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Articulation entre macro-tâche et micro-tâches

Dans le document Langues et TICE (Page 85-89)

6. Faciliter l'appropriation

4.2. Articulation entre macro-tâche et micro-tâches

Il semble opportun de ne pas systématiquement séparer le travail sur le code du travail sur le sens, mais de profiter du premier pour construire le sens. DeKeyser (2001 : 148) reconnaît que pour un individu donné à un moment donné, il se peut que fluidité et justesse soient difficile à réconcilier. Pourtant, il continue sa réflexion en avançant que ces deux composantes de la compétence ne sont pas forcément antagonistes tout au long du processus de développement. C'est pourquoi DeKeyser suggère un modèle alliant des exigences de sens et des exigences de forme par le biais d'activités communicatives.

Skehan (1998 : 91) souligne, quant à lui, que l'automatisation des règles doit se faire par alternance dans le long processus d'apprentissage de la langue :

les apprenants ont besoin de se trouver engagés dans des cycles d'analyse et de synthèse. Autrement dit, si la primauté du sens et le besoin de communication militent en faveur de l'apprentissage centré sur la construction d'assemblages lexicaux, il est important que demeure une pression continue sur les apprenants pour qu'ils analysent les unités linguistiques qu'ils utilisent, de telle sorte qu'ils puissent accéder à ce matériau sous la forme d'un système basé sur des règles.

Il est raisonnable de penser que nous faisons appel à un fonctionnement ou à un autre selon notre niveau de compétence langagière, selon notre style cognitif et selon les traits spécifiques de l'input. Les micro-tâches seront conçues comme des opportunités offertes, quand les apprenants le jugent nécessaire, pour mettre en place des automatismes dans des opérations de détection et d'exécution. Ainsi, lorsqu'un apprenant est confronté à un document sonore mais ne possède pas tous les savoir- faire nécessaires pour réaliser une tâche de compréhension, il peut recourir à des procédures intermédiaires pour fractionner la tâche en opérations subalternes. Ceci nous amène à la notion de spécialisation et de capacités opératoires.

4.2.2. Capacités opératoires et micro-tâches

Les capacités opératoires correspondent à toutes les opérations subalternes entrant en jeu dans une compétence langagière. D'après Leplat (1997 : 171-172), "il

est possible de faciliter l'apprentissage des tâches complexes en les décomposant en unités qui ont une signification pour l'action, et en entraînant les opérateurs sur ces unités ou tâches élémentaires". La capacité opératoire est donc un module de traitement de l'information entendue au sens large qui, associé aux autres, constitue une compétence générale. Pour désigner les capacités opératoires, Leplat (1997 : 141) parle de compétences incorporées qui "font corps avec les actions qui les expriment. (…) Elles sont facilement accessibles, difficilement verbalisables, peu coûteuses sur le plan de la charge mentale, difficilement dissociables, très liées au contexte". Par exemple, la compréhension est à la fois une compétence globale (nous rendant incapable de détailler les étapes du décodage) et l'agrégation de capacités opératoires alliant une connaissance phonologique, lexicale, grammaticale et pragmatique.

De son côté, Field (1998) suggère de faire pratiquer chaque capacité opératoire à tour de rôle. Les capacités opératoires choisies pour une micro-tâche, seules ou en combinaison, devraient naturellement être adaptées au type d'input. Dissocier les capacités opératoires semble en effet constituer une façon réaliste de fournir un référentiel pour établir un diagnostic et ménager une marge de progression. Cela peut permettre de rendre les étudiants conscients des processus en jeu et, éventuellement, les aider à mettre en place des stratégies compensatoires pour mener ces opérations à terme.

Le recours à la micro-tâche pour développer les capacités opératoires est ainsi motivé par l'argument qu'un apprenant compétent est conscient des stratégies adéquates qu'il est en mesure de déployer dans une situation donnée. Ainsi, O'Malley et Chamot (1990 : 133) préconisent une approche stratégique de l'apprentissage, en particulier pour les apprenants les plus en difficulté.

La micro-tâche correspond bien à une forme d'enseignement explicite (tout du moins en partie) puisqu'elle conduit l'apprenant à repérer certains traits dans l'input et, partant, certaines capacités opératoires nécessaires pour traiter l'information. Elle peut l'amener à identifier en quoi sa performance est plus ou moins proche d'une performance optimale afin de déployer, si nécessaire, une stratégie appropriée.

