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4. Le développement des milieux forestiers québécois

4.2 Des concepts nouveaux en matière de développement

En matière de développement, deux nouveaux concepts tentent de trouver des solutions aux problèmes socio-économiques et environnementaux affligeant les populations des milieux forestiers. En effet, les concepts de développement durable et développement territorial investissent le champ d’études des divers domaines d’activités relatifs aux milieux forestiers.

4.2.1 Le concept de développement durable

Adoptée en 2006 par l’Assemblée Nationale du Québec, la Loi sur le développement durable repose sur 16 principes qui visent à « instaurer un nouveau cadre de gestion au sein de l’Administration afin que l’exercice de ses pouvoirs et de ses responsabilités s’inscrive dans la recherche d’un développement durable » (Gouvernement du Québec, 2006). Pour Bouthillier (1994b), le développement durable en matière de forêt consiste à «mettre en valeur des milieux naturels afin de générer des revenus qui puissent autoriser simultanément un renforcement des structures socio-économiques et le maintient de l’intégrité des milieux.»

Afin de favoriser l’élaboration d’un modèle de développement basée sur la gestion durable de la forêt, l’emphase est mise sur le respect du principe de subsidiarité (CEGFPQ, 2004). Selon les termes de la loi, «subsidiarité » se définit comme suit : « les pouvoirs et les responsabilités doivent être délégués au niveau approprié d’autorité. Une répartition adéquate des lieux de décision doit être recherchée, en ayant le souci de les rapprocher le plus possible des citoyens et des communautés concernés. » (Gouvernement du Québec, 2006).

Au travers ce principe, la population des régions forestières cherche à augmenter leur participation dans le développement de leur milieu et, plus particulièrement, dans la gestion des ressources et services reliés aux territoires forestiers. Longtemps confinées à un rôle de spectateurs, ces populations veulent faire valoir leurs aspirations quant au devenir de leurs territoires afin d’assumer pleinement leurs choix de développement.

Par ailleurs, l’adoption de la Loi sur le développement durable contrait le Gouvernement du Québec à adopter une stratégie gouvernementale et des plans d’action pour l’ensemble des entités de l’État québécois. En 2008, la version finale de la Stratégie gouvernementale de développement durable sera vraisemblablement entérinée et entraînera l’élaboration d’un plan d’action en matière de développement durable pour le MRNF (Gouvernement du Québec, 2006). À cet égard, l’orientation 6 de la stratégie gouvernementale engage le MRNF à préconiser une gestion intégrée des territoires (Gouvernement du Québec, 2007a).

« La gestion intégrée du territoire est une approche globale qui consiste à gérer les ressources naturelles, culturelles, humaines et financières, des risques présents dans le milieu et des projets de développement. Cette approche, qui tient compte des enjeux sociaux, environnementaux et économiques, doit être adoptée à tous les niveaux de décision pour que les activités de développement soient efficaces et cohérentes.» (Gouvernement du Québec, 2007a)

Or, le MRNF s’est lancé, il y a plus de dix ans, dans l’opérationnalisation du concept de développement durable au sein de la forêt publiqu québécoise. S’inspirant des travaux du Conseil Canadien des Ministres de l’Environnement (CCME), le MRNF a adopté en 1996 six critères d’aménagement forestier durable qui ont inclus à l’intérieur de la Loi sur les forêts (MRNF, 2007h) :

• Conservation de la diversité biologique;

• Maintien et amélioration de l'état et de la productivité des écosystèmes forestiers; • Conservation des sols et de l'eau;

• Maintien de l'apport des écosystèmes forestiers aux grands cycles écologiques;

• Maintien des avantages socio-économiques multiples que les forêts procurent à la société;

• Prise en compte, dans les choix de développement, des valeurs et des besoins exprimés par les populations concernées.

Par contre, en 2002, le rapport du Vérificateur général du Québec a noté de nombreuses lacunes dans l’application concrète de ces critères de développement durable.

« Compte tenu de toutes ces lacunes, plusieurs personnes responsables de voir à la mise en application de l’aménagement durable n’ont pu nous expliquer l’ensemble des mesures prises dans leur unité de gestion ou dans leur région pour favoriser celui-ci, ni ce qu’elles allaient devoir faire en ce sens au cours des prochaines années. Ainsi, la forêt publique risque de ne pas être gérée dans le respect des six critères de l’aménagement durable. » (VGQ, 2002)

Afin d’être en mesure de respecter certains critères en matière de développement durable, il est nécessaire d’élaborer des indicateurs qui servent à atteindre certains objectifs par rapport aux critères adoptés. Or, le MRNF a élaboré des indicateurs plus de dix ans après leur inclusion à l’intérieur de la Loi sur les forêts. Encore à ce jour, aucune donnée officielle concernant ces indicateurs n’a été divulguée par le MRNF.

