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monarchie au Grand siècle ?

Section 1 Des alliances matrimoniales stratégiques pour Jacques Michau et ses enfants

I/ L’union Michau-Raisin ou l’alliance avec le petit monde du Parlement de Bretagne

En 1647, Jacques Michau épousa Jacquemine Raisin, fille de René Raisin et Saincte Avril. Baptisée le 25 septembre 1630103, Jacquemine avait alors 17 ans lorsqu’elle prit pour époux Jacques Michau de Montaran.

Les familles Raisin et Avril appartenaient au petit monde de la basoche du Parlement. René Raisin était huissier en la cour du Parlement de Bretagne. Son beau- père, Fleury Avril dit sieur de l’Estillé (ou Estillais), était concierge de la cour du même Parlement. De l’union entre René Raisin et Saincte Avril104 naquirent au moins cinq enfants. Jacquemine Raisin eut deux sœurs Jeanne-Renée (baptisée en 1629)105 et Françoise (baptisée le 21 décembre 1634)106 et deux frères, Gilles (baptisé le 6 septembre 1631)107 et Jullien (baptisé en décembre 1632)108. Les registres paroissiaux de la paroisse Saint-Pierre-en-Saint-Georges à Rennes fournissent de précieux renseignements sur l’univers des deux familles à travers l’identité des parrains et des marraines des enfants des familles pour la période 1611-1668, soit les choix réalisés par ces deux familles sur un demi-siècle, leur stabilité dans l’espace urbain permettant de les suivre.

103

A.M.R., GGstPS1, paroisse Saint- Pierre- en- Saint- Georges, registre des baptêmes, (février 1575-avril 1668), folio 239.

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A.M.R., GGStPS12, Paroisse Saint- Pierre- en- saint- Georges, registre des mariages (12 août 1624- 17 avril 1668), folio 17 (verso) : Mariage Raisin- Avril, le 24 avril 1628. En présence de Fleury Avril, sieur de l’Estillé et conseiller en la cour du Parlement, noble bourgeois de cette ville et de Jacquemine Le Roux sa compagne, père et mère de Saincte Avril.

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A.M.R., GGstPS1, paroisse Saint- Pierre- en- Saint- Georges, registre des baptêmes, (février 1575-avril 1668), folio 230.

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A.M.R., GGstPS1, paroisse Saint- Pierre- en- Saint- Georges, registre des baptêmes, (février 1575-avril 1668), folio 283.

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A.M.R., GGstPS1, paroisse Saint- Pierre- en- Saint- Georges, registre des baptêmes, (février 1575-avril 1668), folio 249.

108

A.M.R., GGstPS1, paroisse Saint- Pierre- en- Saint- Georges, registre des baptêmes, (février 1575-avril 1668), folio 260.

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Outre les membres de la famille (Fleury Avril, Jacquemine Le Roux, respectivement père et mère de Saincte Avril, Jacquemine Avril, Allain Avril), on rencontra dans les registres Gilles de Racinoux, « maistre et conseiller du roi en sa chancellerie de ce pays et greffier des États du pays »109, Jullien Henry, « sieur de Cozineur, avocat en la cour et parlement de Bretagne »110, Jean Gardin, qualifié d’ « honorable homme », «l’un des nobles bourgeois de la ville de Rennes »111, sieur de la Glétière112 qui avait épousé une dénommée Jacquemine Avril le 8 juin 1632 en présence de Fleury Avril, René Raisin et leurs épouses113. Jean Gardin était un banquier rennais d’origine marchande qui n’appartenait pas à l’élite rennaise : il était représentatif du portrait-type des marchands qui se dirigeaient vers le commerce de l’argent. Selon Gauthier Aubert, il appartenait au monde des négociants aux réussites « lentes et douloureuses »114.

