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Chapitre 2 - Quelle organisation collective pour le manuscrit ?

2. Activer des liens pour la rédaction. La formation d’une équipe de signataires

2.1. Des étudiants qu’il faut attirer, intéresser, impliquer

Selon le rapport d’activité, le laboratoire a fait soutenir une soixantaine de thèses entre 2005 et 2008. Toutes les équipes ne se les répartissent pas de manière équivalente : certains ont fait soutenir près d’une dizaine de thèses durant les quatre années (par exemple, les groupes de Yves, Henri ou Alexandre) quand d’autres en sont très loin puisqu’ils n’en ont fait soutenir, soit aucune (un groupe, celui de Gilbert), soit une ou deux seulement (les groupes de Frédéric, Thierry, Philippe, Stéphane et Elisabeth). Fort logiquement, les groupes les plus récents, c'est-à-dire datant de la restructuration des équipes en 2005 ont tendance à en avoir moins que les groupes déjà anciens. Mais ce n’est pas systématique et on trouve des groupes récents qui font soutenir de nombreuses thèses alors que d’autres ne "décollent" pas. Il y a effectivement les financements de thèses qui sont décisifs et certains groupes en bénéficient largement (sous forme de CIFRE ou autres) alors que d’autres n’en ont pas et ne peuvent espérer que des allocations du ministère. Concernant l’attribution de celles-ci, le principe au laboratoire semble simple : la répartition se fait par groupe (une allocation tous les deux ou trois ans) puis, à l’intérieur du groupe, par permanent. Mais, comme le souligne Marie, si vous êtes 5 permanents et qu’il y a une bourse

La présence de doctorants engage des recherches sur du temps assez long (en moyenne trois ans en chimie) et l’institution est mobilisée pour réguler la répartition. Cependant, malgré toutes les règles administratives qui prétendent cadrer ces affectations de doctorants (que beaucoup d’interviewés ont évoqué sans m’en donner les détails précis), le choix semble quand même encore laissé à l’étudiant. Ainsi Ronan qui n’est pas chef de groupe raconte avec une bonne dose de fierté que, cette année-là en 2002, l’étudiant arrivé 1er en DEA a choisi de travailler avec lui. Philippe a connu la même expérience avec un ATER de l’université qui devait faire un semestre de recherche. Ce qui semble avoir changé avec le temps dans ce laboratoire est le spectre des choix de l’étudiant et non le fait que l’étudiant choisisse, en définitive, son affectation dans un groupe et une spécialité. Dans les années 1970, on optait, comme le rappelle Claude à partir de sa propre expérience, pour la chimie organique ou la chimie de coordination. Eric raconte, également à partir de son cas particulier, que la pratique au début des années 1990 était de faire la tournée des groupes dans les laboratoires et de choisir son affectation en fonction des sujets qui étaient présentés à des petits groupes d’étudiants venus en prendre connaissance. Pour Eric, cette présentation a été déterminante : il se trouve que le sujet qui m'avait été présenté m'avait

vraiment plu. Je trouvais ça assez excitant et donc je m'étais présenté. A présent, les allocations sont fléchées (un laboratoire, un groupe, un permanent, un sujet) mais l’étudiant (tel celui qu’évoquait Ronan plus haut) choisit quand même son affectation.

Dans le sens inverse, on peut citer les expériences de Serge et Gilbert avec des étudiants de DEA qui finalement ne s’inscrivent pas en thèse avec eux mais avec un collègue d’un autre groupe. J’ai déjà évoqué l’histoire de Gilbert qui n’a pas détaillé les circonstances du départ de son étudiant de DEA. Pour Serge, l’explication tient dans le fait que l’étudiant a pensé que son sujet était trop risqué. Il avait en effet rencontré des difficultés pour obtenir des résultats satisfaisants lors de son DEA et le chef de groupe ayant lui-même exprimé quelques doutes (alors que Serge était plus confiant parce que plus familiarisé avec ce type de produit), l’étudiant n’a pas voulu

rester. C’est donc bien une perception du sujet et une projection dans la réussite de sa thèse qui sont à l’origine du choix de cet étudiant. Marie l’exprime bien quand elle raconte l’accueil qu’elle a réservé à l’étudiant venu faire sa thèse avec elle : De toute façon, quand il est venu sur

le sujet, je lui ai dit voilà, il y aura tel obstacle, je l'ai averti de tous les problèmes, des évolutions aussi qu'il risquait d'y avoir parce qu'en fait notre groupe a évolué avant que la thèse ait pu réellement finir…

