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Partie I : Cadre conceptuel de la recherche

Chapitre 1 Analyse critique de la littérature

1.5 Conclusion

Influence des organisations internationales sur les politiques publiques : La diffusion de

modèles culturels mondiaux trouvent une forte résonnance à l’intérieur des organisations internationales, intergouvernementales et non gouvernementales (Boli and Thomas 1997, 1999). Les modèles promus sont définis par des politiques de protection de l'environnement, de contrôle démographique, de respect des droits des femmes et l’égalité des sexes, pour ne citer que ceux-là. Ces institutions, constituant une force centrale dans le système mondial, influenceraient activement les États et les individus à intégrer de nouveaux buts et objectifs qui sont en faveur d’une culture mondiale (ibid.).

De nombreuses recherches, sur le fonctionnement du système politique mondial, mettent un grand accent sur ce rôle capital que joueraient ces institutions, au travers desquelles les modèles culturels de la société mondiale seraient propagées (Meyer, Boli, et al. 1997, Meyer, Frank, et al. 1997, Schofer and McEneaney 2003, Wotipka and Ramirez 2003).

L’Organisation des Nations Unies est perçue dans cette optique comme une structure par laquelle les États se coordonnent sur des questions liées à l’environnement, l’alimentation, la santé, le statut et les droits des femmes, le développement, et bien d’autres. Il s’agirait d’un système fournissant un moyen de légitimer les États et leurs actions à l'échelle mondiale. Tous les pays membres de cette organisation seraient donc tenus à un ensemble commun de normes et d’attentes qui définissent leurs rôles et leurs responsabilités (Meyer, Boli, et al. 1997). Reconnus membres des organisations intergouvernementales, les États seraient donc astreints à respecter une norme d'appartenance qui définit, en effet, ces institutions et les politiques et, par conséquent, favoriserait une sorte d’isomorphisme et de conformisme.

Les organisations défendant les droits des femmes seraient vues comme des vecteurs qui véhiculent le discours féministe international soutenu par les mouvements des femmes sur les questions des inégalités de genre et de la participation des femmes dans la société. Pamela

Paxton appuie que la croissance et l'influence du mouvement international des femmes a affecté la représentation politique des femmes dans les parlements à travers le monde (Paxton, Hughes, and Green 2006). Selon Liam Swiss, le nombre élevé d'organisations internationales de femmes, auxquelles adhèrent les individus d'un pays, favoriserait l’adoption par les pays donateurs d’une politique de défense des droits des femmes en faveur des pays donataires (Swiss 2012).

Influence des conférences et des traités internationaux sur les politiques publiques : Un

nombre croissant de littérature scientifique examine de quelle manière les normes internationales mettent un accent particulier sur les questions de femmes et d’égalité entre les sexes et affecteraient la création des politiques de genre (Friedman 2009, Avdeyeva 2007, Gray, Kittilson, and Sandholtz 2006, Reyes and Merry 2006, Chan-Tiberghien 2004, Joachim 2003).

Les normes internationales, aussi perçues comme des normes de comportement approprié, partagées par une masse critique d'États, affecteraient l’élaboration et la mise en œuvre des politiques nationales suivant une variété de causalité comprenant la création de normes au sein de la communauté internationale et des attentes partagées au sein des sociétés civiles régionales (Friedman 2009, Simmons 2009, Khagram, Riker, and Sikkink 2002, Clark, Friedman, and Hochstetler 1998).

L’adhésion des États au sein des organisations internationales est conjointe à l’adoption des traités internationaux, qui résultent de l’attention accordée à des questions particulières discutées au cours des conférences internationales. Ces traités apparaîtraient comme un moyen de normaliser et de légitimer les actions des États qui épousent des définitions, des attentes et des objectifs. Ils seraient également des moyens de diffusion des concepts et des normes communes. Des exemples notables incluent la «Déclaration universelle des droits de l’homme», la «Convention relative aux droits de l'enfant», la «Convention sur l'élimination de toutes les formes de discrimination à l' égard des femmes (CEDAW)».