4.2.3. Taxonomie des capacités opératoires en compréhension de l'anglais oral

Pour illustrer cette question, nous allons prendre l'exemple de la compréhension de l'oral et proposer une taxonomie des capacités opératoires nécessaire pour fabriquer des micro-tâches. Selon Rost (2002 : 120), deux hypothèses sous-tendent ce genre de taxonomie. D'une part, les capacités opératoires peuvent être enseignées

et évaluées indépendamment. D'autre part, quand un apprenant progresse nettement dans le domaine d'une capacité opératoire, sa performance générale s'améliore également.

A partir du travail effectué par Rost, nous proposons dans le tableau 4.1 une taxonomie des capacités opératoires liées à la compréhension de l'oral. Nous n'avons pas repris tous les items proposés par le didacticien américain, mais seulement ceux qui peuvent être perceptibles par l'apprenant. Ces capacités opératoires formant des "blocs d'action" (Leplat, 1987 : 153), il serait en effet peu pertinent d'aller trop loin dans la granularité.

Pour gagner en clarté, nous avons regroupé les capacités opératoires en fonction du type principal d'opération. Pour l'enseignement et l'évaluation, les taxonomies les plus utiles sont celles qui posent des critères progressifs.

Opération principale

Liste des capacités opératoires pour la compréhension de l'oral

Phonologique

Repérer les mots saillants. Repérer les unités de souffle.

Repérer les assimilations, élisions et contractions. Entendre les variations dans les schémas intonatifs.

Grammaticale

Deviner la signification de mots grammaticaux dans un énoncé.

Identifier les relations syntaxiques entre les éléments d'un énoncé (agent, objet, lieu…).

Lexicale Deviner la signification de mots inconnus. Distinguer des mots semblables.

Sémantique Distinguer des énoncés semblables.

Déterminer la signification d'un énoncé ambigu.

Stratégique Faire des prédictions avant l'écoute.

Utiliser le raisonnement pour faire des inférences.

Pragmatique

Décoder les gestes, mimiques, pour guider la compréhension. Comprendre la fonction d'un énoncé (excuses…).

Comprendre l'intention du locuteur.

Repérer les différences dans les styles de conversations et de discours. Repérer les modèles d'organisation discursive du locuteur.

Utiliser le contexte.

Buck et al. (1997, cités par Rost, 2002 : 120) ont identifié une taxonomie des compétences d'écoute selon un schéma progressif qui évalue la capacité à :

- traiter des messages de plus en plus rapides ;

- traiter du lexique de moins en moins commun ;

- traiter des textes dont la densité en vocabulaire est de plus en plus grande ;

- traiter des structures de plus en plus complexes ;

- traiter des segments de plus en plus longs ;

- traiter des textes dont l'information est de plus en plus dense ;

- traiter de l'information provenant de sources de plus en plus variées.

4.2.4. Micro-tâches et apprentissage médiatisé

Contrairement à la macro-tâche, la micro-tâche peut donc "spécialiser" l'apprentissage sur un aspect de la langue. La possibilité de pouvoir répéter une activité à volonté, souvent désignée comme une des principales caractéristiques du multimédia, se trouve ici pleinement justifiée par la nécessité d'automatiser certaines capacités opératoires et de les faire pratiquer selon le rythme individuel de chaque apprenant. La médiatisation permet également de créer une pression temporelle, grâce, par exemple, à un sablier virtuel, susceptible d'amener le sujet à améliorer la rapidité de sa performance. Chaque micro-tâche peut fournir l'opportunité de constituer une réserve représentationnelle selon un processus de "copier-coller" mental (Guichon, 2005).

Fixer et spécialiser l'attention Repérer : mettre en valeur, associer Identifier l'écart en terme de performance

Pratiquer (+ rapide, + solide)

Tableau 4.2 - Apports des micro-tâches médiatisées

Bien que nous pensions que l'apprentissage d'une langue se fasse principalement grâce à un travail de construction du sens (et donc à travers une macro-tâche), certaines micro-tâches médiatisées peuvent cependant contribuer à apporter des solutions appropriées pour attirer l'attention sur des aspects formels de la L2 et créer des conditions appropriées pour rendre la performance des apprenants plus fluide et leur permettre de gagner en compétence.

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