La succession de René Raisin, enregistrée le 11 septembre 1674 révéla une fortune modeste constituée pour l’essentiel de deux maisons, l’une située rue du Puits Mesnil, sur une artère très fréquentée de la ville conduisant d’ouest en est, de la cathédrale au Parlement et l’autre, située rue de la Parcheminerie, dans la ville haute. Le montant total des biens correspondait à 810 livres de rente annuelle. Quant à Fleury Avril, ses fonctions de concierge des gardes du Palais le mettaient en relation avec le commerce des vins et des boissons : comme le signala un arrêt du Parlement de Rennes en date du 16e jour de janvier 1627, Fleury Avril obtint l’expulsion de Pierre Hay afin de pouvoir occuper le logis neuf du Palais afin « qu’il en puisse accéder et demeurer pour en faire

109

A.M.R., GGstPS1, paroisse Saint- Pierre- en- Saint- Georges, registre des baptêmes, (février 1575-avril 1668), folio 249 : Gilles de Racinoux est le parrain de Gilles Raisin.

110

A.M.R., GGstPS1, paroisse Saint- Pierre- en- Saint- Georges, registre des baptêmes, (février 1575-avril 1668), folio 260 : Julien Henry était le parrain de Jullien Raisin.

111

A.M.R., GGstPS1, paroisse saint- Pierre- en- Saint- Georges, registre des baptêmes, (février 1575-avril 1668), folio 424. Ce fut sous cette identité que Jean Gardin fut nommé dans l’acte de baptême en date du 26 avril 1656 de François de la Vigne, fils de Gilles de la Vigne.

112

A.M.R., GGstPS1, paroisse Saint- Pierre- en- Saint- Georges, registre des baptêmes, (février 1575-avril 1668), folio 239 (pagination internet 245). Jean Gardin était le parrain de Jacquemine Raisin.

113

A.M.R., GGstPS12, paroisse Saint- Pierre- en- Saint- Georges, registre des mariages (12 août 1624- 17 avril 1668), folio 37(verso).

114

Gauthier AUBERT, Une capitale provinciale au miroir de ses riches : Rennes dans les

années 1620 ou la naissance d’une ville parlementaire, article de 19 pages aimablement fourni

par l’auteur. Yves BRETON, La famille Gardin en Bretagne XVII-XXe siècle, Mayenne ERO,

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ses provizions de vin et des boissons et aultres choses requises et nécessaires pour le besoin (?) de ladite cour »115.

La présence de Jean Gardin ou encore celle de Gilles de Racinoux témoignait de liens avec le monde de la finance qui pouvaient offrir à Jacques Michau de Montaran des opportunités. Par ses relations avec les États et sa fonction de greffier, Gilles de Racinoux pouvait être un informateur précieux sur les fermes et les enchérisseurs potentiels par exemple. Quant à Jean Gardin, les activités de banquier pouvaient le mettre en relation avec Jacques Michau qui exerçait la même profession sur la place de Rennes. Jacques Michau fut d’ailleurs le parrain de Jacques Duchesne dont la marraine était Jacquemine Avril, l’épouse de Jean Gardin116. À la fin du XVIIe siècle, des descendants de ces Avril et Gardin occupèrent les postes, l’un de procureur-syndic de la ville de Rennes, Charles Avril des Plantes (1692-93) et de maire-syndic pour Pierre Gardin de la Gerberie (1693-1695) : ils exerçaient le métier de banquiers sur la place rennaise.117.

De l’union entre Jacques Michau et Jacquemine Raisin naquirent trois filles : Jacquemine, Jeanne-Renée118 et Marguerite119. Toutefois, les différents papiers de famille ne font mention que de deux survivantes, Jacquemine et Jeanne-Renée. Leurs alliances sont intéressantes car elles nous conduisent au cœur de la finance. Jacquemine épousa, à Rennes, Claude Revol le 22 janvier 1670120 et Jeanne-Renée épousa, à Bruz,

115

A.M.R., FF 434 (1576-1655), Extrait des registres du Parlement de Bretagne de l’année 1627.

116

A.D.35, Registre paroissial des baptêmes de Bruz (1633-1674), folio 259. Baptême en date du 14 mai 1665.

117

Avril Des Plantes et Gardin furent concernés par les révoltes de 1675 à Rennes, cité par Yvon GARLAN et Claude NIERES, Les révoltes bretonnes de 1675. Papier timbré et bonnets rouges, Editions sociales, 1975, p. 39. Les historiens s’appuyèrent sur le Journal de René Cormier, sieur de la Courneuve.