CEDAW a été adoptée par l’assemblée générale des Nations Unies en 1979. Durant la conférence internationale qui s’est tenue à Copenhague en 1980, une soixantaine de pays auraient signé cette convention et, moins d’un an après son adoption, de nombreux pays

l’auraient ratifié. La force avec laquelle ce traité s’opéra n’égala presque aucune autre convention précédente relative aux droits humains.

Les recherches sur les mécanismes d’adoption des traités internationaux révèlent que la diffusion, par la communauté internationale, de la ratification de nombreux traités par les États, est perçue comme un vecteur d’influence politique majeur. La ratification des traités implique pour les États l’adhésion à une cadre normatif commun. Dans le cadre de la CEDAW, les pays ayant ratifié ce traité sont appelés à intégrer ses principes et ses normes afin que cela soit visible à l’intérieur de toutes les politiques (Wotipka and Ramirez 2008). Les conférences internationales seraient considérées, dans ce cadre, comme des formes de rituel au travers desquels les principes et les messages sont diffusés et renforcés entre les États participants (Lechner and Boli 2005). En effet, les grandes conférences, notamment celles de l'ONU sur les thèmes de l’environnement, des droits humains, de la population, des femmes, auraient eu un impact considérable sur l'élaboration d’un consensus global sur ces sujets. Considérant les politiques WID, WAD, GAD, la diffusion de celles-ci se serait passée sous l’influence de quatre grandes conférences de l'ONU sur les femmes de 1975 à 1995, entraînant progressivement l’intégration de la notion des droits des femmes en tant que droits humains fondamentaux (Lechner and Boli 2005, Moser and Moser 2005).

Liam Swiss soutient, dans son analyse, que la CEDAW a drainé un degré élevé d’attention sur les problèmes des femmes et les inégalités entre les sexes, ce qui a été fortement appuyé par les conférences de l’ONU débattant de ces problématiques, et par conséquent les principes des politiques WID, WAD, GAD ont eu une empreinte sur les politiques élaborées par les États (Swiss 2012).

Plusieurs mécanismes permettent de comprendre de quelle manière les normes internationales influenceraient l’élaboration des politiques publiques nationales. Entre autres seraient l’influence des traités et des documents internationaux à l’exemple de CEDAW sur les droits des femmes, l’influence des accords régionaux à l’exemple de ceux relatifs à la violence faite aux femmes, l’influence des pressions régionales à la conformité aux accords. Ces mécanismes de pression à l’adhésion et à la conformité aux lois, traités et normes internationales seraient également associés aux mouvements féministes nationaux,

transnationaux et internationaux. Mala Htun et Laurel Weldon soutiennent que les mouvements féministes auraient été à l’origine d’une plus forte pression institutionnelle, en militant pour que de nombreuses mesures institutionnelles soient adoptées au sein de la communauté internationale (Htun and Weldon 2012).

Les pays, qui questionnaient déjà les droits des femmes et l’égalité des sexes, auraient été les plus enclins à ratifier les traités internationaux tels que CEDAW, car les directives se rejoignaient (Simmons 2009). Cependant, ceux des États, recherchant une légitimité internationale tout en envisageant des difficultés à se conformer aux directives de ces traités internationaux, les auraient tout autant ratifiés, leur objectif étant de communiquer à une large audience leur engagement aux droits des femmes. La signature de ces traités serait donc cause d’une mobilisation de citoyens et des attentes nationales, et les États seraient attendus à rendre des comptes au cours des forums publics, tels que des comités de CEDAW, pour ceux qui n’auraient pas remplis adéquatement leurs engagements. Les États, socialisant avec les normes internationales sur les droits des femmes et l’égalité des sexes, seraient donc attendus à créer des politiques contenant les directives de ces traités.

