ans et plus) continue de croître, même si son rythme d’évolution ralentit. Selon les dernières statistiques disponibles, relatives au quatrième trimestre 2005, elle atteint 11.2 millions de personnes (dont 3.1 millions de femmes), réparties quasiment à parts égales entre milieux urbain et rural (HCP, 2006b). Au regard des chiffres disponibles sur l’ensemble d’une année, ceux relatifs à l’année 2004 (HCP, 2000a), le taux global d’activité se situe à 36%, mais est distribué de manière très inégale entre les hommes (55%) et les femmes (18%). Après avoir évolué à un taux annuel moyen de 3.4% entre 1985 et 1990, son rythme d’accroissement annuel semble avoir baissé à 2.1% entre 2000 et 2005 (BM, 2006a). Une comparaison entre les effectifs de jeunes qui s’apprêtent à entrer dans la vie active et ceux qui s’apprêtent à en sortir montre que l’effectif additionnel de la population en âge d’activité s’élève en 2005 à 460.000 personnes. Même si ce chiffre devrait baisser à l’avenir, le marché du travail connaîtra encore une pression conséquente au cours des dix prochaines années avec une demande d’emploi additionnelle estimée à 380 000 personne par an (HCP, 2005b, figures 1.3 à 1.6).

Les seules branches d’activités « Agriculture, forêt et pêche » s’accaparent 42.8% de la population active, mais cette moyenne globale cache évidemment une grande disparité entre milieu urbain et milieu rural. Dans ce dernier, les activités en question emploient 79.5% de la population active alors que cette proportion n’atteint pas 4.8% en milieu urbain. Les industries manufacturières occupent à peine 12% de la population active, alors que la part des activités tertiaires (y compris les services personnels et domestiques, les services des administrations et des collectivités locales) atteint 30%, proportion qui monte cependant à 55.5% en milieu urbain (figure 1.3).

Figure 1.3. Figure 1.4.

La population active occupé s’est élevée à 9.8 millions de personnes en 2004, ce qui représente 86.4% de la population active totale3. Ce taux d’occupation apparaît cependant plus élevé en milieu rural (91.5%) qu’en milieu urbain (81.2%). On comprend dans ces conditions que la répartition de cette population occupée par secteurs d’activités soit légèrement différente de celle dégagée au niveau de la population active. En fait la principale différence réside au niveau de la branche « Agriculture, forêt et pêche » dont la part de la population employée s’élève encore à 45.8%, et à 80.4% plus particulièrement en milieu rural (Figure 1.4 et HCP, 2005a). Finalement, la population agricole occupée, celle travaillant dans des « exploitations agricoles » selon la classification officielle, a été évaluée à 4.4 millions de personnes en 2004. Cette population vit à 96% en milieu rural4, mais en revanche, on peut considérer que près de 20% de la population occupée en milieu rural travaille dans des activités non agricoles.

Figure 1.5. Figure 1.6.

Le volume de création d’emplois dans l’économie a rarement été à la hauteur de l’offre de travail exprimée par la population en âge d’activité. Le rythme de création nette d’emplois a sensiblement fluctué d’une période à l’autre au cours des dernières décennies : en moyenne annuelle, 152 000 postes de travail entre 1971 et 1982, 137 000 entre 1982 et 1994, et 217 000 au cours de la période 1995-2003 (Baraka & Benrida, 2005). Le chômage a donc pendant longtemps sensiblement augmenté. Entre 1960 et 1982, le nombre de personnes en chômage est passé de 304 000 à 643 000, soit une augmentation de 15 000 par an. La situation s’était encore aggravée entre 1982 et 1994, avec une moyenne annuelle de

3Au vu des données partielles relatives au 4ème trimestre 2005, cette population est passée à 9.9 millions de personnes (HCP, 2006b), ce qui de toute façon ne modifie pas significativement les résultats complets et définitifs de 2004, utilisés ici.

4 On a quand même dénombré 196 110 personnes occupées dans les exploitations agricoles mais résidant en milieu urbain (HCP, 2005a, p.511).

chômeurs additionnels de 57 000 personnes, ce qui porta les effectifs de chômeurs à 1 332 000. La situation s’est par la suite plus ou moins stabilisée puis a commencé à s’améliorer, se situant à près de 1 300 000 personnes en 2004. En termes relatifs, le taux de chômage global a augmenté de 10,7% en 1982 à 16% en 1994 pour baisser à 10,8% en 2004 (HCP, 2005a)5.

