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4. Le développement des milieux forestiers québécois

4.3 La forêt québécoise, plus que du bois

4.3.4 Un bassin énergétique important

Face à une demande énergétique mondiale en continuelle hausse, la biomasse forestière, une matière renouvelable, représente un potentiel intéressant dans la recherche de nouvelles sources énergétiques. Sous peu, la forêt publique du Québec sera perçue comme un vaste bassin énergétique.

Afin de réduire la dépendance des communautés forestières par rapport aux marchés d’exportation du bois et d’affranchir le Québec des combustibles fossiles, le développement de cette filière s’avère très intéressant. Destinée principalement comme combustible à chauffage et comme carburant, la biomasse forestière est une autre des ressources qui permettra le développement et la diversification économique des milieux forestiers.

Puisée à même les résidus générés par les opérations de sciage de bois, la biomasse forestière comble à l’heure actuelle seulement les besoins de l’industrie forestière (séchage

du bois, production de pâte de papier, cogénération, etc.). De plus, en raison de la fermeture récente de certaines usines de sciage, certains industriels forestiers dédiés dans la production de pâtes et papiers sont en manque de biomasse forestière (Gagné, 2007). Afin de produire davantage de copeaux pour la production de pâtes et papiers, certains industriels forestiers ont donc commencé à récolter les résidus forestiers de leurs parterres de coupe.

Par ailleurs, les marchés visés à court terme par la biomasse forestière sont les différents bâtiments publics des communautés forestières tels les écoles, les hôpitaux et les édifices communautaires. En effet, la biomasse forestière remplacera sous peu le mazout, combustible utilisé jusqu’à maintenant pour le chauffage des bâtiments publics du Québec. Il est à noter que le chauffage à partir de biomasse forestière a très peu d’incidence sur la qualité de l’air en comparaison des poêles à combustion lente alimentés à partir de bûches conventionnelles. Étant donné que la combustion s’effectue à haute température, la totalité des gaz nocifs est brûlée. Ce type de chauffage ait également considéré « carbone neutre » étant donné que le carbone relâché à l’atmosphère est le carbone qui a été stocké tout au long du processus de croissance de la biomasse forestière.

Étant donné la précarité financière de certaines communautés dédiées exclusivement dans les activités reliées à l’exploitation forestière et la transformation primaire des bois, l’émergence de l’utilisation de la biomasse forestière à plus grande échelle est éminente. À cet égard, quelques projets expérimentaux sont en cours d’essai et présentent des perspectives intéressantes pour les communautés forestières du Québec.

À titre d’exemple, deux projets sont actuellement en cours d’évaluation dans les municipalités d’Amqui, située dans la vallée de la Matapédia en Gaspésie et de Mont- Carmel dans la région du Bas-Saint-Laurent. En ce qui concerne la ville d’Amqui, le chauffage du Centre hospitalier à partir de la biomasse forestière permettrait des économies annuelles de 88 000 $. Cette somme inclut même les coûts relatifs à l’amortissement relié à l’achat de la chaudière au bois. Par ailleurs, la ville d’Amqui, par l’entremise de la Coopérative forestière de la Matapédia, a même des visées pour transférer à la biomasse forestière l’ensemble du système de chauffage de la municipalité d’Amqui, ce qui inclurait

la salle communautaire, l’Hôtel de Ville, la bibliothèque et le garage municipal (Baribeault, 2007).

À plus long terme, la production d’éthanol cellulosique à partir de la biomasse forestière représente une possibilité intéressante pour le portefeuille énergétique québécois et pour les communautés forestières, surtout que la volonté gouvernementale semble aller dans ce sens. En effet, le Plan d'action 2006-2012 de lutte contre les changements climatiques adoptée par le gouvernement du Québec prévoit que l'essence vendue au Québec devra comporter un minimum de 5 % d'éthanol d'ici 2012. Les visées en matière de production d’éthanol à plus grande échelle ont d’ailleurs été explicitement mentionnées par la ministre du Développement Durable, de l’Environnement et des Parcs (MDDEP) du Québec récemment au cours de l’été 2007. En fait, la ministre a l’intention de rendre la production d’éthanol cellulosique exclusive à la biomasse non agricole (Beauchamp, 2007) étant donné le faible rapport énergétique de la production d’éthanol à partir de biomasse agricole. À ce égard, il est à noter que l’éthanol cellulosique produit à partir de biomasse forestière génère sept fois plus d’énergie qu’à partir de la biomasse en provenance du maïs (Van Heinigen, 2007). En sus, la production d’éthanol cellulosique à partir de biomasse forestière ne change pas la vocation première des superficies cultivables, c’est-à-dire nourrir la population.

De plus, la création récente de la Chaire de recherche industrielle sur l’éthanol cellulosique à l’Université de Sherbrooke permettra de renforcer les efforts consentis dans ce domaine d’activités. Financée par le MRNF et cinq industriels importants Kruger, Ultramar, Éthanol Greenfield, CRB et Enerkem Technologies), cette chaire de recherche sera dirigée par le professeur Esteban Chornet de la Faculté de Génie chimique de l’Université de Sherbrooke.

À cet égard, deux usines pilotes seront prochainement construites par Enerkem Technologies dans la région de l’Estrie (Bromptonville et Westburry), ce qui permettra de construire la première usine de niveau industriel au monde à produire de l'éthanol à partir

de matières de base non homogènes et peu coûteuses (résidus forestiers, déchets domestiques et résidus agricoles) (Enerkem, 2007).

De plus, le professeur Chornet tient à ce que le développement de cette filière profite à l’ensemble des régions forestières du Québec (Renaud, 2007).

« Aux États-Unis, il est question d'implanter des usines gigantesques qui nécessitent des quantités phénoménales de bois, ce qui est problématique au niveau du transport et de la pollution qu'il génère. Nous proposons plutôt des usines à plus petite échelle. Celles-ci traiteraient de 100 000 à 200 000 tonnes par année. Ainsi, il pourrait y avoir une usine par région qui s'approvisionnerait dans un rayon de 70 à 80 km en demeurant autosuffisante. Si notre démonstration est concluante, on sera en affaires!» (Chornet dans Renaud, 2007)

À titre d’exemple, la biomasse forestière comble actuellement seulement 10 % des besoins énergétiques du Québec comparativement à près de 20 % pour certains pays scandinaves (Baribeault, 2007). Or, afin que les milieux soient en mesure de se lancer dans ce domaine d’activités, il est impératif que les différents intervenants des communautés forestières puisse avoir accès à la forêt publique afin de produire et récolter de la biomasse forestière. À cet égard, les sources d’approvisionnement les plus accessibles sont les résidus forestiers d’anciens parterres de coupe et les superficies forestières ravagées par les feux de forêts. De plus, la mise en production de plantations énergétiques à base de saules et de peupliers sur des superficies forestières spécialement dédiés à cette vocation est également en émergence. Toutefois, ces expériences ont été réalisées jusqu’à maintenant seulement sur des terres agricoles privées. Or, afin de diversifier les bases économiques des milieux forestiers et de réduire la dépendance de la société québécoise par rapport aux combustibles fossiles, les différentes communautés forestières doivent avoir accès au territoire afin de satisfaire leurs propres besoins en énergie et fournir les besoins futurs de l’industrie de la bioénergie.