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Partie I : Cadre conceptuel de la recherche

Chapitre 1 Analyse critique de la littérature

1.3 Des droits de l’homme aux politiques publiques

1.3.1 Des droits de l’homme aux droits des femmes

Apprenons avec Christine Fauré que ce n’est qu’au 20e siècle que la question des droits de l’homme, apparue au 18e siècle, rejoint celle de l’égalité entre les sexes. Nous allons moins nous poser la question de savoir pourquoi il fallut plus d’un siècle pour qu’un pont soit établi entre ces deux champs; nous comprenons que l’égalité entre les sexes est une réponse à la problématisation des droits de l’homme qui ont permis de mettre en évidence la condition des femmes; travail sur lequel se seront attelés des femmes et aussi des hommes au fil des siècles (Fauré 2010).

Historiquement, il faut retenir que les droits de l’homme sont une co-création des États-Unis, de l’Angleterre et de la France (ibid.). Dans la mouvance de l’indépendance des États-Unis en

juillet 1776 et la mise en place des fondations légales d’un gouvernement, les droits fondamentaux ou Bill of rights furent énoncés en ces termes : tous les hommes sont nés

également libres et indépendants : ils ont des droits certains, essentiels et naturels dont ils ne peuvent par aucun contrat priver ou dépouiller leur postérité. La source véritable du Bill of rights est une actualisation que l’Amérique a faite des textes rédigés sur les droits et libertés

par sa colonisatrice, pendant les crises sociales qui ont bousculé la monarchie anglaise au 17e siècle. Tandis que l’Angleterre du 17e siècle plaçait les femmes, à travers la Common Law, sous la totale dépendance et domination de leurs maris, les colonies américaines atténuèrent l’application de cette loi en considérant les femmes davantage comme des partenaires égales aux hommes que comme soumises à leur autorité (ibid.).

Du côté de la France révolutionnaire, ce sont les nombreuses oppositions à la dérive du pouvoir royal qui engendrèrent la «Déclaration des droits de l’homme et du citoyen» de 1789. Celle-ci connu des volontés affirmées et opposées à l’égalité entre les sexes. Plusieurs projets préparatoires le démontrèrent notamment ceux qui affichèrent une volonté de reconduire la «Loi Salique». Plusieurs mouvements révolutionnaires et diverses réformes sociales obtinrent que l’égalité des sexes soit reconnue dans le domaine des droits privés car la femme, à qui le statut de citoyen n’était pas reconnu en France, ne pouvait bénéficier des droits politiques; toute participation à la vie publique de façon légale ne lui était pas octroyée. Malgré tout ce qu’elles connurent comme sanctions à toutes formes de participation à la vie publique, exclusion des assemblées politiques, retrait forcé dans la sphère privée, les femmes ne cessèrent pour autant pas de multiplier des actions publiques pouvant prendre des formes quelconques de citoyenneté militante. C’est dans ce sillage que finit par aboutir le renouvellement des actes constitutifs de la nouvelle société aux lendemains de la révolution et que naquit la «Déclaration des droits de la femme et de la citoyenne» d’Olympe de Gouges en 1791.

La conversion intellectuelle des droits de l’homme aux droits de la femme fit écho dans plusieurs pays (ibid.). En Angleterre, A vindication of the rights of women (la défense des droits de la femme) de Mary Wollstonecraft fut publié en 1792 et édité dans plusieurs autres pays au cours des années qui suivirent. Cet ouvrage a été reconnu comme fondamental dans le militantisme et la lutte en faveur de la défense des droits des femmes et l’amélioration de la

condition féminine. Cette auteure milita pour l’égalité des sexes dans l’instruction et l’éducation. Ses postures critiques rejoignent celles des révolutionnaires français.

Olympe de Gouges (Gouges 1791) et Mary Wollstonecraft (Wollstonecraft 1792) sont deux figures emblématiques du processus d’extension des droits de l’homme aux femmes dans une conversion intellectuelle nourrie par les débats constitutionnels des époques révolutionnaires. L’écho retentit aux États-Unis et influença le débat théorique américain relatif à l’identité et à l’émancipation féminine (Basch 2010). Aux États-Unis, le suffrage féminin constitutionnel, preuve de l’émancipation sociale et politique des femmes américaines qui aboutit en 1920, est le résultat d’une lutte acharnée, parfois irrégulière mais surtout maintenue, des femmes vers la fin de la première moitié du 19e siècle. Les années 1840 furent donc témoins des premières démarches libératrices. Les pionnières de l’émancipation féminine se réclamèrent du

Woman’s Rights Movement (WRM), ou «Mouvement pour les droits des femmes», qui opéra

jusqu’à la guerre de Sécession. Le WRM a été donc le début de la très longue aventure de libération et surtout de lutte pour les droits sociaux et politiques. Militantes pour la réforme, les femmes américaines aspirèrent à un statut à part entière et à une identité propre.

Bien que les droits des femmes aient grandement progressé, leur droit au vote n’est pas encore inscrit dans la Constitution au début du 20e siècle. L’opposition à l’inclusion des femmes à la gestion des affaires du pays est encore virulente. La perception de la femme américaine comme celle-là qui soit faite pour son foyer perdure. Des positions avouées et affirmées dans des secteurs tels que l’industrie de la finance et de l’alcool, mais aussi des catholiques confirmés, demeuraient réfractaires au vote des femmes; surtout que des femmes électrices pourraient rapidement devenir éligibles; ce qui n’était pas encore souhaitable. Les femmes américaines ont lutté pour l’émancipation féminine de diverses façons. On peut citer la Déclaration de Seneca Falls qui s’inscrivit en faveur de l’égalité entre les femmes et les hommes et qui reconnut un statut de citoyennes aux femmes. Loin d’être monolithiques leurs actions se sont incarnées en des problématiques tant diverses que nombreuses. Elles ont dû faire face au conservatisme et aux identifications d’avec les valeurs patriarcales dominantes qui ne cessaient par ailleurs pas de progresser.

L’après-guerre offrit une atmosphère de changement et la mise en évidence des progrès du statut juridique et social des femmes. Le temps fut donc propice à la multiplication des

revendications et aussi à l’extension des groupes de pression. Le mot d’ordre de toutes les organisations se concentra sur le droit de vote qui finit par être inscrit dans la Constitution en 1920.

1.3.2 Des droits des femmes aux politiques pour les femmes (de genre)