118

A.D. 29, 1 MI, EC, 184 n°2 : registre, baptêmes, mariages, Paroisse saint- Mélaine de Morlaix en date du 3 juillet 1653. Jeanne-Renée est née le 28 mai 1653.

119

A.D. 29, 1 MI, EC, 184 N°2 : registre, baptêmes, mariages, Paroisse saint- Mélaine de Morlaix en date du 4 janvier 1657.

120

127

Nicolas Ballet le 20 mai 1677121. Jacques Michau dota ses filles de dot très convenables : 25 000 livres chacune122.

Claude Revol fut l’un des sept prête-noms recensés par Daniel Dessert qui firent une carrière de financier « honorable sinon éclatante »123 pour la période 1653-1720. Fils d’un sergent du Dauphiné, Claude Revol vint dans la capitale et se mit au service du fermier général, Adrien Bence : un bail de la ferme générale des aides portait son nom pour la période courant du 1er janvier 1660 au 30 septembre 1662124. Il côtoya alors les plus grands financiers du règne de Louis XIV car Adrien Bence était apparenté, entre autres, aux frères Gruyn et à François Jacquier. Secrétaire du roi audiencier en la chancellerie du Parlement de Metz, Claude Revol devint receveur général du taillon en Bretagne125. Selon Daniel Dessert, il entra alors en contact avec Jacques Michau de Montaran. Toutefois, il est aussi possible d’émettre l’hypothèse (à vérifier) que son intérêt pour les aides l’amena à s’intéresser aux impôts et billots126 qui relevaient depuis 1618 de la ferme générale127. Claude Revol présentait un intérêt supplémentaire : par ses relations familiales, Claude Revol appartenait à l’entourage des Pontchartrain. La famille Revol avait noué des liens anciens avec les Pontchartrain dont Louis de Revol avait favorisé l’ascension à la fin du XVIe siècle128. Cette relation ancienne était-elle dans la mémoire des acteurs ? Impossible de le dire. Lorsque Louis de Pontchartrain

121

A.D.35, Registre paroissial de Bruz, (5MI 49 R 1193), Registre des mariages en date du 20 mai 1677. Nicolas Ballet avait 32 ans et Jeanne- Renée, 24 ans. L’union eut lieu en la Chapelle des Loges, propriété de la famille.

122

A.D. 35, 4 E 695 Gohier notaire : donation mutuelle Michau- Le Gouverneur. 123

Daniel DESSERT, Ibid., p. 75. 124

Daniel DESSERT, Ibid., p. 451. 125

Le taillon était le supplément à la taille institué par Henri II en 1549. Il se levait par addition au principal de la taille.

126

A.D. 29, Série C 64, Estat nouveau des fermes unies et sous-fermes d’aydes avec toutes les

diminutions du 1er may 1685. Le registre porte mention que Claude REVOL fut intéressé dans

les impôts et billots de Bretagne en 1680 et dans la ferme du papier timbré et du parchemin. 127

Françoise BAYARD évoque le rattachement des impôts et billots de Bretagne à la ferme des aides en 1618 dans le cadre de la concentration progressive des fermes. Cf. F. BAYARD, Le

monde des financiers au XVIIe siècle, p.137.

128

Originaire du Dauphiné, Claude Revol était apparenté à Louis de Revol, secrétaire d’État aux affaires étrangères sous Henri III et Henri IV. C’est Louis de Revol qui fit entrer Paul de Pontchartrain dans l’appareil d’État, permettant à cette famille originaire de Blois d’accéder à la clientèle du roi. Cf. Charles FROSTIN, Ibid., page 49 et suivantes.

128

devint premier président du Parlement de Bretagne, en 1677, il pouvait donc trouver appui sur de vieilles connaissances129.