Les politiques publiques s’influenceraient-elles entre elles ? La ratification des traités

internationaux par plusieurs États génèrerait une sorte d’isomorphisme institutionnel car, malgré des contextes politiques, sociaux et culturels divergents, ils partageraient des politiques similaires avec des priorités, des décisions et des résultats communs. Cette similitude au sein des politiques serait perçue comme le reflet d’un consensus global sur des accords qui favorisent la conformité entre les principaux États. Ces accords donnent des politiques similaires destinés à des États dissemblables, et par conséquent homogénéisent des approches au travers de la propagation d'un cadre de modèles, priorités et paramètres à partir desquels opérer. L’opérationnalisation de ces politiques se révèle un défi pour ces États dont certains seraient en proie à une incertitude concernant les objectifs et les moyens pour les atteindre. Très souvent les problématiques en jeu, définies comme objectifs à atteindre, en l’occurrence celle de l’égalité des sexes et des droits des femmes, pourraient signifier beaucoup de choses différentes et par conséquent s'avéreraient des objectifs difficiles à atteindre pour de nombreux États (Stiglitz 2002, Sen 1999, Woolcock 1998, Pieterse 1998, Escobar 1995, Ferguson and Lohmann 1994, Lumsdaine 1993).

Cette incertitude conduirait donc les États à s’imiter les uns et les autres et servirait aussi comme moyen d'actions et de légitimation entre eux, plutôt que d'adopter des approches non- conformistes qui pourraient paraître plus risquées. De plus, elle augmenterait l’isomorphisme institutionnel et l’isomorphisme des politiques au travers des moyens qui semblent procurer une certaine sécurité quant à l’atteinte des objectifs retenus, et diminueraient la diversité des efforts (DiMaggio and Powell 1983).

L’analyse de Liam Swiss démontre que l’adoption d’une politique par plusieurs - bailleurs de fonds et États - aurait une influence notoire sur les autres qui adopteront la même politique. Il s’agirait d’un effet de contagion ou de mimétisme favorisé par la propagation des modèles et des institutions communs (Swiss 2012, Wotipka and Ramirez 2008, Jang 2003, Ramirez and McEneaney 1997). En effet, les États qui ont déjà adopté une certaine position sont susceptibles d'influencer les autres à le faire.

Influence des facteurs domestiques sur les politiques publiques

Les recherches démontrant les influences des institutions internationales, des conférences internationales, des traités et des effets de contagion, sur la création et la mise en œuvre des politiques publiques, mettent également en exergue des facteurs internes qui participent à façonner la manière dont les politiques et les modèles institutionnels sont convertis à l’intérieur de chaque État (Hironaka 2002, Ramirez and McEneaney 1997).

L’hétéronomie d’une culture

Le concept de «culture mondiale»12 a été retenu dans la littérature comme décrivant des modèles communs de politiques au sein de la communauté internationale (Meyer 2007, Lechner and Boli 2005, Boli and Thomas 1999, Meyer, Boli, et al. 1997).

Cette culture mondiale est un ensemble normatif de valeurs, de normes et de modèles qui légitiment les actions et les interactions des États, des organisations et même des individus. La culture dans ce contexte se réfère à une série de modèles qui décrivent les attentes de la façon

dont les acteurs (États, organisations ou personnes) devraient apparaître ou se comporter. La croissance de la culture mondiale est le résultat des interactions entre les États, les organisations internationales, la société civile, et des milieux scientifiques, pour définir et mettre en œuvre des scripts de comportement qui sont ensuite adoptés par des acteurs, à tous les niveaux, que ces derniers soient en interaction ou pas.

C’est de ces modèles, qui façonnent les États, que s’inspirent les gouvernements pour créer et mettre en œuvre des politiques à l’intérieur d’un isomorphisme institutionnel, caractéristique d’une politique internationale qui légitime des modèles culturels, considérés comme universellement applicables et appropriés à tous les États et organisations.

Il aurait un lien direct entre la diffusion des politiques internationales et l’adoption des modèles culturels de niveau mondial par des États. Selon John Meyer, la force motrice, derrière cette diffusion, serait que les États adoptent ces modèles, dans le but de chercher une légitimité sur la scène internationale et répondre aux demandes nationales qui satisfont aux normes internationales et, ce faisant, développent des mécanismes de réception et d’interprétation de ces modèles, créant ainsi des «néomodels» qui ne correspondraient pas tout à fait aux modèles de départ. La densité de la politique et l’enracinement des États dans les organisations internationales semblent être des déterminants importants de la diffusion de modèles de politiques culturelles dans le monde (Wotipka and Ramirez 2003, Hironaka 2002, Meyer, Boli, et al. 1997, Ramirez and McEneaney 1997).