• Aucun résultat trouvé

Des notions transférables

Dans le document Langues et TICE (Page 76-80)

6. Faciliter l'appropriation

3.4. Illustrations

3.4.3. Des notions transférables

Nous allons maintenant nous attacher à montrer la transférabilité des notions développées dans ce chapitre à travers trois projets de conception.

Le premier, Rumbo a México, s'adresse à des élèves de terminale et est conçu pour être utilisé en lien avec les cours d'espagnol de lycée. Le scénario d'apprentissage propose aux utilisateurs de se mettre dans la peau d'un jeune madrilène qui est envoyé en visite au Mexique pour préparer la rédaction d'un guide de voyage. La macro-tâche correspond à des comptes-rendus oraux de la visite de villes mexicaines (par le biais de courriers électroniques oraux) et à des conseils ou des suggestions quant à l'hébergement, les sites à visiter, les restaurants et les loisirs.

Un second dispositif d'apprentissage médiatisé qui retient l'attention s'adresse à des étudiants de Français Langue Etrangère (FLE) : Opération Mutantis présente un scénario dans lequel l'apprenant est confronté aux changements de registre, une compétence sociolinguistique particulièrement complexe à acquérir pour des étudiants étrangers. Suite à un changement radical d'une situation sociale (un noble ruiné est contraint de travailler), l'utilisateur qui accepte de se couler dans la peau du personnage doit apprendre à adapter son langage à un contexte différent. A travers des documents provenant de la télévision et présentant différents types de discours écrits ou oraux, il est amené à prouver l'acquisition de ses nouvelles compétences sociolinguistiques à travers la rédaction de lettres au style approprié.

Un troisième dispositif d'apprentissage médiatisé Wine your Language s'inscrit dans la logique de l'anglais sur objectifs spécifiques. Il s'adresse à des professionnels inscrits dans une formation bourguignonne conduisant au brevet professionnel de responsable d'exploitation agricole. Le scénario s'articule autour de l'idée suivante : un riche américain souhaite investir dans un vignoble et cherche un gérant à la fois compétent en anglais et dans le processus de fabrication du vin. Grâce à des vidéos et à des enregistrements audio, les utilisateurs sont amenés à traiter un lexique

particulier et à préparer un bilan de compétence oral concernant la vinification, la fermentation, et toutes les opérations liées à la fabrication du vin.

Ces trois dispositifs d'apprentissage médiatisé illustrent par l'exemple que le scénario et la macro-tâche fournissent un cadre opérationnel pour la conception de situations adaptées aux aspirations des apprenants et au développement de certaines compétences langagières. On voit également que la culture tient une place prépondérante dans les propositions de scénario et que les macro-tâches débouchent sur un produit langagier oral ou écrit.

3.5. Conclusion

En guise de conclusion, nous allons proposer cinq conditions pour écrire un scénario d'apprentissage médiatisé.

Tout d'abord, le scénario propose une tâche réaliste de traitement de l'information (susceptible de se produire dans la vie hors des lieux d'apprentissage) ancrée dans un contexte approprié (Chapelle, 2003 : 149).

Le scénario choisi permet à l'utilisateur de faire une expérience et ménage ainsi une place pour l'erreur comme constitutive du processus. Cette notion d'expérience semble primordiale car elle souligne le caractère individuel d'"une construction mentale spécifique qui s'effectue chez un sujet à l'occasion d'une expérience, par rapprochement entre cette expérience et des expériences antérieures" (Barbier, 2000 : 69). Si le parcours est trop balisé, s'il n'y a pas de place pour l'imprévu, pour l'individu, pour les chemins de traverse, la tâche redevient exercice. En conséquence, le résultat attendu sera ouvert à l'interprétation. La tâche présente un degré d'ouverture suffisamment grand pour s'adresser à l'apprenant comme à un individu, maître de son expérience d'apprentissage.

Le scénario est unifié par une métaphore qui fournit "une structure familière", un "modèle mental" et établit des associations entre des informations anciennes et nouvelles (Poyet, 2002 : 20). Cette métaphore va servir de cadre narratif, de scénario, et constituer un univers de référence pour la réalisation de la tâche.

Le scénario ménage plusieurs entrées : soit par la tâche principale (le problème à résoudre et son scénario) soit, selon les besoins des apprenants, par les tâches secondaires qui correspondent à la construction de compétences nécessaires pour pouvoir mener à bien la macro-tâche, mais qui doivent être perçues comme un moyen et non une fin.

Enfin, le scénario présente un obstacle à dépasser favorisant un enjeu intellectuel véritable. Dans la perspective constructiviste adoptée dans cet ouvrage, les enjeux cognitifs sont indissociables des enjeux sociaux et le langage et la culture relient l'apprenant à la société. Celui-ci se construit non seulement en faisant évoluer ses représentations mais aussi en les confrontant avec celles des autres. L'enjeu est donc double : comprendre les autres pour comprendre sa place dans le monde. L'école a bien sûr une mission normative et elle ne peut négliger la langue en tant que système ni outil. Il est de son devoir de proposer une objectivation du savoir. Toutefois, si nous souhaitons que la langue étrangère soit autre chose qu'un code, il nous faut réfléchir aux enjeux sociaux de la tâche : non seulement repérer des arguments et hiérarchiser l'information mais revendiquer des préférences, raisonner mais aussi convaincre et, pourquoi pas, jouer avec la langue et utiliser cette fonction poétique de Jakobson largement ignorée par la plupart des situations d'apprentissage : faire de l'humour, de l'ironie, exprimer des colères, être de mauvaise foi, tout ce que l'institution rejette habituellement comme si cela ne faisait pas partie du langage, comme si cela constituait la part obscène de la culture. La culture a ceci de commun avec le sens que ni l'une ni l'autre ne sont donnés, mais font l'objet d'une re-création constante. La culture est non seulement "un ensemble de règles et de spécifications permettant d'expliquer l'action telle qu'elle se réalise", mais elle est aussi, comme le souligne Bruner (2000 : 149) "un forum où se négocie et se renégocie la signification".

0,

1

2 3

Dans le chapitre précédent, nous avons défini la macro-tâche et précisé les implications didactiques de cette notion appliquée à l'apprentissage médiatisé des langues étrangères. Si la macro-tâche constitue un cadre qui semble propice à un apprentissage signifiant, une des questions que pose avec force l'enseignement centré sur la tâche concerne l'intervention et l'étayage pédagogiques nécessaires à mettre en place. Une macro-tâche, telle que la rédaction d'une note de synthèse ou la préparation d'un compte-rendu oral, est en effet implicite par nature, c'est-à-dire qu'elle amalgame un ensemble d'opérations subalternes (segmentation, reconnaissance lexicale, étiquetage grammatical, inférence, assemblage sémantique…) plus ou moins identifiables par l'apprenant, mais que ce dernier se trouve obligé d'effectuer pour mener la tâche principale à son terme. Pour le didacticien soucieux de concevoir un dispositif d'apprentissage médiatisé, se pose la question de l'inclusion de micro-tâches dans le scénario et de leur articulation avec la macro-tâche.

Dans cette section, nous allons définir plus précisément la notion de micro-tâche, que nous allons coupler à celle de capacité opératoire. Cela nous amènera à proposer un certain nombre de pistes pour la conception de micro-tâches. Nous verrons enfin ce que l'ergonomie cognitive peut nous apporter comme outils conceptuels et méthodologiques pour organiser les micro-tâches dans un environnement multimédia et assurer une collaboration efficace entre didactique et médiatisation.

4.1. Fondements psycholinguistiques et didactiques

Dans le document Langues et TICE (Page 76-80)