Quant à Nicolas Ballet, il était, par sa mère, Jeanne Ferret, le neveu de Barthélémy Ferret, l’associé de Jacques Michau130. La famille Ballet était originaire de Lyon131. Nous disposons à ce jour de peu de renseignements sur la famille Ballet à l’exception de quelques indications portées par Jean Meyer dans son ouvrage consacré à l’armement nantais au XVIIIe siècle : Nicolas Ballet est décrit comme un « commerçant banquier nantais »132, ce que confirme l’acte de mariage de 1677 et apparenté aux Ferret et Mellier133. Nicolas Ballet était « intéressé dans la ferme des États de la province de Bretagne depuis 1668 »134. Ces fonctions de banquier le conduisaient à côtoyer Charles

de Sévigné135.

129

Je nuancerais donc l’affirmation de Sarah Chapman qui affirme que Pontchartrain se constitua ex-nihilo son réseau en Bretagne (Sarah CHAPMAN, Ibid., p. 32). Est-si sûr ? L’historienne souligna que les sources sur la période de Pontchartrain en Bretagne sont peu nombreuses.

130

A.D.35, Registres paroissiaux de Bruz (5 MI 49 R 1193), mariage de Nicolas Ballet et Jeanne-Renée Michau le jeudi 20 mai 1677. Le mariage se déroule en la présence de Barthélémy Ferret, oncle maternel de l’époux.

131

Dominique LE PAGE, « Gérard Mellier (1674-1729), portrait d’un ambitieux ou Mellier avant Mellier », in Gérard Mellier, maire de Nantes et subdélégué de l’intendant de Bretagne

(1709-1729) : l’entrée de Nantes dans la modernité, Société archéologique et historique de

nantes et de la Loire-Atlantique, 2010, n° HS, p. 40-41. Philippe JARNOUX, in « Offices,

pouvoir et mobilité sociale… », p. 126. Quant à Philippe Jarnoux, il établit des liens entre les

Ballet et Saint-Malo. 132

Jean MEYER, L’armement nantais dans la deuxième moitié du XVIIIe siècle, 1969, p.190

note 3. Jean MEYER écrit Balle et non Ballet mais il s’agit bien du même homme. 133

Nicolas Ballet était l’oncle de Gérard Mellier. (Ce dernier fut trésorier de France et général des finances et élu maire de Nantes en 1720).

134

A.D. 44, Fonds Freslon, Paroisse Sainte- Radegonde, baptême de Jeanne Ballet le 5 mai 1678 à Nantes. Dominique LE PAGE, « Gérard Mellier …. », p.41.

135

Henri de BERRANGER, « Un homme d’affaires nantais au XVIIIe siècle : François Bertrand de Coeuvres (1730-An VI) », MSHAB, 1954, N° 34, p. 91 à 99. Avec les Bert(h)rand de Coeuvres, il est intéressant de voir réapparaître la ville d’Orléans, dont serait originaire Bert(h)rand bien que l’auteur s’empresse d’ajouter « selon une tradition que nous n’avons pu vérifier » (p. 91).

129

II/ L’union Michau-Le Gouverneur : l’alliance avec le monde des marchands

Le 29 mai 1664, veuf de Jacquemine Raisin, Jacques Michau épousa Marie Le Gouverneur, âgée de 19 ans. Cette dernière alliance fut manifestement stratégique : les Le Gouverneur étaient des marchands possessionnés à Saint-Malo et à Morlaix136. Marie Le Gouverneur était la fille de Bertrand Le Gouverneur (décédé à la date du mariage) et de Gillette Du Gratz137. Lors de l’établissement du contrat de mariage, Marie Le Gouverneur fut assistée de ses trois frères, Jean Le Gouverneur, sieur de Chef du Bois138, François, sieur de la Jaussaye et Jean-Claude, sieur du Bief. La titulature « sieur de » était fréquente : marchands et les officiers de Bretagne faisaient l’acquisition de « sieurie » c'est-à-dire de domaines pouvant être assimilés à une seigneurie mais sans droit de justice139. Cette possession traduisait l’appartenance incontestable à la bourgeoisie tout en donnant « un petit air » de noblesse. L’acte de partage des parents Le Gouverneur précisait que l’héritage se composait de biens nobles et roturiers. Toutefois, les prétentions nobles des Le Gouverneur furent annihilées lors de la grande réformation de la noblesse de 1666 puisqu’un certain François Le Gouverneur, sieur de la Jaussaye – manoir dont hérita Marie Le Gouverneur - fut déchu de sa noblesse140.