Evidement certaines fois, le départ d’un étudiant est complètement lié au manque de financement, telle l’étudiante de Frédéric qui est allée faire une thèse dans un autre laboratoire parce qu'elle n'avait pas de bourse. Il vitupère contre le manque de doctorants dans son équipe. Il ne se compare pas directement à ses collègues des autres groupes du laboratoire mais à son « alter ego » suisse qui « a la possibilité d'avoir une dizaine de thésards. Moi si j'ai un thésard

modèle américain qui consiste selon lui en un professeur permanent et une équipe de doctorants (ou post-doctorants), le professeur travaillant sa chimie sur la base du travail des étudiants et jeunes chercheurs : il n’y a pas véritablement d’échanges scientifiques… Nous, on est quatre (lui, deux doctorants et un MCF), on discute toujours à quatre, la discussion qu'on peut avoir à

quatre n'est pas comparable à la discussion que pourrait avoir un prof. aux États-Unis avec son étudiant. On trouve la même relation privilégiée entre Marie et son doctorant : on a travaillé

beaucoup beaucoup en synthèse avec Jérôme. Certains disent que c'est du maternage mais d'un autre côté, je crois qu'il a appris à se débrouiller en électrochimie […] Ensuite il a été formé à la mesure optique […] grâce à ses démarches auprès d’autres spécialistes. De même, Philippe a suivi la trajectoire de son ex-doctorante, il a des nouvelles d’elle régulièrement, même si celle-ci a bifurquée dans un tout autre domaine.

En réalité, la taille réduite du groupe occasionne bien naturellement des relations plus personnelles entre les chercheurs et les doctorants. Les permanents interrogés ont plus souvent suivi leur trajectoire et savent mieux dire où ils se trouvent à présent.

Dans les équipes plus fournies en doctorants, la proximité est moindre. On nomme moins souvent les doctorants, on ne connaît leur carrière que si elle est académique et on les compte beaucoup : j’ai 5 étudiants en thèse actuellement et celui-là est mon 11ème, précise Adrien. Nous,

nous sommes douze et 20 en comptant les doctorants, précise Yves en comparant avec une autre équipe d’une ville voisine. Certains des groupes du laboratoire attirent plus d’étudiants. Parce qu’il y a des financements spécifiques que les équipes décrochent mais aussi, comme le dit Vincent en parlant de la nanochimie : les étudiants aiment bien venir faire des thèses dans ce

domaine. Cela s’amplifie, c’est même dur à contrôler…

On a beaucoup parlé, à juste titre parfois, de l’exploitation de certains doctorants par des équipes, affirmant qu’ils font tout le travail dont profitent les permanents. On connaît moins toute l’énergie devant être déployée par le chercheur (chef ou pas chef de groupe) pour qu’un doctorant finisse par cosigner une publication : il faut (plus ou moins directement) l’attirer avec un sujet, ne pas le rebuter avec ce même sujet au bout d’un moment ; il faut aussi que l’étudiant arrive au bon moment (au moment où le groupe et le permanent en question a un financement) ; il faut que tout se déroule comme prévu sur le plan personnel52, comme scientifique53 ; enfin, et cela rejoint la première condition, il est préférable (du point de vue du permanent) d’être dans une thématique qui attire les étudiants54.

52 Evoquons le cas de Sandrine dont la publication a été retardée d’un an parce que la doctorante de sa collaboratrice étaient en congé maternité.

53 Alexandre reconnaît que son doctorant a tardé à publier parce que le sujet était « à défricher ».

54

Concernant ce dernier point, les thématiques qui attirent sont changeantes. Claude me dit qu’il y a 40 ans quand il faisait son DEA, la chimie de coordination, ce n’était pas très coquet, c'était juste à ses balbutiements... Les

étudiants s'orientaient tous vers la chimie organique, ce qui fait qu'il y avait des possibilités. Ce fut par contre une opportunité pour lui, comme il le raconte : je suis rentré chez [ce professeur] parce que d'entrée j'ai eu un contact

2.2. Des (bonnes) relations avec les techniciens et ingénieurs (disponibles)