En fait, ce taux global cache deux réalités très distinctes puisqu’il agrège –par rapport aux 10.8% de 2004- un taux qui monte à 18.4% en milieu urbain, et un autre qui descend à 3.2%

en milieu rural… Le fait est que ce dernier chiffre, de l’aveu même des responsables de la statistique au Maroc, est très peu fiable en raison de l’ampleur et la nature du sous-emploi en milieu rural et néanmoins comptabilisé dans la « population occupée ». A titre indicatif, il savoir que la proportion « non rémunérée » mais néanmoins considérée « occupée » dans la population rurale déclarée en activité atteint 56.3% (2004), alors qu’il s’agit en fait le plus souvent d’activités domestiques plus ou moins liées à l’activité d’exploitations familiales.

Pour Mehdi Lahlou, « la part de l’emploi non rémunéré dans les campagnes indique bien qu’il existe dans ce milieu une déconnexion entre emploi et revenu, ce qui implique, pour le moins, une redéfinition soit de la notion d’emploi soit de celle de revenu (Lahlou, 2006). En tout cas, même les statistiques officielles se contentent généralement de l’indicateur relatif au chômage urbain (MFP, 2005a). Si l’on s’en tient donc au taux de chômage urbain, la tendance générale reste à peu près la même, mais à des niveaux sensiblement supérieurs : en moyenne annuelle, 14.2% entre 1980 et 1989, 18.1% entre 1990 et 1995, 19.3% entre 1996 et 2000, 19% entre 2001 et 2005.

Au delà de l’aspect conjoncturel de ce chômage, sa persistance à un niveau élevé en milieu urbain s’explique par des caractéristiques structurelles fortes, en particulier l’existence d’un chômage de longue durée qui affecte les trois quarts des chômeurs, l’importance des primo-demandeurs d’emploi (près de 55% du total), la proportion nettement plus élevée chez les femmes que chez les hommes (respectivement 24.3% et 16.6% pour un taux moyen de 18.4% en 2004), et enfin l’étendue du chômage auprès des jeunes diplômés, notamment de l’enseignement supérieur (le taux de chômage atteint 35% parmi les diplômés des universités en 2004).

Selon une récente étude, le simple maintien du taux de chômage à son niveau actuel devrait nécessiter des créations d’emplois à un rythme annuel moyen de 285 000 entre 2005 et 2014, avec un taux de croissance supérieur à 4.7% au cours de la prochaine décennie (Baraka & Benrida, 2005).

En tout cas, dans de telles conditions du marché du travail formel, on comprend que l’économie informelle ait connu une expansion soutenue depuis plus de trois décennies.

Largement répandu dans le commerce et les services, mais aussi dans la petite production marchande, le secteur informel se prête difficilement à une évaluation rigoureuse, les résultats étant fort différents selon les approches et les définitions retenues (Mejjati Alami, 2005). En tout cas, la dernière enquête officielle relative au sujet avait estimé que l’économie informelle abritait 39% de l’emploi non agricole en 1999-2000 (MPEP, 2000). Sur près de 1.9 million de personnes recensées, 73% étaient localisées en milieu urbain et 27% l’étaient en milieu rural. Près de 7 personnes sur 10 sont des travailleurs indépendants ou travaillant pour leur propre compte dans des micro-unités presque aux trois quarts unipersonnelles (les unités employant 4 personnes et plus représentent moins de 5% du total). La population concernée comprend des proportions considérables de jeunes, de femmes et même d’enfants, travaillant souvent dans des conditions pour le moins peu respectueuses des droits élémentaires de la personne humaine universellement reconnues.

5 Les données relatives au 4ème trimestre 2005 avancent une population active en chômage de 1 287 000 personnes et un taux de chômage de 11.5% (HCP, 2006b).

Souvent simple économie de survie dont l’existence même témoigne de l’échec des modèles de développement entrepris depuis des décennies, le secteur informel au Maroc comme d’ailleurs dans la plupart des pays en développement, est finalement « moins une alternative et une planche de salut pour les populations défavorisées qu’une « trappe à pauvreté », moins un moyen de réduction des risques qu’un chaudron constituant une véritable menace pour l’équilibre social et pour la sécurité humaine » (El Aoufi et al., 2005).

1.3. Caractéristiques générales de l’économie du pays et ses grandes tendances

Avec un produit intérieur brut de près de 50 milliards de dollars US en 2004, et un produit par tête de 1570 dollars, le Maroc était classé par la banque mondiale à un niveau en dessous de 7% par rapport à la moyenne du groupe des « pays à revenu intermédiaires, tranche inférieure » (BM, 2006b). En parité de pouvoirs d’achat, l’indicateur s’élève à 4004 dollars US (2003), mais reste encore inférieur de 10.5% par rapport au niveau moyen des pays à

« développement humain moyen ». Au demeurant, avec un indice de développement humain de 0.631 en 20036, le Maroc a été classé 124ème sur une liste de 177 pays, et en retrait de 12% par rapport à la moyenne de son groupe (PNUD, 2005).