De cette union naquirent, à Rennes, plusieurs enfants141 : Françoise-Marie le 30 mars 1665142, Orianne le 5 juin 1666143, Marie en juin 1667144, Magdeleine le 7 janvier

136

A.D. 35, 4E 666, Gohier notaire : Acte de partage des enfants Le Gouverneur en date du 18 septembre 1668.

137

A.D. 33, série 10 J, 10 J 225 : Succession de Jacques de Montaran, trésorier des États de Bretagne (contrats de mariage, comptes, pièces diverses relatives à ses descendants, 1664- 1761). A la date du mariage, Bertrand le Gouverneur est décédé mais sa mère Gillette du Gratz vivante. Bertrand Le gouverneur fut maire de Morlaix en 1644 (Joseph DAUMESNIL et Adolphe ALLIER, Ibid., p. 55) et gouverneur du Fort Taureau en 1646 (Joseph DAUMESNIL et Adolphe ALLIER, Ibid., p.171).

138

Jean Le Gouverneur fut maire de Morlaix en 1675, jurat de la ville en 1679-1680, 1683- 1684, 1687-1688 (Joseph DAUMESNIL et Adolphe ALLIER, Ibid., p. 56-57)

139

Alain CROIX, L’âge d’or de la Bretagne, p. 234. Alain Croix précise que certains sieurs de étaient des nobles.

140

Serge CHASSAGNE, Ibid., p. 301. 141

Ce sont les naissances qui ont été trouvées dans les actes paroissiaux. Mais il est possible que d’autres nous aient échappé.

142

A.M.R., GGST JE 4, paroisse Saint Jean, baptêmes, (1636-1668), folio 225. 143

A.M.R., GGST JE 4, paroisse Saint Jean, baptêmes, (1636-1668), folio 247. Il est intéressant de retrouver le prénom d’Orianne (emprunté à la grand-mère de l’enfant).

130

1671145, Maurille le 8 décembre 1672146, Michel le 6 février 1674147. Seul Jean-Jacques naquit à Bruz le 4 septembre 1668. Parmi les parrains, se trouvaient un conseiller au Parlement, Claude Le Jacobin de Keramprat, un conseiller du roi en ses conseils- grande Chambre du Parlement de Bretagne, Maurille de Prefand, seigneur de Condat, un commissaire ordinaire des guerres, Michel Prévost de Bourgneuf. Parmi les marraines, on retrouvait les familles Michau, Ferret-Truillot et Valeilles. Françoise Truillot148 était l’épouse de Barthélémy Ferret, conseiller du roi, trésorier privé et des gages de membres du Parlement et Marguerite Bailly, l’épouse de François de Valeilles, conseiller du roi, auditeur en ses conseils.

De l’alliance entre Jacques Michau et Marie Le Gouverneur, quatre enfants survécurent : Françoise, Jean-Jacques, Maurille et Michel. Deux d’entre eux –Françoise et Jean-Jacques149- conclurent des alliances majeures pour la famille car « si obtenir une charge [était] à la portée du premier enrichi venu »150, s’allier à la grande noblesse 144

A.D.35, Registre paroissial des baptêmes de Bruz, année 1667, folio 277 : le registre porte mention de Marie Michau qui avait déjà reçu les sacrements en juin 1667 à Rennes et qui est à nouveau portée sur le registre de Bruz au mois d’août de la même année.