Toutefois, les critères d’aménagement forestier durable ne contiennent aucun élément par rapport au développement des populations habitant ces territoires. En effet, aucun critère ne mentionne de maintenir des conditions socio-économiques décentes pour les populations des milieux forestiers ou d’assurer l’occupation des territoires forestiers.

Pour Bouthillier (1994b), « les moyens du développement durable s’imposeront ultimement d’eux-mêmes quand les retards économiques pousseront la misère humaine au-delà des seuils de tolérance et justifieront le bouleversement de l’ordre établi ». À cet effet, selon Dionne (1994a) et Malenfant (1994), l’ordre établi doit être renversé par la mise en place d’un nouveau paradigme de développement. En fait, cet ordre nouveau, impulsé par les

gens et les organismes du milieu, doit se baser sur une autre logique, une logique de développement qui repose avant tout sur la volonté et la capacité des gens qui habitent ces territoires. Cette approche se veut durable, mais surtout territoriale.

4.2.2 Le concept de développement territorial

Au niveau des sciences sociales, la recherche d’un nouveau paradigme de développement pouvant répondre aux difficultés structurelles de certains territoires s’est articulée autour du concept de développement territorial. Imposant la rupture avec la vision unilatérale et standardisée du développement, cette théorie rend impérative l’inclusion d’éléments sociaux, politiques, bio-physiques et culturels à l’analyse économique et environnementale du développement (Jean, 2006).

Allant au-delà du concept de développement durable, le développement territorial n’inclut pas seulement la dimension temporelle (équité intergénérationnelle), mais également la dimension spatiale (le territoire). Selon Laganier et al. (2002), le territoire a trois dimensions : identitaire (histoire, patrimoine, sentiment d’appartenance), matérielle (potentialités et contraintes de développement) et organisationnelle (organisation des acteurs locaux et institutionnels). Par cette approche, l’analyse du développement doit se réaliser en fonction des trois sphères du développement durable, mais également en fonction des trois dimensions relatives à chaque territoire.

« Au Québec, comme ailleurs dans le monde, des voies de développement et d’aménagement durables du territoire sont recherchées afin d’assurer la satisfaction des besoins et l’épanouissement des populations, tout en poursuivant des objectifs d’équité sociale, de ménagement de la nature, d’innovation économique et sociale et de participation démocratique. Dans cette perspective, la prise en compte de tous les territoires, de leur diversité et de leurs traits distinctifs, de leurs atouts et de leur complémentarité devient une impérieuse nécessité. » (Jean, 2006).

Selon Laplante (1994), l’abandon de la gestion sectorielle au profit de l’approche territoriale est imminent. « C’est à l’échelle du territoire que la forêt prend son sens, c’est là que se font sentir les effets de sa gestion et c’est là surtout qu’elle représente pour les communautés qui l’habitent un moyen de construire la vie, de bâtir l’avenir. » Construire la

vie et bâtir l’avenir, c’est évidemment se forger une identité propre et vouloir appartenir à son territoire.

Pour Bouthillier et Dionne (1995), l’approche territoriale doit, en autre, amener à forger les bases du développement sur un renforcement de l’identité culturelle et sur la solidarité à bâtir entre les divers acteurs socio-économiques d’un même territoire. En effet, « on ne peut faire fleurir des entreprises dans un désert social et culturel » (Vachon, 2006).

« Ainsi, l'approche territoriale accorde une attention particulière à l'environnement social et culturel, technologique, professionnel et financier du développement, éléments qui constituent le milieu duquel vont naître les initiatives et les succès d'entreprises. Les interventions qui sont consacrées à ces dimensions, réalisées avec le soutien de l'État, précèdent et préparent l'acte économique de création d'entreprises et d'emplois. Il s'agit d'opérations en amont de la croissance économique et qui concernent directement la dynamique territoriale. » (Vachon, 2002)

Enfin, c’est avec la contribution et la volonté des intervenants gouvernementaux que les collectivités territoriales réussiront à s’adapter aux nouvelles règles économiques engendrées par la mondialisation. Considéré comme « une édification d’une nouvelle approche de développement» (Vachon, 2006), le défi est de taille.