Dans l’ouvrage consacré à l’armement nantais au XVIIIe siècle, Jean Meyer établit une parenté entre Jacques Michau de Montaran et la famille Bert(h)rand de Coeuvres. Meyer dit que Marie Michau serait la fille de Jacques Michau de Montaran, « née à Bruz le 10 juin 1667 ». Elle « appartient à l’une des plus grandes familles de la finance provinciale, les Michau de Montaran », (p.190). « Sa propre mère était née Le Gouverneur- autre famille de financiers efficaces, à défaut d’être célèbres ». Toutefois, une incohérence chronologique transparaît dans le texte de Jean Meyer car Nicolas Bert(h)rand de Coeuvres aurait épousé une Marie Michau par contrat passé le 1 mai 1645 devant Michel Devilleneuve, notaire à Orléans. Par ailleurs, le tableau généalogique de Michau de Montaran considère Jeanne-Renée Michau comme la fille de Jacques Michau et de Marie- Le Gouverneur alors qu’elle est issue de son mariage avec Jacquemine Raisin (Cf. Meyer, p. 370). Il semble donc que Jean Meyer ait commis une erreur. Que dire de cette Marie Michau ? et d’Orianne ? Enfants de santé fragile ? Probablement puisque les papiers de famille lors des successions ne font plus mention de ces deux filles probablement décédées en bas âge.

145

A.D.35, Registre paroissial de Bruz, baptême de Magdeleine Michau le 21 août 1672, folio 336. L’acte précise qu’elle est née le 7 janvier 1671). Sa marraine est Magdeleine Michau, probablement la sœur de Jacques Michau née le 17 mars 1642 et qualifiée d’épouse de Monsieur Fyot de la Briantais, appartenant à une famille de parlementaires dijonnais, dont une branche bretonne fournit un receveur des finances en 1589, puis un trésorier des finances en 1617. Une famille qui était alliée à Raoul de la Guibourgère, aux Catelan… (POTIER de COURCY, Nobiliaire et Armorial de Bretagne, volume 1, p. 332)

146

A.M.R., GGST JE5 : Baptêmes, mariages, sépultures (1668-1674), folio 20. 147

A.M.R., GGST JE5 : Baptêmes, mariages, sépultures (1668-1674), folio 73. 148

Françoise Truillot était connue de la marquise de Sévigné qui la cita nommément dans l’une de ses lettres (lettre n° 978, lettre de madame de Sévigné à la marquise de Grignan le 20 septembre 1687, in Madame de Sévigné, Correspondance, volume 3, p. 316).

149

Jean-Jacques sera étudié séparément. 150

131

n’allait pas de soi : dès lors, il convenait d’en payer le prix. Françoise Michau épousa René Le Prestre de Lézonnet : le contrat de mariage en date du 26 mai 1683, devant Bretin notaire à Rennes, fut conclu moyennant une dot de 100 000 livres tournois. Cette somme comparée à la dot des 59 contrats de mariage de fille de financiers étudiés par Daniel Dessert pour la seconde moitié du XVIIe siècle met en évidence la richesse relativement modeste de Jacques Michau de Montaran comparée aux plus grandes familles de financiers du moment : en effet, un tel montant plaçait cette dot dans les 52,52 % de dots inférieures à 199 000 livres. Plus précisément, 15% des dots des filles de financiers recensées étaient inférieures à 99 000 livres et 37,28% entre 100 000 et 199 000 livres : Françoise-Michau était donc dans la tranche inférieure de ce groupe151. En revanche, au sein de la province de Bretagne, un tel montant plaçait les Michau de Montaran au sein de l’élite provinciale.

L’union Michau de Montaran-Le Prestre de Lézonnet scella une alliance avec l’une avec l’une des plus vieilles familles bretonnes dont la noblesse était ancienne puisque leurs preuves de noblesse remontaient à 1427152. René Le Prestre de Lézonnet occupa à partir de 1699 la charge de président à mortier du Parlement de Bretagne, ce qui permit alors aux Michau de Montaran de renforcer leur présence au sein du Parlement dans lequel, Maurille, le deuxième fils de Jacques Michau, fit son entrée en 1697 après avoir été titulaire d’une charge de conseiller au Grand Conseil de 1695 à 1697. Ce fut en Bretagne que Maurille de Ruberzo153 s’établit : il succéda à René Le Prestre de Lézonnet comme sénéchal du Présidial de Rennes, poste qu’il occupa de 1700 à 1732. Il construisit un imposant hôtel, expression du « goût des sénéchaux de la ville pour les belles demeures »154. Enfin, Michel155, capitaine au Régiment des Gardes

151

47,43 % des dots enregistrées à la même période sont supérieures à 200 000 livres soit le